Logo : Sénat français

commission des lois

Projet de loi

Rétablir la confiance dans l'action publique (PJL)

(1ère lecture)

(n° 581 )

N° COM-33

30 juin 2017


 

AMENDEMENT

présenté par

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

M. KALTENBACH


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 14


Après l'article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le paragraphe 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre IV du code pénal est complété par un article 432-7-1 ainsi rédigé :

 

« Art. 432-7-1 – Est puni des peines prévues à l’article 432-7 le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public d’exercer un des droits de préemption définis par le code de l’urbanisme afin d’empêcher l’acquisition par une personne physique ou morale d’un des biens ou droits énumérés aux 1° à 3° de l’article L. 213-1 du même code en raison de l’un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du présent code. »

 

Objet

Le rétablissement de la confiance des citoyens dans l'action publique passe notamment par l’impartialité des élus. Cette qualité suppose, en particulier, de ne pas mettre à profit les prérogatives que la loi leur attribue pour agir de façon discriminatoire.

 

Or, certains maires ont utilisé le droit de préemption pour s’opposer à ce que des personnes d’origine étrangère achètent un bien immobilier dans leur commune.

 

Poursuivis en justice à l’initiative d’une association antiraciste, ils ont bénéficié d’une impunité tirée de ce que l’article 432-7 du code pénal, qui prohibe les discriminations commises par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ne sanctionne pas expressément l’usage discriminatoire du droit de préemption.

 

Ainsi, alors même que, suivant les dispositions de l’article 1583 du code civil, l’accord du vendeur et de l’acheteur sur la chose et sur le prix suffit à former la vente, de sorte que l’exercice a posteriori du droit de préemption prive l’acheteur du bénéfice du droit de propriété ainsi acquis, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que « l’exercice d’un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d’un droit accordé par la loi au sens de l’article 432-7 du code pénal » (Cass. crim., 17 juin 2008, n°07-81.666 et Cass. crim., 21 juin 2011, n° 10-85.641).

 

Autrement dit, en l’état actuel des dispositions du code pénal, l’exercice du droit de préemption, même abusif car non justifié par l’intérêt général mais reposant sur une volonté de discrimination, ne constitue pas un acte discriminatoire répréhensible.

 

L’amendement propose d’appliquer concrètement la proposition n° 4 issue du rapport d’information n° 94 du 12 novembre 2014 de Madame Esther Benbassa et Monsieur Jean-René Lecerf relatif à la lutte contre les discriminations. Le rapport préconise en effet d’introduire dans le code pénal une disposition incriminant l’usage abusif du droit de préemption à des fins discriminatoires.

 

Il est ainsi prévu d’introduire, à cette fin, un article 432-7-1 dans le code pénal, faisant suite à l’actuel article 432-7 qui sanctionne le délit de discrimination commis par une personne exerçant une fonction publique. Désormais, le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public d’exercer un droit de préemption afin d’empêcher une personne de se porter acquéreur en raison de l’un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal serait puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.

 

L’amendement proposé vise donc à combler une lacune du droit en matière de discrimination pour que soient punis pénalement les abus du droit de préemption fondés notamment sur l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou l’orientation ou l’identité sexuelle.