N° 323
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la
séance du 21 février 2002
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12
juin 2002
autorisant l’approbation de l’accord entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération
de Russie relatif à la responsabilité civile au titre de dommages
nucléaires du fait de fournitures en
provenance de la République française destinées à des installations
nucléaires en Fédération
de Russie,
PRÉSENTÉ
au nom de M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier
ministre,
par M. Dominique de Villepin,
Ministre des
affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie.
(Renvoyé à la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution
éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le
Règlement).
Traités et
conventions. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France et la Russie ont signé le 20 juin 2000 un
accord portant sur la responsabilité civile du fait de fournitures en
provenance de France et destinées à des installations nucléaires situées en
Fédération de Russie.
Il a été nécessaire de conclure cet accord car la
Russie n'appartient pour le moment à aucun des deux grands systèmes
internationaux de responsabilité civile en matière d'énergie nucléaire que sont
la convention de Paris du 29 juillet 1960, élaborée dans le cadre de l'OCDE, et
celle de Vienne du 21 mai 1963, établie dans celui de l'AIEA, et dont l'article
2 de l'accord fait d'ailleurs mention.
Or, ces conventions fixent les grands principes de
base de la responsabilité civile nucléaire. Ceux-ci sont principalement la
responsabilité objective, c'est-à-dire sans faute, de l'exploitant de
l'installation nucléaire, la mise en cause possible de la responsabilité de
l'exploitant et de lui seul, à l'exception de toute autre personne morale ou
physique (sauf dans des cas très particuliers ou disposition contractuelle
expresse), et l'unité de juridiction pour traiter des indemnisations.
La Fédération de Russie n'étant pas aujourd'hui
partie à l'une ou l'autre de ces conventions, la France, à l'instar d'autres
pays et organisations internationales (Etats-Unis en 1993, Norvège et Allemagne
en 1998, Commission européenne pour le programme TACIS, et enfin BERD) a
négocié un accord particulier avec cet Etat afin de traiter de la question de
la responsabilité civile des exploitants nucléaires en Fédération de Russie.
Après avoir énoncé l'objet de l'accord et délimité
son champ d'application, l'article 1er précise les
formalités à accomplir par chacune des parties pour permettre l'application des
dispositions de l'accord à une fourniture. Ainsi, les fournisseurs se font
retourner par les autorités russes compétentes une lettre d'agrément dont un
modèle figure en annexe.
Aux termes du paragraphe 1 de l'article
3, la Partie russe n'émet pas, à l'encontre de la Partie française ou
des fournisseurs, de réclamations au titre de dommages nucléaires résultant
d'un accident nucléaire survenu sur le territoire de la Fédération de Russie.
Ainsi, l'accord signé le 20 juin 2000 permet de faire porter la
responsabilité civile à l'exploitant de l'installation nucléaire, en excluant
celle des fournisseurs français en cas d'accident nucléaire.
Ce système a également pour effet d'assurer à la
Partie française et aux fournisseurs français une protection juridique et de
les décharger de la responsabilité civile afférente aux réclamations des tiers.
L'accord apporte donc une protection pour les fournisseurs
nucléaires français comparable à celle dont ils bénéficient au titre de la
convention de Paris. Il permettra aux entreprises françaises d'intervenir en
Russie, pays qui a besoin de la technologie et des investissements français
pour de nombreux projets. Il s'agit d'abord de participer à plusieurs projets
dont celui relatif au navire « Lepse » chargé de combustible
nucléaire usé issu de réacteurs de propulsion navale russes. Cet accord ouvre
des perspectives pour les entreprises françaises et leur permettra également de
participer à d'autres projets tenant à la sûreté des réacteurs russes, au
retraitement ou au reconditionnement des matières nucléaires issues de
l'arsenal russe.
L'article 4, relatif au règlement des
différends, prévoit le recours à l'arbitrage en cas d'échec des consultations
menées entre les Parties.
L'article 5, qui comprend les
dispositions finales, est classique, à l'exception de la possibilité qu'il
ouvre d'appliquer l'accord à titre provisoire.
Comme les accords similaires conclus par la Russie
avec d'autres Etats et organisations internationales, le présent accord ne
constitue pas un instrument juridique aussi complet que les conventions de
Paris et de Vienne. Il ne dispense donc pas la Russie d'y devenir Partie.
