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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2026

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 143, 144)

N° I-582

24 novembre 2025


En attente de recevabilité financière

 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  

Mme ROMAGNY


ARTICLE 5


Alinéas 32 à 38

Supprimer ces alinéas.

 

Objet

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une augmentation très importante de la fiscalité appliquée aux biocarburants français d’origine agricole, le Superéthanol E85 et le B100, respectivement de 380 % et 400 %. Le présent amendement a pour finalité de supprimer cette disposition.

Cette mesure, présentée sans concertation préalable, ne repose sur aucune étude d’impact ni évaluation de ses conséquences économiques, sociales, agricoles, industrielles, environnementales ou stratégiques. Elle est fondée sur des hypothèses techniques discutables, qui ne tiennent pas compte des effets sur le revenu des agriculteurs, sur le prix de l’ensemble des carburants routiers, ni sur la souveraineté énergétique et protéique de la France.

De plus, cette hausse de fiscalité, en supprimant l’incitation économique existante, ramènerait les automobilistes et transporteurs vers des carburants fossiles importés et fortement émetteurs de carbone, au détriment des carburants les plus décarbonés et les plus produits en France. Le Superéthanol E85 comprend jusqu’à 85 % de bioéthanol, dont la France est le premier producteur européen, en utilisant presque exclusivement des matières premières françaises comme le blé, le maïs, la betterave, ainsi que divers résidus agricoles et viniques. Le B100 est quant à lui composé uniquement de biodiesel issu de matières premières nationales telles que le colza. Les biocarburants utilisés en France n’intègrent ni huile de palme ni soja.

Les biocarburants d’origine agricole représentent pourtant un outil essentiel pour la transition écologique, pour le dynamisme industriel des territoires et pour la souveraineté énergétique et protéique du pays. Modifier leur fiscalité de manière précipitée entraînerait des conséquences profondes pour l’ensemble des filières concernées et pour les utilisateurs de carburants, bien au-delà des seuls consommateurs de Superéthanol E85 et de B100. Cette décision fragiliserait le revenu de plus de cent vingt mille agriculteurs, mettrait en difficulté l’équilibre industriel des territoires en menaçant plus de trente mille emplois, ralentirait les efforts de décarbonation du transport et provoquerait une augmentation du prix des carburants.

Dans un contexte géopolitique instable, une telle mesure affaiblirait par ailleurs la contribution du secteur agricole à la souveraineté énergétique et protéique de la France. Les filières françaises des biocarburants coproduisent chaque année plus d’un million de tonnes de tourteaux de colza et plus de cinq cent mille tonnes de drêches de céréales. Ces productions évitent le recours aux importations de tourteaux de soja et permettent à la France d’atteindre un taux d’autonomie protéique de 55 %, contre seulement 30 % dans le reste de l’Union européenne.

Cette orientation irait à l’encontre de l’objectif de stabilité et de visibilité attendu par les acteurs économiques et souhaité par les pouvoirs publics, tout en encourageant un recours accru aux carburants fossiles importés.

La mesure méconnaît également les conséquences importantes qu’elle aurait sur les filières du sucre, de l’amidon et des huiles, dont la France constitue un leader européen. Les biocarburants sont en grande partie élaborés dans des bioraffineries dont la vocation première réside dans la production destinée à l’alimentation humaine. Comme chez les grands concurrents internationaux, la diversification des débouchés est indispensable à la compétitivité des filières françaises. Remettre en question un débouché majeur tel que celui des biocarburants affaiblirait sensiblement ces filières dans un marché de plus en plus ouvert aux importations.

Dans ce contexte, le présent amendement vise à retirer du projet de loi de finances pour 2026 la hausse soudaine de la fiscalité appliquée au Superéthanol E85 et au B100. Ce retrait permettrait d’ouvrir une concertation approfondie avec l’ensemble des parties prenantes, en prenant en compte les impacts agricoles, industriels, sociaux et environnementaux, et en cohérence avec la révision en cours de la réglementation européenne sur les émissions de CO2 des véhicules légers et lourds à l’horizon 2035. Il en va de la capacité du secteur agricole à continuer de contribuer pleinement à la souveraineté protéique et énergétique de la France.