Mardi 16 mars 2010

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Frédéric Buffin, directeur de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (CPRPSNCF)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission a procédé à l'audition de M. Frédéric Buffin, directeur de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (CPRPSNCF) dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Frédéric Buffin, directeur de la CPRPSNCF, a tout d'abord indiqué que, depuis le 30 juin 2007, la caisse qu'il dirige est un organisme de sécurité sociale doté de la personnalité morale, désormais totalement autonome de l'entreprise SNCF, et que lui-même dirige ce régime depuis août 2007 après avoir dirigé la caisse de la régie autonome des transports parisiens (RATP) et la caisse des cultes, sans jamais avoir été salarié de la SNCF. Le régime de retraite de la SNCF est issu des différents régimes particuliers mis en place au dix-neuvième siècle dans les anciennes compagnies de chemin de fer, unifiés en 1909. Lors de la création du régime général de la sécurité sociale en 1945, le régime de retraite de la SNCF a été maintenu, sous réserve de servir des prestations au moins équivalentes à celles du régime général.

L'équilibre démographique du régime est précaire et l'Etat a pris en charge l'incidence financière de cette situation. En application du règlement européen n°1192/69, il garantit son équilibre financier en contrepartie des cotisations versées par la SNCF. La contribution de l'Etat atteint 3 milliards d'euros sur 5 milliards de dépenses. Outre le régime de retraite, la caisse assure également la gestion d'un régime de prévoyance, ainsi que la gestion des régimes d'assurance chômage, d'accidents du travail et les facilités de circulation, en vertu de conventions passées avec la SNCF. Malgré les commentaires dubitatifs sur les effets de la réforme du régime spécial fin 2007, la déconsolidation ayant conduit à la création d'une caisse totalement autonome de l'entreprise, cette réforme a néanmoins des effets importants. La caisse est administrée par un conseil d'administration où siègent un représentant de l'Etat, qui assure la présidence, dix-neuf représentants des affiliés et six représentants de la SNCF disposant chacun de trois voix. Sont affiliés à la caisse de prévoyance et de retraite les agents du cadre permanent, les titulaires d'une pension servie par le régime, ainsi que les personnes ayant conclu avec la SNCF un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation depuis le 1er juillet 2008.

Les agents de la SNCF peuvent bénéficier d'une pension de retraite d'ancienneté s'ils comptent vingt-cinq ans de services et remplissent les conditions d'ouverture de droits : cinquante-cinq ans minimum, ramenés à cinquante ans pour les agents de conduite. Ils peuvent bénéficier d'une pension de réforme sans condition d'âge ni d'ancienneté en cas d'inaptitude constatée par une commission de réforme, et d'une pension proportionnelle dès lors qu'ils ont effectué au moins un an de services valables pour la retraite. Les pères et mères ayant trois enfants vivants ou un enfant handicapé, comptant au moins quinze ans de services effectifs et ayant interrompu leur activité durant au moins deux mois pour élever leur enfant, peuvent bénéficier immédiatement d'une pension proportionnelle. Les veufs et veuves de cheminots, à condition qu'ils comptent une durée de mariage suffisante, ont droit à une pension égale à la moitié de la pension directe. Il en est de même pour les divorcés sous certaines conditions.

Le salaire pris en compte pour le calcul de la pension est celui perçu depuis au moins six mois au moment de la cessation de fonction. La durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein passera de 150 à 164 trimestres entre 2008 et 2016. En outre, un dispositif de décote sera mis en oeuvre à compter du 1er juillet 2010.

Enfin, tous les salariés de la SNCF peuvent bénéficier d'un minimum de pension sans condition de ressources, à condition de compter vingt-cinq ans de services, qui s'élève à 1 122 euros par mois. Les parents de trois enfants et plus bénéficient d'une majoration.

Les pensions du régime spécial sont payées trimestriellement et d'avance. Jusqu'au 31 décembre 2008, les pensions normales, les pensions de réforme et certaines pensions proportionnelles faisaient l'objet d'une « péréquation » sur les traitements des agents en activité : à tout moment, la pension était recalculée sur la base du salaire liquidable d'activité perçu par un agent bénéficiant de la même position de rémunération et de la même catégorie de prime de travail. Depuis le 1er avril 2009, toutes les pensions sont revalorisées du taux prévu pour les fonctionnaires de l'Etat.

Le versement des cotisations salariales et patronales de la SNCF s'élève à 1,853 milliard d'euros en 2008. Il se décompose en une cotisation salariale, fixée à 7,85 %, et une cotisation patronale qui est la somme de deux composantes, T1 et T2 :

- le taux T1 représente le taux de cotisation qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaire, déduction faite du montant des cotisations salariales ;

- le taux T2 est destiné à contribuer forfaitairement au financement des avantages spécifiques de retraite du régime spécial, y compris l'incidence du recours à des ressources non permanentes lié à l'obligation de verser les pensions aux bénéficiaires par terme à échoir. Le taux T2 est fixé à 12,73 % et différencie le régime de la SNCF de celui de la RATP, dont les avantages spécifiques sont pris en charge par l'Etat.

L'Etat apporte une contribution pour assurer l'équilibre du régime de la SNCF, qui s'est élevée à 2, 949 milliards d'euros en 2008. Le régime bénéficie en outre de versements par d'autres régimes au titre de la compensation démographique ainsi que de versements du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du fonds spécial d'invalidité.

Le nombre des cotisants du régime s'élevait à 163 977 à la fin de l'année 2008, le nombre de pensionnés directs à 187 005 et le nombre de pensionnés de droit dérivé à 109 520. Le montant des pensions moyennes directes atteignait 21 420 euros et celui des pensions de réversion 8 900 euros. Le taux de remplacement net de prélèvements sociaux est inférieur à celui de la fonction publique et du privé, du fait du départ en retraite à un âge plus précoce. Les pensions versées sont nettement moins élevées que celles attribuées aux pensionnés de la RATP, du fait notamment d'une structure des emplois différente.

Lorsque la réforme des régimes spéciaux a été conduite en 2007, les services de la caisse ont pu participer à l'ensemble des tables rondes préparatoires et ont tenu de nombreuses réunions avec la direction de la sécurité sociale qui ont permis de préparer dans de bonnes conditions les textes d'application publiés en 2008. L'une des mesures les plus importantes de cette réforme a consisté à mettre fin aux possibilités de mise à la retraite d'office à l'initiative de l'entreprise. Parmi les autres éléments figurent la suppression des clauses discriminatoires entre hommes et femmes, l'augmentation de la durée de cotisation, l'instauration d'une décote, le droit de bénéficier d'une pension proportionnelle après un an de services, la possibilité de valider des périodes non travaillées pour élever un enfant et la possibilité de rachat d'années d'études.

La réforme a été accompagnée de l'attribution au salarié d'avantages salariaux non négligeables, en particulier la création de l'échelon dix d'ancienneté (huit pour les agents de conduite) ou l'augmentation de 0,5 % des salaires par semestre supplémentaire d'activité au-delà de cinquante-cinq ans. Alors qu'avant la réforme, les salariés étaient en pratique contraints de partir à cinquante-cinq ans, conformément à une culture profondément ancrée, de nombreux salariés considèrent désormais qu'ils ont un intérêt à rester dans l'entreprise et la culture collective de départ à la date la plus précoce possible est en train de se modifier. Alors qu'autrefois 7 000 personnes quittaient l'entreprise chaque année, elles ne sont plus aujourd'hui que 4 500 même si cette tendance se ralentit. Il est cependant encore difficile de savoir pendant combien de temps ces salariés vont rester en activité après avoir atteint l'âge légal leur permettant de liquider leur pension. Cette prolongation d'activité pourrait atteindre deux ans à deux ans et demi.

En ce qui concerne le rendez-vous 2010, il convient tout d'abord de garder à l'esprit que la réforme de 2007 a eu pour effet d'aligner l'évolution du régime spécial sur celle du régime de la fonction publique. A l'avenir, toute mesure applicable à la fonction publique s'appliquera également au régime spécial de la SNCF. Un certain nombre de pistes de réforme sont évoquées, comme la modification du salaire de référence retenu pour calculer la pension, afin de prendre en considération celui des cinq dernières années et non plus des six derniers mois. De même, une remise en cause du paiement d'avance des pensions ainsi que leur mensualisation sont parfois mentionnées.

Pour la caisse, le plus important est que les conditions de préparation et de mise en oeuvre de la réforme soient aussi satisfaisantes que celles qui ont prévalu pour la réforme de 2007 et que les options politiques retenues prennent pleinement en compte les conditions techniques de réalisation. Dans le cas spécifique du régime de la SNCF, il est nécessaire de garder à l'esprit l'histoire, c'est-à-dire le passé de ce régime et la culture de cette entreprise, ainsi que la géographie, à savoir les réactions que peuvent provoquer certaines évolutions sur le terrain. L'entreprise commence seulement à digérer la dernière réforme et ne doit pas être soumise à des évolutions trop rapides.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a tout d'abord noté que les conséquences financières de la réforme de 2007 ne sont pas très simples à appréhender, compte tenu des mesures d'accompagnement qui ont été prises. L'avenir du système de retraite français passe incontestablement par une amélioration de la transparence et de l'équité entre les différents régimes. Les taux de cotisations constituent une donnée insuffisante pour pouvoir opérer des comparaisons entre régimes, l'assiette sur laquelle portent ces cotisations pouvant être substantiellement différente.

M. Guy Fischer a souhaité avoir des précisions sur l'allongement de la durée d'activité résultant de la réforme du régime spécial.

M. Frédéric Buffin a indiqué que 50 % des agents prolongent leur activité au-delà de l'âge minimal, mais le recul est encore insuffisant pour mesurer la durée de cette prolongation. Dès lors que seuls sont comptabilisés les agents qui liquident leur pension, l'âge de départ n'a pour l'instant évolué que dans des proportions tout à fait minimes.

En ce qui concerne l'assiette de cotisation, puisque la caisse assume également la gestion du régime de prévoyance, il est possible de faire des comparaisons qui montrent que l'assiette des cotisations de prévoyance, qui est l'assiette des cotisations de maladie, est plus importante que celle des cotisations de retraite (13 % à 14 % d'écart).

La caisse a réalisé une étude sur les conséquences d'un passage du salaire des six derniers mois au salaire des cinq dernières années pour le calcul de la pension, qui montre que les agents d'exécution subiraient une diminution de 11 % de leur pension. Les conséquences sont évidemment très variables selon l'importance du niveau des primes dans les salaires.

En ce qui concerne les effets financiers de la réforme de 2007, il n'est plus possible de raisonner en coût global, dès lors que la caisse de retraite et de prévoyance est désormais totalement indépendante de l'entreprise SNCF. Cette séparation a des effets importants. Ainsi, en ce qui concerne la répartition entre cadres et non-cadres, une première répartition a été faite selon des critères qui ne correspondaient pas à la définition des métiers et la caisse a été conduite à faire valoir qu'il fallait appliquer les critères de l'Agirc-Arrco.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Jean-Paul Thivolie, président de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec), et Jean-Michel Bacquer, directeur de l'établissement d'Angers de la Caisse des dépôts et consignations

Puis la mission a procédé à l'audition de MM. Jean-Paul Thivolie, président de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec), et Jean-Michel Bacquer, directeur de l'établissement d'Angers de la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jean-Paul Thivolie, président de l'Ircantec, a tout d'abord rappelé que l'Ircantec est un régime complémentaire obligatoire par répartition et par points, qui s'adresse principalement aux agents non titulaires des trois fonctions publiques (Etat, territoriale et hospitalière). Il est notamment caractérisé par deux éléments spécifiques : d'une part, il n'a pas été créé par une convention mais par la voie réglementaire, contrairement à la retraite complémentaire du secteur privé (Agirc-Arrco), ce qui explique que l'Etat y joue un rôle de tutelle ; d'autre part, il est un « régime de passage », puisqu'environ un actif sur trois en relève à un moment ou à un autre de sa carrière et que la durée moyenne d'affiliation y est de huit années.

Une réforme de l'Ircantec a été adoptée en septembre 2008 ; elle a fixé des critères de solvabilité à moyen et long termes : les réserves doivent couvrir une année et demie de prestations en 2038 et elles doivent rester positives jusqu'en 2048. Dans ce cadre financier, la réforme comportait trois volets concernant :

- les règles de gestion en vue d'améliorer le fonctionnement général du régime ;

- les paramètres techniques pour assurer sa pérennité. Une hausse progressive des taux de cotisations est ainsi programmée sur la période 2011-2017 et le taux de rendement, c'est-à-dire le rapport entre la valeur d'acquisition des points et leur valeur « de service » au moment de la liquidation de la pension, qui est aujourd'hui très supérieur à celui des autres régimes complémentaires, sera régulièrement réduit : il passera de 12,09 % en 2009 à 7,15 % en 2017. Aujourd'hui, la situation financière de l'Ircantec est globalement satisfaisante : son fonds de réserve s'élevait à 4,2 milliards d'euros à la fin de 2008 et l'excédent technique se monte à 350 millions en 2009. Mais l'avenir est incertain en raison de la dégradation du contexte économique, de la faible visibilité sur l'évolution de l'emploi public et de l'instabilité du périmètre des affiliations ;

- les modalités de gouvernance pour améliorer la représentativité des employeurs publics, notamment les collectivités territoriales et le secteur hospitalier. En outre, le rôle de l'Etat a été clarifié grâce à une meilleure séparation, au conseil d'administration, entre ses fonctions de tutelle et celles d'employeur. Enfin, le conseil d'administration acquerra plus de compétences propres à partir de 2017.

Par ailleurs, le régime est confronté au défi du changement de statut de La Poste, puisque la loi dispose, contrairement à ce qui s'est pratiqué antérieurement dans de telles situations, que les agents actuels de cette entreprise affiliés à l'Ircantec y restent, mais que les nouveaux salariés adhèrent à l'Agirc-Arcco. Il est également prévu que les deux régimes, Ircantec d'un côté et Agirc-Arcco de l'autre, négocient les conditions de cette modification, un décret en Conseil d'Etat intervenant uniquement en l'absence d'un accord adopté avant le 30 juin 2010. Les régimes privilégient à cet égard la négociation, plutôt que l'intervention du pouvoir réglementaire.

On a assisté à une vive campagne médiatique sur ce dossier, mais l'étude à son origine fait mine de ne pas tenir compte du fondement même d'un système par répartition : les cotisations d'aujourd'hui financent les prestations d'aujourd'hui. En conséquence, les assurés de La Poste affiliés à l'Ircantec constitueront dorénavant une population « fermée » : lorsqu'ils arriveront à l'âge de leur retraite, il n'y aura plus, ou de moins en moins, de cotisations correspondantes, ce qui posera naturellement d'importants problèmes de financement pour le régime. Dans ce contexte, des négociations sont en cours et ont d'ores et déjà permis d'aboutir à la définition d'un cadre général de mise en oeuvre de la compensation : premièrement, les deux régimes sont complémentaires et ne peuvent jouer le rôle des régimes de base ; deuxièmement, les principes de neutralité et de répartition doivent être respectés. Surtout, le procédé de la soulte, habituellement utilisé en de telles circonstances, n'a pas paru adapté car il est impossible d'apprécier les paramètres de calcul à un horizon aussi lointain, par exemple en termes de nombre des futures embauches à La Poste. Dans ces conditions, la négociation s'oriente plutôt vers une compensation financière fixée annuellement et ex post, selon la répartition effective des charges et des produits des deux régimes.

M. Jean-Paul Thivolie a conclu son intervention sur les attentes de l'Ircantec en ce qui concerne le rendez-vous 2010 pour les retraites. Si celui-ci concerne principalement le régime général, certains problèmes pourraient être résolus à cette occasion.

