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Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 138 , 143, 144) |
N° I-1247 24 novembre 2025 |
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En attente de recevabilité financière |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. JADOT, BENARROCHE, Grégory BLANC, DANTEC, DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mmes GUHL et de MARCO, M. MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL ARTICLE 16 |
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I. – Après l’alinéa 16
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
A bis. – Après le tableau constituant le deuxième alinéa du C du V de l’article 266 quindecies du code des douanes, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les matières premières relevant des catégories 1 et 2 du tableau du deuxième alinéa du présent C ne peuvent être comptabilisées pour l’application du 1° du 1 du B du présent V que si elles démontrent avoir bénéficié pour leur culture de fertilisants respectant un niveau maximal d’intensité carbone exprimé en tonnes équivalent carbone par tonne équivalent azote, fixé pour chaque année par arrêté du ministre chargé de l’industrie. »
II. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
Le A entre
par les mots :
Le A et le A bis entrent
Objet
La majorité des engrais azotés consommés en France (4Mt) proviennent de pays hors UE, en particulier Russie et Algérie qui le produisent à partir de gaz naturel avec des émissions massives de gaz à effet de serre et un enjeu de sécurité d’approvisionnement compte tenu de l’hostilité de ces deux partenaires. Ce constat est également vrai à l’échelle européenne. Cela pose donc un double problème : notre empreinte climatique mais aussi et surtout notre souveraineté alimentaire et énergétique.
L’Union est structurellement importatrice de tous les types d’engrais (azotés, phosphatés, et potasse), avec 45 % des engrais azotés importés, pour un solde importateur de 3.9Mt/an , ce qui reflète également la situation française. Ces importations massives sont à la fois :
- Un enjeu de dépendance stratégique, puisque l’Union importe encore une large part de ses engrais de partenaires commerciaux hostiles (Russie pour 23.7 % des des importations d’azotés, Algérie pour 11 %). Ces produits ne font pas l’objet de sanctions, s’agissant de la Russie : en pratique leur importation est une manière détournée pour la Russie d’exporter sa production gazière, l’ammoniac en étant un dérivé direct.
- Un enjeu environnemental, puisque cette production est particulièrement émettrice, lorsque l’hydrogène est issu de gaz naturel (ce qui est le cas pour la presque totalité des producteurs, et naturellement la Russie et l’Algérie).
- Un enjeu économique et de compétitivité. La mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF/CBAM) et l’inclusion des azotés dans son champ, et en parallèle la suppression des quotas gratuits dont bénéficiait la production d’engrais intra-européenne, va conduire le prix des engrais azotés au sein du marché intérieur européen à se renchérir notablement dans la prochaine décennie, d’un montant égal à son contenu carbone, multiplié par le prix de la tonne de carbone dans le système de quotas. Appliquer un prix du quota de 50 €/tCO2eq sur la production de cette tonne équivalent azote conduit à un premium carbone de 98 €/tN (+27 %), et un prix de 100 €/tCO2 eq, à un premium carbone de 196 €/tN (+54 %). Ceci va conduire à un renchérissement de la structure de coûts de la production de blé européenne de 3.4–4 €/t pour un quota à 50 €/t, et 6.8–8 €/t pour un quota à 100 €/t, à comparer avec des cours du blé de l’ordre de 200 €/t (env. 175 €/t en 2020), soit de l’ordre de 3-4 % d’augmentation.
Cette augmentation des coûts de production de l’agriculture européenne ne se reflètera pas chez les autres producteurs mondiaux (Amérique, Ukraine, etc.). Elle se traduira donc, sauf à être traitée et anticipée, par une réduction des marges des exploitants.
Il existe une solution pour la France. Celle-ci s’appuierait sur d’une part une production domestique dans les quelques projets pilotes identifiés, portés notamment EDF Hynamics (Ottmarsheim avec Agrofert), tirant parti de la ressource électrique décarbonée française et d’autre part sur une diversification des approvisionnements en important des engrais décarbonés de géographies plus compétitives et fiables, notamment le Maroc, en tant que partenaire stratégique de la France et de l’Union, en veillant à un équilibre entre ces deux composantes.
Le problème central est que les engrais décarbonés sont aujourd’hui 20 % plus chers que les engrais fossiles. Toutefois, vu que l’engrais pèse in fine moins de 1 % de la valeur ajoutée du produit fini (du pain, des biocarburants, etc.), l’impact est quasi nul si on se place au niveau du consommateur final (effet de moins de 0.2 % sur le prix du produit final si l’on basculait à un usage intégral d’engrais décarbonés).
L’enjeu est ainsi d’amorcer une demande d’engrais azotés sur un segment du monde agricole capable de répercuter l’incrément de coût vers l’aval. Le choix le plus naturel serait celui d’un produit sur lequel la demande est pilotée par les autorités publiques. C’est le cas des biocarburants (biodiesel issu de graisses végétales, notamment colza, et bioéthanol issu de sucres végétaux). Aujourd’hui les biocarburants peuvent venir de partout et sans aucun contrôle sur le contenu carbone des engrais utilisés – le droit actuel se limite à une contrainte sur l’absence de déforestation importée, pour pénaliser les productions de biocarburants type huile de palme en Asie du Sud-Est. A l’heure où l’Europe entre dans un accord avec le Mercosur, favoriser les productions les plus vertueuses en termes d’impact carbone, notamment utilisant les fertilisants les plus performants paraît un enjeu important pour protéger nos filières agricoles.
Dans cet objectif le présent amendement propose d’imposer un contenu carbone maximal sur les engrais azotés utilisés dans des cultures pour biocarburants de première génération.
Cette mesure présente l’avantage d’être sans impact Maastrichtien ou sur les finances publiques et n’implique ni hausse des dépenses publiques ni des prélèvements obligatoires (l’obligation d’incorporation repose sur le metteur en marché de carburants mais n’implique pas de coûts pour les finances publiques).
Cet amendement a été travaillé avec Hy24.