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commission des finances

Projet de loi

Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude

(1ère lecture)

(n° 385 )

N° COM-49

25 juin 2018


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

M. de MONTGOLFIER, rapporteur


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 4


Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa du II de l’article 45 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 est ainsi rédigé :

« Art. L. 112-6-1 A. – Les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation ne peuvent effectuer aucun paiement au profit de leurs utilisateurs par une valeur monétaire stockée sous forme électronique et utilisable au moyen d’un support physique au sens de l’article L. 315-9 du présent code, dès lors que ces utilisateurs résident en France ou qu’ils réalisent des ventes ou des prestations de services en France en sens des articles 258 à 259 D du code général des impôts. »

 

 

Objet

Cet amendement vise à interdire aux plateformes en ligne d’effectuer des versements à leurs utilisateurs sur des cartes prépayées.

Plusieurs grandes plateformes en ligne proposent à leurs utilisateurs de recevoir leurs versements sur des cartes prépayées, parfois émises spécifiquement à cet effet. Si la presse a fait état fin 2017 d’une carte prépayée émise à Gibraltar et proposée par une grande plateforme  de location de logements, le phénomène est en réalité bien plus large et s’étend à l’ensemble des secteurs, et en particulier aux vendeurs présents sur des places de marché en ligne (marketplaces).

À la différence des cartes bancaires traditionnelles, les « cartes prépayées », qui permettent de stocker une valeur monétaire sous format électronique, ne sont pas adossées à un compte bancaire, et ne sont donc pas soumises à l’échange automatique d’informations fiscales.

Par conséquent, même si elles ont récemment été soumises à des obligations renforcées en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, tendant notamment à lever l’anonymat au-delà de certains seuils et à effectuer des signalements aux services anti-blanchiment (Tracfin en France), elles demeurent un moyen relativement simple de dissimuler des revenus à l’administration fiscale.

En outre, si la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement a plafonné à 15 000 euros la capacité d’emport des cartes prépayées et à 1 000 euros par mois le montant des chargements et retraits, ces plafonds ne s’appliquent pas aux cartes délivrées à l’étranger.

Toute infraction à l’interdiction prévue par le présent amendement serait punie d’une amende fiscale dont le montant serait fixé en tenant compte de la gravité des manquements et ne pourrait excéder 5 % des sommes payées, conformément à l’article 1840 J du code général des impôts (CGI), qui prévoit déjà ces sanctions fiscales en cas de violation de l’interdiction du paiement en espèces ou en monnaie électronique de certaines créances.

Ce dispositif constitue une mesure d’ordre public, justifiée par l’objectif de valeur constitutionnelle (OVC) de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Il existe de nombreux exemples de restrictions imposées à l’utilisation de certains moyens de paiement et justifiées par ce même objectif : interdiction des paiements en espèces ou par carte prépayée au-delà de 1 000 euros (contre 3 000 euros avant 2015), interdiction totale de certains paiements en espèce (métaux, achat d’un terrain ou d’un logement, salaires au-delà de 1 500 euros etc.).

La loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 prévoit déjà un dispositif similaire, adopté à l’initiative du Sénat, mais limité aux plateformes de location de logements. Le présent amendement aurait pour effet d’étendre ces dispositions à l’ensemble des plateformes en ligne pour ceux de leurs utilisateurs qui sont résidents ou redevables de la TVA en France.