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Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 138 , 143, 144) |
N° I-909 24 novembre 2025 |
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En attente de recevabilité financière |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. FARGEOT ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 11 |
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Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué une contribution sur les revenus publicitaires et les recettes tirées de la valorisation des données des utilisateurs situés en France, due par les entreprises exploitant un service de réseau social en ligne au sens du présent article.
II. – Sont considérés comme services de réseaux sociaux en ligne les services de communication au public en ligne qui :
1° permettent aux utilisateurs, au moyen d’un compte ou d’un profil, de créer, partager, publier ou diffuser des contenus pouvant être consultés par d’autres utilisateurs ;
2° organisent des interactions sociales entre utilisateurs, notamment par la consultation, la réaction, la réponse, le commentaire, la mise en relation ou la diffusion en réseau ;
3° tirent tout ou partie de leur modèle économique de la diffusion de publicités personnalisées, ciblées ou contextualisées, ou de la collecte, du traitement, de l’analyse ou de la valorisation des données générées par ces interactions.
4° Ne relèvent pas de cette définition :
- les services d’intermédiation de vente de biens ou de services ;
- les moteurs de recherche ;
- les services pour lesquels les interactions entre utilisateurs constituent une fonctionnalité accessoire à l’activité principale.
III – La contribution est assise :
1° sur les revenus tirés de la diffusion en France de publicités personnalisées, ciblées ou contextualisées ;
2° sur les recettes provenant de la collecte, du traitement, de l’analyse, de l’exploitation ou de la monétisation des données des utilisateurs situés en France, y compris lorsqu’elles sont réalisées à des fins publicitaires, commerciales ou d’optimisation algorithmique.
Sont réputés tirés de France, pour l’application du présent III, les revenus ou recettes pour lesquels les utilisateurs dont proviennent les données, interactions, consultations ou segments publicitaires sont situés en France, appréciés notamment au regard :
– de l’adresse IP ;
– de la localisation du terminal utilisé ;
– des informations associées au compte utilisateur ;
– du ciblage géographique des publicités ;
– ou des paramètres techniques de diffusion.
IV. – Sont soumises à la contribution les entreprises réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 750 millions d’euros et un chiffre d’affaires supérieur à 25 millions d’euros en France au titre des activités mentionnées au III.
V. – Le taux de la contribution est fixé à 3 % du montant des recettes mentionnées au IV.
VI. – Un décret précise les modalités de déclaration, de liquidation, de contrôle et de recouvrement de la contribution, ainsi que les règles permettant d’identifier les utilisateurs situés en France et les recettes afférentes.
Objet
Le modèle économique des réseaux sociaux repose principalement sur deux leviers :
– la diffusion de publicités ciblées auprès des utilisateurs ;
– la valorisation des données issues de leur activité en ligne, indispensables au fonctionnement des outils algorithmiques.
Ces activités génèrent d’importants revenus en France, mais qui échappent largement à l’impôt en raison de la dissociation entre la localisation des utilisateurs et la domiciliation fiscale des groupes concernés.
Le marché français de la publicité numérique dépasse 10,9 milliards d’euros en 2024, dont une part substantielle est captée spécifiquement par les réseaux sociaux. Les recettes issues de la valorisation des données, essentielles au ciblage et à l’optimisation algorithmique, ne font aujourd’hui l’objet d’aucune fiscalité dédiée.
La taxe sur les services numériques (TSN), instaurée en 2019, constitue un premier outil d’équité fiscale. Toutefois, elle vise principalement les services d’intermédiation et n’identifie pas spécifiquement les réseaux sociaux, qui représentent pourtant une catégorie particulière d’acteurs numériques, dotée d’un modèle économique distinct et fortement dépendant de la présence d’utilisateurs français.
Le présent amendement crée une contribution additionnelle ciblée sur les réseaux sociaux, reposant sur la double assiette qui constitue la base de leur modèle économique :
– les revenus de publicité ciblée diffusée en France ;
– les recettes tirées de la valorisation des données des utilisateurs français, y compris lorsqu’elles ne relèvent pas directement de la publicité.
Cette contribution ne constitue pas une double imposition, dès lors que :
- elle repose sur une assiette distincte de la TSN, incluant notamment la valorisation des données hors publicité ;
- elle vise un champ d’activité circonscrit et objectivable : les réseaux sociaux au sens strict ;
- elle poursuit une finalité spécifique : assurer une contribution proportionnée des plateformes sociales aux politiques publiques liées au numérique, à la régulation des contenus et à la protection des utilisateurs.
Cette approche sectorielle est d’ailleurs conforme aux pratiques de plusieurs États européens.
L’Autriche a instauré une taxe spécifique sur la publicité numérique en complément de sa taxe sur les services numériques.
Cet exemple démontre qu’un dispositif national additionnel, ciblant un segment précis de l’économie numérique, est juridiquement possible, économiquement pertinent et compatible avec les règles européennes.
Le mécanisme proposé repose sur des seuils d’éligibilité identiques à ceux de la TSN afin de cibler les grands acteurs internationaux du secteur sans affecter les entreprises françaises ou européennes émergentes.