Logo : Sénat français

Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2026

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

ARTICLES NON RATTACHÉS

(n° 138 , 139 , 142, 143)

N° II-2131

8 décembre 2025


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 65


Après l'article 65

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code des assurances est ainsi modifié :

1° L’article L. 121-8 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « contraire » sont insérés les mots : « et sans préjudice des dispositions de l’article L. 12-11-1 » et les mots : « ou par des mouvements populaires » sont supprimés ;

b) À la fin du second alinéa, les mots : « , d’émeutes ou de mouvements populaires » sont remplacés par les mots : « ou d’émeutes » ;

2° Le titre II du livre Ier est complété par un chapitre XI ainsi rédigé :

« Chapitre XI

« L’assurance des dommages résultant d’émeutes

« Art. L. 12-11-1. – Les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’État et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des émeutes survenues en France sur les biens faisant l’objet de tels contrats.

« Si l’assuré est couvert contre les pertes d’exploitation, cette garantie est étendue aux pertes d’exploitation causées par les effets des émeutes, dans les conditions prévues au contrat correspondant.

« L’émeute est une action collective occasionnant des violences, dirigée contre l’autorité publique, exprimant une protestation ou visant à obtenir la satisfaction de revendications d’ordre politique ou social. Elle est constatée par une commission de qualification, qui tient compte du nombre de participants, de l’ampleur des dommages matériels directs causés et des mesures de maintien de l’ordre dont elle fait l’objet.

« Les missions, la composition, l'organisation et le fonctionnement de la commission de qualification des émeutes mentionnée à l’alinéa précédent sont précisés par un décret en Conseil d’État.

« Sont considérés comme les effets des émeutes les dommages matériels directs en résultant, lorsque les mesures habituelles à prendre par l’assuré pour prévenir ces dommages n’ont pas pu empêcher leur survenance ou n’ont pas pu être mises en œuvre.

« Ne sont pas considérées comme des émeutes les actions relevant de la guerre étrangère ou de la guerre civile mentionnées à l’article L. 121-8, les attentats ou les actes de terrorisme mentionnés à l’article L. 126-2 ainsi que les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données prévues aux articles 323-1 à 323-3-1 du code pénal.

« Dans la limite de ses ressources, la caisse centrale de réassurance réalise, à la demande des ministres chargés de l'économie, de l’intérieur et du budget, des études portant sur la prise en charge par le présent régime de garantie des conséquences financières des émeutes ainsi que sur son équilibre financier.

« Art. L. 12-11-2. – Les entreprises d’assurance doivent insérer dans les contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 12-11-1 une clause étendant leur garantie aux dommages mentionnés au cinquième alinéa dudit article. Des clauses types réputées écrites dans ces contrats sont déterminées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« La garantie ainsi instituée ne peut excepter aucun des biens mentionnés au contrat ni opérer d’autre abattement que ceux fixés dans les clauses types mentionnées au premier alinéa du présent article.

« Toute clause contraire aux dispositions du présent chapitre est réputée non écrite.

« Art. L. 12-11-3. – La garantie prévue à l’article L. 12-11-2 est couverte par une prime additionnelle, individualisée dans l’avis d’échéance des contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 12-11-1 et calculée à partir d’un taux appliqué au montant de la prime principale ou au montant des capitaux assurés, dans des conditions définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget pour chaque catégorie de contrat.

« Les indemnisations résultant de cette garantie sont soumises à une franchise. En cas de succession d’événements garantis sur une période courte, la franchise est réduite à partir du deuxième évènement, dans des conditions définies par le décret prévu à l’alinéa suivant. Cette franchise est mentionnée dans chaque document fourni par l’assureur et décrivant les conditions d’indemnisation. Ces conditions doivent être rappelées chaque année à l’assuré.

« Un décret définit les caractéristiques de la franchise et ses modalités d’application.

« Art. L. 12-11-4. – Sans préjudice de stipulations plus favorables, une provision sur l’indemnisation due au titre du présent chapitre est versée à l’assuré dans les deux mois qui suivent la date de remise de l’état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies.

