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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2026

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 143, 144)

N° I-552

24 novembre 2025


En attente de recevabilité financière

 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  

M. VERZELEN


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 19


Après l’article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. − Le chapitre XX du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :

A. − L’article 302 bis ZL est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « et 302 bis ZH » sont remplacés par les mots : « , 302 bis ZH et 302 bis ZP » ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « et 302 bis ZO » sont remplacés par les mots : « , 302 bis ZO et 302 bis ZP ».

B. − À la première phrase de l’article 302 bis ZM, les mots : « et 302 bis ZO » sont remplacés par les mots : « , 302 bis ZO et 302 bis ZP ».

C. − À la première phrase de l’article 302 bis ZN, les mots : « et 302 bis ZI » sont remplacés par les mots : « , 302 bis ZI et 302 bis ZP ».

D. − Il est complété par un article 302 bis ZP ainsi rédigé :

« Art. 302 bis ZP. − Il est institué un prélèvement sur le produit brut des jeux de casino en ligne.

« Le prélèvement est dû par les opérateurs de jeux titulaires d’un agrément de casino en ligne délivré par l’autorité mentionnée à l’article 34 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.

« Le prélèvement est assis sur le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. Les sommes engagées par les joueurs sont définies comme des sommes misées à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, y compris celles apportées par l’opérateur à titre gracieux.

Les sommes versées ou à reverser aux gagnants sont constituées de l’ensemble des gains en numéraire ou en nature versés ou à reverser aux joueurs à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, à l’exclusion des sommes en numéraire ou en nature attribuées à titre gracieux à certains joueurs dans le cadre d’actions commerciales.

« Le taux du prélèvement est fixé à 27,8 % du produit brut des jeux de casino en ligne. ».

II. − Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par voie d’ordonnance, toutes mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour :

1° Autoriser l’exploitation des jeux de casino en ligne en ouvrant le marché à la concurrence ;

2° Fixer une réglementation spécifique à ces jeux, en renforçant notamment les obligations relatives à la prévention du jeu excessif ou pathologique, aux communications commerciales et aux offres promotionnelles ;

3° Déterminer les jeux autorisés ;

4° Adapter les modalités de régulation de l’Autorité nationale des jeux à ces jeux ainsi que ses pouvoirs visant à lutter contre l’offre illégale de jeux en ligne.

III. − L’ordonnance prévue au II est prise dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Objet

Cet amendement reprend la rédaction déposée par le Gouvernement en première lecture du projet de loi de finances pour 2025 à l’Assemblée nationale. Il avait finalement été retiré avant discussion pour établir une concertation entre l’ensemble des acteurs concernés, concertation qui n’a jamais été menée à son terme.

Il vise à autoriser et à ouvrir à la concurrence, le marché des jeux de casino pratiqués en ligne, en définissant à cet effet le cadre fiscal applicable à ce type de jeux.

Il était ainsi prévu un prélèvement sur le produit brut des jeux (PBJ) de casino en ligne fixé à 27,8 % pour le prélèvement État. En cas d’adoption, il nécessiterait d’être complété d’un amendement dans le cadre du Projet de loi de Financement de la Sécurité sociale 2026 du même niveau (27,8 %) permettant ainsi de taxer les jeux de casino en ligne à 55,6 % du PBJ, c’est-à-dire au même niveau que la catégorie générale des jeux de loterie en ligne.

Cette initiative répond à plusieurs objectifs :

Mettre en cohérence et en conformité la France avec ses voisins européens, puisqu’à ce jour, notre pays est, avec Chypre, le seul pays de l’Union européenne à interdire les jeux de casino en ligne.

Cette interdiction a montré ses limites depuis 15 ans puisque le nombre de joueurs français sur le marché illégal n’a cessé d’augmenter. En 2023, une étude PwC pour l’Autorité nationale des jeux (ANJ) évaluait le nombre de joueurs du marché illégal (principalement porté par le casino en ligne) à environ 4 millions. La mise à jour de cette étude en 2025 fait désormais état de 5,4 millions de joueurs (+35 %) ce qui montre que la situation est hors de contrôle. Sur la même période, le chiffre d’affaire de ce marché clandestin aurait augmenté de 25 % (estimation à 2 milliards d’euros).

Juguler le développement de l’offre illégale en France, car cela devient une urgence. Les jeux sur le marché illégal entrainent des risques en matière de santé publique (addiction des joueurs, jeu des mineurs et des interdits de jeux…), de cybersécurité (vol de données, fraudes bancaires…) et de blanchiment d’argent (aucun suivi des transactions financières).

Protéger les joueurs et la société dans son ensemble. L’étude estime que 82 % des consommateurs d’offre illégale ignorent son caractère illicite, ce qui entraine de nombreux effets négatifs : aucune homologation des jeux utilisés, triche facilitée, non-paiement des gains, protection des mineurs inexistante, sécurité numérique non garantie, vol de données personnelles et bancaires, etc.

La position historique (et isolée) de la France en Europe est en échec.

Récemment, une affaire judiciaire visant un site populaire de casino en ligne illégal visant exclusivement le marché français a mis au jour des chiffres qui donnent la mesure de la situation. En seulement quatre ans, ce site a généré 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires et 350 millions d’euros de bénéfices, rassemblant plusieurs centaines de milliers de joueurs français.

Apporter de nouvelles sources de recettes fiscales et sociales : avec un produit brut des jeux illégal estimé à 2 milliards d’euros par an, on estime que les recettes fiscales issues de la taxation de ce marché s’il était régulé seraient supérieures au milliard d’euros chaque année. Dans le contexte économique et budgétaire auquel fait face notre pays, cette manne ne doit plus être négligée.

Notre pays est confronté à un marché clandestin très structuré et de plus en plus profitable. Sans intervention rapide du législateur pour introduire une régulation en bonne et due forme, les sites illégaux continueront leur développement et finiront par déstabiliser l’offre légale. On note d’ailleurs qu’ils commencent désormais à s’attaquer à l’offre des opérateurs agréés en proposant (là aussi en toute illégalité) des paris sportifs.

Les blocages de sites internet sont une réponse insuffisante. Le marché clandestin a appris à contourner rapidement les blocages et sa clientèle retrouve facilement son offre, d’autant que ces sites illégaux exercent une pression publicitaire importante.

La régulation du casino en ligne ne consiste pas à créer une nouvelle activité de jeux en ligne, puisqu’elle existe déjà, et qu’elle est aux mains d’entreprises criminelles. Il s’agirait plutôt de s’inspirer des autres pays européens qui ont réussi à assécher l’offre illégale en ramenant les joueurs du marché clandestin vers une offre de jeu de casino légalisée, qui soit ainsi contrôlée, maîtrisée et taxée.

Bien sûr, le caractère particulier de cette activité nécessite un encadrement important, qui devra être défini entre les opérateurs potentiels et l’État via notamment l’Autorité nationale des Jeux. C’est pourquoi, il est proposé que la mise en œuvre de cette autorisation soit définie par voie d’ordonnance.