Tout d'abord, la question des titulaires de la fonction publique qui n'ont pas acquis de droits à pension, notamment ceux ayant moins de quinze ans de services effectifs, reste pendante, malgré la réunion d'un groupe de travail et la remise d'un rapport en juin 2009. Ces assurés sont en effet reversés, au moment de la liquidation de la pension, dans le régime général des salariés et à l'Ircantec pour la part complémentaire ; ces modalités occasionnent des frais de gestion inutiles et sont incomprises par les assurés, notamment du fait de l'appel de cotisations rétroactives parfois élevées.

Ensuite, la gestion d'un régime de retraite est naturellement fondée sur des principes de stabilité à long, voire très long terme. Or, les évolutions dans la définition même du secteur public et les modes de gestion choisis par l'Etat, du type du changement de statut de La Poste ou de la création de Pôle emploi, ont des conséquences directes sur l'Ircantec, qui nécessitent une réflexion sur son périmètre d'action. A cet égard, un approfondissement des compétences et du rôle de la commission mixte entre l'Ircantec et l'Agirc-Arrco permettrait d'ores et déjà d'anticiper certains sujets.

Enfin, il serait utile de procéder à plusieurs simplifications réglementaires, notamment pour accélérer les échanges d'informations entre régimes et pour alléger les règles de gestion pour les affiliés qui ne disposent que de quelques points.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a salué le pragmatisme qui a prévalu en 2008 pour la réforme du régime et a rappelé l'importance de la stabilité des assiettes pour un régime par répartition. En ce qui concerne les conséquences du changement de statut de La Poste, il est en effet impossible de définir sur vingt-cinq ans les paramètres permettant le calcul d'une soulte ; c'est pourquoi le Sénat, dans le cas d'EDF, avait prévu une clause de rendez-vous. Par ailleurs, les problèmes rencontrés par les polypensionnés au moment de la liquidation de leurs droits reviennent régulièrement dans les débats ; alors que les carrières sont de moins en moins linéaires, il est important de ne pas léser les assurés. Enfin, la convergence des paramètres et le rapprochement de certains régimes sont des thèmes souvent abordés dans le cadre du rendez-vous 2010 des retraites.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a également soulevé la question des polypensionnés, à laquelle il sera certainement nécessaire d'apporter des réponses plus adaptées aux évolutions socioprofessionnelles contemporaines. Par ailleurs, elle s'est interrogée sur les attentes de l'Ircantec quant à son périmètre d'affiliation et, plus généralement, sur les besoins de stabilité du secteur public.

M. Jean-Paul Thivolie a rappelé que l'Ircantec, dont très peu d'adhérents disposent d'une carrière complète, est particulièrement concernée par la question des polypensionnés, puisqu'un actif sur trois relève du régime, à un moment ou à un autre de sa carrière, pour une durée moyenne de huit ans. C'est pourquoi, confrontée à l'absence de guichets de proximité propres, l'Ircantec a conclu un accord avec les centres d'information, de conseil et d'accueil des salariés (Cicas), structures mises en place par l'Agirc - Arrco pour aider les futurs retraités, au travers d'un réseau de 750 points d'accueil, à constituer leur dossier ; ces centres jouent le rôle de contact avec les assurés sur le terrain.

M. Jean-Michel Bacquer, directeur de l'établissement d'Angers de la Caisse des dépôts et consignations, a confirmé qu'environ 70 % des assurés de l'Ircantec sont polypensionnés et qu'une majorité d'entre eux passent par les guichets des Cicas, qui permettent d'accéder aux informations et de simuler les droits des adhérents.

Après que M. Jean-Michel Bacquer a indiqué qu'environ un quart des dossiers ne présente pas de difficultés, hormis les habituels contrôles a posteriori, M. Jean-Paul Thivolie a évoqué l'idée d'aller plus loin dans la coopération avec les Cicas, en leur transférant éventuellement plus de compétences dans la liquidation des pensions.

Il a ensuite rappelé que la réforme de 2008 a fait de l'Ircantec un régime par répartition provisionné et qu'il doit répondre à des critères de solvabilité sur le long terme. Cet aggiornamento, que n'a pas accompli l'Agirc-Arrco, rend cruciale la stabilité du périmètre des affiliations. Or, la frontière entre les régimes a été fixée au début des années 1970 et n'est plus du tout adaptée aux évolutions des structures et des modalités de gestion du secteur public. Qui plus est, les carrières alternent plus fréquemment des passages dans le public et dans le privé, ce qui doit amener à des redéfinitions et à des procédures innovantes.

Interrogé par M. Alain Gournac sur la composition du conseil d'administration du régime, M. Jean-Paul Thivolie a précisé les rôles respectifs du commissaire du Gouvernement, qui assure sa tutelle, et des membres du conseil, qui représentent les employeurs, dont l'Etat.

Rappelant les difficultés parfois rencontrées pour reconstituer les carrières, M. Alain Gournac a salué la décision de conclure un accord avec les Cicas pour permettre une plus grande proximité entre le régime et ses assurés. Par ailleurs, il s'est demandé à quel régime sont affiliées les personnes qui travaillent dans le secteur associatif.

M. Guy Fischer a posé la question de l'impact de la révision générale des politiques publiques (RGPP) sur les équilibres financiers du régime. Il a, en outre, noté le nombre croissant des non-titulaires dans la fonction publique et les difficultés de plus en plus fréquentes pour être titularisé.

M. Alain Vasselle, président, a relevé les différences notables de prestations entre l'Ircantec et l'Agirc-Arrco, qui pèsent naturellement sur le débat, en cours, consécutif au changement de statut de La Poste. Le calcul et le paiement d'une soulte sont rendus difficiles en raison de ce déséquilibre. Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur la question des titulaires sans droits de la fonction publique, qui sont affiliés au moment de la liquidation de leur pension à l'Ircantec. Enfin, il a soulevé le problème persistant de la faiblesse du niveau des pensions des élus locaux.

M. Jean-Michel Bacquer a estimé que la réglementation relative au milieu associatif est complexe : deux critères sont utilisés pour en définir le champ, l'un relatif au statut juridique, l'autre à la source principale de financement. Or, ces critères peuvent varier dans le temps, notamment celui des ressources de l'association. En outre, les experts comptables et commissaires aux comptes, qui s'occupent des finances des associations, connaissent mieux le secteur privé et tendent en conséquence à conseiller une affiliation à l'Agirc-Arrco. Il serait nécessaire de clarifier les textes sur cette question.

En ce qui concerne les élus locaux, les paramètres utilisés sont les mêmes que pour les salariés. Or, leurs indemnités sont le plus souvent faibles, notamment en zone rurale et pour les petites collectivités, si bien que la base contributive et les droits accumulés sont eux-mêmes faibles.

A la question de M. Jacky Le Menn sur les modalités de liquidation des droits des élus locaux, M. Jean-Michel Bacquer a indiqué qu'elle s'effectue, à partir de soixante ans, mandat par mandat, sans qu'il soit besoin d'attendre la fin du dernier d'entre eux. M M. Alain Gournac, Jacky Le Menn et Alain Vasselle, président, ont souligné que ce fait est malheureusement peu connu des élus.

M. Jean-Paul Thivolie a estimé que la RGPP n'entraîne pas en elle-même de difficultés ; le problème est plus vaste : il s'agit des modalités d'organisation du secteur public. Par exemple, le changement de statut de La Poste, y compris ses futures évolutions en termes de filiales, et la création d'un nouvel établissement sui generis, Pôle emploi, qui relève du code du travail pour les nouveaux salariés, ont des conséquences directes sur les équilibres globaux et sur le respect des critères de solvabilité adoptés lors de la réforme de 2008, qu'il sera donc nécessaire de réexaminer. Les frontières antérieures ne sont plus adaptées, pas tant celle entre titulaires et non-titulaires, mais plutôt celle entre secteurs public et privé. Au sujet de La Poste, la question de fond est celle de la dichotomie entre nouveaux et anciens salariés, qui ôte sa pertinence à l'idée d'une soulte : la réforme supprime les recettes, en laissant subsister les charges. Les différences de niveau de rendement entre les régimes accentuent les difficultés et deux écueils devront être évités dans le cadre de la négociation en cours : la spoliation et l'enrichissement sans cause de l'un ou de l'autre des régimes.

Enfin, il a rappelé les conditions de rattachement des titulaires sans droits de la fonction publique, qui sont reversés au moment de la liquidation au régime général et à l'Ircantec. Cette procédure entraîne des coûts, à la fois pour le régime et pour l'assuré, notamment parce qu'elle se déroule en toute fin de carrière. Des économies pourraient aisément être réalisées sur ce dossier.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de Mme Catherine Mills, économiste

Enfin, la mission a procédé à l'audition de Mme Catherine Mills, économiste, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Mme Catherine Mills a tout d'abord dressé un état des lieux du système de retraite français, en insistant sur la crise profonde qu'il traverse. Cette crise est fondamentalement liée à la dégradation de la conjoncture économique et notamment à l'explosion du chômage. Elle est aussi corrélée aux mutations démographiques - vieillissement de la population et allongement de l'espérance de vie - qui caractérisent les sociétés contemporaines. Ces évolutions démographiques sont certes bien réelles mais ne doivent pas, pour autant, être considérées comme inéluctables et uniques responsables des difficultés du système de retraite. Aussi, la question de fond en matière de retraites est la suivante : celles-ci sont-elles une charge pour la société ou bien peuvent-elles, en s'appuyant sur le dynamisme démographique, sur la promotion de l'emploi, de la formation et des salaires, contribuer au développement économique et social ?

Réformer le système de retraite impose avant tout de répondre à ses besoins de financement qui ont été évalués par le conseil d'orientation des retraites (Cor), dans ses projections de 2007, à plus de 65 milliards d'euros en 2040 et plus de 70 milliards en 2050. Ces chiffres, qui révèlent l'ampleur de la question du financement des retraites, sont néanmoins inférieurs de moitié à ceux avancés par le rapport de Jean-Michel Charpin sur l'avenir des retraites de 1999. Il est vrai que le système par répartition sera exposé de 2010 à 2040 à un déficit démographique. L'allongement de l'espérance de vie après soixante ans qui, en soi, est une bonne nouvelle et l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom ont pour effet de déséquilibrer le rapport de dépendance démographique (rapport entre le nombre de personnes en âge de travailler et le nombre de personnes en âge d'être à la retraite) et de poser de sérieux problèmes de financement aux régimes. La proportion des personnes de soixante ans et plus dans la population totale devrait passer de 24 % en 2000 à 36 % en 2040, soit une hausse de 50 %. Le rapport des soixante ans et plus sur les vingt-soixante ans pourrait atteindre 0,73 en 2040, alors qu'il était de 0,38 en 2000. La pensée dominante a tendance à promouvoir une approche très fataliste des évolutions démographiques pour accréditer l'idée qu'on ne pourrait plus financer les retraites et que des réformes drastiques seraient donc inévitables. Ainsi avait-on retenu un indice pour le taux de fécondité particulièrement bas. Or, il est aujourd'hui légèrement supérieur à deux enfants par femme et donc proche du seuil de renouvellement des générations.

En réalité, les variables économiques jouent plus fortement que la seule démographie sur le financement des retraites. Après des années de croissance molle, le système capitaliste est entré dans une nouvelle phase, particulièrement explosive. La récession, la désindustrialisation, les délocalisations, l'augmentation du chômage, la montée de l'exclusion et des emplois précaires vont contribuer à dégrader fortement le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités. Plus que les mutations démographiques, c'est l'insuffisance de la population active qui alourdit les besoins de financement des régimes de retraite. Selon les prévisions du Cor de 2007, la part des prestations vieillesse dans le Pib passerait de 12,6 % en 2000 à près de 15 % en 2040. Ces estimations sont toutefois très inférieures à celles établies dans le premier rapport du conseil qui faisait état d'un poids des dépenses de retraite dans la richesse nationale de 18,6 % en 2040. Une telle augmentation n'aurait d'ailleurs rien d'insupportable, comparée au doublement de la part des soixante ans et plus dans la population totale. Le rapport du Cor de 2007, dont les prévisions sont reprises dans celui de janvier 2010, a le mérite de relativiser le besoin de financement du système de retraite : 1 % du Pib en 2020 ; 1,8 % en 2040 et 1,7 % en 2050, soit 68,8 milliards d'euros. Ces chiffres conduisent à dédramatiser, sans pour autant le nier, le choc démographique. En revanche, les prévisions du Cor reposent sur l'hypothèse peu réaliste d'un taux de chômage de 4,5 % sur toute la période de projection. Or, actuellement, le taux de chômage se situe autour de 10 % de la population active.

Les projections macro-économiques de long terme sont très contestables et ne peuvent prétendre à une quelconque validité scientifique. Ainsi, pour l'année 2008-2009, les prévisionnistes ont montré leur incapacité à anticiper la crise financière et économique sur un horizon de six mois. Leurs projections, qui reposent sur un diagnostic peu pertinent des quarante années à venir, ont tendance à alimenter le catastrophisme pour justifier à l'avance des mesures de régression sociale. De même, nombre d'experts - attachés aux dogmes économiques libéraux - se refusent à intégrer dans leurs scénarii les besoins humains, la nécessité de développer résolument la formation et la productivité, d'éradiquer le chômage et la précarité. C'est pourquoi il est indispensable d'engager un nouveau type de politique économique et de gestion des entreprises qui mette l'accent sur l'emploi, les salaires, la formation et la protection sociale, seuls à même d'engendrer une croissance sociale et durable.

Toutes les réformes du système de retraite menées entre 1993 et 2003 ont entraîné une baisse continue du taux de remplacement. Pour l'ensemble des salariés du secteur privé (cadres et non-cadres), celui-ci diminuera de neuf à dix-sept points à l'horizon 2040. Le passage de l'activité à la retraite se caractérise donc par une brutale dégradation du niveau de vie. Par ailleurs, la crise a révélé la très grande vulnérabilité des régimes de retraite par capitalisation, la débâcle des marchés financiers ayant mis à mal les fonds de pension. En France, le fonds de réserve des retraites (FRR), qui avait soi-disant vocation à sauver les régimes de retraite après 2020, n'a pas été épargné et a même enregistré des pertes considérables. Les réserves de l'Agirc et de l'Arrco ont également subi de sévères moins-values, tout comme l'ensemble des produits d'épargne retraite.

S'appuyant sur le dernier rapport du Cor, Mme Catherine Mills a ensuite évoqué deux propositions de réforme systémique fréquemment avancées pour le système de retraite français.

La première consisterait à mettre en place un régime en comptes notionnels comme l'a fait la Suède dans les années 1990. Cette technique de calcul des droits à la retraite permet, certes, d'assurer l'équilibre du système sur le long terme grâce à sa capacité d'ajustement automatique, mais ne donne aucune garantie quant au taux de remplacement. Le niveau de la retraite dépend en effet directement de l'âge de départ : plus celui-ci est retardé, plus le montant de la pension augmente et inversement. Le système suédois repose également sur une part de capitalisation : 2,5 % des cotisations sociales payées par les salariés sont placés sur des fonds publics ou privés, généralement en actions. Après avoir augmenté de 30,2 % en 2005, 12 % en 2006 et 5,6 % en 2007, la valeur annuelle de ces fonds a diminué en 2008 de 34,5 %. Cette chute a provoqué un vaste mouvement de panique parmi les des futurs retraités suédois.

La seconde option serait de passer d'un système en annuités à un système par points. Dans ce type de régime, la pension complète des assurés n'est pas définie selon un pourcentage précis du salaire de référence ; la garantie fondamentale du niveau de la pension initiale n'est donc en aucune manière assurée.

