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commission des affaires sociales

Projet de loi

Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi

(1ère lecture)

(n° 44 )

N° COM-23

17 octobre 2022


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mmes PONCET MONGE et Mélanie VOGEL, MM. BENARROCHE, BREUILLER, DANTEC, DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et LABBÉ, Mme de MARCO et MM. PARIGI et SALMON


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 5


Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport annuel sur l’impact de la réforme de l’assurance chômage sur l’évolution des salaires en France.

Objet

Dans une étude parue en 2006, l’économiste Yann Algan démontre que la réduction des indemnités chômages semblent avoir des externalités négatives en matière de retour à l’emploi et de maintien de la masse salariale. Il écrit : « Il existe aujourd’hui des arguments solides à la mise en place d’indemnisations chômage généreuses. Ceux-ci renvoient à deux vertus des systèmes d’assurance chômage, chacune transitant par deux aspects bien distincts du comportement de recherche d’emploi. D’une part, l’assurance chômage fournit les ressources essentielles à la conduite d’une recherche d’emploi efficace. Réduire la générosité de l’indemnisation pourrait bien conduire à une diminution de l’effort de recherche d’emploi, consécutif à un appauvrissement des chômeurs. D’autre part, elle permet aux chômeurs de rejeter les propositions d’emploi de piètre qualité. Cet effet est bénéfique lorsque le salaire de réservation véhicule des externalités sur la composition des emplois ou la distribution des salaires offerts. Réduire la générosité de l’indemnisation pourrait donc se traduire par une diminution de la masse salariale. »[1]

De même, l’économiste Julien Reysz aboutit à des conclusions similaires dans son étude sur l’assurance chômage au Royaume-Unis, démontrant que des taux de remplacement bas se conjugue avec la faible rémunération des travailleurs les plus pauvres : « En obligeant les chômeurs à reprendre un travail peu rémunérateur, elle les contraint à accepter des emplois très souvent de mauvaise qualité qui n’offrent pas de véritable (accès à une) formation professionnelle ni de réelle perspective de carrière ». Selon ces études il semble que la baisse des indemnités chômage, de même que le durcissement des politiques de sanctions à l’égard des chomeurs, réduit considérablement les capacités de négociations des travailleurs amenant les salaires à stagner ou à baisser. Il est donc plus que probable que cette mécanique entraîne pour l’ensemble des salariés des métiers dits “en tension”, une pression à la baisse sur les salaires et les avancées de carrière. Pour les chômeurs, la baisse des allocations réduit la possibilité de choisir l’emploi repris après une période de chômage, de s’appuyer sur l’indemnisation pour changer d’emploi et la possibilité de négocier ses conditions de travail et de rémunération. Pour les salariés en place, les demandes d’augmentation et d’avancement risquent d’être balayées par la concurrence de chômeurs poussés à accepter des emplois à des conditions dégradées. 

Dans le contexte inflationniste que nous connaissons où les salaires peinent à suivre, il est nécessaire d’obtenir des données solides sur les externalités négatives potentielles de la baisse des allocations chômage sur les salaires. Cet amendement vise donc à ce qu’un rapport soit réalisé concernant les effets de la réforme de l’assurance chômage sur l’évolution des salaires.

[1] https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2006-3-page-297.htm?contenu=article