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commission des lois

Projet de loi

Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification

(1ère lecture)

(n° 588 rect. , 719, 720, 721)

N° COM-1039

24 juin 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

M. DARNAUD et Mme GATEL, rapporteurs


ARTICLE 60


I. – Alinéa 18, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les obligations ainsi mises à la charge de l’acquéreur ont le caractère d’obligations accessoires à un droit réel, soumises au régime prévu à l’article L. 192 du code de l’environnement.

II. – Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) Le dernier alinéa est supprimé.

III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... – Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 132-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « , ainsi qu'à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble » sont remplacés par les mots : « des obligations accessoires à leur droit de propriété, soumises au régime prévu à l’article L. 192 » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « Les obligations réelles environnementales » sont remplacées par les mots : « Ces obligations » ;

c) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sauf convention contraire, les créances nées du contrat dans le patrimoine du propriétaire sont transmises aux tiers avec les obligations mentionnées au premier alinéa du présent article. » ;

d) À la première phrase du quatrième alinéa, le mot : « réelle » est remplacé par les mots : « mentionnée au premier alinéa » ;

2° Après le titre IX du livre Ier, il est inséré un titre X ainsi rédigé :

« Titre X

« Obligations accessoires à un droit réel

« Art. L. 192. – Dans les cas prévus par la loi, des obligations ayant pour objet la protection de l’environnement peuvent être mises à la charge du titulaire d’un droit réel sur un immeuble en cette qualité. De telles obligations résultent d’un contrat établi en la forme authentique et donnant lieu aux formalités de publicité foncière. Leur durée ne peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans.

« Ces obligations, accessoires au droit réel, se transmettent avec lui. Par dérogation à l’article 1327 du code civil, l’accord du créancier n’est pas requis en cas de cession. Par dérogation à l’article 1327-2 du même code, la cession libère le cédant pour l’avenir.

« Les obligations consenties par l’usufruitier ou le titulaire d’un droit d’usage ou de jouissance s’éteignent avec l’usufruit ou avec ce droit.

« En cas de démembrement de la propriété postérieur à la conclusion du contrat, les obligations stipulées incombent à l’usufruitier ou au titulaire d’un droit d’usage ou de jouissance, sauf convention contraire. »

... – Le 1° du ... a un caractère interprétatif.

Objet

1. Le présent amendement a pour objet de clarifier le régime des « obligations réelles environnementales », créé par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et auquel l’article 60 du projet de loi se réfère pour définir les obligations incombant à l’acquéreur d’un bien préalablement préempté au titre du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine, ainsi qu’aux propriétaires ultérieurs du même bien.

La qualification d’ « obligation réelle » est ici impropre. Sous cette appellation, la doctrine désigne parfois des obligations incombant au propriétaire d’un fonds grevé d’une servitude, destinées à rendre effectif l’exercice de celle-ci (voir les articles 698 et 699 du code civil). La créance qui constitue la face active d’une telle obligation est l’accessoire du droit réel de servitude dont jouit le propriétaire du fonds dominant, ce qui peut justifier l’usage de ce qualificatif.

Or, en l’espèce, le bénéficiaire d’une « obligation réelle environnementale » n’est le titulaire aucun droit réel sur le terrain considéré. Il est seulement le créancier d’une obligation personnelle qui incombe au propriétaire du fonds en cette qualité, obligation transmissible de plein droit aux propriétaires ultérieurs.

En outre, le régime des « obligations réelles environnementales » défini à l’article L. 132-3 du code de l’environnement est extrêmement lacunaire. Non seulement ce régime légal n’envisage pas le cas d’un démembrement de la propriété, antérieur ou postérieur à la conclusion du contrat donnant naissance à de telles obligations, mais son articulation avec le régime général des obligations (personnelles) définies par le code civil est problématique. À titre d’exemple, alors que les droits réels sont perpétuels, on ne sait si les « obligations réelles environnementales » sont obligatoirement bornées dans le temps, conformément à la prohibition des engagements perpétuels prévue à l’article 1210 du code civil. Il n’est pas admissible de s’en remettre ici à la seule volonté des parties.