Telles sont les principales observations qu'appelle
l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la Fédération de Russie relatif à la responsabilité civile au titre de dommages
nucléaires du fait de fournitures en provenance de la République française
destinées à des installations nucléaires en Fédération de Russie qui,
comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en
vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET
DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
de la coopération et de la francophonie,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la responsabilité civile au titre de dommages nucléaires du fait de fournitures en provenance de la République française destinées à des installations nucléaires en Fédération de Russie, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de
Russie relatif à la responsabilité civile au titre des dommages nucléaires du
fait de fournitures en provenance de la République française destinées à des installations
nucléaires en Fédération de Russie, signé à Paris le 20 juin 2000, et dont le
texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 12 juin 2002
Signé :
Jean-Pierre Raffarin
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la
francophonie,
Signé : Dominique
de Villepin
A C C O R D
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la Fédération de Russie
relatif à la responsabilité civile au titre des dommages nucléaires
du fait de fournitures en provenance de la République française
destinées à des installations nucléaires en Fédération de Russie
Le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la Fédération de Russie, ci-après dénommés « les
Parties »,
Désireux de développer la coopération bilatérale dans
le domaine de l’utilisation pacifique de l’énergie atomique et en particulier
en matière d’amélioration de la sûreté nucléaire et radiologique des
installations nucléaires en Fédération de Russie,
Aspirant à régulariser les relations bilatérales dans
ce domaine, et afin de faciliter les échanges scientifiques, techniques et
industriels en matière nucléaire entre la République française et la Fédération
de Russie,
sont convenus des dispositions suivantes :
Article 1er
1. Le présent Accord régit les questions
de responsabilité au titre des dommages nucléaires en cas d’accident nucléaire
survenu sur le territoire de la Fédération de Russie du fait de fournitures en
provenance de la République française destinées à des installations nucléaires
en Fédération de Russie. Le présent Accord ne s’applique que si les autorités
compétentes mentionnées au paragraphe 3 du présent article se sont
informées mutuellement par écrit de chaque fourniture. Ainsi, après avoir reçu
l’avis afférent à chaque fourniture émanant de l’autorité compétente française,
l’autorité compétente russe adresse à cette dernière, ainsi qu’au fournisseur,
une confirmation écrite de l’application des dispositions du présent Accord au
fournisseur considéré. Un modèle de lettre d’agrément est joint comme Annexe au
présent Accord.
2. Afin de parvenir aux objectifs du présent
Accord, la Partie française s’efforce de faire en sorte que les fournitures
soient de qualité et correspondent aux critères de sûreté établis pour chaque
installation nucléaire.
3. Les autorités compétentes aux fins de
l’application du présent Accord sont :
a) Pour la Partie française, le
ministère français chargé de l’énergie ;
b) Pour la Partie russe, le ministère
de l’énergie atomique de la Fédération de Russie.
Article 2
Aux fins du présent Accord :
a) L’expression « Convention de
Vienne » désigne la Convention de Vienne relative à la responsabilité
civile en matière de dommages nucléaires du 21 mai 1963 ;
b) Le terme « fourniture »
désigne les fournitures et prestations de toutes natures, réalisées par le
fournisseur et portant sur tout ou Partie d’installations nucléaires, les
fournitures de moyens de transport, y compris les conteneurs destinés au
transport de substances radioactives, leurs accessoires, pièces de rechange,
les fournitures d’autres équipements et marchandises nécessaires aux
installations nucléaires et aux moyens de transport, ainsi que le transfert de
savoir-faire et la prestation de services en vue de la construction, de
l’exploitation, de la modernisation ou du démantèlement d’installations
nucléaires en Fédération de Russie ;
c) Le terme « fournisseur »
désigne toute personne physique ou morale ayant son domicile, son siège ou sa
résidence permanente en République française, y compris ses succursales, les
entreprises dans lesquelles elle détient une participation et les entreprises
qui lui sont liées (filiales, entreprises mixtes), en France ou à l’étranger,
ainsi que ses sous-traitants et leur personnel qui, conformément au présent
Accord et à la législation nationale des Parties, livrent des fournitures dont
la quantité, la composition, la qualité et les délais de livraison ont été
convenus avec le destinataire, à l’exception des cas où le destinataire exerce
en même temps les fonctions de fournisseur ;
d) Le terme
« destinataire » désigne une personne physique ou morale russe qui
reçoit des fournitures conformément au présent Accord et à la législation de la
Fédération de Russie ;
e) Les expressions « accident
nucléaire », « dommages nucléaires » et « installation
nucléaire » ont le sens défini par la Convention de Vienne.
