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Direction de la séance

Projet de loi

Lutte contre la vie chère dans les outre-mer

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 64 , 63 )

N° 133 rect.

28 octobre 2025


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mme BÉLIM et M. LUREL


ARTICLE 10


I. – Alinéas 18 à 20

Remplacer ces alinéas par un paragraphe ainsi rédigé :

VI. - Le III de l’article L. 430-2 du code de commerce est ainsi rédigé :

« III. – Lorsque au moins une des parties à la concentration exerce tout ou partie de son activité dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et les collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin ou de Saint-Barthélemy, est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du présent titre toute opération de concentration, au sens de l’article L. 430-1, lorsque sont réunies les deux conditions suivantes :

« 1° Le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé individuellement dans au moins un des départements ou collectivités territoriales concernés par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d’euros, ou à 3 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail sans qu’il soit nécessaire que ce seuil soit atteint par l’ensemble des entreprises concernées dans le même département ou la même collectivité territoriale ;

« 2° L’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, précité.

« Les modalités d’application du présent III sont précisées par décret en Conseil d’État. »

Objet

Le présent amendement vise à adapter la procédure de déclenchement du contrôle des concentrations économiques dans les départements et collectivités d’outre-mer, afin de mieux tenir compte de la structure économique locale et de la taille réelle des entreprises opérant sur ces marchés.

Le dispositif actuel, prévu au III de l’article L. 430-2 du code de commerce, fixe trois conditions pour le déclenchement, notamment que le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration soit supérieur à 75 millions d’euros. Ce seuil est extrêmement élevé pour des économies insulaires ou enclavées, peu insérées dans le commerce mondial, comme le sont celles des Outre-mer. Rappelons la réalité économique des territoires ultramarins qui est dominée par les petites et moyennes entreprises et les filiales de groupes régionaux.

À l’image du droit calédonien (article 2 de la loi du pays n° 2013-8 du 18 avril 2013 relative au contrôle des concentrations économiques en Nouvelle-Calédonie), une seule condition est prévue pour le déclenchement du contrôle des concentrations économiques. Telle est la rédaction de l’article 2 de la loi du pays : “Article 2 : I.-

Toute opération de concentration, au sens de l’article 1er, est soumise aux dispositions des articles 3 à 8, lorsque le chiffre d’affaires total réalisé en Nouvelle-Calédonie par les entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 600 000 000 F.CFP.”

Prenant pour inspiration le droit calédonien, qui peut légitimement guider les travaux du législateur tant les réalités économiques sur le plan concurrentiel sont similaires avec le reste des Outre-mer, cet amendement supprime la première condition relative au chiffre d’affaires total mondial de 75 millions d’euros.

Les autres conditions relatives au déclenchement du contrôle sont cependant maintenues, à savoir :

le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé individuellement dans au moins un des départements ou collectivités territoriales concernés par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d’euros, ou à 5 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail sans qu’il soit nécessaire que ce seuil soit atteint par l’ensemble des entreprises concernées dans le même département ou la même collectivité territoriale ;l’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, précité.

L’abaissement du seuil de 5 millions à 3 millions, comme proposé par le Gouvernement, est repris dans cet amendement. L’objectif de cet amendement est double :

Renforcer la capacité d’intervention de l’Autorité de la concurrence dans les territoires ultramarins, pour prévenir les situations de monopole ou d’abus de position dominante ;
Favoriser une économie plus ouverte et concurrentielle, contribuant à la lutte contre la vie chère dans les Outre-mer.

Le renvoi à un décret en Conseil d’État permettra d’adapter, si nécessaire, les seuils ou les modalités de calcul aux réalités économiques propres à chaque territoire.

Comme le notait le vice-président du Conseil d’État Bruno Lasserre dans une intervention à l’occasion du premier anniversaire de l’Autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie : “Plusieurs textes adoptés dans le sillage des rapports de l’Autorité de la concurrence de 2012 ont par conséquent prévu des dispositions adaptées à la situation néo-calédonienne. C’est le cas de la loi du pays du 24 octobre 2013, présentée comme une loi « anti-trust », qui instaure un mécanisme d’autorisation des concentrations avec un seuil abaissé par rapport à ce qui est exigé en France métropolitaine ; l’abaissement du seuil résultant précisément de la volonté du législateur calédonien de tenir compte de l’étroitesse du marché local et du fait qu’il est déjà très concentré : même une opération minime est susceptible d’y réduire significativement la concurrence.”

Bruno Lasserre poursuit par ailleurs : “Le Conseil constitutionnel a notamment admis que l’objectif de préservation de l’ordre public économique en Nouvelle-Calédonie justifiait certaines entorses à la liberté d’entreprendre. Ainsi, si la définition d’une concentration reste la même qu’en métropole, l’abaissement des seuils déclenchant le contrôle et l’exercice d’un contrôle a priori ont été jugés conformes à la Constitution alors même que cela aboutissait à contrôler quasiment toutes les opérations de concentration sur le marché néo-calédonien.”

Le vice-président du Conseil d’État nous semble avoir raison : dans les Outre-mer, même une opération minime est susceptible de comporter de grandes conséquences.