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commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Projet de loi

Économie circulaire

(1ère lecture)

(n° 660 )

N° COM-257

13 septembre 2019


 

AMENDEMENT

présenté par

Satisfait ou sans objet

M. PRINCE


ARTICLE 8


Rédiger ainsi l’alinéa 48 :

“Les producteurs ou leur éco-organisme peuvent mettre en œuvre sur le territoire des dispositifs de consigne pour réemploi, réutilisation ou recyclage, ou des dispositifs de gratification du geste de tri, des produits consommés ou utilisés par les ménages, lorsqu’ils sont nécessaires pour atteindre les objectifs de collecte fixés par la loi ou le droit de l’Union européenne. Ce dispositif doit être dûment autorisé par une délibération de la collectivité visée à l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales.

Le dispositif de consigne peut par ailleurs être réglementé au titre de l’article L. 2224-16 du code général des collectivités territoriales”.

Objet

La collecte et le traitement des déchets des ménages, et en particulier la collecte sélective et le tri des emballages ménagers, est assurée depuis des décennies par un service public de proximité. Il s’agit d’un des principaux services publics environnementaux assuré au plus près des Français par les collectivités territoriales. Depuis près de 30 ans, et afin de développer l’économie circulaire, les collectivités ont déployé des dispositifs de collecte séparée pour les déchets recyclables, s’appuyant sur le geste de tri des Français. Ce geste de tri est aujourd’hui un des gestes écologiques préférés des Français. Or, le projet de consigne sur les bouteilles en plastique jetables soutenu par les industriels de la boisson, que l’article L. 541-10-8 créé par ce projet de loi vise à mettre en place, remettrait totalement en cause cette organisation et le rôle des collectivités locales compétentes. Il mettrait ainsi en danger un service public local auquel les Français sont particulièrement attachés et qui a su atteindre un haut niveau de performance environnementale. 

En effet, plus de 70% des bouteilles en plastique consommées à domicile sont collectées sélectivement en vue du recyclable par le service public géré par les collectivités locales, ce qui est bien supérieur au chiffre de 57 % des 16 milliards de bouteilles en plastique consommées en France recyclées, dont le calcul intègre également les bouteilles consommées hors foyer, qui ne relèvent pas du service public. Les bouteilles destinées à la consommation nomade ou dans les cafés hôtels restaurants représentent plus de 100 000 tonnes de déchets (pour environ 300 000 tonnes de déchets issus de bouteilles consommées dans les ménages). Il n’existe quasiment aucun dispositif de collecte séparée pour ces bouteilles, qui finissent donc souvent dans la voirie publique ou dans les caniveaux.

Le service public de gestion des déchets atteint donc un niveau de performance proche des objectifs européens sur les bouteilles dont il a la responsabilité. Avec l’harmonisation des consignes sur les emballages plastiques sur l’ensemble du territoire d’ici 2022 et des dispositifs spécifiques d’accompagnement, le taux de collecte pour recyclage des bouteilles ménagères pourra atteindre 90% d’ici 2029.

Le projet de consigne pour recyclage des bouteilles plastiques jetables soutenu uniquement par les industriels de la boisson, et qui n’a rien à voir avec la traditionnelle consigne pour réemploi, se substituerait en partie au service public de collecte sélective des emballages et en menacerait la cohérence, la simplicité, l’efficacité, le coût et donc l’adhésion des populations.

Sur le plan économique, ce projet de collecte sélective alternative va générer un coût important qui sera supporté soit par le consommateur (sur la part non retournée des 4 milliards d’euros générés par cette consigne sur le prix des boissons), soit par le contribuable pour financer les 120 000 points de consignes envisagés et le maintien d’un service public de proximité et de qualité tout en compensant la perte de recette de ventes des matériaux issus des bouteilles, la perte de soutien de l’éco-organisme, et la désoptimisation de la collecte sélective et du tri en raison du gisement manquant.

 

Sur le plan social et sociétal, après des années d'apprentissage du geste de tri par les Français, et alors que les collectivités sont en train de réaliser des investissements importants pour pouvoir recycler l’ensemble des emballages plastiques et simplifier le geste de tri, ce projet de consigne complexifierait une nouvelle fois le geste de tri pour les Français. Elle les obligerait en effet à rapporter en magasin des déchets qui sont aujourd’hui collectés dans leur bac de tri. Par ailleurs, en monétarisant un geste de tri spécifique, la consigne sur les bouteilles en plastique risque de dévaloriser les autres gestes de tri (collecte sélective des autres emballages et des bouteilles en verre, collecte sélective des déchets d’équipement électronique, d’ameublement, …).

 

Enfin, l’intérêt environnemental du projet de consigne sur les bouteilles en plastique porté aujourd’hui par les industriels est très limité. En effet, bien que le terme « consigne » évoque la consigne pour réemploi que les Français ont connue il y plusieurs années, le projet actuel vise simplement à développer la consigne pour recyclage et non le retour massif au réemploi. Les bouteilles consignées ramenées en magasin iraient donc dans les mêmes filières que les bouteilles qui sont aujourd’hui mises dans un bac de tri. De plus, ce projet de consigne vise également à revaloriser l’image de la bouteille en plastique jetable, pérennisant ainsi un modèle économique basé sur l’usage unique du plastique et à inciter à sa consommation, alors que des mesures visant à réduire son utilisation, au profit de bouteilles en verre réutilisables, ou tout simplement au profit de l’eau du robinet, seraient beaucoup plus efficaces. 

Il convient également de rappeler que cette consigne sur les bouteilles en plastique, présentée comme une mesure phare pour l’économie circulaire, vise en réalité une part extrêmement réduite des déchets des Français : moins de 2% (550 000 tonnes sur plus de 35 millions de tonnes de déchets ménagers, dont les deux tiers sont déjà collectés en vue de leur recyclage). De très nombreuses mesures plus prioritaires pourraient être mises en place pour développer l’économie circulaire, en visant par exemple les plus de 10 millions de tonnes de déchets issus de produits non recyclables produites chaque année, les déchets les plus dangereux (piles, téléphone portable, peintures et solvants…) dont le taux de collecte est beaucoup plus bas que celui des bouteilles en plastique. La création d’une vraie collecte sélective dans la restauration rapide et sur les emballages nomades souvent à l’origine des gestes d’incivisme, ou encore le développement massif du réemploi des emballages seraient tellement plus important et efficace, plutôt que de mettre en danger un service public de proximité et performant, auquel les Français sont attachés. 

Au regard des risques économiques, environnementaux et sociaux que ce dispositif de consigne pour recyclage fait peser, cet amendement vise à garantir que le développement de dispositifs de consigne ne puisse pas se faire au détriment du service public de gestion des déchets, en conditionnant le déploiement de ces dispositifs sur un territoire à l’accord des collectivités compétentes. Il prévoit également de préciser, qu’en alternative à des dispositifs de consigne, des dispositifs de gratification du geste de tri peuvent être déployés. Contrairement à la consigne, les dispositifs de gratification n’impliquent pas de somme d’argent supplémentaire versée par le consommateur au moment de l’achat, mais simplement une récompense (faible somme d’argent ou bons d’achats), en échange du retour d’une bouteille. Contrairement à la consigne, ces dispositifs peuvent être mis en place dans le cadre du service public (les déchets collectés par les bornes offrant une gratification seraient alors ramassés par les véhicules collectant les bacs de tri). Ils peuvent également être concentrés sur des zones spécifiques, où le geste de tri est moins appliqué par les Français.