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commission des affaires sociales

Projet de loi

Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales

(1ère lecture)

(n° 24 )

N° COM-78

3 novembre 2025


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS


ARTICLE 13


Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas 

Objet

Par cet amendement, nous nous opposons à la mesure contenue dans cet article qui consiste à recouvrer le coût de la formation en l’absence de présentation à l’examen de la certification ou du bloc de compétences à la suite de la mobilisation des fonds du compte personnel de formation (CPF). Lorsque, sans motif légitime, le titulaire du compte ne se présente pas aux évaluations et épreuves d’examen prévues par le ministère ou l’organisme certificateur, l’action de formation n’est plus prise en charge et doit être remboursée.

Cette disposition affaiblira le recours au droit à la formation, car elle aura certainement pour conséquence de dissuader d’engager un parcours de formation pour les personnes qui ont des craintes à passer des examens, suite à un vécu d’échecs scolaires notamment. De plus, elle pénalisera financièrement ces dernières qui auront suivi les formations, satisfait à leur contrat de moyens de présence, et pour cela usé de leurs droits de formation ouverts par leur travail, anciennement libellés en heures de formation puis monétarisés. Il reste que c’est l’activité de travail qui crée le droit à formation.

Tous les titulaires des comptes CPF ne sont pas égaux dans leur rapport aux examens et aux évaluations.

Selon l’Observatoire sur la réussite en enseignement supérieur, l’anxiété de performance « souvent associée aux situations d’évaluation » « peut impliquer des comportements d’évitement ou de compulsion » (travaux de l’Université de Sherbrooke).

Cela a de nombreuses conséquences, y compris l’évitement ainsi que la fuite des situations d’évaluation par peur de l’échec. Les causes ne seraient pas qu’individuelles : les valeurs véhiculées dans notre société de performance et d’« hyperproductivité » y participent.

Par ailleurs, le rapport à l’évaluation est socialement marqué. Selon l’observatoire des inégalités, des études montrent que les situations d’évaluation, loin d’être neutres, ont tendance à accroître les écarts liés à l’origine sociale et au genre.

L’évaluation fait partie de normes dominantes qui favorisent les personnes qui ont de hauts capitaux scolaires. Ainsi, la mesure contenue dans ce projet de loi défavorisera celles et ceux qui ont un rapport de tension à l’évaluation, notamment en raison de leur appartenance sociale, de leur trajectoire scolaire (qui peut être heurtée), de leur capital culturel. 

Dans « La Reproduction. Éléments pour une théorie du système d'enseignement » Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron définissent ainsi la violence symbolique : « tout pouvoir qui parvient à imposer des significations et à les imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force ».

La mesure que nous dénonçons ici fait partie de la violence symbolique - liée au rapport à l’école et à l’enseignement - et découragera la reprise de formations chez des publics déjà éloignés de la formation, renforçant ainsi les inégalités sociales et économiques qui expliquent aussi que la formation professionnelle est inégalement répartie entre catégories socio-professionnelles et bénéficie surtout aux plus qualifiés.

Nous nous opposons donc à pénaliser financièrement les titulaires des comptes CPF s’ils et elles ne se présentent pas à l’examen tout en ayant suivi la formation.