Jeudi 12 mai 2011

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Femmes et sports - Audition de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports

Au cours d'une première audition tenue dans la matinée, la délégation procède à l'audition de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports.

Mme Michèle André, présidente. - Je suis heureuse d'accueillir aujourd'hui une femme ministre des sports. Je vous présenterai rapidement notre délégation, dont la principale mission consiste à veiller à ce que soit respecté l'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes dans les textes législatifs, quel qu'en soit le sujet. Par ailleurs, nous présentons chaque année un rapport d'information thématique. Après « les femmes dans les lieux de privation de liberté » et « la parité en politique », nous avons choisi de consacrer nos travaux aux femmes et au sport. Sur ce sujet, nous nous méfions du décalage entre le discours et la réalité. Les fédérations, comme les médias, affichent parfois de bonnes intentions, mais peu de réalisations. Le beau parcours du football féminin n'a guère été relayé, et c'est dommage.

Nous souhaitons recueillir votre avis sur plusieurs points :

- tout d'abord, sur le comité d'organisation des prochains Jeux olympiques de Londres, au sein duquel ne siège qu'une seule femme ; nous avons été alertés à plusieurs reprises à ce sujet ;

- sur l'accession des femmes aux postes à responsabilité dans les instances sportives qui reste problématique ;

- sur les différences de rémunération entre les sportifs et les sportives.

Considérez-vous qu'il y a des actions à mener pour améliorer la situation ? Lors de la visite de la délégation à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) le 28 avril 2011, nous nous sommes rendu compte du chemin accompli : prenant ses distances par rapport à son origine militaire, le sport est devenu aussi une pratique de bien-être, enseignée à l'école. J'ai la faiblesse de penser qu'une femme ministre, sportive, de surcroît dans une discipline peu féminisée, aura une attention particulière sur ce sujet.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. - Je me réjouis que la délégation du Sénat aux droits des femmes ait choisi comme thème de son rapport d'information annuel « les femmes et le sport », car le retard de la France en ce domaine justifie qu'on veuille améliorer la situation : les nombreuses auditions que vous avez réalisées depuis plusieurs mois ont d'ailleurs dû vous confirmer l'intérêt de réfléchir à une telle problématique.

Je partage les propos que vous avez formulés l'an dernier lors de l'audition du directeur des sports. Vous estimiez que « le sport était un miroir grossissant des problèmes qui se posent dans notre société » et je regrette que l'on aborde souvent le sport sous l'angle du seul divertissement, alors qu'il est au centre des enjeux de société, en lien avec les problématiques de cohésion sociale, d'éducation, de santé publique, mais aussi de parité entre les hommes et les femmes.

Si la question de l'égalité entre les hommes et les femmes est loin d'être réglée dans l'ensemble de la société, je dois reconnaître que le secteur sportif est particulièrement en retard, sans doute, comme vous l'avez rappelé, en raison d'un héritage historique lourd au profit du masculin.

Il est vrai que les femmes font de plus en plus de sport : alors qu'en 1968, année où Colette Besson était sacrée championne olympique à Mexico, les femmes n'étaient que 9 % à pratiquer un sport, elles sont, aujourd'hui, près de 50 % à le faire. Cette progression de la pratique, qui tend à rapprocher la pratique sportive des femmes de celle des hommes, masque des inégalités qui tiennent en partie à la spécificité de la pratique sportive des femmes. En effet, ces dernières sont très peu présentes dans les clubs et, en particulier, dans les fédérations unisport : elles ne représentent que 36 % des licenciés et participent très peu aux compétitions, ce qui prouve que le système global d'organisation de la pratique sportive par les fédérations ne correspond pas à leurs aspirations, et pas nécessairement d'ailleurs non plus à celles de la population sportive dans son ensemble, puisque seulement la moitié des pratiquants sont effectivement licenciés.