Au final, ces deux propositions ne feraient qu'accélérer le mouvement à la baisse du taux de remplacement. Par ailleurs, elles ne constituent pas une solution miracle au problème du financement à long terme des retraites, ainsi que le note le Cor dans son dernier rapport.

Des pistes alternatives de réforme méritent dès lors d'être étudiées. Celles-ci doivent poursuivre plusieurs objectifs :

- garantir le système de retraite par répartition. Non seulement la répartition assure la solidarité intergénérationnelle - le versement des cotisations des actifs servant immédiatement au paiement des prestations des retraités - mais elle fournit aussi un moteur à la croissance économique - les prestations soutenant la demande effective. A l'inverse, la capitalisation, qui repose sur le dogme de l'épargne individuelle, s'effectue au détriment de la demande effective et de l'économie réelle puisque les fonds capitalisés sont placés sur les marchés financiers ;

- articuler la problématique des retraites avec la politique de l'emploi et la politique familiale. Il faut augmenter le taux d'activité des femmes en facilitant notamment la garde d'enfants, oeuvrer pour l'insertion des jeunes sur le marché du travail et rompre avec la culture d'éviction des travailleurs seniors. Cela suppose de construire un système de sécurisation des parcours professionnels et de formation tout au long de la vie ;

- s'attaquer aux inégalités par rapport à la vieillesse et à la retraite. En effet, la mortalité prématurée reste particulièrement élevée chez les ouvriers de sexe masculin et les pensions des femmes demeurent nettement inférieures à celles des hommes ;

- reconnaître la pénibilité du travail. Celle-ci aurait dû être prise en compte à la suite de la loi de 2003, mais les propositions du Medef en la matière ont contribué à faire échouer les négociations interprofessionnelles ;

- répondre à la question du financement, sans quoi le système de retraite par répartition ne pourra pas être sauvé. En France, le débat sur l'utilisation du levier « recettes » est trop souvent tabou au motif que le poids des prélèvements obligatoires est déjà suffisamment élevé et que l'augmentation des cotisations alourdirait le coût du travail. De nouveaux financements pourraient pourtant être dégagés à partir d'une réforme de l'assiette des cotisations patronales, en modulant le taux de cotisation en fonction du rapport masse salariale-valeur ajoutée. Ainsi, les entreprises qui limitent la progression des salaires et licencient seraient assujetties à des taux beaucoup plus lourds. A l'inverse, celles qui développent les emplois, les salaires et la formation bénéficieraient de taux relativement plus bas. Une autre piste consisterait à soumettre à cotisations les revenus financiers des entreprises et des banques. Actuellement, ces revenus ne participent pas au financement de la protection sociale et se développent au détriment de la croissance réelle. Ils pourraient donc être mis à contribution à hauteur du taux de la cotisation patronale sur les salaires, soit 8 % pour les retraites, ce qui rapporterait près de 22 milliards d'euros au système. La Cour des comptes, qui a évalué ces revenus à 260 milliards d'euros en 2008, s'est d'ailleurs prononcée en faveur de leur taxation. L'objectif final est de réorienter l'argent provenant de ces cotisations supplémentaires vers la croissance réelle, l'emploi, la formation et d'alimenter le système de retraite.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a rappelé que la sauvegarde du système par répartition passe par un meilleur taux d'emploi. Les hypothèses d'un taux de chômage de 4,5 % et d'une croissance de la productivité de 1,8 % retenues par le Cor dans ses dernières projections sont irréalistes. Depuis les années 1980, le taux de la productivité horaire du travail ne cesse de diminuer : comment inverser cette tendance ? L'emploi ne se décrétant pas, comment remédier à l'insertion tardive des jeunes sur le marché du travail et favoriser le maintien dans l'emploi des seniors ?

Après avoir insisté sur la nécessité de réfléchir à l'élargissement de l'assiette des cotisations, Mme Christiane Demontès, rapporteure, a estimé que la défiscalisation des heures supplémentaires et les exonérations de cotisations attenantes ont eu pour effet pervers de freiner la création d'emplois. Quelles mesures pourraient être mises en oeuvre pour gérer le phénomène du papy-boom ? Le rapprochement progressif des règles des différents régimes de retraite est-il un sujet tabou ?

Mme Catherine Mills a expliqué que l'emploi est une variable fondamentale pour le financement du système de retraite : le besoin de financement peut être réduit si le taux de chômage l'est aussi. S'agissant de la productivité du travail, les statistiques du BIT (bureau international du travail) montrent que la France est bien placée dans ce domaine ; elle pourrait toutefois l'être davantage en améliorant la formation de sa main d'oeuvre.

En ce qui concerne les seniors, l'objectif n'est pas de les obliger à travailler jusqu'à soixante-dix ans mais de leur offrir la possibilité d'avoir une seconde carrière. Il faut donc leur donner accès à une formation continue et leur proposer des emplois non précaires. En 2008, le taux d'emploi des cinquante-cinq/soixante-quatre ans était en France de 38,2 %, contre 45 % en moyenne dans l'Union européenne. Dans son rapport de janvier 2010, le Cor montre toutefois que ce taux global masque une forte disparité entre le taux d'emploi des personnes de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans, qui était de 56,3 % en 2008, et celui des soixante/soixante-quatre ans, égal à 16,3 % seulement. La fixation de l'âge légal de départ à la retraite à soixante ans explique que le taux d'emploi chute fortement après cinquante-neuf ans. Ce n'est cependant pas une raison pour le reporter : pourquoi devrait-on imiter les pays qui, comme l'Allemagne, ont augmenté l'âge de départ à la retraite et diminué parallèlement le montant des pensions ? Il faut rompre avec le mouvement d'harmonisation par le bas, actuellement à l'oeuvre dans l'Union européenne.

L'emploi des jeunes est une question centrale à laquelle des réponses urgentes doivent être apportées. Beaucoup de jeunes, même très diplômés, ont aujourd'hui des difficultés à s'insérer dans le monde du travail. Il est donc indispensable de développer la formation et d'améliorer le niveau de qualification en créant une allocation autonomie formation pour tous les jeunes, éventuellement soumise à cotisations sociales, et en instaurant un service public universel emploi-formation. L'objectif est non seulement d'assurer une continuité entre la période de formation et l'entrée sur le marché du travail, mais aussi de sécuriser les parcours professionnels et les revenus. Il pourrait également être envisagé de développer le tutorat et l'accompagnement des jeunes au sein des entreprises, en s'appuyant sur les salariés proches de la retraite. Ce serait une manière de favoriser la solidarité intergénérationnelle. En tout état de cause, toutes ces mesures impliquent une rupture dans la politique de l'emploi et, plus globalement, dans la politique économique.

Des études de l'OFCE montrent en effet que la mobilisation pour le pouvoir d'achat, via la défiscalisation des heures supplémentaires, s'est faite au détriment de la création d'emplois. Il faut impérativement revenir sur cette décision. Concernant le papy-boom, il n'est pas question de nier la réalité du phénomène, mais de l'évaluer à sa juste valeur. Le fatalisme des projections démographiques, déjà dénoncé en son temps par le rapport Teulade, accrédite la thèse que les retraites ne seraient plus finançables. Seule une politique économique axée sur l'emploi, la formation et les salaires permettra de garantir le système de retraite par répartition. L'harmonisation progressive des règles des régimes est, en apparence, une idée séduisante, le but étant de réduire les inégalités entre corps sociaux et de rendre le système plus lisible aux yeux des assurés. Mais, sous couvert d'équité et de transparence, c'est une uniformisation à la baisse à laquelle on assiste. La sauvegarde de la retraite par répartition passe par un débat sur le financement qui n'occulte pas la question des recettes. On ne cesse de dire que l'augmentation des cotisations tue l'économie ; c'est un contresens ! Les cotisations permettent de financer les prestations sociales qui, elles, soutiennent la demande effective et alimentent l'économie réelle.

M. Guy Fischer a déclaré partager ces propos. Que faut-il penser de l'écrasement des salaires et des retraites ?

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a également exprimé son accord avec la position défendue.

M. Jacky Le Menn a demandé s'il existe une corrélation entre la diminution du temps de travail et la baisse de l'emploi et a souhaité savoir comment va évoluer le volume global du travail en France dans les prochaines années.

Revenant sur la proposition de moduler les cotisations en fonction du rapport masse salariale-valeur ajoutée, M. Alain Vasselle, président, a rappelé que, lors de son audition, Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, a estimé que cette opération, n'étant qu'une modalité différente de calcul des cotisations, ne serait pas porteuse de recettes supplémentaires. Il s'est demandé ce qu'il fallait en conclure.

Mme Catherine Mills a insisté sur la baisse continue du taux de remplacement, qui devrait être de l'ordre de dix-sept points en 2040, et sur celle des salaires. Cette dégradation est non seulement injuste socialement, mais aussi inefficace économiquement. Les salaires et les retraites participent en effet à la croissance réelle en influant sur la demande effective. La situation de l'emploi joue également un rôle fondamental dans le financement de la protection sociale : 1 % de croissance de la masse salariale rapporte 2 milliards d'euros de cotisations, dont 40 % pour les régimes de retraite ; à l'inverse, 100 000 chômeurs supplémentaires représentent un coût de 2 milliards d'euros, dont 40 % sont supportés par les régimes de retraite. S'agissant du lien entre réduction du temps de travail et baisse de l'emploi, celui-ci est difficile à établir dans la mesure où les chiffres disponibles sont très contradictoires. En matière de productivité du travail, la France a encore des marges de progression. Sur la modulation du taux de cotisation, il ne s'agit pas de remplacer l'assiette assise sur les salaires par une assiette reposant sur la valeur ajoutée ; les cotisations doivent rester prioritairement assises sur les salaires. Mais si l'on veut augmenter la masse des cotisations, il est indispensable que les salaires progressent. La vraie question est donc celle de la répartition salaire-profit au sein de la valeur ajoutée. Moduler les taux de cotisations patronales permettrait, d'un côté, d'avantager les entreprises qui relèvent les salaires et font des efforts en matière de formation, de l'autre, de pénaliser celles qui licencient et privilégient les placements financiers au détriment de la progression des salaires.

M. Alain Vasselle, président, a demandé combien cette mesure pourrait rapporter.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a estimé que taxer plus fortement les entreprises qui licencient en raison de difficultés financières ne ferait qu'accroître leurs problèmes.

M. Alain Vasselle, président, a précisé qu'il s'agit d'augmenter le taux de cotisation des entreprises qui préfèrent faire des placements financiers plutôt que d'encourager l'emploi et la progression salariale.

Mme Catherine Mills a déclaré être défavorable à l'interdiction des licenciements. En revanche, il faut aider les entreprises - en particulier les PME - à retrouver une bonne santé financière, notamment en leur facilitant l'accès aux crédits bancaires.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Robert Leloup, président du conseil d'administration, Robert Cosson, directeur, et Jacques Lagrave, directeur délégué de la Caisse nationale des industries électriqueset gazières (Cnieg)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission a procédé à l'audition de MM. Robert Leloup, président du conseil d'administration, Robert Cosson, directeur, et Jacques Lagrave, directeur délégué de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jacques Lagrave, directeur délégué, a rappelé que le régime de retraite des industries électriques et gazières est un régime spécial compris dans la réforme du 1er juillet 2008. Il fait l'objet d'articles spécifiques dans le code de la sécurité sociale. Avant cette réforme, le régime était similaire à celui de la fonction publique avant 2003 mais il a fait l'objet de modifications profondes qui vont bien au-delà du niveau paramétrique. De nouveaux concepts ont été introduits, comme celui de la neutralité de l'âge de départ qui découle de l'allongement de la durée d'assurance et impose un temps de cotisation plus long pour partir avec une retraite à taux plein. L'article 5 de la loi « Fillon » de 2003 a également pour conséquence que toute évolution des modes de calcul du régime général se répercutera sur le régime de retraite des industries électriques et gazières. D'ores et déjà, l'évolution des pensions est indexée sur celle des prix et non plus sur celle des salaires, et le calcul du montant de la pension se fait en fonction des six derniers mois et non plus sur le fondement du dernier salaire.

Le système des bonifications a également été transformé. Depuis le 1er janvier 2009, le service actif qui permettait une bonification de deux mois par année a été supprimé pour toute nouvelle embauche. Les bonifications liées aux enfants ont également évolué à la suite de la réforme « Fillon » qui a tenu compte de la jurisprudence européenne en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Depuis le 1er juillet 2008, c'est l'arrêt de travail lié à la naissance d'un enfant qui est bonifié, que le bénéficiaire soit un homme ou une femme.

Une plus grande liberté de choix est laissée au salarié avec la fin de la possibilité de mise à la retraite d'office avant soixante-cinq ans, sauf exception. Le système d'invalidité et de handicap a également été rénové sur le modèle de la fonction publique et la possibilité de rachat des années d'études a été ouverte.

L'incidence financière de ces réformes évolue dans le temps. A court terme, on constate un surcoût lié aux négociations qui ont accompagné la mise en place des réformes ; à moyen terme, un équilibre sera atteint avant d'aboutir, à long terme, à dégager des économies dont le montant varie selon les hypothèses retenues, tenant au comportement des salariés et à l'âge effectif du départ en retraite.

A l'horizon 2040, sur un montant de prestations annuel de 4 à 5 milliards d'euros, 100 à 200 millions d'euros seront économisés.

Puis M. Robert Cosson, directeur, a présenté la situation financière du régime. L'adossement organisé par la réforme de 2008 se traduit par le maintien du régime spécial des industries électriques et gazières accompagné de la mise en place de flux financiers avec le régime de droit commun : le régime général verse les prestations qu'il aurait servies aux personnes si elles y avaient été affiliées et le régime spécial lui reverse les cotisations correspondantes. Des termes de bouclage viennent compléter le montage financier entre les deux régimes, avec notamment l'octroi d'une soulte au régime général. Par ailleurs, les personnes affiliées au régime spécial des industries électriques et gazières bénéficient de droits spécifiques qui correspondent aux activités régulées par la commission de régulation de l'énergie (CRE). Ces droits sont financés par une taxe spécifique, la contribution tarifaire d'acheminement, et par les entreprises elles-mêmes. Ce système complexe a été mis en place en 2005 et a fait l'objet de deux bilans selon une procédure contradictoire, en 2006 puis en 2009, avec l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Ces bilans ont été jugés satisfaisants.

De plus, en 2009, le régime spécial a mené une analyse du comportement des entreprises en matière de prélèvement des cotisations. Après contrôle des entreprises représentant 98 % de la masse salariale du secteur, le redressement signalé (et qui n'est donc pas définitif) est de 16 millions d'euros sur un montant total de 850 millions d'euros de cotisations.

En 2009, le montant des prestations s'est élevé à 1,509 milliard, après 1,477 en 2008. Le taux de cotisations salariales est de 12 % à 13 % et le taux de cotisations des employeurs d'environ 30 % au total. Il faut également noter que, après un versement partiel en juin 2005, le solde de la soulte sera payé sous forme d'annuités sur vingt ans et indexé sur les prix. Enfin, la contribution tarifaire d'acheminement a rapporté 1,25 milliard en 2009.

La neutralité du dispositif mis en place pour le régime spécial des industries électriques et gazières doit être évaluée en 2010 dans le cadre d'un rapport élaboré par la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), l'association générale des institutions de retraites des cadres - association des régimes de retraite complémentaires (Agirc-Arrco) et la caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg). Ce rapport devrait être rendu à l'automne.

S'agissant des perspectives financières des régimes à l'horizon 2020, M. Robert Cosson a indiqué que le montant des prestations versées devrait être de l'ordre de 3,682 milliards d'euros dont 3,15 milliards au titre des prestations directes et le solde au titre des pensions de réversion calculées sur la base de 50 % de la prestation directe.