De manière plus générale, la création d’obligations personnelles accessoires à un droit réel ne saurait être autorisée qu’avec la plus grande précaution et sous un régime légal précisément défini, tant elle est contraire à l’esprit de notre droit depuis la Révolution française.

2. Le présent amendement vise, en premier lieu, à instituer un régime général des obligations accessoires à un droit réel portant sur un immeuble et ayant pour objet la protection de l’environnement, qui ne serait applicable que dans les cas prévus par des dispositions législatives spéciales.

De telles obligations seraient transmissibles de plein droit avec le droit réel dont elles seraient l’accessoire.

Elles ne pourraient naître que d’un contrat établi en la forme authentique et publié au registre de la publicité foncière, ce qui garantirait l’information de tous, notamment des titulaires ultérieurs du même droit réel.

Quant à la durée de ces obligations, elle serait librement définie mais limitée, par des dispositions d’ordre public, à quatre-vingt-dix-neuf ans.

Par dérogation au régime général des obligations, en cas de cession du droit réel et des obligations accessoires, le cédant serait libéré de plein droit desdites obligations, sans que le consentement du cédé (en pratique, la personne morale créancière des obligations environnementales) soit requis. Toute autre solution serait excessivement attentatoire au droit de propriété. De même, la cession libérerait le cédant pour l’avenir : on imagine mal que l’ancien propriétaire reste tenu d’obligations environnementales liées à un terrain qu’il a vendu ou donné.

En cas de démembrement de la propriété antérieur au contrat créant les obligations environnementales accessoires, les obligations consenties par l’usufruitier ou le titulaire d’un droit réel d’usage ou de jouissance s’éteindraient avec l’usufruit ou avec ce droit.

En cas de démembrement postérieur au contrat, les obligations incomberaient à l’usufruitier ou au titulaire d’un droit réel d’usage ou de jouissance, sauf convention contraire.

Pour le surplus, ces obligations accessoires seraient soumises au régime général des obligations prévu par le code civil. Cela permettrait par exemple au débiteur d’agir en révision pour imprévision, sur le fondement de l’article 1195 de ce code.

3. En deuxième lieu, l’amendement prévoit d’ajuster la rédaction de l’article L. 132-3 du code de l’environnement, afin de prévoir :

- d’une part, que les obligations naissant du contrat prévu à cet article sont des obligations accessoires soumises au régime général défini préalablement ;

- d’autre part, que dans le cas où des engagements réciproques ont été pris, les créances suivent les dettes, sauf convention contraire : autrement dit, la personne morale concernée resterait engagée à l’égard des propriétaires ultérieurs du terrain (ou, le cas échéant, de l’usufruitier ou du titulaire d’un droit d’usage), soumis de leur côté aux mêmes obligations que l’acquéreur primitif.  

4. En troisième et dernier lieu, l’amendement prévoit de modifier le régime des biens acquis au titre du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine et ultérieurement revendus, tel que prévu à l’article 60 du projet de loi, afin de le mettre en cohérence avec les dispositions décrites précédemment. 

En l’état, le dernier alinéa de l’article L. 218-13 du code de l’urbanisme, tel que modifié par le projet de loi, prévoit que le cahier des charges annexé à la vente et où sont stipulées les obligations incombant à l’acquéreur « précis[e] notamment les conditions dans lesquelles les cessions ou locations sont consenties et résolues en cas d'inexécution des obligations du cocontractant ».

La résolution de la vente (ou des ventes successives ?) en cas d’inexécution par un propriétaire ultérieur des obligations accessoires à son droit de propriété n’est pas une sanction adéquate. Il serait aberrant d’obliger le dernier vendeur à rembourser le prix reçu pour sanctionner l’inexécution de ses obligations par le dernier acquéreur ; il le serait plus encore de remettre en cause l’ensemble des ventes successives. Des problèmes inextricables se poseraient aussi en cas de démembrement de la propriété et même de mise à bail du terrain.

Tout en supprimant ces dispositions – dont la portée normative est d’ailleurs incertaine – l’amendement n’exclut pas l’insertion, dans le contrat de vente initial entre la personne morale titulaire ou délégataire du droit de préemption et le premier acquéreur, d’une clause résolutoire liée à l’inexécution des obligations accessoires prévues par le cahier des charges.