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commission des affaires sociales

Proposition de loi

Délit d'entrave à l'IVG

(1ère lecture)

(n° 174 )

N° COM-1

5 décembre 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

Satisfait ou sans objet

Mmes GATEL, DOINEAU et BILLON et MM. CANEVET, MÉDEVIELLE, CAPO-CANELLAS et LUCHE


ARTICLE UNIQUE


Rédiger ainsi cet article

Il est inséré dans le  code de la santé publique un article L. 2223-2-1, ainsi rédigé :

  « Engage sa responsabilité civile toute personne physique ou morale qui diffuse ou transmet publiquement par voie électronique, dans une intention malveillante, des allégations de nature à induire manifestement autrui en erreur, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse.

 Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à faire cesser le comportement illicite. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

 Ils peuvent également ordonner le paiement par l’auteur des propos et tous coresponsables avérés, d’une amende civile d’un montant de 30.000 euros.

 L’action en justice appartient à toute victime de ces allégations, ainsi qu’à toute association  régulièrement déclarée depuis cinq ans à la date des faits, ayant, en vertu de ses statuts, vocation à défendre ou assister les femmes, qui en sont les destinataires ».

Objet

Face aux actions des « commandos anti-IVG » menées dans les années 1990 pour empêcher des femmes de recourir à l’avortement, le législateur a créé un délit spécifique d’entrave à l’IVG.

Il visait à empêcher de perturber, souvent violemment, l’accès aux établissements pratiquant l’IVG ou diffusant de l’information, mais aussi d’exercer des pressions morales et psychologiques à l’encontre du personnel médical ou des femmes venues s’informer ou subir une IVG. C’est ce qui explique des peines sévères : deux ans de prison, trente mille euros d’amende.

La proposition de loi a pour but d’étendre le délit d’entrave à l’IVG, aux informations faussées communiquées sur des sites internet, dans un but dissuasif.

En créant un nouvel alinéa à l’article L2223-2 du code de santé publique, le texte soumet aux mêmes peines une expression verbale, portée sur un support numérique et créé ainsi une variété de délit de presse. Il prévoit de plus une incrimination excessivement large - principalement au regard de la liberté de chacun d’exprimer ses opinions.

Il risque de se trouver en contradiction avec les deux droits européens : triplement, pour celui de l’Union européenne, d’abord, du fait de la Directive n° 2000/31 du 8 juin 2000 sur les services de la société de l’information, qui encadre étroitement les responsabilités pénales et la procédure d’interdiction au sujet des infractions en ligne ; ensuite, au regard de la Charte de l’Union, art. 11 sur la liberté d’opinion ; enfin, avec le contrôle de proportionnalité entre le but recherché et les moyens employés, qui constitue un des piliers de la jurisprudence de la Cour de justice. Il en est de même avec la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la CEDH.

La liberté d’expression revêt ici une connotation particulièrement forte, puisque la règle est que nul ne peut, dans une société démocratique, être inquiété pour ses opinions, fussent-elles minoritaires et contestées. De sorte que toute exception législative doit, sous peine d’atteinte à cette liberté et donc de non-constitutionnalité et non-conventionnalité, être justifiée, c’est-à-dire ici, faire le départ entre les citoyens qui émettent leur opinion, fût-elle mal informée et les adeptes de la désinformation tendancieuse, ainsi que se conformer au principe de proportionnalité, ce qui ne serait pas le cas avec la version d’origine du texte.  

 C’est pourquoi les auteurs du présent amendement proposent :

-  De transformer le délit pénal en délit civil, en créant une disposition autonome ;

-  D’en mieux préciser les conditions, en permettant de se focaliser uniquement sur les actions malfaisantes et habituelles de certains ;

- D’instituer des sanctions sévères, notamment une amende civile substantielle, mais aussi la suppression des propos incriminés, la fermeture du site Internet à partir duquel les propos ont été proférés, la publication du jugement, aux frais du condamné.

-  Et enfin de prévoir un droit d’action pour les victimes ou les associations.