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commission des lois

Projet de loi

Immigration et intégration

(1ère lecture)

(n° 304 )

N° COM-153

10 mars 2023


 

AMENDEMENT

présenté par

Retiré

Mme Valérie BOYER


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 27


Après l'article 27

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’accès aux soins des patients étrangers.  Il évalue notamment les performances de la base Visabio du ministère de l’intérieur et son accès par les caisses d’assurance maladie. Il se prononce sur les mesures à prendre afin de contraindre les pays à payer les factures de soins impayées de leurs ressortissants.

Objet

La catégorie des patients étrangers dits non-résidents recouvre deux caractéristiques : l’absence de couverture sociale en France d’une part et la résidence à l’étranger d’autre part. Sont exclus de cette catégorie les patients relevant de l’AME et des dispositifs de facturation « soins urgents » et « relations internationales ». Peuvent cependant être inclus dans cette catégorie les patients français résidant à l’étranger, sans couverture sociale en France.

Comme l'a rappelé Valérie Boyer dans un rapport pour avis de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2020 "Immigration, asile et intégration" (avis n°2303 tome 7, novembre 2019), la créance étrangère recouvre le crédit des particuliers étrangers non-résidents, le crédit des organismes de santé étrangers publics et privés et le crédit des ambassades étrangères. Pour l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), au 31 décembre 2018, cette dette – quelle que soit l’année de la créance initiale – atteignait 116 712 015 euros, soit 8 % des restes à recouvrer totaux. Au 30 juin 2019, les principaux débiteurs étaient des ressortissants algériens (26 188 443 euros), marocains (10 121 014 euros), américains (7 706 537 euros), britanniques (4 296 052 euros), koweïtiens (4 069 626 euros) et tunisiens (3 508 938 euros). Pour l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), au 31 décembre 2018, cette dette s’élevait à 7 260 613 euros, soit 5 % des restes à recouvrer totaux. Comme pour l’AP-HP, cette dette est marquée par l’ancienneté et le montant de la créance algérienne de l’ordre de 2,2 millions d’euros au titre des personnes morales de droit public dont les plus anciennes datent de 1979 et concernent le ministère de la santé algérien.

Depuis 2014, les cinq premières pathologies traitées concernent des tumeurs malignes du sein, les tumeurs malignes de la prostate, les maladies rénales chroniques de stade 5, les tumeurs malignes de l’encéphale et les tumeurs malignes du rectum. On note en 2018 une forte augmentation des cas de leucémie lymphoblastique aiguë. Les actes les plus fréquemment exercés sont les oscillographies, les mammographies, les oxygénothérapies, les électrocardiographies et les radiographies du thorax.

Sans documents permettant d’attester de ses droits, toute admission programmée d’un patient étranger non-résident sera soumise au principe du paiement d’avance systématique. Aucune hospitalisation ni aucun acte programmé ne peuvent être dispensés sans que le service concerné n’ait l’assurance du recouvrement des frais médicaux. Le paiement est donc effectué d’avance sur la base d’un devis, et aucune admission n’est initiée sans son règlement intégral. En 2014, le paiement d’avance systématique a été étendu à tous les organismes étrangers (hors régime des conventions internationales passant par le dispositif de facturation « relations internationales »), ainsi qu’à tous les patients non assurés sociaux qu’ils présentent une adresse à l’étranger ou en France.

Concernant les admissions directes des patients non-résidents sans droits, la prise en charge médicale du patient prévaut pour les soins urgents. Les éléments permettant la facturation et le recouvrement sont collectés a posteriori. C’est précisément ce cas de figure qui complique la régulation de la dette des patients étrangers non-résidents pour les hôpitaux publics. Nous déplorons, par ailleurs, le fait que les personnels médicaux ou de direction se retrouvent souvent en première ligne face à l’incompréhension des familles en cas de refus de prise en charge d’un patient. Cette situation exige que les pouvoirs publics se saisissent de cette question afin de rappeler le caractère non systématique de la prise en charge, en dehors de l’urgence vitale.

