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commission des affaires économiques

Projet de loi

Lutte contre la maltraitance animale

(1ère lecture)

(n° 326 )

N° COM-185

16 septembre 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mme CHAIN-LARCHÉ, rapporteure


ARTICLE 12


I.- Alinéa 4

Après les mots :

des animaux

rédiger ainsi la fin de l’alinéa :

appartenant à des espèces, races ou variétés non domestiques listées par décret du ministre chargé de la protection de la nature. Pour chaque espèce, race ou variété, le décret précise la date d’entrée en vigueur de l’interdiction, qui ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de cinq ans après la promulgation de la loi n°… du … visant à lutter contre la maltraitance animale.

II.- Après l’alinéa 9

Insérer quatorze alinéas ainsi rédigé :

« VI.- L’inscription d’espèces, races ou variétés non domestiques sur la liste figurant au décret prévu par le I du présent article prend en compte :

« 1° La compatibilité des conditions de détention et d’itinérance de l’espèce, race ou variété avec ses besoins spécifiques et son bien-être ;

« 2° L’existence d’une capacité d’accueil pour les animaux de cette espèce, race ou variété en cas d’interdiction en application du I, dans des conditions ne pouvant être moins favorables au regard du 1° que celles existantes au sein de l’établissement de détention, ainsi que le risque encouru par les animaux en cas de cession au regard, notamment, des conditions futures de détention envisagées ;

« 3° La proportionnalité du délai d’entrée en vigueur de l’interdiction prévu en application du I, au regard de la compatibilité mentionnée au 1° du présent IV, et au regard de sa faisabilité opérationnelle.

« VII.- Le décret prévu au I est pris après avis d’un conseil du bien-être des animaux itinérants, composé :

« 1° De personnalités qualifiées en matière de recherche scientifique relative à l’éthologie, à la reproduction, à la conservation, aux caractéristiques biologiques et aux besoins des animaux non domestiques ;

« 2° D’un vétérinaire de la faune sauvage ;

« 3° De représentants des établissements itinérants détenant des animaux non domestiques ;

« 4° De représentants du ministère chargé de la protection de la nature et de représentants du ministère chargé de la culture ;

« 5° D’un représentant des associations de protection des animaux ;

« 6° De représentants des associations d’élus locaux.

« Les membres du conseil prévu au présent VII exercent leurs fonctions à titre gratuit. Sa composition, son organisation et son fonctionnement sont fixés par décret.

« Le conseil prévu au présent VII se réunit annuellement pour analyser l’évolution des pratiques et des connaissances relatives aux critères mentionnés aux 1° à 3° du VI. Cette analyse est publiée dans un rapport annuel, remis chaque année avant le 15 juillet au ministre chargé de la protection de la nature et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le conseil peut également émettre des préconisations.

« VIII.- Les conditions d’application du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature. »

III.- Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

Objet

Cet amendement vise à garantir que les interdictions relatives aux animaux non domestiques détenus par les établissements itinérants adopteront le bon ciblage, et seront fondées sur une connaissance adéquate de la compatibilité de l’itinérance avec les besoins des animaux.

Contrairement à l’article initial, qui prévoyait une proportionnalité de l’interdiction au regard du degré de compatibilité entre les besoins de l’espèce et le mode de vie itinérant, la rédaction actuelle de l’article 12 adopte une posture « généraliste » qui méconnaît les réalités de terrain.

La réglementation française encadre en effet strictement les conditions de détention d’animaux non domestiques : ceux-ci sont soumis à autorisation d’ouverture, avec prescriptions spécifiques concernant les conditions de détention, d’élevage et d’identification, et leurs responsables doivent obtenir un certificat de capacité justifiant de leurs compétences. La loi impose des contrôles réguliers de l’administration. Les établissements itinérants, spécifiquement, doivent de surcroît recueillir une autorisation préfectorale, pour une liste limitative d’espèces. Les installations sont contrôlées une fois par jour pour assurer le respect des normes en vigueur en matière d’espace, de bien-être et de santé.

Le principe sur lequel se fonde la loi, aujourd’hui, en matière de détention d’animaux non domestiques est simple et pragmatique : si les conditions de détention et d’itinérance permettent d’assurer que les besoins de l’animal sont remplis, il n’y a pas de motif pour les interdire.

Le dispositif proposé, à l’inverse, n’est aucunement fondé sur des considérations scientifiques ou des constats de terrain. Il instaure une interdiction générale de détention, de commercialisation, de transport, de reproduction et d’acquisition d’animaux non domestiques par les établissements itinérants. Seront concernés certaines espèces d’animaux uniquement, sans que les critères retenus ne soient explicités. D’un point de vue constitutionnel, cette interdiction générale, mais pour un type d’établissement uniquement, pourrait, en outre, soulever des réserves.

De surcroît, l’interdiction générale édictée ne se préoccupe aucunement du devenir des animaux de cirque qui seront bientôt « interdits », et donc laissés de côté. Que se passera-t-il si les capacités d’accueil en refuge sont saturées ? Cette interdiction générale pourrait entraîner leur vente au plus offrant, potentiellement dans des pays bien moins regardants en matière de bien-être animal ?

C’est aussi le savoir-faire et les connaissances de professionnels circassiens, qui s’inscrivent dans une longue tradition, dont le dispositif priverait ; de même qu’une opportunité d’éduquer les enfants sur la faune sauvage et ses caractéristiques. Des vocations de vétérinaires, de scientifiques ou de conservateurs de la faune se créent parfois au contact de ces animaux. Le cirque reste très apprécié des français, qui assistent chaque année aux spectacles.

Cet amendement propose donc de remplacer une interdiction mal calibrée et peu étayée par des interdictions ciblées et un accompagnement de la mutation des cirques et spectacles itinérants.

Seront concernés par l’interdiction les animaux sauvages listés explicitement par un décret, dans des délais adaptés à la situation spécifique de chaque espèce (au minimum cinq ans, comme le prévoit déjà l’article).

L’inscription d’espèces à la liste devra se baser sur des critères objectifs, fondés sur des considérations scientifiques et opérationnelles étayées, et portant sur : l’impact de l’itinérance sur l’espèce au regard de ses besoins ; l’existence d’une alternative pour accueillir l’animal en cas d’interdiction, celle-ci devant garantir a minima des conditions de détention plus favorables ; la faisabilité opérationnelle des cessions d’animaux et de l’arrêt du transport.

En outre, dans un objectif de dialogue constructif et de meilleure information des pouvoirs publics, l’amendement prévoit qu’un « conseil du bien-être des animaux itinérants » nourrisse la réflexion des pouvoirs publics lors de l’établissement de la liste d’espèces concernées. Celui-ci sera composé de scientifiques, de vétérinaires, de professionnels des établissements itinérants, mais aussi des services ministériels chargés du contrôle des établissements, d’associations de protection des animaux et d’associations d’élus locaux. Il rendra un outre un rapport annuel sur l’évolution de la situation, et pourra émettre des préconisations.