Le rapport démographique tendrait pour sa part vers 1 à l'horizon 2020 en raison des importants recrutements dans le secteur de l'électricité après la mise en place des centrales nucléaires dans les années 1980. Il est à l'heure actuelle de 1,26 pour les droits directs et de 1,07 si l'on compte les droits indirects. Les gains de productivité doivent également être pris en compte dans les perspectives de long terme. Ils s'établissent en moyenne à 0,5 % par an.

Un trait caractéristique du régime de retraite des industries électriques et gazières, après l'adossement, est que les entreprises se voient obligées, en raison des normes comptables internationales, d'évaluer leurs engagements au titre des retraites pour les provisionner. Fin 2009, le montant des engagements s'élevait à 88,4 milliards d'euros. Il était de 85,6 milliards en 2008, la différence s'expliquant par l'acquisition de droits en l'espace d'une année.

Au total, 38 % des prestations versées par le régime spécial sont adossées au régime général, 21 % sont versées par le régime complémentaire, 24 % sont financées par la contribution tarifaire d'acheminement et 17 %, soit environ 15 milliards d'euros, par les entreprises elles-mêmes. A l'horizon 2020, la part des entreprises devrait passer à 18 milliards afin d'assurer la couverture intégrale des besoins.

Enfin, M. Robert Leloup, président du conseil d'administration, a souligné que la Cnieg est un instrument au service des affiliés et des employeurs du secteur de l'électricité et du gaz, et non une entité politique. Son but est donc d'être le plus efficace possible et l'interlocuteur unique des différentes parties. Les réformes à venir du système des retraites, pour être compatibles avec l'efficacité des instruments comme la Cnieg, doivent être le plus opérationnelles possible. Il est également important de se rappeler que les industries électriques et gazières ont connu une réforme d'ampleur voici seulement deux ans, et que le mécanisme de décote ne prendra effet qu'au 1er juillet 2010. La perception par les affiliés des réformes à venir sera nécessairement marquée par ce calendrier.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a rappelé les réserves du Sénat au moment de la mise en place de l'adossement dans le cadre de la réforme de 2008. Il paraissait également difficile d'évaluer exactement quelle serait l'évolution des effectifs du secteur sur vingt-cinq ans et donc de calculer le montant d'une soulte. Enfin, l'engagement des entreprises était un sujet d'inquiétude particulier. Le bilan dressé aujourd'hui par la Cnieg montre que ces réformes sont en train de se mettre en place. Il paraît néanmoins qu'il soit trop tôt pour en tirer un bilan définitif.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a demandé aux représentants de la Cnieg comment ils abordent le rendez-vous de 2010 et s'ils disposent d'éléments permettant de prévoir l'évolution du comportement des salariés par rapport à l'âge de départ en retraite.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité connaître les limites des réformes supportables, et notamment si l'idée d'aligner le calcul de l'ensemble des retraites sur celui des retraites du secteur privé, soit sur la moyenne des vingt-cinq meilleures années, est envisageable.

M. Robert Leloup a indiqué que la mise en pratique de la réforme dépend du caractère opératoire des décisions prises mais aussi de l'ampleur des changements adoptés. Sur ce point, il faut rappeler que le passage de 37,5 années à 41 de cotisations a été particulièrement rapide pour les fonctionnaires et les régimes spéciaux.

M. Alain Vasselle, président, a fait valoir que les salariés du secteur privé ont connu la même évolution après la mise en oeuvre de la réforme « Balladur » en 1993.

M. Robert Leloup a précisé que la perception du changement est nécessairement plus aiguë quand celui-ci se fait sur une courte période. Le fait de calculer le montant des retraites sur les six derniers mois correspond au caractère continu des carrières au sein de la fonction publique ou des industries électriques et gazières et à la volonté de prévenir les effets d'aubaine liés à une promotion au cours du dernier mois d'activité. De plus, le montant des salaires retenus pour le calcul de la pension est pris en compte hors primes. Pour le régime général, où les carrières sont discontinues, le choix des vingt-cinq meilleures années sur l'ensemble d'une carrière en retenant l'intégralité de la rémunération paraissait plus adapté. Néanmoins, le passage d'un système à l'autre pour le régime des industries électriques et gazières semble pouvoir être relativement neutre.

M. Robert Cosson a souligné une difficulté technique liée à l'impossibilité de retrouver avant 2005, date de l'adossement, une assiette de calcul des pensions fondée sur l'intégralité du salaire et qui soit opposable à l'affilié.

A l'heure actuelle, l'âge moyen du départ à la retraite est de cinquante-six ans mais on constate que 15 % des salariés retardent leur départ d'environ un an. Il est néanmoins difficile de savoir s'il s'agit là d'un effet d'aubaine, pour maintenir le niveau de retraite, ou d'une évolution fondamentale des comportements. La Cnieg a mis en place, avec le régime de retraite de la SNCF, un observatoire du comportement qui devrait permettre d'y voir plus clair.

Enfin, il paraît important de conserver des mesures d'ordre générationnel qui ne s'appliquent donc pas à tous en même temps. En effet, le régime de retraite des industries électriques et gazières compte actuellement sept mille personnes encore en activité bien qu'elles puissent liquider leur retraite. Si ces affiliés devaient être touchés par de nouvelles réformes, il est à craindre qu'ils liquident immédiatement leur pension, ce qui aurait un impact financier important pour le régime.

M. Robert Leloup a insisté sur la difficulté que pose la prévisibilité du comportement des affiliés puisque celui-ci évolue très vite en fonction de l'existence ou non de projets personnels et du désir de maintenir le niveau de pension. Les effets de la décote après le 1er juillet 2010 doivent encore être mesurés.

M. Jacky Le Menn a demandé si l'impact financier du passage à un système de comptes notionnels a été mesuré.

M. Robert Cosson a indiqué que la Cnieg n'a pas mené d'étude en ce sens mais qu'elle raisonne en termes d'engagement global avec un taux d'actualisation, ce qui lui donne une vision d'ensemble à tout moment.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a insisté sur l'importance de la fin de la bonification liée au service actif, qui était un système de reconnaissance de la pénibilité. Il a souhaité savoir comment cela avait été accepté et traité au sein des entreprises.

M. Robert Cosson a répondu qu'un système simple a été mis en place, tendant à remplacer la bonification au moment de la pension par un régime de compte épargne-temps qui permet donc toujours aux salariés de cesser leur activité plus tôt mais qui est géré par les entreprises.

M. Robert Leloup a souligné la complexité des négociations liées à la mise en place de ce dispositif.

M. Jacques Lagrave a précisé que la pénibilité est abordée au travers des négociations de branche et non pas sous une forme « réglementaire ».

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Jacques Escourrou, président, et Gérard Pellissier, directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL)

La mission a procédé à l'audition de MM. Jacques Escourrou, président, et Gérard Pellissier, directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jacques Escourrou, président, a d'abord présenté la CNAVPL qui a la charge de gérer le régime de retraite de base des professions libérales. Elle regroupe dix caisses de retraite assurant la gestion des pensions des médecins, des chirurgiens dentistes et sages-femmes, des auxiliaires médicaux, des pharmaciens, des vétérinaires, des agents généraux d'assurance, des experts comptables et commissaires aux comptes, des officiers ministériels, des notaires et des autres professions libérales à l'exception des avocats, ces derniers disposant d'une caisse spécifique et séparée.

La CNAVPL est dirigée par un conseil d'administration qui comprend les présidents des dix caisses affiliées. Ce conseil a la charge du pilotage du régime de base, chaque caisse professionnelle assurant, pour le compte de la CNAVPL, le recouvrement des cotisations et le service des prestations, ainsi que la gestion de régimes complémentaires, voire supplémentaires. Au total, la CNAVPL compte 600 000 cotisants et 185 000 retraités.

M. Gérard Pellissier, directeur, a souligné le caractère favorable du rapport démographique de la caisse qui s'établit à 3,2, soit un des meilleurs ratios constatés en France aujourd'hui ; seule la caisse des avocats bénéficie d'un rapport nettement supérieur, voisin de 9. La CNAVPL établit les règles du régime de base et gère au niveau central les cotisations et les réserves ; elle accorde une délégation de gestion aux dix caisses-sections professionnelles pour l'encaissement des cotisations et le versement des prestations. Ce système résulte de la réforme Fillon de 2003. Auparavant, en effet, chaque affilié à la CNAVPL recevait une prestation identique, égale à un quinzième de l'allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS), soit environ 3000 euros, par année cotisée ; en revanche, les cotisations versées étaient très différentes selon les sections professionnelles et s'établissaient dans un rapport de 1 à 1,8. Depuis le 1er janvier 2004, le principe du régime est « à revenu égal, cotisation égale et prestation de retraite égale » ; le régime est un régime par points, entièrement proportionnel, qui assure un mécanisme de solidarité. Il comporte deux tranches de cotisation : une tranche T1 avec un taux de 8,6 % applicable jusqu'à 85 % du plafond de la sécurité sociale et une tranche T2 avec un taux de 1,6 % applicable du précédent seuil jusqu'à cinq fois le plafond de la sécurité sociale. Ces cotisations permettent d'obtenir au maximum 450 points au titre de la première tranche et 100 points au titre de la seconde ; le taux de rendement du régime est de 9 % sur la première tranche et d'un peu plus de 2 % sur la seconde. Par ailleurs, les conditions de la pension de réversion ont été alignées sur celles du régime général ; cette pension est désormais versée à compter de cinquante-cinq ans avec un taux de 54 %.

Avant la réforme de 2003, l'âge de départ en retraite des professions libérales était de soixante-cinq ans. En effet, lors du vote de l'âge légal de soixante ans en 1982, les professions libérales n'ont pas souhaité s'aligner sur le régime des salariés du secteur privé, notamment du fait de projections qui rendaient le financement de cette réforme problématique à terme. Néanmoins quelques cas particuliers avaient été retenus, notamment en cas d'inaptitude, et des coefficients d'anticipation, aujourd'hui appelés décotes, avaient été mis en place pour ceux qui souhaitaient anticiper leur retraite. Pour des raisons d'harmonisation avec le régime général, la réforme Fillon a désormais fixé l'âge de départ en retraite des professions libérales à soixante ans mais, pour obtenir un taux plein à cet âge, il convient de détenir les trimestres de cotisation nécessaires, soit, en 2009, 161 trimestres pour la génération 1949 et, en 2010, 162 trimestres pour la génération 1950. Toutefois, les régimes complémentaires des professions libérales ont maintenu l'âge de départ en retraite de soixante-cinq ans. Dans les faits, peu d'assurés partent avant soixante ans, à l'exception de quelques professions comme les infirmiers. L'âge moyen de départ en retraite est ainsi actuellement de soixante-trois ans et demi à la CNAVPL ; il a légèrement diminué puisqu'il était de soixante-cinq ans avant la réforme.

A côté du régime de base, chaque caisse professionnelle gère un régime complémentaire, dans une totale autonomie, ce qui explique les importantes différences constatées dans les règles applicables et les modes de financement. On peut mentionner, pour les professions médicales, le mécanisme particulier de l'avantage social vieillesse (ASV) dont les cotisations sont prises en charge à hauteur des deux tiers par les caisses d'assurance maladie et d'un tiers par les professionnels eux-mêmes ; à l'origine, ce régime avait un bon rendement, il connait aujourd'hui de grosses difficultés financières ; sa gestion est principalement assurée par les caisses d'assurance maladie, en lien avec le ministère et les syndicats de médecins.

M. Jacques Escourrou a ensuite rappelé que la CNAVPL participe à la compensation démographique nationale en versant chaque année environ 500 millions d'euros au titre de ses 600 000 affiliés. Le phénomène des auto-entrepreneurs pourrait considérablement alourdir cette somme, en l'accroissant de 200 millions d'euros, soit 1 700 euros versés au titre de chacun des 120 000 auto-entrepreneurs dits « professions libérales ». Or, une telle somme est en complète contradiction avec la réalité puisque, dans leur grande majorité, les auto-entrepreneurs réalisent un chiffre d'affaires très faible - nul pour environ 50 000 d'entre eux et entre 3 000 et 6 000 euros annuels pour les autres. Si le système paraît tout à fait indiqué pour favoriser la création d'activité, il serait injustifié de le prolonger au-delà de trois ans : il conduit, en effet, à développer des concurrences déloyales, à légaliser du travail au noir ou à remettre en question le salariat et le principe des CDI ; il est aberrant de l'utiliser pour des compléments d'activité ; surtout, il a des conséquences potentielles financières inquiétantes pour la CNAVPL. Depuis leur création en 1949, les caisses de retraite des professions libérales ont toujours été équilibrées mais en 2010, pour la première fois, on devrait constater un déficit de l'ordre de 40 millions d'euros, ce qui n'est pas admissible et nécessitera des solutions pour le combler.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souhaité savoir si l'expérience du rapprochement d'une dizaine de caisses de retraite autour du principe « à revenu égal, cotisation égale et retraite égale » pouvait être étendue, par exemple aux trente-cinq régimes participant au Gip Info-retraite. En particulier, cela permettrait-il des économies de gestion alors que certains n'hésitent pas à chiffrer le surcoût lié à la multiplicité des régimes à près de 2 milliards d'euros ? Que penser d'une part d'épargne retraite obligatoire, au-delà du système de base par répartition ? Où se situe la limite de la solidarité liée à la compensation entre les régimes ? La création du statut des auto-entrepreneurs conduit à une aggravation du poids de la compensation pour la CNAVPL et à des conséquences qui ne sont pas anodines en termes de concurrence ; n'est-il pas temps de mettre un terme à cette forme de remise en cause des règles fixées au départ, comme en matière de compensation ?

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a demandé des précisions sur les motivations du choix du régime de l'auto-entrepreneur : s'agit-il de permettre un démarrage d'activité ou plutôt d'assurer un complément de revenu ?

M. Jacques Escourrou a estimé très intéressant le régime de l'auto-entrepreneur pour favoriser le démarrage d'activité mais il convient alors de le limiter dans le temps. Dans le cadre des professions libérales, l'essentiel du recours à ce régime est destiné à permettre un complément de revenu, ce qui est d'autant plus simple que la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav) accueille largement tout professionnel libéral non membre d'une profession réglementée.

Puis il a précisé que le rapprochement intervenu en 2004 entre les dix caisses affiliées à la CNAVPL avait été préparé pendant plusieurs années.

M. Gérard Pellissier a rappelé que le mode de fonctionnement mis en place grâce à la loi Fillon avait été auparavant présenté plusieurs fois sans succès à la direction de la sécurité sociale. Il vise simplement à rallier l'ensemble des caisses autour du postulat difficile à critiquer de l'égalité entre l'ensemble des professionnels. Pour satisfaire l'ensemble des caisses, il a cependant nécessité quelques aménagements et en particulier une légère amélioration des pensions servies. Le seuil de 85 % du plafond de la sécurité sociale, soit environ 26 000 euros, est d'ailleurs atteint par une très grande majorité des assurés.

Contrairement au régime général, les professions libérales gèrent l'ensemble de leur régime, c'est-à-dire les mécanismes de base et complémentaires. Leurs frais de gestion se situent dans la fourchette basse des régimes de retraite français ; rapportés à la somme des cotisations et des prestations, ils s'établissent à 1,1 %.