Les principales difficultés rencontrées par les hôpitaux concernent les patients entrant en urgence, qui ne nécessitent pas exclusivement des soins vitaux immédiats mais également des soins urgents à court terme avant qu’ils ne deviennent des urgences vitales, comme les dialyses, par exemple. Une fois le patient présent, il est très difficile pour l’équipe soignante de refuser une prise en charge, même si celle-ci se révèle possible dans le pays d’origine. Par exemple, on constate depuis deux ans une hausse très marquée du nombre de patientes étrangères non-résidentes venant accoucher en France. Ces patientes, qui ont, dans bien des cas, des droits ouverts dans leur pays d’origine se voient facturer les soins liés à leur accouchement. Dans la mesure où elles regagnent leur pays d’origine après l’accouchement et où les poursuites des services de recouvrement sont impuissants à recouvrer les créances à l’étranger, une perte nette s’ensuit pour les hôpitaux publics. Celle-ci était supérieure à 2 millions d’euros pour les exercices 2017 et 2018 pour l’AP-HM. Le Gouvernement devrait s'engager à mettre en place des dispositifs efficaces permettant aux hôpitaux publics de recouvrer le plus tôt possible leurs créances, une fois les soins d’urgence vitale effectués.

En règle générale, l’hôpital est confronté, d’une part, à un refus de prise en charge par la sécurité sociale française car le patient ne relève pas de soins urgents au sens strict – a fortiori quand il dispose d’un visa touristique – et d’autre part au refus du système de protection sociale du pays d’origine qui estime que le patient pouvait pris en charge localement. S’agissant des pathologies chroniques, les soins ne sont, par ailleurs, jamais couverts par les assurances voyages. Enfin, les ambassades des pays de résidence des patients concernés considèrent ces créances comme « privées » et n’apportent aucune aide pour leur recouvrement. L’existence de conventions internationales bilatérales est certes un moyen efficace de prévenir les créances non recouvrées. Mais force est de constater que le nouveau protocole de soins bilatéral entre la France et l’Algérie n’est toujours pas opérationnel au sein de l’AP-HP et à l’AP-HM. Aussi nous pourrions recommander à la direction de la sécurité sociale du ministère des solidarités et de la santé d'œuvrer le plus rapidement possible en ce sens. Par ailleurs, nous devrions aborder la problématique de l’apurement de la dette ancienne.

Un dispositif de signalement des patients étrangers endettés existe auprès de certains consulats et ambassades. Cette procédure permet d’accélérer les formalités de prises en charge par le pays d’origine, de manière à ne pas augmenter la dette détenue par le patient envers l’hôpital, et peut également conduire, dans des cas précis, à un blocage du visa lors des prochains déplacements. Nous pourrions envisager une généralisation et renforcement de cette politique de signalement. Il faut toutefois rappeler que les ressortissants de certains pays ne nécessitent pas de visa et que les refus de visa ne sont pas efficaces lorsque les patients concernés transitent par d’autres pays de l’espace Schengen. De la sorte, une coordination européenne sur ce point devrait être explorée.

Lors du débat sur la politique migratoire de la France et de l’Europe, le 7 octobre 2019, la Ministre de la Santé a annoncé que « les caisses d’assurance maladie auront accès dès la fin de l’année à la base Visabio du ministère de l’intérieur, laquelle permettra d’identifier les demandeurs dissimulant un visa et n’ayant donc aucunement vocation à bénéficier de l’AME ni aux soins urgents ».

Même si cette mesure va dans le bon sens cela ne réglera pas le problème des pays d’origine qui refusent de régler les factures des soins. Aussi, nous devrions entamer une réflexion sur les moyens de contraintes dont nous disposons pour obliger ces pays à payer les factures de leurs ressortissants.

Aussi, afin de faire le point sur ces questions majeures, cet amendement à pour objectif de demander, dans les douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’accès aux soins des patients étrangers.  Il évaluera notamment les performances de la base Visabio du ministère de l’intérieur et son accès par les caisses d’assurance maladie. Il se prononce sur les mesures à prendre afin de contraindre les pays à payer les factures de soins impayées de leurs ressortissants.