« Art. L. 12-11-5. – Lorsqu’un assuré s’est vu refuser par une entreprise d’assurance l’application des dispositions du présent chapitre en raison de l’importance du risque d’émeutes auquel il est soumis, il peut saisir le bureau central de tarification, qui impose à l’entreprise d’assurance concernée de le garantir contre les effets des émeutes. Lorsque le risque présente une importance ou des caractéristiques particulières, le bureau central de tarification peut demander à l’assuré qu’il lui présente une ou plusieurs autres entreprises d’assurance, dans les mêmes conditions, afin de répartir le risque entre elles.

« Toute entreprise d’assurance ayant maintenu son refus de garantir un assuré dans les conditions fixées par le bureau central de tarification est considérée comme ne respectant plus la réglementation en vigueur. Elle encourt, selon le cas, soit le retrait des agréments prévus aux articles L. 321-1 et L. 321-7, soit les sanctions prévues à l'article L. 363-4.

« Est nulle toute clause des traités de réassurance tendant à exclure le risque objet du présent chapitre de la garantie de réassurance en raison des conditions d’assurance fixées par le bureau central de tarification.

« Art. L. 12-11-6. - L’État n’est pas civilement responsable au sens de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure des dommages couverts par les garanties instituées à l’article L. 12-11-2, pour les dommages indemnisés au titre de ces garanties.

« Art. L. 12-11-7. - Sont exclus du champ d'application du présent chapitre les contrats d’assurance garantissant les dommages subis par les corps de véhicules aériens, maritimes, lacustres et fluviaux, les installations d'énergies marines renouvelables ainsi que les marchandises transportées, au sens de l'article L. 111-6.

« Sont également exclus du champ d’application du présent chapitre les contrats d’assurance mentionnés au quatrième alinéa et suivants de l’article L. 112-10. » ;

3° L’article L. 194-1 est ainsi modifié :

a) Après le septième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 126-2 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 » ;

b) Après le onzième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 121-8, L. 12-11-1 à L. 12-11-7 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n°   du   2025 de finances pour 2026. »

4° Après le sixième alinéa de l’article L. 390-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 321-7 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994 modifiant le code des assurances (partie Législative), en vue notamment de la transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes » ;

5° Le titre II du livre IV est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« Chapitre VII

« Fonds de mutualisation des risques résultant d’émeutes

« Art. L. 427-1. - Un fonds de mutualisation des risques résultant d’émeutes couvre une partie des risques souscrits par les entreprises d’assurance selon les modalités définies aux articles L. 12-11-1 et suivants. Pour chaque année, le montant des indemnisations versées par le fonds ne peut excéder un plafond exprimé comme une proportion du montant prévisionnel des primes additionnelles à percevoir cette même année par les entreprises d’assurance au titre de l’article L. 12-11-3 et ne pouvant lui-même excéder ni le double de ce montant prévisionnel, ni un montant de 1,3 milliard d’euros revalorisé chaque année en fonction de l’indice des prix à la consommation.

« Les entreprises d’assurance mentionnées au I de l’article L. 310-2 commercialisant les garanties prévues à l’article L. 12-11-2 concluent chacune une convention de mutualisation avec le fonds selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État. La fraction du risque couvert à ce titre cédé au fonds par une entreprise d’assurance ne peut excéder 90 %. La convention prévoit le versement au fonds d’un abondement correspondant à une fraction de la prime additionnelle mentionnée à l’article L. 12-11-3.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget fixe chaque année le plafond des indemnisations que peut verser le fonds conformément aux dispositions du premier alinéa, ainsi que la fraction de la prime additionnelle que les entreprises d’assurance versent au fonds, conformément aux dispositions du deuxième alinéa.

« Le ministre chargé de l’économie est autorisé à octroyer la garantie de l’État aux engagements du fonds pris au titre de ces conventions. Cette garantie est accordée à titre onéreux, dans la limite du plafond annuel d’indemnisation du fond prévu au premier alinéa du présent article.

« Les ressources du fonds sont constituées des abondements mentionnés au second alinéa, des récupérations après sinistre reversées par les bénéficiaires et des produits nets des placements du fonds. Elles peuvent également comporter des avances de l’État dont le montant cumulé ne peut excéder le plafond d’indemnisation défini au premier alinéa du présent article.