Comme tous les régimes, les placements financiers de la CNAVPL ont subi la crise. Les régimes complémentaires sont gérés sous la forme de régimes à prestations provisionnées. Les cotisations ont été plus importantes que nécessaire au cours des dernières années afin de faciliter le passage de l'arrivée à la retraite de la génération du baby-boom. L'absence de déficit est aujourd'hui mise à mal avec la création du régime de l'auto-entrepreneur. A partir des chiffres fournis par l'Acoss pour les trois premiers trimestres de 2009, il semble que le revenu moyen des auto-entrepreneurs s'établira entre 2 000 et 4 000 euros en 2009. Sachant que chaque auto-entrepreneur coûtera 1 700 euros au titre de la compensation, le régime de base de la CNAVPL devrait connaître un déficit, aujourd'hui évalué à 50 millions d'euros en 2010, 130 millions en 2011 et 200 millions en 2012. Il y a donc urgence à trouver une réponse. Plusieurs solutions peuvent être envisagées : un moratoire sur l'auto-entrepreneur comme le demande le conseil d'administration de la CNAVPL, un plafonnement des cotisations, un plafonnement de la compensation, la création d'un seuil minimal de cotisations, la non prise en compte de la vieillesse dans le cadre du régime de l'auto-entrepreneur. Du fait de ce nouveau statut, le nombre des affiliés à la CNAVPL devrait passer de 600 000 au 31 décembre 2008 à 700 000 au 31 décembre 2009, 800 000 au 31 décembre 2010 et 900 000 au 31 décembre 2011 ; pour la Cipav, le nombre des professionnels libéraux assurés devrait passer de 100 000 à la fin 2003 à 500 000 en 2012.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a demandé quelle était la nature exacte du régime des professions libérales avant la réforme et comment s'est fait le passage au régime par points.

M. Gérard Pellissier a indiqué que le régime de la CNAVPL était un régime forfaitaire avant 2004 ; à cette date, les droits acquis des professionnels ont été transformés en points.

M. Alain Vasselle, président, a demandé si le déficit attendu pour 2010 sera exclusivement dû à l'arrivée des auto-entrepreneurs et s'il est possible d'embaucher quelqu'un avec le statut d'auto-entrepreneur.

M. Jacques Escourrou a confirmé que le déficit de la CNAVPL pour 2010 sera uniquement lié au statut de l'auto-entrepreneur. Celui-ci procure également un réel avantage au professionnel qui fait appel à une personne sous ce statut car, payant sur honoraires, il ne doit pas régler de charges sociales et peut défalquer les sommes concernées de son résultat comptable.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Jean-Yves Raude, directeur du Service des retraites de l'Etat (SRE)

La mission a procédé à l'audition de M. Jean-Yves Raude, directeur du service des retraites de l'Etat (SRE), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jean-Yves Raude, directeur du SRE, a tout d'abord indiqué que le service des retraites de l'Etat a succédé aux services des pensions et est devenu un service à compétence nationale, rattaché à la direction générale des finances publiques (DGFP). Ce service est notamment chargé de mettre en oeuvre, avant 2012, une réforme importante consistant à faire en sorte que tous les fonctionnaires de l'Etat soient dotés d'un compte individuel de retraite retraçant l'ensemble des éléments constitutifs de leur carrière. Pour l'instant, les services des pensions des ministères reconstituent les éléments de carrière avant de les transmettre au SRE qui assure la liquidation. Afin de faire figurer tous les éléments de carrière dans le compte individuel de retraite, il est nécessaire de reconstituer les carrières de l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat ; 2,2 millions de comptes existent, dont certains sont encore vides ou incomplets.

Par ailleurs, le SRE participe à la rationalisation du réseau des centres régionaux des pensions, intégrés aux trésoreries générales, qui assurent le paiement des pensions. Il existe actuellement vingt-neuf centres en métropole, quatre outre-mer et un à l'étranger. Après rationalisation de ce réseau et création d'une plateforme d'appel pour les assurés, le nombre de centres devrait être ramené à une douzaine en métropole.

Le montant des pensions et allocations d'invalidité s'est élevé à 49,5 milliards d'euros en 2009, dont 34,7 milliards pour les pensions et allocations civiles. Au cours des cinq dernières années, le montant total des pensions civiles a augmenté de 4,9 % à 6,8 % par an. Hors revalorisation, cette augmentation a été de 3,6 % à 5 % par an. Les pensions des militaires sont demeurées stables hors revalorisation.

En 1999, on comptait 1 217 000 pensionnés civils et 562 000 militaires. En 2009, le nombre de pensionnés civils est passé à 1 672 000 tandis que le nombre de pensions militaires est descendu à 549 000.

En utilisant des modèles mathématiques complexes, censés intégrer le comportement des individus, le SRE avait prévu 83 000 départs en retraite en 2009. Seuls 68 000 fonctionnaires ont finalement liquidé leur pension, ce qui démontre un changement de comportement qui peut s'expliquer, d'une part, par la crise économique, d'autre part, par la montée en charge du dispositif de décote-surcote introduit dans la fonction publique par la loi de 2003. L'année 2009 a vu une augmentation sensible de la durée de cotisation et de l'âge de départ, qui n'était pas clairement perceptible jusqu'alors.

Le taux de cotisation de l'Etat employeur, dont la fixation relève de la direction du budget, s'est élevé à 49,9 % pour les fonctionnaires civils et à 100 % pour les militaires en 2006, année de création du compte d'affectation spéciale qui a permis d'identifier ce montant. En 2009, il a été de 58,47 % pour les civils et de 108,39 % pour les militaires. Des taux de 62,14 % pour les civils et de 108,63 % pour les militaires sont prévus en 2010.

En ce qui concerne les besoins de financement à long terme du régime, en prenant en compte les prévisions du conseil d'orientation des retraites (Cor) de 2007, le nombre de retraités de droit direct passerait de 1,74 million en 2009 à 2,3 millions en 2040 avant de revenir à 2,2 millions en 2050. Le montant des cotisations atteindrait 55,3 milliards d'euros en 2050 et celui des pensions 82,4 milliards d'euros. Toutefois, les 55 milliards d'euros de cotisations projetées avaient été obtenus sur la base d'un taux de cotisation de 43 %, alors que celui-ci est aujourd'hui de 62 %.

La part des primes dans la rémunération des fonctionnaires est aujourd'hui connue de manière assez précise et atteint 23 % en moyenne, avec d'importants écarts en fonction des catégories, des ministères, de l'ancienneté, de l'appartenance ou non au monde enseignant pour la catégorie A... Si, toutes choses égales par ailleurs, les primes des fonctionnaires étaient intégrées dans le calcul de leur pension, le montant des pensions augmenterait de 400 millions d'euros environ pour chaque cohorte annuelle entrant dans le dispositif. Après montée en charge, cette intégration conduirait à une dizaine de milliards d'euros de pensions supplémentaires chaque année. L'intégration des primes dans le calcul de la retraite serait délicate. Il conviendrait de connaître les primes correspondant aux six derniers mois d'activité. Or, le montant de celles-ci n'est parfois connu que l'année suivante. Il conviendrait en outre d'être vigilant sur l'existence de coûts indirects, compte tenu des effets sur la majoration de 10 % pour trois enfants, le minimum garanti...

En ce qui concerne le rapprochement éventuel des règles applicables dans le secteur public et dans le secteur privé, celui-ci devrait prendre en compte l'ensemble des différences actuelles. Ainsi, l'existence d'un taux de remplacement de 75 % dans le public, contre 50 % dans le privé, s'explique par l'absence de régime complémentaire, si l'on excepte le RAFP (régime de retraite additionnelle de la fonction publique) qui ne joue pas aujourd'hui le rôle d'un véritable régime complémentaire. Des études déjà anciennes de l'Insee avaient montré que les taux de remplacement dans le public et dans le privé étaient en réalité assez proches.

Les paramètres relatifs à la durée d'assurance, à l'âge légal de départ, pourraient être modifiés sans difficultés techniques particulières, sauf si de nouvelles sous-catégories devaient apparaître, par exemple pour prendre en compte la pénibilité. Une modification du salaire de référence pris en compte pour le calcul de la pension - par exemple en passant des six derniers mois de traitement aux cinq ou dix meilleures années - serait particulièrement délicate car les données permettant de reconstituer ces éléments n'ont pas été conservées dans les systèmes d'information. Seuls pourraient être récupérés les éléments correspondant aux deux ou trois dernières années. D'ailleurs, lorsqu'il a été décidé de calculer la pension des salariés du privé sur la base du salaire des vingt-cinq et non plus des dix meilleures années, la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) a mis quinze ans pour opérer la transition.

Enfin, des rapprochements pourraient être envisagés en matière de réversion. La mise sous condition d'âge de la pension de réversion serait techniquement envisageable, mais la mise sous conditions de ressources poserait davantage de difficultés.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité connaître le montant moyen des pensions servies dans la fonction publique, s'interrogeant en particulier sur les écarts éventuels entre hommes et femmes. Par ailleurs, il est aujourd'hui souvent question de rapprocher ou d'harmoniser les régimes de retraite public et privé. Dans une telle perspective, vaudrait-il mieux intégrer les primes dans la retraite de base ou développer le rôle de l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp) ?

M. Jacky Le Menn a souhaité connaître la proportion des retraités de la fonction publique relevant du cadre actif par rapport à celle des « sédentaires ».

Mme Emmanuelle Walraet, responsable du bureau financier et des statistiques, a indiqué qu'en 2006, la pension moyenne brute en année pleine des nouveaux retraités s'élevait à 22 965 euros par an pour les fonctionnaires civils (24 206 euros pour les hommes et 21 109 euros pour les femmes) et à 17 350 euros pour les militaires. En 2008, celle des nouveaux retraités civils a atteint 23 488 euros. Par ailleurs, la pension brute moyenne de l'ensemble des fonctionnaires civils retraités s'élevait en 2006 à 21 922 euros (23 984 pour les hommes et 20 188 pour les femmes). Elle atteignait 19 210 euros pour les militaires (19 513 pour les hommes et 14 032 pour les femmes). Parmi les fonctionnaires retraités, trois quarts environ relevaient de la catégorie « sédentaire » et un quart de la catégorie « active ». La catégorie dite « active » a tendance à diminuer sous l'effet du passage en catégorie A de certains fonctionnaires en contrepartie d'un abandon des possibilités de départ anticipé en retraite.

M. Jean-Yves Raude a rappelé que le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (Rafp), créé par la loi de 2003, conduit les fonctionnaires à cotiser sur leurs primes dans la limite de 20 % du traitement indiciaire brut annuel perçu. On peut s'interroger sur l'opportunité de déplafonner la cotisation à ce régime, ce qui aurait pour effet de créer un écart plus important entre les fonctionnaires qui touchent beaucoup de primes et les autres.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Claude Domeizel, président du conseil d'administration, et Gérard Perfettini, directeur de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL)

La mission a procédé à l'audition de MM. Claude Domeizel, président du conseil d'administration, et Gérard Perfettini, directeur de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Claude Domeizel a rappelé que la CNRACL est un régime spécial de la sécurité sociale, créé le 17 mai 1945. Elle assure, selon le principe de la répartition, la couverture des risques vieillesse et invalidité des fonctionnaires des collectivités territoriales (communes, départements, régions) et des hôpitaux. Son financement est assuré exclusivement par des cotisations versées par les employeurs hospitaliers et territoriaux et par leurs agents titulaires. La réglementation applicable aux assurés du régime est conforme au code des pensions civiles de l'Etat, à l'exception de certaines catégories spécifiques (sapeurs-pompiers, aides soignantes...). Les principaux paramètres de calcul de la pension sont la durée minimale de quinze ans de services effectifs, la durée d'assurance dans le régime et le traitement indiciaire des six derniers mois. L'originalité de la caisse réside dans le fait qu'elle est le seul régime spécial dont le conseil d'administration comporte en son sein des représentants élus des employeurs et des salariés. Organisé sous forme d'un établissement public, le régime dispose d'un organe délibérant, le conseil d'administration, et d'un service gestionnaire, la Caisse des dépôts. Le conseil d'administration, qui comporte seize membres élus (précédemment vingt-deux), assure le contrôle de la gestion du régime et, dans ce cadre, se prononce sur le budget de gestion administrative, examine les comptes et la trésorerie, définit la politique d'action sociale en faveur des retraités. Il détermine également le programme d'action du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

M. Gérard Perfettini, directeur, a indiqué que, dès 1947, la gestion du régime a été confiée à la Caisse des dépôts qui assure, pour le compte de la CNRACL, un mandat de gestion globale de l'établissement public. Cette mission s'inscrit dans le cadre de processus mutualisés avec d'autres fonds de retraite publics gérés par la Caisse des dépôts. L'avantage de cette architecture est de permettre de mutualiser certaines opérations et donc de maîtriser les coûts de gestion.

S'agissant des frais de gestion, M. Jacky Le Menn a souhaité savoir comment se situe la CNRACL par rapport aux établissements d'assurance.

M. Gérard Perfettini a répondu que, en la matière, la caisse se compare aux autres régimes de retraite plutôt qu'aux sociétés d'assurance. La particularité de la CNRACL est de confier au gestionnaire la totalité des opérations, du recouvrement des cotisations au paiement des prestations. La Cnav, par exemple, n'assure pas le recouvrement des cotisations ; cette mission relève de l'Acoss.

M. Claude Domeizel a expliqué que les taux de cotisations ont évolué au fil du temps. A l'origine, la répartition entre la part salariale et la part patronale des cotisations était de un tiers-deux tiers. Initialement fixé à 6 %, le taux de cotisation salariale a peu évolué puisqu'il a été maintenu à 7,85 % depuis les années 1990. En revanche, le taux de cotisation patronale a connu de fortes évolutions : à l'origine de 12 %, il a avoisiné les 20 % dans les années 1960 avant de retomber autour des 10 % dans les années 1980, puis de remonter pour atteindre aujourd'hui 27,3 %. Quant au ratio démographique, celui-ci était, en 2009, de 2,2 cotisants pour un retraité. C'est un niveau satisfaisant au regard de la situation de la plupart des autres régimes de base.

Mme Muguette Dini a demandé si la CNRACL a le ratio démographique le plus favorable de toutes les caisses de retraite ou seulement l'un des meilleurs.

M. Gérard Perfettini a répondu que, à sa connaissance, il s'agit du ratio le plus favorable.

M. Claude Domeizel a expliqué que, ces dernières années, certains paramètres ont été ajustés afin d'assurer l'équilibre financier du régime. Ainsi, après un exercice 2002 qui affichait un déficit de 61 millions d'euros, deux types de mesure ont été prises pour permettre le retour à l'équilibre des comptes : l'augmentation de la contribution employeur et la baisse du taux de recouvrement de la surcompensation, ramené de 30 % en 2002 à 12 % en 2009. Par ailleurs, la contribution du régime à la solidarité nationale par le biais des transferts de compensation est restée très significative, de l'ordre de 2,45 milliards d'euros. Globalement, la situation de la CNRACL s'est améliorée sur la période 2005-2009 sous l'effet des mesures de rééquilibrage, mais également grâce aux éléments conjoncturels, comme une disposition de la réforme des retraites de 2003 relative aux validations de service. En 2009, la caisse a enregistré un excédent de plus 2,2 milliards d'euros.

Il faut aussi rappeler que la mise en oeuvre de l'acte II de la décentralisation n'a pas été sans incidence sur la caisse puisque plus de 100 000 fonctionnaires, essentiellement des techniciens, des ouvriers spécialisés (TOS) et des agents des directions départementales de l'équipement (DEE) ont été intégrés à la fonction publique territoriale. Afin que le transfert de ces personnels décentralisés ne constitue pas une charge financière supplémentaire pour la CNRACL, l'article 59 de la loi de finances pour 2010 instaure un dispositif de neutralisation des effets de la décentralisation. Il est ainsi prévu que, dans un premier temps, la CNRACL reversera chaque année au compte d'affection spéciale (CAS) des pensions de l'Etat les cotisations reçues pour les agents transférés, au taux de cotisation en vigueur à la CNRACL et que, dans un second temps, le CAS des pensions de l'Etat versera à la CNRACL le montant des prestations légales servies par celle-ci aux agents décentralisés partis à la retraite. Le basculement de la première opération vers la seconde devrait avoir lieu vers 2020.