Article 3
1. La Partie russe n’émet pas, à
l’encontre de la Partie française ou des fournisseurs, de réclamations au titre
de dommages nucléaires résultant d’un accident nucléaire survenu sur le
territoire de la Fédération de Russie.
2. La Partie russe assure à la Partie
française et aux fournisseurs une protection juridique appropriée et les
décharge de la responsabilité civile afférente aux réclamations de tierces
Parties au titre de dommages nucléaires résultant d’un accident nucléaire
survenu sur le territoire de la Fédération de Russie.
3. La Partie russe ne décharge ni la Partie
française ni les fournisseurs de leur responsabilité civile, conformément aux
paragraphes 1 et 2 du présent article, si :
a) L’accident nucléaire et les
dommages nucléaires qu’il a causés résultent d’actes prémédités de la Partie
française ou des fournisseurs,
b) La Partie française et les
fournisseurs n’ont pas informé aussitôt la Partie russe des demandes
d’indemnisation qui leur ont été présentées ou des actions en justice intentées
à leur encontre.
4. Les engagements contractés au présent
article par la Partie russe demeurent en vigueur indépendamment des transferts
ultérieurs des droits de propriété sur les installations nucléaires.
5. Aucune disposition du présent article ne
peut être interprétée comme s’opposant à des actions en justice ou des
réclamations à l’encontre de ressortissants de la Fédération de Russie ou de
personnes résidant en permanence en Fédération de Russie.
6. Le présent article n’exclut pas la
possibilité d’une indemnisation volontaire des dommages par les deux Parties,
conformément à leur législation nationale.
7. Aucune disposition du présent article ne
peut être interprétée comme valant reconnaissance de la juridiction de quelque
tribunal ou autre autorité que ce soit, hors de la Fédération de Russie, à
l’égard des réclamations de tierces Parties régies par le paragraphe 2 du
présent article, à l’exception des cas où la Partie russe s’est engagée à en
reconnaître et à en exécuter les décisions en vertu d’Accords internationaux
auxquels elle est Partie.
Aucune disposition du présent article ne peut être
interprétée comme valant renonciation à l’immunité de la Fédération de Russie à
l’égard de réclamations éventuelles de tierces Parties à son encontre.
8. Les Parties peuvent, en tant que de besoin,
procéder à des consultations portant sur les réclamations et les procédures
judiciaires afférentes au présent article.
Article 4
1. Les litiges relatifs à l’application
et à l’interprétation des dispositions du présent Accord sont résolus par les
Parties qui se consulteront dans un délai maximal d’un mois après notification
par l’une des Parties.
2. Si les consultations n’aboutissent pas à
un règlement dans un délai de trois mois, les Parties soumettent le litige à un
tribunal arbitral ad hoc conformément au règlement d’arbitrage de
la CNUDCI (Commission des Nations unies sur le droit du commerce
international). La décision du tribunal arbitral est obligatoire pour les deux
Parties.
Article 5
1. Le présent Accord s’applique à titre
provisoire dès sa signature et entre en vigueur à compter de la dernière
notification écrite sur l’accomplissement par les Parties des procédures
intragouvernementales indispensables à sa mise en vigueur.
2. Le présent Accord cesse de produire effet
à compter de l’entrée en vigueur, pour la Fédération de Russie, d’un traité
international, auquel la République française est Partie, définissant les
règles de responsabilité au titre de dommages nucléaires à l’égard d’une tierce
Partie. La Partie russe adressera à la Partie française la notification écrite
appropriée.
3. Nonobstant les dispositions du
paragraphe 2 du présent article, chacune des Parties peut à tout moment
notifier par écrit à l’autre Partie son intention de mettre fin au présent
Accord. Dans ce cas, le présent Accord cesse de produire effet à l’expiration
d’un délai de douze mois à compter de la date de réception de cette
notification par l’autre Partie.
