PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 14, 106 et 107 ainsi que le protocole n° 26 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne rendu le 24 juillet 2003 dans l'affaire Altmark, qui définit quatre critères cumulatifs permettant de considérer qu'une compensation financière à un SIEG n'est pas constitutive d'une aide d'État,

Vu les quatre documents de la Commission européenne soumis à consultation publique le 16 septembre 2011, à savoir :

- le projet de Communication de la Commission relative à l'application des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État aux compensations octroyées pour la prestation de services d'intérêt économique général, qui clarifie les concepts,

- le projet de Communication de la Commission intitulée « Encadrement de l'Union européenne applicable aux aides d'État sous forme de compensations de service public », qui définit à quelles conditions une compensation constitutive d'une aide d'État à un SIEG et notifiée à la Commission européenne est compatible avec les règles de la concurrence,

- la proposition de Décision de la Commission tendant à exempter de notification à la Commission certaines compensations de service public constitutives d'aides d'État,

- la proposition de règlement de la Commission établissant un règlement « de minimis » spécifique aux services d'intérêt économique général, qui définit les seuils en deçà desquels une compensation à un SIEG est considérée ne pas affecter les échanges entre les États membres et par voie de conséquence ne pas constituer une aide d'État,

Considérant que ces quatre textes doivent se substituer au paquet dit « Monti-Kroes » de 2005 qui expire au 29 novembre 2011 et qui définit dans quelles conditions les opérateurs chargés d'un service d'intérêt économique général par des autorités publiques (État et collectivités territoriales) peuvent recevoir des compensations financières pour faire face à leurs obligations de service public,

Considérant que, conformément aux articles 106 et 107 du TFUE, la Commission européenne statue seule, après une simple consultation des États membres, et qu'elle a annoncé une entrée en vigueur de ce nouveau paquet législatif au plus tard le 31 janvier 2012,

Considérant la demande forte et constante des collectivités territoriales françaises pour des règles plus simples, plus claires et mieux adaptées à la réalité des services publics locaux,

Considérant que le Sénat a plusieurs fois appelé de ses voeux une directive-cadre relative aux services publics, laquelle ne saurait se borner à la seule question de la compatibilité de leur financement au regard des règles de la concurrence,

Sur l'équilibre d'ensemble des propositions :

- déplore que les objectifs annoncés de simplification et de clarification ne soient pas tenus ;

- constate au contraire que la Commission européenne ajoute de nouveaux critères pour juger de la légalité des aides d'État aux SIEG et qu'elle complique la définition de notions qui commençaient seulement à être maîtrisées par les acteurs de terrain,

- regrette que les quelques avancées positives (notamment l'exemption de notification pour certains SIEG) s'arrêtent à mi-chemin, de telle sorte qu'elles sont peu opérationnelles ou source d'incertitude,

- craint que certains opérateurs soient découragés de continuer à fournir des SIEG compte tenu de l'insécurité juridique accrue,

- rappelle que les traités reconnaissent le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales et locales pour fournir des SIEG, et non un simple « large pouvoir d'appréciation » comme le répète la Commission européenne,

- estime que l'article 106 du TFUE est la base juridique adéquate pour réviser le paquet « Monti-Kroes », mais juge que cet article ne fournit pas la base juridique nécessaire à certaines dispositions qui excèdent manifestement le strict champ du contrôle des aides d'État,

- observe que les projets de décision et d'Encadrement ne sont pas suffisamment motivés,

- formule la demande d'une directive-cadre relative aux SIEG, voire aux seuls services sociaux d'intérêt général, qui pourrait être adoptée sur la base de l'article 14 du TFUE selon la procédure législative ordinaire,

Sur le règlement de minimis spécifique aux SIEG :

- accueille favorablement cette initiative qui prend en compte les spécificités des SIEG par rapport aux autres secteurs d'activités,

- estime néanmoins que les critères cumulatifs retenus pour considérer qu'une aide à un SIEG n'est pas une aide d'État réduisent considérablement la portée effective de ce règlement,

- craint également une articulation délicate entre ce règlement et le règlement de minimis général du 15 décembre 2006,

- demande le retrait de la condition de taille de la collectivité,

- propose de retenir comme critère unique le montant de l'aide - au moins 450 000 euros - calculé sur trois ans,

Sur la décision d'exemption de notification des aides à la Commission européenne :

- ne comprend pas les raisons qui pourraient justifier l'abaissement du seuil, en deçà duquel les compensations n'ont pas à être notifiées, de 30 millions à 15 millions d'euros,

- se réjouit en revanche de la reconnaissance de la spécificité des services sociaux d'intérêt général qui bénéficieraient de l'exemption de notification,

- s'interroge néanmoins sur le recours à l'expression de « services répondant à des besoins sociaux essentiels » en lieu et place de celle bien connue de services sociaux d'intérêt général ainsi que sur l'opportunité d'énumérer une liste de ces services,

- souhaite à défaut que cette liste soit expressément indicative et non exhaustive,

- constate enfin que, contrairement à l'objectif d'allègement des charges administratives, les États membres seraient contraints de contrôler plus fréquemment l'absence de surcompensation,

Sur la Communication :

- remarque un effort de clarification des concepts, qui reste malgré tout insuffisant et n'atteint pas toujours son objectif,

- demande que soit expressément précisé que le quatrième critère de la jurisprudence Altmark du 24 juillet 2003 est satisfait dès lors que l'opérateur a été sélectionné par tout type de procédure de mise en concurrence conforme aux principes des traités, comme la délégation de service public,

Sur le projet de communication intitulé « Encadrement communautaire » :

- souligne que ce document, qui n'a pas de valeur juridique propre, doit se borner à expliciter la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne,

- considère que toute disposition qui irait au-delà n'y a pas sa place,

- juge contraire au principe de subsidiarité la proposition de la Commission européenne de subordonner la création d'un SIEG à la preuve de son utilité, notamment par le biais d'une consultation publique préalable,

- estime que la Commission européenne commet un contresens en érigeant le recours à une procédure de marché public en critère de compatibilité des aides d'État aux SIEG, alors même que la Cour de justice de l'Union européenne dans sa jurisprudence Altmark du 24 juillet 2003 en a fait un critère de qualification d'aide d'État,

- s'oppose à l'introduction d'un critère d'efficacité et de qualité des SIEG pour juger de la compatibilité d'une aide, cet aspect ne relevant manifestement pas du contrôle des aides d'État,

- compte tenu de l'ensemble des observations qui précèdent, demande au Gouvernement de marquer fermement son opposition à l'adoption, en l'état, de ces quatre textes et réitère son voeu d'une directive-cadre relative aux services d'intérêt économique général.