M. Gérard Perfettini a indiqué que la CNRACL élabore annuellement des projections économiques à court et à long termes. Les prévisions à court terme montrent que la situation financière du régime devrait rester excédentaire dans les prochaines années. Le dernier exercice tendanciel de projections à long terme, réalisé en 2007, met en évidence la dégradation structurelle du régime illustrée par l'évolution du rapport démographique qui connaît une baisse continue sur la période 2006-2050. Actuellement de 2,2, le ratio démographique devrait s'établir à 1 en 2050. Cette tendance est comparable à celle observée pour les autres régimes de retraite. Sous les hypothèses d'un taux de chômage de 4,5 % sur la période étudiée et de taux de cotisation inchangés par rapport au niveau de 2007 (7,85 % pour le taux salarial ; 27,3 % pour le taux patronal), la CNRACL afficherait des excédents jusqu'en 2017, avant de connaître un déficit atteignant un peu plus de 11 milliards d'euros en 2050. De nouveaux travaux de prévisions à long terme sont en cours, dans le cadre de l'exercice piloté par le conseil d'orientation des retraites (Cor) en vue de la préparation de la réforme des retraites. Les résultats sont attendus pour la fin du mois de mars.

M. Claude Domeizel a estimé que, s'agissant du rendez-vous de 2010, la CNRACL a plus de craintes que d'attentes particulières. Son objectif prioritaire est de garantir l'équilibre financier de la caisse. Certaines voix évoquent l'idée de la création d'un régime unique pour l'ensemble des fonctionnaires. Cette proposition est techniquement possible mais elle risquerait d'entraîner une forte augmentation du taux de cotisation pour les employeurs territoriaux et hospitaliers. En effet, la cotisation employeur est actuellement de 27,3 % à la CNRACL, tandis qu'elle s'élève à 60 % pour l'Etat. La fusion des régimes pourrait ainsi conduire à fixer le taux de la cotisation employeur autour de 50 %, ce qui ne serait financièrement pas supportable pour les collectivités territoriales et les hôpitaux. Par ailleurs, une telle mesure serait une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.

Une autre proposition souvent évoquée est l'intégration des primes dans le salaire de référence servant au calcul de la pension. La CNRACL tient à préciser qu'elle ne connaît pas le montant des primes des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, seulement leur traitement indiciaire. Cette mesure pose, par ailleurs, deux problèmes : d'une part, elle creuserait les inégalités entre ceux qui sont déjà à la retraite et dont les primes n'auront pas été prises en compte (excepté dans le cadre du régime additionnel de la fonction publique) et ceux qui sont encore en activité et dont les primes seront intégrées au salaire de référence ; d'autre part, elle entraînerait une charge supplémentaire pour les employeurs du fait de l'élargissement de l'assiette de cotisation. Enfin, la proposition tendant à aligner le public sur le privé paraît complexe à mettre en oeuvre dans la mesure où les régimes de retraite des fonctionnaires et des salariés du privé obéissent à des règles très différentes et difficilement comparables.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a estimé que l'intégration des personnels décentralisés dans la fonction publique territoriale constitue une manne pour la CNRACL, du moins à court terme. Comment s'explique le déficit de la caisse sur la période 2017-2050, estimé à 11 milliards d'euros en fin de période ? Cette évaluation intègre-t-elle les conséquences financières des transferts de personnels ?

M. Claude Domeizel a répondu par la négative : ce chiffre ne tient pas compte des effets de cette opération.

M. Gérard Perfettini a expliqué que la dégradation de la situation financière de la CNRACL est due à une tendance structurelle à la détérioration du ratio démographique. Dans les décennies à venir, le nombre de cotisants va augmenter moins vite que celui des pensionnés. Le dispositif de neutralisation des effets de la décentralisation prévu par la loi de finances pour 2010 est novateur. Alors qu'aucune compensation n'avait été prévue dans le passé, les transferts de personnels consécutifs à l'acte II de la décentralisation ont été accompagnés d'un mécanisme permettant de ne pas dégrader les comptes de la CNRACL. Les modalités d'application du dispositif, qui font actuellement l'objet d'une négociation entre la caisse et le ministère du budget, seront fixées par décret.

M. Alain Vasselle, président, a souligné l'intérêt de ce dispositif, au regard notamment de la polémique entre l'Ircantec et l'Agirc-Arrco au sujet des retraites complémentaires des salariés contractuels de la Poste.

M. Jacky Le Menn a demandé si les excédents de la CNRACL sont placés.

M. Gérard Perfettini lui a répondu par l'affirmative. C'est le rôle de la Caisse des dépôts de gérer cette trésorerie.

A M. Alain Vasselle, qui souhaitait savoir si ces réserves sont utilisées pour garantir l'équilibre financier du régime, M. Gérard Perfettini a expliqué qu'à partir de l'année prochaine, les réserves serviront effectivement à apurer le déséquilibre des comptes. Elles seront en revanche épuisées à compter de 2017.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, ayant demandé le montant de la pension moyenne servie aux ressortissants du régime, M. Gérard Perfettini a répondu qu'il est d'environ 960 euros, en incluant les pensions directes et de réversion.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Philippe Desfossés, directeur, Alain Belgy, chef du service de la gestion des droits et du service financier, Erik Christiansen, responsable de la stratégie d'investissementde l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp),MM. Guillaume Leroy, actuaire au cabinet Winter et associés,et Philippe Brossard, président de Macrorama

Enfin, la mission a procédé à l'audition de MM. Philippe Desfossés, directeur, Alain Belgy, chef du service de la gestion des droits et du service financier, Erik Christiansen, responsable de la stratégie d'investissement de l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp), et MM. Guillaume Leroy, actuaire au cabinet Winter et associés, et Philippe Brossard, président de Macrorama, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

En guise d'introduction, M. Philippe Desfossés, directeur, a indiqué que l'Erafp est un fonds de pension public dont l'objectif principal est de garantir l'équité intergénérationnelle. L'établissement veille à ce que la totalité de ses investissements soient « socialement responsables ».

Le régime de retraite additionnelle de la fonction publique, dont l'Erafp assure la gestion, est un régime obligatoire institué au bénéfice des fonctionnaires de l'Etat (civils et militaires), territoriaux et hospitaliers. Il permet le versement d'une prestation additionnelle, en sus de la pension principale, qui prend en compte, à la différence du régime de base, les primes, les indemnités, les heures supplémentaires et les avantages en nature. Il comprend 4,6 millions de fonctionnaires bénéficiaires.

Les cotisations sont assises sur les éléments de rémunération de toute nature autres que le traitement indiciaire : le taux de cotisation est de 10 %, dont la moitié est prise en charge par l'employeur, et plafonné à 20 % du traitement indiciaire brut annuel. Les droits sont calculés selon les principes d'un régime de retraite par points : les montants cotisés, déclarés annuellement par l'employeur, sont convertis en points, dont la valeur d'acquisition est fixée chaque année par le conseil d'administration de l'établissement. Le montant de la prestation additionnelle est ensuite établi en multipliant le nombre de points accumulés au cours de la carrière par la valeur de service du point, elle aussi déterminée chaque année par le conseil d'administration. La prestation est versée en rente, sauf si le nombre de points acquis est inférieur à un minimum. En moyenne, un fonctionnaire récupèrera  en rente les cotisations versées au régime au bout de vingt-cinq années de retraite, ce qui correspond à l'espérance de vie au moment où le régime arrivera à maturité, dans les années 2040-2050. Actuellement, la majorité des fonctionnaires reçoivent un versement en capital, car le régime n'a été créé qu'en 2005, et très peu de fonctionnaires ont accumulé suffisamment de points pour bénéficier d'une rente.

Le conseil d'administration de l'établissement est composé de huit représentants des bénéficiaires, désignés par les organisations syndicales, de huit représentants des employeurs issus des trois fonctions publiques et de trois personnalités qualifiées.

L'Erafp est un investisseur « socialement responsable » pour deux raisons. D'abord, ses investissements sont strictement réglementés : les actifs (près de 8 milliards d'euros en 2008) doivent être constitués à 75 % d'obligations et à 90 % libellés en euros. Ensuite, les provisions sont solides car elles sont calculées en retenant un taux d'actualisation nominal de 3,8 %, soit un taux réel de 1,8 % si l'on admet l'hypothèse d'un taux d'inflation moyen de 2 %. On est donc très loin des taux d'actualisation irréalistes de beaucoup de fonds de pension américains, qui ont pris des risques disproportionnés et ne peuvent plus aujourd'hui verser les pensions promises aux salariés partis à la retraite. A titre d'exemple, on peut citer le fonds de pension américain Calpers, qui s'est engagé sur des taux d'actualisation à deux chiffres, et qui est aujourd'hui contraint de s'endetter pour honorer ses engagements.

En conclusion, M. Philippe Desfossés a considéré que l'Erafp peut constituer un exemple susceptible d'alimenter la réflexion sur la réforme des retraites. D'abord, grâce à son système par points, il permet de mieux prendre en compte l'équité entre les générations. En effet, dans les régimes à prestations définies, comme les régimes de retraite de base en France par exemple, des droits sont consentis aux futurs retraités sans avoir l'assurance que les fonds disponibles seront suffisants. Au contraire, dans un régime par points, la fixation annuelle du prix d'achat du point et de sa valeur de service permet de répartir équitablement les éventuels efforts à consentir entre les retraités et les actifs. Il pourrait donc être opportun de transformer le régime additionnel de la fonction publique en un régime complémentaire : les cotisations seraient ainsi assises non plus seulement sur les revenus annexes mais sur la totalité de la rémunération, au-delà d'un certain plafond, par exemple celui de la sécurité sociale. Une telle réforme permettrait de construire un régime de retraite souple, éventuellement transposable au secteur privé, fonctionnant avec une pension de base relevant d'un financement propre et une pension complémentaire intégralement contributive.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité connaître les différences entre l'Erafp et les fonds de pension privés et savoir comment l'établissement a résisté à la récente crise financière. Elle a également demandé le montant moyen des pensions que l'Erafp versera dans les prochaines années.

M. Philippe Desfossés a répondu que la différence entre l'Erafp et un fonds de pension privé est essentiellement politique : autant un fonds de pension privé doit appâter ses futurs clients et a donc tendance à proposer des taux d'actualisation élevés, ce qui le conduit à prendre des risques sur ses investissements, quitte à ne pas honorer ses promesses, autant l'Erafp bénéficie d'un financement captif et ses investissements sont soumis à des règles prudentielles précises et exigeantes, ce qui garantit aux futurs retraités le versement de leur pension. C'est ce qui explique que l'Erafp n'ait perdu à cause de la crise que cinq millions d'euros, d'ailleurs regagnés depuis, alors que de nombreux fonds de pension privés sont en situation de quasi faillite.

M. Alain Belgy, chef du service de la gestion des droits et du service financier, a précisé que le gain annuel moyen par fonctionnaire est de trois cents points, ce qui représente, en capital, un peu plus de 300 euros de pension par année de cotisation. Au-delà de 5 125 points, la pension est versée sous forme de rente, ce qui signifie qu'il faut environ dix-sept années de cotisation pour pouvoir bénéficier d'une rente. Ceci étant, l'expérience montre que la majorité des salariés partant à la retraite ont une préférence pour un versement en capital, sans doute parce qu'ils sous-estiment leur espérance de vie.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir si, lorsqu'un salarié opte pour un versement en capital, il reçoit une somme équivalente à la totalité des cotisations payées.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a demandé si le régime autorise un salarié à cotiser après avoir liquidé sa pension de base.

M. Philippe Desfossés a indiqué qu'un salarié bénéficiant d'un versement en capital perçoit une somme équivalente au montant des cotisations payées actualisée à 1,8 %. L'accumulation des points ne peut être prolongée après la liquidation de la pension de base, mais il est possible de différer le versement de la prestation en capital après le départ en retraite, ce qui peut être avantageux pour des raisons fiscales par exemple.

Mercredi 17 mars 2010

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de Mmes Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration, et Marie-France Laroque, directrice de cabinet de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav)

La mission a procédé à l'audition de Mmes Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration, et Marie-France Laroque, directrice de cabinet de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav) dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration, a d'abord rappelé que le besoin de financement de la Cnav s'élèvera à 8,2 milliards d'euros en 2009 et qu'il devrait atteindre, selon les derniers chiffres disponibles, 10,7 milliards en 2010 puis 14,5 milliards en 2013. Le conseil d'orientation des retraites (Cor) avait pour sa part évalué, en 2006, ce besoin de financement à 5,9 milliards d'euros en 2012 (en euros 2006, soit 0,29 point de Pib de l'époque), 12,9 milliards en 2020 (0,54 point de Pib) et 44,5 milliards en 2050 (1,08 point de Pib).

Afin d'estimer les économies résultant d'un report de l'âge légal de départ en retraite, la Cnav a élaboré plusieurs scénarii consistant en un relèvement progressif de l'âge de référence de soixante à soixante et un ans, de soixante à soixante et un ans et demi et de soixante à soixante-deux ans, sur la base d'une hausse de la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein à 41,5 annuités. Cet exercice s'appuie sur des hypothèses fortes, notamment en matière d'emploi : l'âge moyen de sortie du marché du travail s'établissant à cinquante-huit ans et demi pour les hommes et à cinquante-neuf ans pour les femmes, 63 % des assurés n'étaient plus, en 2006, en situation d'emploi à la liquidation de leurs droits. L'année précédant leur départ en retraite, 29,2 % avaient validé quatre trimestres au titre du chômage, 1,8 % quatre trimestres au titre de la maladie, 11,9 % au titre de l'invalidité, tandis que 20,1 % n'avaient pas validé de trimestres.

Dans la perspective d'un report de l'âge légal de départ à la retraite, la Cnav a préféré retenir, pour ses prévisions, l'hypothèse que ces assurés valideraient des périodes de non-emploi plus longues qu'aujourd'hui, même s'il est envisageable, à plus long terme, que l'entrée dans le chômage ou dans l'invalidité soit repoussée d'autant. Quant aux assurés encore en situation d'emploi au moment de faire valoir leurs droits à retraite, on suppose là encore une permanence des comportements, le maintien plus tardif en activité devant se traduire par un gain de 300 000 personnes supplémentaires en emploi à l'horizon 2020.

Enfin, le relèvement de l'âge de départ a des effets positifs sur les ressources de la caisse, à travers la perception de cotisations supplémentaires, mais augmente a contrario le niveau moyen des pensions servies, de 1 % environ d'ici à 2050.

Ainsi, sous l'hypothèse d'un passage progressif à quarante et une annuités et demie pour bénéficier d'une retraite à taux plein en 2020, le report à soixante et un ans de l'âge légal à raison d'un trimestre par an améliorerait le solde de la Cnav de 2,7 milliards d'euros par an jusqu'en 2020, puis de 2,2 milliards jusqu'en 2050. En cas de relèvement à soixante et un ans et demi ou soixante-deux ans, ces gains seraient portés respectivement à 4,4 milliards ou 6,6 milliards par an d'ici à 2020, puis à 3,9 milliards ou 5,7 milliards d'ici à 2050. En tout état de cause, il est clair que le seul relèvement de l'âge de référence ne permettra pas de combler le besoin de financement du régime. Si l'on choisit de le combiner à une augmentation de la durée de cotisation au-delà de quarante et une annuités et demie, on améliorera sans doute le solde mais au détriment des jeunes générations dont on voit mal comment elles pourront bénéficier d'une retraite à taux plein compte tenu de leur entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail.

