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commission des lois

Proposition de loi

Garantir la confidentialité des consultations juridiques

(1ère lecture)

(n° 126 )

N° COM-1

5 février 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure


ARTICLE UNIQUE


I. – Alinéas 1 à 5

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifiée :

1° Après l’article 58, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. 58-…. – I. – Sont confidentielles les consultations juridiques rédigées au profit de son employeur par un juriste d’entreprise ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, satisfaisant aux conditions suivantes :

II. – Alinéa 6

Supprimer les mots :

d’une maîtrise en droit ou

III. – Alinéa 7

À la fin de l’alinéa, remplacer les mots :

en déontologie

par les mots :

relatives aux obligations attachées à la rédaction de consultations juridiques

IV. – Alinéa 8

Supprimer les mots :

, sur proposition d’une commission dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret

V. – Alinéa 9

Supprimer les mots :

, à tout responsable de service opérationnel

VI. – Alinéa 10

Supprimer les mots :

, ainsi que les documents d’analyse préparatoire de ces consultations et les projets de ces consultations,

VII. – Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sont couvertes par la même confidentialité les versions successives d’une consultation juridique rédigées dans les conditions prévues au présent I.

VIII. – Alinéa 11

Au début, remplacer la référence et le mot :

III. – Les

par la référence et les mots :

II. – Sous réserve des dispositions prévues au III du présent article, les

IX. – Alinéa 12

Remplacer le mot :

et

par le mot :

ou

X. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La confidentialité peut à tout moment être levée par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise.

XI. – Avant l’alinéa 13

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« III. – Lorsque la confidentialité d’un document est alléguée au cours de l’exécution d’une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial ou dans le cadre d’une procédure administrative, elle peut être contestée ou levée selon les modalités prévues au présent III.

« A. - Un représentant de l’entreprise peut s’opposer à la saisie du document s’il estime cette saisie incompatible avec le respect de la confidentialité qui lui est attachée. Le document ne peut alors être appréhendé que par un commissaire de justice, désigné à cette fin par le juge ayant ordonné la mesure d’instruction ou l’autorité administrative ayant engagé la procédure, aux frais de l’entreprise, en présence de représentants de l’entreprise et de la partie demanderesse au litige ou de l’autorité administrative, qui le place sous scellé fermé. Le commissaire de justice dresse procès-verbal de ces opérations. Le document et le procès-verbal sont placés sans délai en l’étude du commissaire de justice pendant une durée qui ne peut excéder un mois.

XII. – Alinéa 13

Avant le mot :

peut

rédiger ainsi le début de l’alinéa :

« Lorsque la saisie mentionnée au deuxième alinéa du présent III a été réalisée au cours de l’exécution d’une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial, le président de la juridiction qui a ordonné celle-ci

XIII. – Alinéa 14 :

Avant le mot :

peut

rédiger ainsi le début de l’alinéa :

« Lorsque la saisie mentionnée au deuxième alinéa du présent III a été réalisée dans le cadre d’une procédure administrative, le juge des libertés et de la détention

XIV. – Alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« Sur notification par le juge saisi de l’assignation ou de la requête, le commissaire de justice transmet sans délai au greffe l’ensemble des documents placés sous scellés fermés demandés ainsi qu’une copie du procès-verbal dressé à l’occasion de leur saisie.

« Dans les quinze jours de la réception de ces pièces, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité.

« À cette fin, il entend la partie demanderesse ou l’autorité administrative et un représentant de l’entreprise. Il ouvre le scellé en présence de ces personnes.

XV – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

XVI. – Alinéa 22

Rédiger ainsi cet alinéa

« Lorsqu’à l’échéance du délai de quinze jours mentionné aux troisième et quatrième alinéas du présent III le document placé sous scellé fermé n’a pas fait l’objet d’une contestation ou d’une demande de levée de sa confidentialité, l’entreprise peut solliciter auprès du commissaire de justice sa restitution. Lorsqu’à l’échéance du délai d’un mois mentionné au deuxième alinéa du même III l’entreprise n’a pas sollicité la restitution du document placé sous scellé fermé, le commissaire de justice procède à sa destruction. Le commissaire de justice dresse procès-verbal de ces opérations.

XVII. – Après l’alinéa 22

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« B. – Un représentant de l’entreprise peut s’opposer à la communication du document ou de sa copie demandée dans le cadre d’une procédure administrative. Cette opposition est formulée par écrit et par tout moyen de nature à conférer date certaine, auprès de l’autorité administrative ayant engagé la procédure.

« Dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette opposition, l’autorité administrative ayant engagé la procédure peut saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de voir contester ou ordonner la levée de la confidentialité du document concerné, dans les conditions prévues aux 1° et 2° du A du présent III. Elle informe l’entreprise de cette saisine sans délai, par écrit et par tout moyen de nature à conférer date certaine. À réception de cette notification, l’entreprise communique sans délai au juge saisi le document concerné ou sa copie.

« Dans les quinze jours suivant sa saisine, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité. À cette fin, il entend l’autorité administrative et un représentant de l’entreprise. 

« Le juge peut adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection de la confidentialité.

« S’il est fait droit aux demandes, le document concerné est produit à la procédure en cours dans les conditions qui lui sont applicables.

XVIII. – Alinéa 23

Au début, remplacer la référence :

V.

par la référence :

IV.

XIX. – Alinéa 24 

Au début, remplacer la référence :

VI.

par la référence :

V.

XX. - Alinéa 26

Supprimer cet alinéa.

XXI. – Alinéa 27

Au début, remplacer la référence :

VIII.

par la référence :

VII.

