Logo : Sénat français

Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2026

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 143, 144)

N° I-938

24 novembre 2025


En attente de recevabilité financière

 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  

Mme de MARCO, MM. DOSSUS et Grégory BLANC, Mme SENÉE, MM. BENARROCHE, DANTEC, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SOUYRIS et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 25


Après l’article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l’article 298 septies du code général des impôts auquel est assujettie une entreprise éditrice, au sens de l’article 2 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, présentant un caractère d’information politique et générale est subordonné à la mise en place d’une procédure d’agrément de la nomination du responsable de la rédaction mentionné au 3° de l’article 5 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. L’agrément est obtenu par un vote des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail que l’entreprise emploie.

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article, notamment :

1° Le seuil d’effectifs de journalistes professionnels au-delà duquel l’entreprise éditrice met en place la procédure d’agrément mentionnée au premier alinéa du présent article ;

2° La composition du corps électoral de journalistes professionnels admis à participer à la procédure d’agrément au sein de l’entreprise éditrice, qui ne peut comprendre que ceux qui ont pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de leur profession dans ladite entreprise depuis au moins un an.

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2026.

Objet

Le présent amendement vise à conditionner l’application du taux super-réduit de taxe sur la valeur ajoutée dont bénéficient les entreprises de presse papier et numérique à la mise en place d’un droit d’agrément des journalistes sur la nomination de tout responsable de la rédaction.

Cette mesure s’inspire des travaux de l’économiste des médias Julia Cagé ainsi que des propositions formulées par l’association « Un Bout des médias » , qui soulignent la nécessité de renforcer les garanties d’indépendance éditoriale dans un contexte marqué par une fragilisation croissante des conditions d’exercice du journalisme.

Un média n’est pas une entreprise comme une autre : il produit un bien public essentiel, l’information. À ce titre, la liberté de la presse, constitutionnellement protégée, constitue un pilier de notre démocratie. Or, les événements récents ont mis en lumière les limites du cadre juridique actuel. En juillet 2023, la rédaction du Journal du dimanche s’est ainsi retrouvée contrainte d’accueillir un directeur de la rédaction imposé par l’actionnaire contre l’avis de la quasi-totalité de ses journalistes. Cette situation, loin d’être isolée, révèle la multiplication des atteintes à l’indépendance des médias sous l’influence d’actionnaires désireux d’orienter la ligne éditoriale des titres qu’ils acquièrent, quitte à exercer des pressions directes ou indirectes sur les rédactions.

La nomination à la tête du « Journal du dimanche » d’un nouveau directeur contre l’avis de l’ensemble de la rédaction, illustre l’importance stratégique de ces postes pour garantir l’honnêteté de l’information, le respect des règles déontologiques et la protection de la liberté de conscience des journalistes. Face à ces situations où la liberté d’entreprendre risque de prendre le pas sur la liberté de la presse, le législateur se doit d’intervenir afin de rééquilibrer les rapports de force et de protéger l’intérêt général.

La législation actuelle, insuffisamment armée pour prévenir les phénomènes de concentration, assurer la transparence et garantir l’indépendance des rédactions, doit évoluer. Le présent amendement propose ainsi une mesure ciblée et immédiatement opérationnelle, visant à renforcer les droits des journalistes, en particulier dans les titres traitant d’information politique et générale, où les enjeux démocratiques sont les plus élevés.

Il s’agit d’une disposition d’urgence, qui n’épuise pas les réponses nécessaires pour relever les défis contemporains de notre paysage médiatique : lutte contre la désinformation, avenir de l’audiovisuel public, transparence des actionnaires, pluralisme, conditions de travail des journalistes... Mais elle constitue une première étape indispensable pour assurer la protection de l’indépendance éditoriale et, ce faisant, préserver la qualité et la crédibilité de l’information à laquelle les citoyens ont droit.