Abordant les effets des mécanismes de surcote et de décote sur les comportements des assurés, Mme Danièle Karniewicz a ensuite indiqué que ces dispositifs commencent à produire leurs effets, 12,9 % des assurés ayant bénéficié d'une surcote en 2009 - mais souvent à hauteur de quelques dizaines d'euros supplémentaires -, le recul n'étant cependant pas encore suffisant pour en apprécier les effets définitifs. A la seule lumière du ressenti des assurés, il est manifeste que l'inquiétude devant les réformes annoncées et le manque de lisibilité du système incitent certains à anticiper leur départ pour bénéficier des règles actuelles. La crainte de ne pas être assuré d'un niveau de vie décent à la retraite est particulièrement prégnante chez les plus jeunes et remet en cause, à leurs yeux, la crédibilité même du régime par répartition.

Malgré les progrès récents en la matière, un effort supplémentaire de valorisation des seniors dans l'entreprise est aussi indispensable car de trop nombreux salariés expérimentés ont encore le sentiment, à tort ou à raison, d'être poussés à la retraite par leur employeur.

Si les partenaires sociaux n'ont pas arrêté, à l'heure actuelle, d'éventuelles propositions communes dans le cadre du rendez-vous 2010, il se dégage néanmoins une vraie problématique autour du niveau de vie à la retraite et du taux de remplacement des pensions, qu'elles soient servies par le régime de base ou par les régimes complémentaires. Alors que la référence retenue par la Cnav se situe théoriquement, pour une carrière complète, à 50 % du plafond de la sécurité sociale, le taux de remplacement n'atteint d'ores et déjà plus que 43 % du dernier salaire, sous l'effet combiné de l'indexation des pensions sur les prix et de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années d'activité pour le calcul du salaire de référence. La définition d'un niveau de pension minimal, en deçà duquel l'on ne pourrait descendre, serait sans doute de nature à apaiser les craintes des assurés.

Mme Danièle Karniewicz a enfin regretté que les périodes validées mais non cotisées - chômage, maladie, invalidité, etc. - ne soient pas compensées à la Cnav à hauteur de leur coût réel : ainsi, un trimestre validé au titre du chômage n'est compensé qu'à 90 % du Smic. Une plus juste évaluation de ces périodes produirait, pour la caisse, des marges de manoeuvre supplémentaires loin d'être négligeables.

Après être convenu de la dégradation progressive du taux de remplacement, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a fait observer que la caisse de retraite des personnels de la SNCF a déjà mis en place une pension minimale forfaitaire, accessible après vingt-cinq ans de service, dont le montant est assez élevé.

Les jeunes générations se préoccupant de plus en plus tôt des conditions de leur retraite future, la Cnav a-t-elle une approche spécifique de ces publics ?

Compte tenu des besoins de financements actuels et à venir, la seule modification des paramètres ne saura suffire à rétablir l'équilibre du système et l'on ne peut pas plus espérer de la mobilisation des actifs du fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont le montant n'est en aucune façon à la hauteur de l'enjeu.

Quelles solutions concrètes, en matière de taux comme d'assiette des cotisations, la Cnav envisage-t-elle pour consolider ses ressources ?

Tout en précisant que le conseil d'administration de la caisse ne s'est pas prononcé sur ces questions, Mme Danièle Karniewicz a considéré qu'une réflexion globale sur le financement de la protection sociale, et pas seulement de la retraite, est plus que jamais nécessaire. Les changements d'assiette parfois envisagés pour alimenter des risques - maladie, famille - dont la couverture est traditionnellement plus socialisée permettraient par exemple de dégager des cotisations supplémentaires pour la retraite, pour laquelle il importe, dès lors qu'on l'assimile à un salaire différé, de maintenir un lien fort avec un niveau de cotisation défini en proportion du revenu d'activité.

S'il n'existe pas de consensus, parmi les partenaires sociaux, sur les modalités d'un élargissement éventuel de l'assiette des cotisations - qui pourrait porter, selon les cas, sur la consommation, la valeur ajoutée ou les revenus financiers -, il reste que l'évolution de la masse salariale, marquée notamment par un tassement considérable de la grille des rémunérations, met en péril le financement du système de protection sociale.

Considérant l'entrée tardive des jeunes sur le marché de l'emploi et l'allongement comme la professionnalisation des stages requis dans de nombreux cursus universitaires, Mme Danièle Karniewicz s'est dite favorable, à titre personnel, à ce que soit ouverte la possibilité, pour ces périodes de stages, de cotiser pour la retraite.

Le fait que certains régimes s'engagent sur un niveau de prestations définies, alors que la Cnav ne fonctionne qu'à cotisations définies, pose un vrai problème en termes d'équité entre assurés. A cet égard, la garantie d'un minimum de pension pour les salariés du privé améliorerait la lisibilité du système et partant, l'acceptabilité d'efforts supplémentaires pour le sauvegarder.

Au regard du niveau moyen des pensions, Mme Christiane Demontès, rapporteure, a invité chacun à ne pas alimenter un débat qui consisterait à opposer des retraités pauvres à d'autres qui le seraient un peu moins.

Les projections du Cor et de la Cnav montrent bien que le report de l'âge légal de départ en retraite ou la hausse du nombre d'annuités requises pour bénéficier d'une retraite à taux plein ne couvriraient au mieux qu'environ 10 % des déficits attendus à l'horizon 2050. Dans ce contexte, les effets sur l'emploi des exonérations de charges sociales, qui privent le système de protection sociale de plusieurs dizaines de milliards d'euros de recettes, mériteraient d'être attentivement évalués.

Concernant les plus jeunes, il est logique, dès lors que les périodes de stages ne permettent pas de cotiser, que les organisations étudiantes militent pour la création d'une allocation d'autonomie ouvrant droit, entre autres, à cotiser en vue de la retraite.

Lors de son audition par la mission, Jean-Michel Charpin avait évoqué l'idée de faire jouer le système des décotes et surcotes non seulement sur la durée de cotisation mais aussi sur l'âge de départ en retraite. Qu'en pense la Cnav ? Enfin, le basculement vers un système par points ou en comptes notionnels permettrait-il de rééquilibrer financièrement les régimes de retraite ?

M. Guy Fischer a fait part de sa préoccupation face à l'écrasement des salaires et des pensions auquel on assiste depuis quelques années. Cette situation fait naître, parmi nos concitoyens, une inquiétude majeure quant au niveau futur de leur retraite et nourrit chez les plus démunis un doute généralisé sur la pérennité du système de protection sociale.

Considérant l'allongement régulier de l'espérance de vie et l'entrée de plus en plus tardive des jeunes générations sur le marché du travail, Mme Muguette Dini s'est interrogée sur la nécessité d'aller, à terme, au-delà des hypothèses considérées par la Cnav pour le report de l'âge légal de départ en retraite. Comment ne pas envisager d'évoluer progressivement vers un âge de référence plus éloigné, qui pourrait être de soixante-dix ans à l'horizon 2050 ?

M. Alain Vasselle, président, a rappelé que toute proposition de baisse des exonérations de charges dont bénéficient les entreprises se voit systématiquement opposer le risque des destructions d'emplois qu'elle engendrerait à coup sûr. Or, connaît-on l'impact réel de ces exonérations sur la compétitivité de nos entreprises ? Quel système de financement pourrait permettre de concilier cet impératif de compétitivité avec l'exigence d'un haut niveau de protection sociale ?

Après avoir estimé que le tassement des grilles salariales a aussi des effets négatifs sur l'implication des salariés dans leur travail, Mme Danièle Karniewicz a indiqué que l'effet massif et direct des exonérations de charges sur l'emploi reste, selon elle, à démontrer. Compte tenu du niveau déjà élevé des prélèvements obligatoires français, tout effort supplémentaire devra nécessairement être partagé entre les entreprises et les salariés, ces derniers étant prêts à l'accepter si la pérennité du système leur est garantie.

S'agissant d'un report de l'âge légal de départ en retraite au-delà de soixante-deux ans, des scénarii alternatifs peuvent sans doute être envisagés ; en tout état de cause, la perspective de devoir travailler jusqu'à soixante-dix ans décrédibiliserait totalement le système aux yeux des jeunes générations.

Par ailleurs, lorsque les employeurs proposent des conventions de stages d'une durée de huit mois, ne serait-il pas plus logique de les convertir en contrats à durée déterminée permettant de cotiser pour la retraite ?

Quant à la perspective de basculer vers un système par points ou en comptes notionnels, elle pourrait se justifier pour améliorer la lisibilité ou la justice du régime de retraite mais sûrement pas pour résoudre la question du financement. Le recours à la capitalisation ou aux comptes notionnels conduit par ailleurs inévitablement à la baisse du niveau des pensions ; quel que soit le système retenu, il importera de répartir équitablement la charge entre employeurs et salariés, et entre les salariés eux-mêmes.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Jean-François Lequoy, délégué général, Gilles Cossic, directeur des assurances de personnes, Gérard Ménéroud, directeur général adjoint de CNP Assurances, et Mme Annabelle Jacquemin-Guillaume, attachée parlementaire de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA)

La mission a procédé à l'audition de MM. Jean-François Lequoy, délégué général, Gilles Cossic, directeur des assurances de personnes, et Gérard Ménéroud, directeur général adjoint de CNP Assurances, et Mme Annabelle Jacquemin-Guillaume, attachée parlementaire de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jean-François Lequoy a tout d'abord évoqué la place du marché de l'assurance dans le système français de retraite. La loi Fillon de 2003 avait notamment pour objectif de permettre l'accès de chacun à des produits d'épargne qui préparent sa retraite ; ils peuvent être organisés soit de manière individuelle par l'intermédiaire des plans d'épargne retraite populaire (Perp) ou des contrats « loi Madelin », soit de manière collective au sein des entreprises. Ce dernier type de produits est également multiforme, avec des contrats dits « article 83 », obligatoires et à cotisations définies, « article 82 », facultatifs, ou encore « article 39 », à prestations définies. Cet ensemble (12 milliards d'euros de cotisations en 2009, pour un encours total d'environ 125 milliards) a connu un réel développement, mais reste naturellement marginal, puisque, avec 6 milliards de prestations en 2009, il représente entre 2 % et 3 % de celles des régimes par répartition (environ 250 milliards).

Au-delà des contrats spécifiquement dédiés à la préparation de la retraite, l'ensemble des produits d'assurance-vie (environ 140 milliards d'euros de cotisations en 2009) contribue à cet objectif, puisqu'environ 30 % des Français disent en contracter un dans ce but.

M. Gérard Ménéroud, directeur général adjoint de CNP Assurances, a précisé que plusieurs types de contrats se prêtent parfaitement à cela, notamment ceux qui permettent des sorties partielles en capital.

M. Jean-François Lequoy a estimé que l'assurance est appelée à jouer un rôle croissant dans le système de retraite, en raison de l'érosion prévisible du taux de remplacement des régimes par répartition. En outre, les produits proposés répondent à deux préoccupations importantes : la préparation de la retraite, bien sûr, mais aussi le financement de l'économie par une épargne longue, particulièrement cruciale en phase de sortie de crise. Ce mode de financement est vertueux, car il est stable et à horizon lointain. Par ailleurs, les nouvelles règles prudentielles internationales, dites « solvabilité II », pourraient se révéler défavorables aux marchés des actions, sauf dans le cadre de produits d'épargne retraite.

M. Gérard Ménéroud a rappelé que la stabilité des régimes par répartition dépend de l'évolution de la masse salariale, qui est naturellement corrélée au dynamisme économique. Dans ces conditions, l'amélioration des conditions du financement de l'économie contribue également au bon fonctionnement des systèmes de retraite.

En ce qui concerne le rendez-vous 2010 sur les retraites, M. Jean-François Lequoy a précisé que les assureurs en attendent principalement le perfectionnement des mécanismes existants et une amélioration des produits.

M. Gérard Ménéroud a estimé que le débat classique tendant à opposer la répartition et la capitalisation ne repose sur aucune réalité, la seconde ne pouvant naturellement pas remplacer la première. En fait, la capitalisation peut uniquement compléter la répartition pour les personnes les plus prévoyantes, si bien que les assureurs ne demandent nullement la disparition des régimes par répartition. Pour autant, les taux de remplacement de ces derniers vont baisser, d'où l'importance de permettre à ceux qui veulent conserver leur niveau de vie de pouvoir le faire par des dispositifs adaptés. Le marché de l'assurance a développé les outils nécessaires pour cela.

Dans le cadre du rendez-vous 2010, les évolutions demandées sont donc marginales :

- rendre plus lisible et plus simple la rente viagère. Alors que très peu de personnes connaissent son régime fiscal, l'effort des pouvoirs publics en termes d'exonérations doit être mieux mis en valeur ;

- améliorer les conditions de la rente viagère, en autorisant des combinaisons entre une transmission partielle du capital et le versement d'une rente, dispositifs sur lesquels s'appliquent des fiscalités fort différentes. En effet, la rente viagère souffre d'une appréhension naturelle : mourir prématurément et donc perdre le bénéfice, y compris pour ses héritiers, d'années d'épargne. Une telle mesure permettrait de mobiliser une plus grande part des réserves accumulées ;

- simplifier les modes de fonctionnement des Perp et des plans d'épargne retraite (PER), tout en conservant le souci de protéger les assurés ;

- rendre plus liquides les sommes épargnées, par la possibilité de sorties partielles en capital, notamment lorsque les assurés se trouvent en difficultés financières ponctuelles ou lors de situations personnelles tendues. Cette mesure lèverait un frein à l'investissement ;

- favoriser les versements facultatifs dans les dispositifs collectifs en entreprise, sans remettre en cause leur caractère obligatoire ;

- permettre aux employeurs, dans des conditions à définir, d'abonder les plans individuels de leurs salariés, notamment dans les très petites entreprises pour lesquelles créer un contrat collectif occasionne des frais de gestion trop élevés par rapport à leur taille.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a indiqué qu'il est en effet souvent saisi de la question de la simplification des plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco). En ce qui concerne le rendez-vous 2010, le sujet principal est celui du financement et de la continuité du lien entre les pensions et les revenus salariaux. Il est vrai que l'opposition habituelle entre répartition et capitalisation est factice : certains régimes par répartition disposent de provisions et la Suède a créé, dans son nouveau système en comptes notionnels, qui reste par répartition, une dose de capitalisation collective pour atténuer les chocs démographiques ou économiques. Dans ces conditions, ne serait-il pas envisageable d'introduire une part d'épargne retraite - terme préférable à celui de capitalisation - dans le système français pour maintenir le taux de remplacement ?

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a également mentionné l'exemple suédois, pour savoir quelle sont les parts respectives de la répartition et de la capitalisation. Par ailleurs, quel est le taux de couverture des Français par des produits d'épargne dédiés à la retraite ?

M. Jean-François Lequoy a précisé que deux millions d'épargnants ont contracté un Perp et 850 000 un produit « loi Madelin », mais que le monde de l'assurance-vie est nettement plus large, puisque quinze millions de Français environ y ont recours.

M. Gérard Ménéroud a estimé possible d'introduire une dose de capitalisation ou de réserves dans les systèmes par répartition, mais elle ne pourra constituer qu'un complément : en effet, un point d'amélioration du taux de remplacement à l'échéance 2020 nécessiterait de collecter 10 milliards d'euros par an d'épargne, alors même que le flux annuel d'épargne des Français s'élève à 200 milliards. Prendre une telle mesure de manière obligatoire permettrait de couvrir les personnes qui n'ont pas les moyens d'épargner. Mais est-ce à ce type de dispositif de financer la solidarité entre les différents niveaux de revenus dans un système par répartition ? La question se pose déjà avec acuité dans les régimes de base et complémentaires, puisque 30 % des prestations versées par la Cnav n'ont pas eu de contreparties en termes de cotisations et 15 % pour l'Agirc - Arrco. A ce niveau, le problème de l'origine du financement des mécanismes de solidarité nationale, revenus salariaux ou impôt, devient essentiel. Ainsi, si la réforme du fonds de solidarité vieillesse (FSV) n'avait pas soustrait 5 milliards d'euros de CSG, on peut penser que les équilibres financiers de la Cnav seraient aujourd'hui différents.

