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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2026

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 143, 144)

N° I-619

24 novembre 2025


En attente de recevabilité financière

 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  

Mme HOUSSEAU


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 20


Après l’article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au IV de l’article 1582 du code général des impôts, les mots : « en dehors du territoire national ou » sont supprimés.

Objet

En vertu de l’article 1582 du code Général des Impôts, les communes sur le territoire desquelles sont situées des sources d’eaux minérales peuvent instituer, à leur profit, une contribution sur ces eaux.

Ce même article exonère de cette contribution les exportateurs des eaux minérales dès lors que les livraisons ou transports de ces eaux se font en dehors du territoire national.

Par conséquent, des communes françaises voient les eaux minérales, issues de sources situées sur leur territoire, quitter la France sans que la moindre contribution soit donnée aux communes et que l’eau ne soit, même en partie, distribuée aux habitants.

Cet amendement reprend une proposition déjà déposée lors du précédent projet de loi de finances, qui visait à supprimer l’exonération de la contribution communale sur les eaux minérales applicable aux volumes livrés à l’étranger.

Cette exonération prive les communes d’une recette pourtant légitime, alors que la ressource en eau est prélevée localement et que les impacts environnementaux et sociaux de l’exploitation demeurent supportés par les territoires. La suppression de cette exonération permettrait de rétablir une équité entre les volumes exploités pour le marché intérieur et ceux destinés à l’exportation.

L’an dernier, le Gouvernement avait émis un avis défavorable à cette mesure pour deux motifs :

1. Elle risquerait d’affaiblir la compétitivité des entreprises exportatrices installées en France ;

2. Elle serait susceptible de contrevenir au droit européen.

Ces arguments peuvent toutefois être infirmés.

Sur le plan économique, l’impact sur la compétitivité serait en réalité très limité. Le montant unitaire de la contribution est extrêmement faible — plafonné à 0,0058 euro par litre —, soit un coût marginal au regard du prix de vente et des frais logistiques d’exportation. Cette suppression d’exonération ne créerait donc pas de distorsion sensible de compétitivité. Par ailleurs, les pratiques européennes montrent que la France fait figure d’exception :

• en Allemagne, les exploitants d’eaux minérales acquittent une redevance de prélèvement d’eau (Wasserentnahmeentgelt) calculée au mètre cube, sans distinction de destination ;

• en Italie, les canoni concessori régionaux s’appliquent également au volume extrait ou embouteillé, sans exonération liée à l’exportation.

Ces exemples illustrent qu’une telle contribution, appliquée uniformément aux volumes prélevés, ne remet nullement en cause la compétitivité des entreprises.

Sur le plan juridique, la suppression de l’exonération est pleinement compatible avec le droit de l’Union européenne. Elle ne constitue pas une taxe à l’exportation, mais l’extension d’une imposition intérieure existante, neutre et non discriminatoire, conformément à l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La contribution reste assise sur le volume livré, indépendamment de la destination du produit, et ne crée donc aucun obstacle à la libre circulation des marchandises.

Dans le cadre de l’examen du PLF 2026 à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a, cette fois-ci, invoqué la nécessité de ne pas complexifier un régime fiscal qui date des années 1920 d’autant que la taxe est de faible rendement (20 millions d’euros), et que cette contribution pénaliserait la France en sa qualité de premier exportateur mondial d’eaux minérales naturelles.

Il convient de nuancer ces arguments dans la mesure où c’est justement l’exonération de contribution sur l’exportation qui complexifie ce régime fiscal. L’amendement propose au contraire une règle très simple : un volume d’eau extrait équivaut à une contribution qu’importe la destination de cette eau.

S’agissant de la compétitivité française, cet amendement applique le même niveau de taxe plafonnée à 0.0058 €/L, une contribution marginale au regard des prix et des coûts logistiques.

Quant au rendement de quelques dizaines de millions d’euros, certes modeste à l’échelle nationale, il est considérable à l’échelle de ces communes concernées. Cette contribution est reversée aux communes, pas à l’État.

Cette mesure, juste et équilibrée, répond à une logique de cohérence et d’équité territoriale : l’ensemble des volumes extraits du territoire national contribuerait ainsi, à due proportion, au financement des collectivités locales qui participent à la préservation et à la gestion durable de la ressource en eau.

À cet égard, la commission d’enquête du Sénat « sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés » a souligné, dans son rapport remis le 14 mai 2025, que « l’exonération de la contribution pour la production exportée n’a guère de sens et peut inciter des industriels à privilégier l’export pour se libérer de cette fiscalité » (page 177) et recommandait sa suppression.