|
Direction de la séance |
Proposition de résolution Accord avec le Mercosur (1ère lecture) (n° 157 , 156 , 147) |
N° 2 rect. 16 décembre 2025 |
Exception d'irrecevabilitéMotion présentée par |
|
||||||||
|
MM. CADIC et MEIGNEN TENDANT À OPPOSER L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ |
|||||||||
En application des articles 34, 52 et 88-4 de la Constitution, et de l'article 44, alinéa 2 du Règlement du Sénat, le Sénat déclare irrecevable la proposition de résolution européenne relative à l’accord de partenariat entre l’Union européenne et le Mercosur, (n° 157, 2025-2026) comme contraire à la Constitution, et décide qu’il n’y a pas lieu d’en poursuivre la délibération.
Objet
La proposition de résolution invite le Gouvernement à s’opposer à la signature et à la conclusion de l’accord de partenariat entre l’Union européenne et le Mercosur, ainsi qu’à l’accord intérimaire sur le commerce.
Sous l’apparence d’une prise de position politique, cette initiative excède les compétences constitutionnelles du Parlement, méconnaît les règles encadrant les résolutions européennes et porte atteinte à la répartition des compétences tant au niveau national qu’européen.
1) Atteinte aux prérogatives constitutionnelles de l’exécutif en matière de politique étrangère
En vertu de l’article 52 de la Constitution, le Président de la République négocie et ratifie les traités internationaux.
La conduite de la politique étrangère et commerciale relève, sous l’autorité du Président de la République, du Gouvernement.
En demandant explicitement au Gouvernement de s’opposer à la signature et à la conclusion d’un accord international, la proposition de résolution ne se borne pas à exprimer une appréciation politique : elle tend à formuler une injonction diplomatique, incompatible avec le principe de séparation des pouvoirs.
Une telle démarche excède le rôle délibératif du Parlement et empiète sur des compétences constitutionnellement réservées à l’exécutif.
2) Méconnaissance de la compétence exclusive de l’Union européenne en matière commerciale
Conformément à l’article 3, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la politique commerciale commune relève de la compétence exclusive de l’Union européenne.
L’accord de partenariat avec le Mercosur s’inscrit pleinement dans ce cadre.
En appelant à un « veto » national, la résolution ignore la nature juridique de cette compétence exclusive et prétend imposer au Gouvernement une position que celui-ci ne peut légalement adopter de manière autonome.
Le Parlement ne saurait, par une résolution, enjoindre l’exécutif à agir en contradiction avec les engagements européens de la France et l’ordre juridique de l’Union.
3) Absence de portée juridique et caractère manifestement inopérant de la résolution
La proposition de résolution est dépourvue de toute capacité à produire un effet juridique concret :
• une décision nationale isolée ne peut, à elle seule, faire obstacle à la conclusion d’un accord relevant de la compétence exclusive de l’Union européenne ;
• le Gouvernement ne dispose d’aucun pouvoir juridique lui permettant de mettre en œuvre l’injonction formulée.
En se réduisant à une demande juridiquement impossible à satisfaire, la résolution revêt un caractère purement déclaratif et inopérant, ce qui affecte sa recevabilité même.
4) Dépassement du cadre constitutionnel des résolutions européennes (article 88-4)
L’article 88-4 de la Constitution autorise le Parlement à adopter des résolutions exprimant une position sur des projets ou propositions d’actes européens.
Toutefois, ces résolutions ne peuvent ni contraindre juridiquement le Gouvernement, ni anticiper ou conditionner l’exercice de compétences qui relèvent de l’exécutif ou des institutions européennes.
En prétendant imposer une position de blocage dans un processus décisionnel européen en cours, la proposition de résolution dépasse le cadre constitutionnel fixé aux résolutions européennes et méconnaît la nature consultative de cette procédure.
5) Atteinte à la cohérence institutionnelle : le précédent du Parlement européen
Il convient enfin de relever qu’une proposition de résolution de nature comparable, déposée le 14 novembre dernier au Parlement européen, a été déclarée irrecevable au motif qu’elle excédait les compétences procédurales de l’assemblée et intervenait en dehors du cadre institutionnel applicable à la conclusion de l’accord UE-Mercosur.
Si cette décision ne lie pas le Sénat, elle constitue néanmoins un indice fort de cohérence institutionnelle : une assemblée directement compétente dans le processus européen a jugé irrecevable une initiative visant à contraindre juridiquement une procédure qui ne relevait pas de ses prérogatives à ce stade.
Il serait dès lors paradoxal qu’une assemblée nationale, dont le rôle est encore plus indirect dans ce processus, adopte une résolution présentant les mêmes caractéristiques d’incompétence et juridiquement inopérante.
Conclusion
Pour l’ensemble de ces motifs, la proposition de résolution :
• méconnaît les articles 52 et 88-4 de la Constitution ;
• empiète sur les compétences de l’exécutif et de l’Union européenne ;
• prétend produire des effets juridiques qu’elle est structurellement incapable d’emporter ;
• et fragilise la clarté de la répartition des compétences institutionnelles.
Il n’y a donc pas lieu d’en poursuivre la délibération, la proposition étant irrecevable au regard de la Constitution.