M. Alain Vasselle, président, a soulevé le cas des personnes qui ne seraient pas suffisamment « prévoyantes », selon l'expression utilisée précédemment, c'est-à-dire en fait ceux qui n'ont pas les moyens d'épargner. En Allemagne, la réforme « Riester », du nom du ministre des affaires sociales du gouvernement Schröder, a introduit une part complémentaire par capitalisation pour compenser la baisse du taux de remplacement ; le niveau élevé des aides de l'Etat, qui sont en outre d'autant plus importantes que les revenus des personnes sont faibles, vise à l'universalité de la couverture de cette part complémentaire. En définitive, un système par capitalisation permettrait-il de compenser totalement pour tous les citoyens la baisse du niveau des prestations ?

M. Gérard Ménéroud a estimé que la réforme « Riester » en Allemagne a entraîné une complexité importante et de grandes difficultés dans le pilotage du système. Elle s'est en fait attaquée au principal paramètre, l'âge de départ à la retraite. En France, l'âge légal est passé à soixante ans en 1982 et, depuis, l'espérance de vie a crû de sept années : comment répartir ces gains d'espérance de vie entre la période d'activité et le temps passé en retraite ? La loi Fillon a engagé un arbitrage sur cette question et l'âge effectif de liquidation de la retraite est maintenant de 61,5 ans ; en outre, cet âge a progressé de huit mois entre 2008 et 2009, ce qui donne des indications sur les comportements de la société. Qui plus est, l'espérance de vie continue de progresser, d'environ un trimestre par an. Il serait donc nécessaire que l'âge effectif de départ en retraite tende plutôt vers 62,5 ans.

M. Jean-François Lequoy a estimé que la réforme allemande répond à un objectif qui existe également en France : compléter ses revenus durant la retraite et orienter plus d'épargne vers des dispositifs ad hoc. Pour autant, le meilleur moyen d'oeuvrer en ce sens est de rendre ces outils plus simples, plus lisibles, plus attractifs, en diminuant les contraintes de gestion et les rigidités. Au total, l'amplification des contrats d'épargne retraite a un effet positif sur l'économie, et donc sur les équilibres des systèmes par répartition.

M. Gérard Ménéroud a ajouté que les travaux du conseil d'orientation des retraites (Cor) montrent que les mesures de réformes déjà prises tendent à amplifier la baisse du taux de remplacement lorsque les revenus des assurés augmentent : cette baisse est donc une fonction croissante des revenus. Ce sont en conséquence les personnes dont les revenus sont supérieurs au plafond de la sécurité sociale qui voient leur taux de remplacement diminuer le plus ; or, ce sont elles qui parallèlement peuvent épargner durant leur vie active. Pour les catégories les moins favorisées, il est nécessaire de prévoir un financement par la solidarité nationale, en distinguant clairement les recettes assises sur le travail et celles en provenance de l'impôt.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Gérard Ménéroud, président de l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco), Bernard Van Craeynest, président de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et Jean-Jacques Marette, directeur général de l'Agirc et de l'Arrco

Enfin, la mission a procédé à l'audition de MM. Gérard Ménéroud, président de l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco), Bernard Van Craeynest, président de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et Jean-Jacques Marette, directeur général de l'Agirc et de l'Arrco, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Gérard Ménéroud, président de l'Arrco, a d'abord rappelé les grandes lignes de l'histoire de ces deux régimes de retraite complémentaires, élaborés progressivement pour les cadres puis pour l'ensemble des salariés du secteur privé et étroitement articulés entre eux. Depuis la convention collective de 1947, les négociations ont toujours été menées dans un cadre professionnel. Au début des années 1990, les partenaires sociaux, qui gèrent à parité - patronat et salariés - ces régimes, ont décidé de simplifier et rationaliser leur organisation, en raison d'un trop grand émiettement des structures. Aujourd'hui, on compte ainsi une quinzaine de groupes de protection sociale en France métropolitaine au lieu de cinquante-cinq précédemment et quatre à cinq plateformes informatiques au lieu de quarante-cinq. Tous les ajustements nécessaires ont été régulièrement arbitrés par les partenaires sociaux qui ont pris des décisions courageuses. Afin de préparer les évolutions démographiques, les excédents des années 1996-2010 ont été accumulés sous forme de réserves.

Dans un système de retraite par points, comme celui de l'Agirc-Arrco, trois instruments peuvent être utilisés pour le pilotage : le taux de rendement des régimes, l'âge effectif et le niveau de cotisation. Ces instruments rendent le régime par points supérieur au système des comptes notionnels qui ne dispose que de deux paramètres d'ajustement et dont le mécanisme automatique impose des décisions dures à accepter. Au total, les régimes Agirc-Arrco sont des systèmes réellement gérés dans lesquels la solidarité est prise en compte et pour lesquels les partenaires sociaux ont su faire passer des décisions courageuses.

En 2010, les deux régimes connaîtront un résultat négatif de 1,3 milliard d'euros. Or, les réserves accumulées depuis quinze ans s'élèvent à 60 milliards, ce qui permettra d'éviter que les nécessaires mesures de rétablissement de l'équilibre des régimes ne soient trop brutales. Dans ces régimes, les changements ont toujours été mis en oeuvre avec progressivité, pédagogie et sens des responsabilités.

M. Bernard Van Craeynest, président de l'Agirc, a rappelé les conditions de la création de l'Agirc en 1947, dans le but de faire bénéficier les salariés dont le salaire était supérieur au plafond de la sécurité sociale d'un système complémentaire de retraite. L'Arrco a ensuite été créée en 1962, sur les mêmes bases, pour l'ensemble des salariés. Aujourd'hui, 14 millions d'assurés sont affiliés à l'Arrco et 3,9 millions à l'Agirc. L'Arrco a versé, en 2009, 39,6 milliards d'euros d'allocations et perçu 41,5 milliards de cotisations ; l'Agirc a versé 20,5 milliards de prestations et perçu 20,8 milliards de cotisations. Les points accordés par l'Agirc interviennent sur la part du salaire qui dépasse le plafond de la sécurité sociale, augmenté de 10 %. Or, depuis une quinzaine d'années, ce plafond s'est accru très rapidement et dans des proportions supérieures à la croissance de l'économie et à la croissance des salaires. En conséquence, de plus en plus de ressortissants Agirc ont des salaires inférieurs au plafond de la sécurité sociale et au salaire charnière : ces salariés dits « fantômes », qui représentaient 14 % des assurés au début des années 1990, en représentent aujourd'hui 34 %. C'est la raison pour laquelle a été mise en place une garantie minimale de points (GMP) qui, pour 745 euros par an, ouvre droit à l'acquisition de 120 points.

M. Jean-Jacques Marette, directeur général de l'Agirc et de l'Arrco, a précisé que, pour les ressortissants de l'Arrco, la retraite complémentaire représente un tiers de la retraite totale ; pour les affiliés de l'Agirc, cette proportion est supérieure, soit environ les deux tiers ; pour l'ensemble des salariés du secteur privé, la retraite complémentaire compte pour 40 % de la retraite totale. Par ailleurs, la très grande sensibilité de ces régimes à la conjoncture économique doit être soulignée. Ainsi, en 2006, on estimait que les réserves accumulées ne seraient pas consommées avant 2025 ; aujourd'hui cet horizon s'est rapproché à 2017-2018.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souhaité savoir si l'on pourrait aller plus loin dans le rapprochement des régimes, par exemple en instaurant une meilleure harmonisation des taux de cotisation et des taux de rendement avec l'Ircantec, dont les différences ont été récemment soulevées à l'occasion de l'examen du dossier de La Poste. Comment favoriser une plus grande transparence dans la gestion des régimes de retraite et quelle doit être la place de l'Etat au regard notamment de celle des partenaires sociaux ? L'avantage du système par comptes notionnels est qu'il permet à l'assuré de choisir son âge de départ en retraite et son niveau de retraite ; est-il possible de garantir cette même liberté dans un régime par points ?

M. Gérard Ménéroud a estimé qu'avant de rebâtir la structure, il faut en assurer l'étanchéité ; autrement dit, la priorité est d'abord de rétablir l'équilibre financier des régimes de retraite, puis d'en améliorer l'organisation. Les partenaires sociaux ont toujours pris leurs responsabilités dans la gestion des régimes complémentaires. Lorsque l'Etat est présent, comme à la Cnav ou à l'Ircantec, les contraintes ne sont pas les mêmes et les décisions d'ajustement ne sont prises que partiellement. Le conseil d'administration de la Cnav ne prend pas de décisions, il ne rend que des avis. A titre d'exemple, le taux de rendement de l'Ircantec est le double de celui de l'Agirc-Arrco mais sans réelle justification démographique ; cela signifie que les responsabilités ne sont pas prises. A l'Agirc-Arrco, la préoccupation permanente est de maintenir près de la moitié de la retraite des salariés dans un système équilibré. C'est pour respecter cet objectif que les entreprises ont accepté un doublement de leurs cotisations en vingt ans tandis que les salariés acceptaient, au cours de la même période, une division par deux du taux de rendement. Pour l'ensemble des régimes, il convient de viser un équilibre pérenne tout en gérant la solidarité.

M. Bernard Van Craeynest a dit ne pas croire à la possibilité d'un grand système universel de retraite permettant des économies de gestion substantielles. Même dans cette hypothèse, les économies ne seraient pas, à son sens, à la hauteur des enjeux financiers du système de retraite.

M. Gérard Ménéroud a précisé que les frais de gestion du régime Agirc-Arrco s'élèvent à 1,6 milliard d'euros.

M. Jean-Jacques Marette a indiqué que l'Agirc-Arrco n'a pas une organisation géographique ; depuis 1971, les centres d'information, de conseil et d'accueil des salariés (Cicas) départementaux servent en effet de guichet d'accueil unique pour les régimes de retraite complémentaire, en collaboration avec les caisses régionales d'assurance maladie (Cram). En matière de frais de gestion, le coût unitaire de gestion constaté à la Cnav est très proche de celui de l'Agirc-l'Arrco ; les frais de gestion du régime additionnel de la fonction publique sont particulièrement bas mais cela est en grande partie dû au fait qu'il a encore très peu d'allocations à verser du fait de sa création récente.

Mme Christiane Demontès rapporteure, a demandé quelles pourraient être les pistes à explorer pour rétablir l'équilibre financier des régimes de retraite. Sans promouvoir une fusion des régimes, n'est-il pas possible au moins de renforcer l'articulation entre les systèmes ? Quelle doit être la place des partenaires sociaux et de l'Etat dans un système rénové ?

M. Guy Fischer a constaté que des efforts importants et partagés ont déjà été accomplis par les entreprises et les salariés ; toutefois, avec la crise qui conduit à un écrasement des salaires et des retraites, existe-t-il encore des marges d'évolution ? L'union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) semble indiquer que les efforts consentis par les entreprises seront plus difficiles : cela signifie-t-il que les cotisations des salariés seront relevées ?

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir à qui pourrait être confiée la gestion du régime général une fois celui-ci rééquilibré. Il a demandé des précisions sur les négociations en cours entre l'Ircantec et l'Agirc-Arrco à propos du personnel de La Poste, ainsi que sur les liens entre les comptes du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et ceux de la Cnav.

M. Gérard Ménéroud a estimé que si la part de CSG affectée au FSV n'avait pas été modifiée, les recettes de la Cnav seraient supérieures de 5 milliards d'euros cette année.

M. Alain Vasselle, président, a fait valoir que cette décision a été actée en contrepartie d'une prise en charge, par la branche famille, des majorations de retraite pour enfants.

M. Gérard Ménéroud a considéré que, même avec cette contrepartie, la réduction des recettes du FSV n'a pas été neutre pour la Cnav. Les négociations avec l'Ircantec, dont le conseil ne comporte pas de représentants des employeurs mais seulement des salariés, devraient aboutir à un équilibre. Le principe retenu est que les ajustements entre les régimes se feront sur données réelles et année après année ; il est en effet impossible de s'appuyer sur des prévisions fiables de recrutement par La Poste jusqu'en juin 2050 et, a fortiori, au-delà. Il est urgent de dépassionner ce dossier pour lequel une solution sera trouvée d'ici au 30 juin.

M. Bernard Van Craeynest a regretté la campagne assez sournoise menée sur cette question qui a pour seul résultat d'angoisser les assurés. L'objectif est de parvenir à un accord et à une convention ; celle-ci devra être agréée par l'Etat et il est essentiel qu'elle ne soit pas remise en cause à ce stade.

M. Gérard Ménéroud a fait observer qu'entre partenaires sociaux, la résolution des problèmes se fait de façon professionnelle et dans une perspective de long terme. L'Etat est contraint par des rythmes et des contraintes politiques qui lui font privilégier le court terme, ce qui n'est pas favorable à une bonne gestion. C'est pourquoi il serait préférable que le conseil de la Cnav soit un vrai conseil de gestion.

M. Bernard Van Craeynest a rappelé que si l'âge légal de départ en retraite pour le régime général est de soixante ans, il est de soixante-cinq ans pour les régimes complémentaires ; il existe néanmoins dans le cadre de ces derniers un mécanisme, géré par l'association pour la gestion de la structure financière (ASF), pour couvrir la tranche d'âge soixante/soixante-cinq ans. Ce mécanisme a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2010 ; ne pas savoir ce qui va intervenir ensuite est anxiogène pour une part importante de la population. L'effort de pédagogie qui a accompagné la réforme de 2003 a permis d'instaurer un pilotage régulier du système en fonction des évolutions économique et démographique. Il est important de donner de la visibilité pour les décennies à venir.

L'allongement de la durée de cotisation, au motif qu'en vivant plus longtemps on doit travailler plus longtemps, parait impossible tant que ne sont pas recréées les conditions d'un bien-vivre et d'un bien-être au travail. La pression du court terme, l'évolution des rythmes de travail, la recherche toujours accrue de la rentabilité et de la performance, les nouvelles hiérarchies ont en effet détérioré les conditions de travail, dans les grandes entreprises mais également dans les relations des grandes entreprises avec leurs sous-traitants. On voit apparaître un salariat à deux vitesses, avec des petites entreprises sans marge de manoeuvre et sous pression pour produire moins cher, plus vite et de meilleure qualité.

L'une des pistes à retenir pourrait être de cumuler le critère de l'âge et celui du temps d'activité pour obtenir une retraite à taux plein, soit aujourd'hui 60 ans et 41 annuités, ce qui ferait un total de 101 à répartir de façon libre, un peu comme dans le système italien.

Enfin, au-delà du régime de base et des régimes complémentaires, il convient de s'interroger sur le développement d'un système d'épargne retraite obligatoire pour tous les salariés, le système actuel du Perco n'en touchant en effet qu'une partie.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir quels sont les éléments déclencheurs du mal-être au travail et s'ils se retrouvent dans les pays voisins.

M. Bernard Van Craeynest a mis ces difficultés sur le compte de la mondialisation économique, de l'internationalisation des groupes et des échanges ; la concurrence se développe désormais jusqu'entre les salariés eux-mêmes. Plus rien n'est protégé, même la matière grise est très facilement délocalisable : comment rivaliser avec les 250 000 ingénieurs formés annuellement en Inde et en Chine ?