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commission des lois

Projet de loi

Prorogation de l'état d'urgence sanitaire

(1ère lecture)

(n° 414 )

N° COM-39 rect. quater

4 mai 2020


 

AMENDEMENT

présenté par

Satisfait ou sans objet

M. PATRIAT, Mme CARTRON, MM. THÉOPHILE, HAUT, IACOVELLI, GATTOLIN, RAMBAUD et DENNEMONT, Mme CONSTANT et MM. de BELENET, HASSANI, BUIS, YUNG, MARCHAND, PATIENT et KARAM


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER


Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes physiques ne sont pénalement responsables, sur le fondement des troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal pour des faits non intentionnels commis pendant l'état d'urgence sanitaire déclaré à l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, que pour des fautes qui leur sont directement et personnellement imputables, et à condition qu'il soit établi qu'elles n'ont pas accompli les diligences normales pour prévenir la propagation de la maladie compte tenu de leurs compétences, du pouvoir, des moyens dont elles disposaient, des difficultés propres à l?exercice de leurs fonctions ainsi que de l?état des connaissances scientifiques sur la catastrophe sanitaire au moment des faits.

Objet

Cet amendement a pour objectif de clarifier l?étendue de la responsabilité pénale pour des faits commis pendant l?état d?urgence sanitaire afin de permettre au pays de sortir de la période de confinement.

Dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons, l?ensemble des employeurs mais aussi des élus locaux ou de simples acteurs économiques sont conduits à prendre des décisions sur les modalités de reprise des activités économiques et sociales qui seront à nouveau autorisées dans les jours et les semaines qui viennent.

Leur action ne doit pas être paralysée par le risque de voir leur responsabilité pénale engagée dans des conditions excessives, lorsqu?ils n?ont pas causé directement le dommage, par exemple pour les infractions non intentionnelles en cas de contamination par le covid-19 sur les lieux dont le décideur a la responsabilité (le maire s?agissant des écoles, le commerçant pour son commerce ouvert au public, ou encore le chef d?entreprise pour son établissement).

Pour de telles infractions non intentionnelles, la loi exige que la faute soit plus importante lorsque le lien de causalité avec le dommage est indirect. Le quatrième alinéa de l?article 121-3 du code pénal prévoit ainsi que « les personnes physiques qui n?ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n?ont pas pris les mesures permettant de l?éviter », ne sont responsables que si elles ont commis :

- Soit une violation manifestement délibérée d?une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ;

- Soit une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d?une particulière gravité qu?elles ne pouvaient ignorer.

Par conséquent, la faute pénale non intentionnelle des acteurs du déconfinement ne peut être retenue dans de telles circonstances qu?en cas de faute d?une particulière intensité.

Il convient de prendre en compte la situation particulière dans laquelle se trouvent ces acteurs qui se trouvent confrontés, selon leurs responsabilités respectives, à la gestion des conséquences de la crise sanitaire que nous traversons.

Cet amendement vise par conséquent à éviter le risque d?une pénalisation excessive qui ne prendrait pas en considération cette situation particulière.

En premier lieu, cet amendement rappelle que la responsabilité pénale d?une personne physique ne peut être engagée que si la faute lui est personnellement et directement imputable.

Une telle formulation permet de mieux prendre en compte les processus complexes d?élaboration des décisions, qu?elles soient publiques ou privées. Le maire ou le commerçant ne doit pas être tenu responsable de la réouverture d?établissements décidée par d?autres.

En second lieu, cet amendement précise que la faute du décideur doit être appréciée in concreto, c?est-à-dire en prenant en compte les circonstances de l?espèce.

D?une part, comme dans toute gestion de crise, la difficulté réside dans le caractère parcellaire et évolutif des connaissances qui doivent éclairer les choix des acteurs publics et privés. Il s?agit d?éviter que l?on vienne apprécier l?existence d?une faute en fonction des connaissances scientifiques acquises a posteriori et dont ces acteurs ne disposaient pas au moment où ils ont pris leurs décisions.

D?autre part, ces acteurs disposent de capacités limitées et le caractère fautif de leur comportement doit être apprécié au regard des compétences, des pouvoirs ou des moyens nécessaires dont ils disposent. Ils ne doivent pas être pénalement responsables pour ne pas avoir pris des mesures qu?ils leur étaient matériellement impossibles de prendre.

Le juge devra ainsi procéder à une analyse approfondie de la situation afin d?apprécier si le comportement des décideurs peut être qualifiée de faute pénale.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.