« La gestion comptable, financière et administrative du fonds est assurée par la caisse centrale de réassurance ou une de ses filiales, dans un compte distinct de ceux retraçant les autres opérations qu’elle effectue. Les frais exposés pour cette gestion sont imputés sur le fonds. Le fonds est géré selon les règles de la comptabilité de droit privé.

« Les collectivités de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française peuvent conclure avec l’État une convention permettant aux entreprises d’assurance mentionnées au deuxième alinéa et exerçant sur leur territoire, de bénéficier de ce dispositif. Le cas échéant, une fraction de la capacité du fonds, déterminée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget et ne pouvant dépasser un tiers du plafond d’indemnisation annuel du fonds mentionné au premier alinéa du présent article, est dédiée à l’indemnisation complémentaire des dommages causés par des émeutes en Nouvelle-Calédonie, selon des conditions précisées dans les conventions mentionnées au deuxième alinéa du présent article.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’exercice et de rémunération de la garantie de l'État. » ;

6° La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre IV est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :

« Paragraphe 5

« Risques d’émeutes

« Art. L. 431-10-1. - La caisse centrale de réassurance est habilitée à pratiquer avec la garantie de l'État les opérations de réassurance des risques résultant d’émeutes couverts selon les modalités définies aux articles L. 12-11-1 et suivants après épuisement des capacités du fonds mentionné à l’article L. 427-1.

« La garantie de l'État mentionnée au premier alinéa du présent article est octroyée à titre onéreux. Elle s'exerce dans la limite d'un montant de 3,25 milliards d'euros par année, revalorisé chaque année en fonction de l’indice des prix à la consommation par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article, notamment la rémunération de la garantie de l'État et les conditions dans lesquelles sont établis les contrats relatifs aux opérations mentionnées. » ;

7° L’article L. 471-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 427-1 et L. 431-10-1 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n° XX du XX 2025 de finances pour 2026. »

II. – Le I de l’article 39 quinquies G du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

Après le mot : « terrorisme, », sont ajoutés les mots : « les risques liés aux émeutes, » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

Après le mot : « terrorisme », sont ajoutés les mots : « , les risques liés aux émeutes ».

III. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de douze mois à la date de la décision de la Commission européenne permettant de regarder les dispositions du I lui ayant été notifiées comme conformes au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État.

Objet

Depuis 2018, les dommages causés en France par des émeutes ont été particulièrement importants. Les réassureurs et les assureurs ont en conséquence durci les conditions de couverture de ce risque partout sur le territoire et ont retiré leurs garanties dans les zones qu’ils jugent les plus exposées.

Le présent article introduit deux garanties de l’État destinées à restaurer l’assurabilité de ce risque sur l’ensemble du territoire. Les conditions d’assurance et de réassurance des émeutes sont modifiées afin de créer, selon une exigence de solidarité nationale, un mécanisme de mutualisation du risque entre assurés et entre assureurs reposant sur ces garanties de l’État, qui doivent être nécessairement autorisées dans le cadre d’une loi de finances. Le I de l’article étend l’objet des contrats d’assurance des biens aux dommages résultant d’émeutes (notion dont la définition est précisée et élargie afin d’englober les mouvements populaires) et instaure une surprime pour la couverture de ce risque. Il crée un fonds de mutualisation auquel la participation est obligatoire pour les assureurs et dont la capacité, garantie par l’État, permet d’indemniser une fraction des dégâts. Il octroie enfin la garantie de l’État à la caisse centrale de réassurance (CCR) pour la réassurance de ces risques. Le II de l’article instaure une provision pour égalisation dédiée à l’assurance des émeutes.

L’article prévoit que la Polynésie Française et la Nouvelle-Calédonie peuvent conclure avec l’État des conventions pour bénéficier du fonds de mutualisation introduit au I. Le cas échéant, une fraction du fonds est dédiée à une prise en charge plus importante des dommages en Nouvelle-Calédonie, du fait de l’importance du risque sur ce territoire.

La rémunération des garanties de l’État et les primes perçues au titre de la couverture des émeutes seront dimensionnées de telle sorte à ce que le coût du dispositif pour l’État soit nul en espérance. Mais il n’est pas à exclure, surtout pendant les premières années du dispositif, que la garantie de l’État soit appelée à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros en cas de sinistre important, constituant une dépense nouvelle susceptible d’être inscrite sur le programme 114 « Appels en garantie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l’État ».