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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2026

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 143, 144)

N° I-650

24 novembre 2025


En attente de recevabilité financière

 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  

MM. COZIC, KANNER et RAYNAL, Mmes BLATRIX CONTAT, BRIQUET et ESPAGNAC, MM. ÉBLÉ, FÉRAUD, JEANSANNETAS et LUREL, Mmes ARTIGALAS, BÉLIM et BONNEFOY, M. BOURGI, Mmes BROSSEL et CANALÈS, MM. CHAILLOU et CHANTREL, Mmes CONCONNE et DANIEL, MM. DARRAS, DEVINAZ, FAGNEN, FICHET et GILLÉ, Mme HARRIBEY, M. JACQUIN, Mme Gisèle JOURDA, M. KERROUCHE, Mmes LE HOUEROU et LINKENHELD, M. MARIE, Mme MATRAY, MM. MÉRILLOU et MICHAU, Mme MONIER, M. MONTAUGÉ, Mme NARASSIGUIN, MM. OUIZILLE, PLA et REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. ROIRON, ROS, TEMAL, TISSOT, UZENAT, Mickaël VALLET, VAYSSOUZE-FAURE, Michaël WEBER, ZIANE

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 3


Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le a de l’article 787 B du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...) La répartition des titres ou parts transmis, en pleine propriété ou en nue-propriété, assure une attribution à parts égales entre les héritiers réservataires ; »

II. - L’article 843 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est également rapporté le montant de l’avantage fiscal résultant de l’application des articles 787 B et 787 C du code général des impôts, lorsque cet avantage a bénéficié à l’un des héritiers avant le décès du donateur. »

Objet

Le dispositif dit du pacte Dutreil, prévu à l’article 787 B du code général des impôts, permet une exonération de 75 % des droits de mutation lors de la transmission d’entreprises familiales. Il a pour objectif de préserver le tissu économique français et d’encourager la continuité des entreprises au sein des familles. Selon la Cour des comptes (dans un rapport de 2025), ce dispositif représente une dépense fiscale de plusieurs milliards d’euros par an, sans ciblage social ni évaluation de ses effets économiques ou successoraux.

Au-delà de son coût, le dispositif soulève une question d’équité successorale au sein des fratries. Dans la pratique, l’avantage fiscal profite presque toujours à un seul enfant (celui ou celle désigné·e pour reprendre l’entreprise) tandis que les autres reçoivent des biens moins valorisables ou soumis à imposition pleine. Le « Dutreil » fonctionne ainsi comme une prime publique au repreneur, créant une rupture d’égalité entre héritiers.

Ainsi, l’un des enfants bénéficie d’un abattement de 75 % sur la valeur de ce qu’il reçoit, alors que les autres acquittent les droits de succession à taux plein sur leur part du patrimoine. Ce déséquilibre crée des situations d’injustice au sein des fratries : l’un reçoit immédiatement un actif productif, souvent source de revenus et d’autonomie, tandis que les autres ne perçoivent leur part du patrimoine qu’à la succession, parfois bien plus tard, et sous une forme moins dynamique (logement, épargne, etc.). Cette différence de traitement influence concrètement les débuts de vie active et la capacité de chacun à construire un projet personnel.

Or, l’article 843 du code civil repose sur un principe fondamental en disposant que « Tout héritier, même ayant accepté la succession à concurrence de l’actif net, doit rapporter à la masse de la succession les donations qu’il a reçues du défunt. »

Il est donc cohérent et conforme à l’esprit du code civil que l’avantage fiscal attaché à une donation d’entreprise — avantage qui accroît la valeur nette reçue — soit rapporté à la succession comme tout autre avantage patrimonial. Le présent amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à rétablir un principe simple et équilibré : pour bénéficier de l’exonération prévue par le dispositif Dutreil, la transmission doit être équitable entre les enfants.

Cette évolution ne remet pas en cause la continuité économique ni la stabilité des entreprises familiales, mais elle garantit que la dépense fiscale publique soutienne une transmission harmonieuse et conforme à l’esprit du droit civil français. En réaffirmant le principe d’équité entre héritiers, cet amendement défend à la fois la cohésion des familles, la pérennité du patrimoine entrepreneurial français, et une forme d’équité générationnelle entre enfants.