Logo : Sénat français

commission des lois

Projet de loi

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice

(1ère lecture)

(n° 463 )

N° COM-103 rect.

2 octobre 2018


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

MM. SUEUR, Jacques BIGOT et KANNER, Mme de la GONTRIE, MM. DURAIN, LECONTE et HOULLEGATTE, Mmes PRÉVILLE, MEUNIER et JASMIN, M. JEANSANNETAS

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE 42


Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé : 

L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 689-11. - En dehors des cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV du présent code pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée de l’une des infractions suivantes :

1° Les crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-3 du code pénal ;

2° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.

La poursuite de cette personne ne peut être exercée, si aucune juridiction internationale ou étrangère ne demande sa remise ou son extradition, qu’à la requête du ministère public, lequel s’assure au préalable de l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale ou un État compétent. Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »

Objet

Cet amendement vise à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale, relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale, afin d’élargir la compétence territoriale des tribunaux français et ainsi permettre la poursuite et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger.

Il est issu d’une proposition de loi déposée par le premier signataire de cet amendement et adoptée le 23 décembre 2013 au Sénat, à l’unanimité des groupes politiques.

Le mécanisme de compétence extraterritoriale, inséré dans le code par la loi du 9 août 2010, a été vidé de sa substance par la mise en place de trois conditions cumulatives excessivement restrictives. Ces trois conditions constituent autant de verrous qui rendent pratiquement impossible la mise en œuvre de cette disposition. 

Le premier verrou concerne la condition de résidence habituelle sur le territoire français constitue une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux. Ainsi aux termes de l’article 689-1 de ce code, les personnes suspectées de crime de tortures ou d’actes de terrorisme peuvent relever des juridictions nationales dès lors qu’elles « se trouvent » sur le territoire français. Comme le soulignait M. Robert Badinter, en juin 2008 lors des débats au Sénat sur la loi du 9 août 2010, « conserver la condition de résidence habituelle signifie (...) que nous ne nous reconnaissons compétents pour arrêter, poursuivre et juger les criminels contre l’humanité, c’est-à-dire les pires qui soient que s’ils ont eu l’imprudence de résider de façon quasi permanente sur le territoire français. » 

Le deuxième est relatif à la condition de double incrimination prévue par l’article 689-11 du code de procédure pénale qui implique que les faits soient punissables à la fois par le droit français et par la législation de l’État où ils ont été commis. Ce verrou affaiblit la volonté de réprimer des faits portant atteinte à des valeurs universelles. La condition de double incrimination a été supprimée dans le cadre du mandat d’arrêt européen pour les infractions les plus graves (terrorisme, trafic d’armes et traite des êtres humains, par exemple). De surcroît, cette condition n’est exigée dans aucune autre des dispositions relatives à la compétence extraterritoriale des tribunaux français.

Le dernier verrou est l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale. Le préambule de la Cour pénale internationale indique que cette juridiction est complémentaire des juridictions pénales nationales. Or, l’article 689-11 du code de procédure pénale prévoit que les juridictions françaises ne peuvent être saisies sans qu’il ait été préalablement demandé à la Cour pénale internationale de décliner expressément sa compétence, donnant ainsi priorité à cette cour pour exercer des poursuites contre les responsables de crimes contre l’humanité, génocides et crimes de guerre. Cette disposition apparaît donc contraire au Statut de Rome.

Ce dispositif ne remet pas en cause le monopole des poursuites du parquet. En effet, lors de l’examen de la proposition de loi, adoptée en 2013 au Sénat, le rapporteur a estimé, au regard notamment de l’expérience de plusieurs voisins européens, qu’il existait un risque que la procédure de plainte avec constitution de partie civile entraîne des abus.