commission des affaires économiques |
Projet de loi Lutte contre la vie chère dans les outre-mer (1ère lecture) (n° 870 ) |
N° COM-59 20 octobre 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BÉLIM, MM. LUREL et OMAR OILI, Mme ARTIGALAS, MM. KANNER, BOUAD, CARDON, MÉRILLOU, MICHAU, MONTAUGÉ, PLA, REDON-SARRAZY, STANZIONE, TISSOT et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 12 |
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 121-11 du code de la consommation, il est inséré un article L.121-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L.121-11-1. – I. – Est interdite toute pratique consistant, sans motif légitime, à restreindre ou bloquer l’accès à un contenu, un produit ou un service en ligne, ou à en modifier les conditions d’accès, au seul motif que le consommateur ou l’utilisateur réside dans une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution.
Ces dispositions s’appliquent notamment :
1° Aux ventes de biens ou services dématérialisés ;
2° À l’accès aux plateformes numériques, applications, logiciels, œuvres culturelles, contenus audiovisuels, services sportifs et services en ligne payants ou gratuits ;
3° Aux refus d’accès aux boutiques applicatives (« app stores ») ou aux versions ultramarines distinctes restreignant le catalogue disponible.
Est réputé sans motif légitime tout refus discriminatoire excipant de raisons géographiques alors même que l’offre est disponible dans une autre partie du territoire de la République ou de l’Union européenne.
Un décret en Conseil d’État précise les exceptions strictement nécessaires pour des raisons :
1° De sécurité nationale ou de cybersécurité ;
2° D’ordre public.
Toute clause contractuelle visant à contourner les présentes dispositions est réputée non écrite.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est chargée de constater et sanctionner ces pratiques. Elle peut enjoindre au professionnel de se mettre en conformité sous astreinte et prononcer une amende administrative pouvant atteindre 2 % du chiffre d'affaires. »
Objet
Le présent amendement vise à mettre fin aux pratiques persistantes de blocage géographique injustifié (« géoblocage ») subies par les consommateurs d’outre-mer, en violation du principe d’égalité d’accès aux biens et services au sein du territoire de la République.
Malgré l’entrée en vigueur du règlement (UE) n° 2018/302 du 28 février 2018, qui interdit le géoblocage injustifié dans le marché intérieur, de nombreuses plateformes numériques – y compris des acteurs majeurs (boutiques d’applications, plateformes audiovisuelles, services de streaming sportif ou culturel) – continuent à exclure ou limiter leurs offres dans les Outre-mer, notamment à La Réunion, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe ou à Mayotte.
Comme l’a rappelé la réponse ministérielle du 10 juillet 2018 à la question écrite n° 544 de Mme Ericka Bareigts, ces pratiques persistent malgré l’applicabilité du règlement européen aux régions ultrapériphériques (RUP), lesquelles font pleinement partie du marché intérieur de l’Union européenne, conformément à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Le présent dispositif garantit l’égalité républicaine dans l’accès aux biens et services numériques, lutte contre les discriminations fondées sur le lieu de résidence et renforce l’effectivité du droit européen dans les RUP. Il protège les consommateurs tout en prévoyant un encadrement juridique sécurisé (décret en Conseil d’État, exceptions proportionnées, dispositif anti-contournement) et donne à la DGCCRF des moyens de sanction.
Il s’inscrit dans le respect du principe constitutionnel d’égalité et de continuité territoriale, tels que garantis par le Conseil constitutionnel. Cet amendement applique par ailleurs la recommandation de l’Autorité de la concurrence du 4 juillet 2019 : “compte tenu de l’incertitude quant à l’applicabilité de ce texte aux situations impliquant un consommateur des DROM et un site basé en métropole, il conviendrait de s’interroger sur l’opportunité d’adopter une réglementation nationale reprenant les interdictions du règlement européen. Cela permettrait d’assurer une protection aux internautes ultramarins contre les mesures de blocage géographique et les discriminations susceptibles d’être mises en œuvre par les enseignes de commerce en ligne.”
L’Autorité note ainsi : “En effet, bien que le droit européen soit, en principe, applicable aux DROM, le Règlement geoblocking exclut de son champ d’application les « situations purement internes, à savoir lorsque tous les éléments pertinents de la transaction sont cantonnés à l'intérieur d'un seul État membre”, et « notamment la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement du client ou du professionnel, le lieu d'exécution, les moyens de paiement utilisés dans le cadre de la transaction ou de l'offre, ainsi que l'utilisation d'une interface en ligne ». En toute rigueur, pour déterminer si le Règlement geoblocking peut bénéficier aux internautes des DROM, il faudrait déterminer in concreto si une situation donnée est ou non « purement interne », c’est-à-dire si tous les éléments de la transaction sont nationaux. Par exemple, en présence d’un consommateur résidant en Guyane souhaitant passer commande avec une carte bancaire émise par un établissement français sur un site hébergé en métropole, exploité par une société immatriculée en métropole et dont les produits se trouvent stockés en métropole, a priori, le Règlement geoblocking ne devrait pas être applicable, tous les éléments caractérisant la situation étant internes. En revanche, si les serveurs hébergeant le site sont localisés en Espagne et que les entrepôts de l’enseigne se situent en Belgique, on peut supposer que la situation serait analysée comme n’étant pas « purement interne », rendant le texte précité opérant. Ainsi, un consommateur résidant à La Réunion naviguant sur un site allemand bénéficierait de la protection du Règlement geoblocking, mais risquerait de ne pas être couvert en navigant sur un site français.”