XXII. – Compléter l’article par trois alinéas ainsi rédigés :

2° L’article 66-2 est ainsi modifié :

a) Le mot : « ou » est remplacé par le signe « , » ;

b) Il est complété par les mots : « , ou apposé sur tout document la mention “confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise” ».

Objet

Le présent amendement tend, tout en préservant les principaux apports de la proposition de loi, à en sécuriser le dispositif.

En premier lieu, il vise à renforcer les conditions ouvrant le bénéfice de la confidentialité aux consultations juridiques.

À cette fin, il rehausse la condition de qualification professionnelle, en prévoyant que seuls les juristes d’entreprise titulaires d’un master en droit pourront voir leurs consultations bénéficier de la confidentialité et restreint légèrement le champ des destinataires des consultations juridiques susceptibles d’être revêtues de la confidentialité, en excluant celles dont les responsables de service opérationnel sont destinataires.

Poursuivant par ailleurs l’objectif de ne pas créer de nouvelle profession réglementée, le présent amendement supprime la notion de « déontologie », source de confusion avec les spécificités propres à la profession d’avocat. Les juristes d’entreprise devraient ainsi justifier du suivi de formations relatives aux obligations entourant la rédaction de consultations juridiques. De telles formations viseraient en particulier à les informer précisément sur les conditions dans lesquelles le bénéfice de la confidentialité peut être accordé à une consultation juridique. Par cohérence avec ce même objectif, l’amendement tend également à supprimer la commission amenée à se prononcer sur les formations ainsi dispensées aux juristes d’entreprise.

En deuxième lieu, le présent amendement tend à modifier les conséquences juridiques générales attachées à la rédaction de consultations juridiques confidentielles par les juristes d’entreprise.

D’une part, il tend à modifier la sanction pénale attachée à l’apposition indue de la mention “confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise”. En effet, la sanction pénale actuellement prévue par la proposition de loi est celle applicable à la production d’un faux, soit aux termes de l’article 441-1 du code pénal, une altération frauduleuse de la vérité. Il est proposé d’aligner la sanction d’un tel comportement sur celle déjà prévue à l’article 66-2 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques pour la fourniture de consultations ou la rédaction d’actes sous seing privé en violation des obligations légales. D’autre part, il prévoit que la confidentialité n’est pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale. La limitation d’une telle inopposabilité aux procédures à la fois pénales et fiscales aboutirait à n’ouvrir le bénéfice de cette inopposabilité qu’à un nombre très réduit de procédures.

En troisième lieu, le présent amendement tend à préciser la procédure de contestation ou de levée de la confidentialité d’une consultation juridique, susceptible d’être appliquée dans deux cas de figure : la saisie ou la demande de communication de ladite consultation.

Dans le premier cas, la proposition de loi prévoit, dans le cas d’un litige civil ou commercial, l’intervention du président de la juridiction ayant ordonné la mesure d’instruction et, dans le cas d’une procédure administrative, l’intervention du juge des libertés et de la détention, qui autorise généralement les opérations de visite donnant lieu à de telles saisies de documents. Prenant appui sur la procédure applicable en matière de perquisitions d’un cabinet d’avocat – prévue à l’article 56-1 du code de procédure pénale -, le présent amendement tend à préciser et consolider la procédure en prévoyant :

- que la consultation dont la confidentialité est alléguée est saisie, placée sous scellé et conservée par un commissaire de justice, tiers de confiance garantissant la protection du document contre le risque d’altération par l’entreprise qu’impliquerait son maintien dans les locaux de celle-ci et contre celui d’une rupture de la confidentialité qu’emporterait son placement auprès de la partie demanderesse à l’action ou l’autorité administrative ayant engagé la procédure à l’occasion de laquelle la saisie est réalisée ;

- que la confidentialité est contestée ou que sa levée est demandée devant le président de la juridiction ayant ordonné la mesure d’instruction pour un litige civil ou commercial ou devant le juge des libertés et de la détention dans le cas d’une procédure administrative. Afin de respecter le contradictoire, il est prévu que l’ouverture du document scellé ne peut être réalisée que par le juge, en présence des parties, après audition de celles-ci.

Par ailleurs, la présente proposition de loi ne prévoyait pas le cas d’une demande de communication par une autorité administrative, à laquelle il pourrait pourtant être opposé la confidentialité d’une consultation juridique. Le présent amendement tend donc à prévoir une procédure ad hoc dans cette hypothèse. Dans la mesure où ces procédures reposent déjà sur une relation de coopération entre l’entreprise et l’autorité administrative concernées, il paraîtrait inutile de faire intervenir un tiers de confiance susceptible de prévenir l’altération ou la rupture de confidentialité du document. L’entreprise pourrait en revanche opposer la confidentialité dans le cadre d’un droit de communication d’une autorité administrative, à laquelle cette dernière pourrait répondre en saisissant le juge des libertés et de la détention. Ce dernier jugerait de la contestation ou de la demande de levée de la confidentialité.

En dernier lieu, le présent amendement apporte certaines précisions juridiques. Il supprime ainsi la définition proposée de la consultation juridique, qui paraît pâtir de plusieurs défauts. En effet, celle-ci revient à circonscrire les consultations juridiques aux seules réponses à une question posée, alors que la proposition de loi vise au contraire à mieux reconnaître le rôle d’alerte reconnu aux juristes d’entreprise qui ont vocation, y compris lorsqu’ils ne sont pas sollicités par la direction de l’entreprise à prévenir cette dernière d’éventuels manquements et des mesures à prévoir pour garantir la mise en conformité. Plus généralement, l’opportunité d’une telle définition paraît douteuse, les termes de « consultation juridique » étant déjà largement employés dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Le présent amendement tend également à substituer à la notion de « documents préparatoires » celle plus précise de « versions successives ».