4. En cas de cessation de la validité du
présent Accord aux motifs mentionnés au paragraphe 3 du présent article,
le présent Accord continue à s’appliquer aux dommages nucléaires en cas
d’accident nucléaire causé par une fourniture réalisée entre un fournisseur et
un destinataire avant la cessation de la validité du présent Accord.
Fait à Paris, le 20 juin 2000, en double
exemplaire, chacun en langues française et russe, les deux textes faisant
également foi.
Pour le Gouvernement
de la République française :
Christian Pierret,
Secrétaire d’Etat à l’industrie
Pour le Gouvernement
de la Fédération de Russie :
Evguenii Adamov,
Ministre de l’énergie atomique
A N N E X E
ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE RELATIF À LA RESPONSABILITÉ CIVILE AU TITRE DES DOMMAGES NUCLÉAIRES DU FAIT DE FOURNITURES EN PROVENANCE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DESTINÉES À DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES EN FÉDÉRATION DE RUSSIE
Modèle de lettre d’agrément
(formulaire du fournisseur d’équipement)
Ministère de l’énergie atomique de la Fédération de Russie,
109 180 Moscou, Staromonetnyï per., 26.
Copie : ministère français chargé de l’énergie.
(Adresse.)
Objet : exonération des fournisseurs d’équipements
et de prestations pour les installations nucléaires en Fédération de Russie de
leur responsabilité civile au titre de dommages nucléaires.
Messieurs,
Le Gouvernement de la Fédération de Russie et le
Gouvernement de la République française, le (date), ont conclu un Accord
relatif à la responsabilité civile au titre des dommages nucléaires du fait de
fournitures en provenance de la République française destinées à des
installations nucléaires en Fédération de Russie (désigné ci-après par
l’Accord).
Conformément à l’article 3 de l’Accord, le
Gouvernement de la Fédération de Russie est convenu d’assurer aux fournisseurs
indiqués par l’autorité française compétente, qui réalisent des fournitures
pour des installations nucléaires en Fédération de Russie, une protection
juridique appropriée et de les décharger de leur responsabilité civile suite
aux réclamations de tiers concernant des dommages nucléaires causés par un
accident nucléaire survenu sur le territoire de la Fédération de Russie.
Par les présentes, nous vous informons que
(dénomination du fournisseur) a conclu un contrat de fourniture, tel que ce
terme s’entend dans l’Accord, avec (dénomination du destinataire), le (date).
La copie du contrat est jointe en annexe.
Nous faisons référence au fait que :
a) Le fournisseur, tel que ce terme
s’entend dans l’Accord, est déchargé de sa responsabilité civile conformément à
l’article 3 de l’Accord ;
b) Pour ce qui concerne ses
obligations à l’égard du fournisseur en vertu de l’article 3 de l’Accord
et dans le cas où les consultations bilatérales n’aboutiraient pas à un
règlement dans un délai de trois mois, le Gouvernement de la Fédération de
Russie s’engage à soumettre tous litiges, différends ou poursuites survenant en
relation avec l’Accord ou la présente lettre d’agrément, y compris les
questions de leur application, à un tribunal arbitral pour une résolution
définitive conformément au règlement d’arbitrage de la CNUDCI. C’est l’Institut
d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm qui est l’instance chargée
de la désignation conformément au Règlement d’arbitrage de la CNUDCI. Les
procédures d’arbitrage auront lieu à Stockholm (Suède). Si le règlement
d’arbitrage de la CNUDCI n’a pas prévu une situation donnée, la décision
relative aux mesures à mettre en œuvre sera prise par le tribunal
arbitral ;
c) Les dispositions de
l’article 3 de l’Accord concernant l’exonération de responsabilité civile
sont incluses sous forme de référence dans la présente lettre d’agrément et
sont contraignantes pour (dénomination du fournisseur) et pour le Gouvernement de
la Fédération de Russie.
Nous vous prions de signer le présent document pour
confirmer que ce qui précède constitue un Accord entre nous.
Salutations,
Date :
(Le représentant mandaté du fournisseur)
Lu et approuvé
Date :
(Le représentant mandaté du ministère de l’énergie
atomique de la Fédération de Russie)
Annexes :
Copie du contrat et liste des sous-traitants