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Direction de la séance

Proposition de loi organique

Renouvellement du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

(Commission Mixte Paritaire)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 80 , 79 )

N° 1

28 octobre 2025


 

Exception d'irrecevabilité

Motion présentée par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

M. XOWIE, Mme CUKIERMAN, M. BROSSAT

et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky


TENDANT À OPPOSER L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ


En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion sur l’accord du 12 juillet 2025 et sa mise en œuvre.

Objet

La présente motion propose de déclarer irrecevable la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion sur l'accord du 12 juillet 2025 et sa mise en œuvre, en raison des graves atteintes à des dispositions constitutionnelles.

Premièrement, tel qu’il ressort du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ».

Le bon déroulement du débat démocratique et, partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels, supposent que soit pleinement respecté le droit d’amendement conféré aux parlementaires par l’article 44 de la Constitution, et que parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins. Tel qu’il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cela implique qu’il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ce droit.

Or, il ressort de l’article 91, alinéa 5, du règlement de l’Assemblée nationale, que la motion de rejet préalable a pour objet « de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles », ou « de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer ». Son vote a pour effet, en cas d’adoption de la motion, d’entraîner le rejet du texte à l’encontre duquel elle a été soulevée.

En l’espèce, lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, la présentation de la motion déposée par deux députés Ensemble pour la République sur le fondement de l’article 91 alinéa 5 du règlement de l’Assemblée nationale le 22 octobre 2025 faisait clairement apparaître que son vote était souhaité non pas pour marquer une opposition de fond au texte, mais en vue d’accélérer sa procédure d’adoption par le Parlement, compte tenu du dépôt du nombre important d’amendements témoignant, selon les signataires de la motion, d’une volonté d’obstruction.

Après l’adoption de cette motion de rejet préalable, le Gouvernement a provoqué la réunion d’une commission mixte paritaire, en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution.

Ce détournement de procédure est particulièrement grave et ne peut avoir d’autres conséquences que l’inconstitutionnalité manifeste du présent texte.

Deuxièmement, selon un principe traditionnel de droit public et la jurisprudence du Conseil d’État, les membres d'un Gouvernement démissionnaire ne peuvent assurer que la gestion des affaires courantes (Conseil d'État, Assemblée, du 4 avril 1952, 86015, publié au recueil Lebon).

Or, la demande d’inscription à l’ordre du jour du Sénat et de l’Assemblée nationale de cette proposition de loi organique par le Gouvernement ne relève pas des affaires courantes, en ce qu’elle n’est ni un texte budgétaire, ni la transposition d’une directive, ni un texte permettant d’éviter la caducité d’une ordonnance. Le caractère urgent d’un tel texte a d’ailleurs été écarté par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 septembre 2025 (2025-1163/1167 QPC).

Par conséquent, la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion sur l'accord du 12 juillet 2025 et sa mise en oeuvre a été inscrite à l’ordre du jour du Parlement à la demande d’un Gouvernement démissionnaire en violation des articles 20 à 23 et 48 de la Constitution.

Dès lors, cette proposition de loi organique est contraire à la Constitution.

Conformément à ces principes fondamentaux, le groupe CRCE-K demande au Sénat de renoncer à ce texte de loi en reconnaissant son irrecevabilité constitutionnelle.