Je voudrais insister particulièrement sur le fait que, lorsque des difficultés sociales ou d'intégration se présentent, les femmes sont les premières exclues : il est dramatique de constater que, dans ce qu'il est convenu d'appeler les « quartiers défavorisés », les jeunes filles pratiquent deux fois moins le sport que les jeunes garçons. A l'inégalité économique, s'ajoutent alors des facteurs culturels.

Au-delà de ces inégalités de pratique, les femmes sont encore sous-représentées dans le sport. Ainsi, la délégation française aux Jeux olympiques ne comporte, en moyenne, qu'un tiers de femmes, alors même qu'en 2004 à Athènes, les Françaises ont remporté près de 50 % des médailles (16 sur 33) !

Quand on sait que d'autres pays, comme la Chine par exemple, bâtissent leur réputation sur leurs championnes, on regrette que cette « ressource » ne soit pas, en France, mieux exploitée.

Ces championnes ne bénéficient d'ailleurs même pas d'une couverture médiatique à la hauteur de leurs exploits ! La pratique féminine du sport n'occupe guère qu'à peine le quart du volume global des pages sportives. Quand je m'en suis inquiétée auprès du responsable d'un journal sportif, il m'a répondu que consacrer la « Une » du journal à une femme sportive provoquait une chute de 25 % de ses ventes...

L'autre « plafond de verre » est celui qui tient les femmes éloignées des instances dirigeantes du monde sportif. On a beau être passé de sept à onze femmes présidentes de fédérations pour cent hommes, cette progression reste toute relative. Mon ministère ne peut présenter un bilan bien meilleur, puisque l'on compte seulement cinq femmes directrices techniques nationales, dont une seule en sport olympique, à savoir le cyclisme. Le sport fait donc encore moins bien que le monde politique.

Enfin, si l'on regarde en détail la pratique, on constate que les préjugés ont la vie dure : une jeune fille qui choisit la boxe ou le karaté sera considérée comme un « garçon manqué » et l'on essaiera de l'orienter vers des sports qui développent des « qualités féminines », comme la danse, la gymnastique ou l'équitation.

Depuis 2005, le ministère a impulsé une politique qui s'est appliquée pour la première fois en 2008 et qui a eu des effets positifs. Des lignes d'actions ont été définies : l'augmentation de la pratique des femmes, en particulier dans les quartiers défavorisés, est une priorité. Le Centre national pour le développement du sport (CNDS) y consacre 5 % de ses moyens, soit 6,3 millions d'euros en 2011.

Le principe de conditionnalité des aides s'applique également aux conventions d'objectifs signées entre le ministère des sports et les fédérations sportives : désormais, 7 % des sommes allouées aux fédérations sont conditionnées par la mise en oeuvre d'actions ciblées. La doctrine que nous avons définie et que j'appelle « civi-conditionnalité » s'est traduite, dans les conventions d'objectifs et de moyens, par l'inscription de dix points obligatoires qui engagent les fédérations sur des actions de lutte contre les discriminations, par exemple. Mais nous voulons aller plus loin et toucher directement les clubs : dès l'année prochaine, tous les clubs devront s'engager par un « projet de club », dont certaines clauses intègreront des actions en faveur des femmes. Il me semble que cet engagement de la base est essentiel au changement. Il constitue donc une priorité.

Ensuite, nous souhaitons travailler sur les équipements sportifs : le ministère a constitué un atlas de ces équipements destiné à identifier leur nombre et leur emplacement sur les « bassins de vie ». L'intérêt pour nous est de croiser cet atlas avec les attentes de la population. C'est l'objet des diagnostics territoriaux approfondis (DTA) établis en partenariat avec les collectivités territoriales ; ils prendront également en compte les attentes des femmes.

L'Assemblée du sport, constituée à parité de membres représentant respectivement l'Etat, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et d'autres acteurs économiques, poursuit un objectif parallèle. Parce que je souhaite que cette assemblée se saisisse de préoccupations sociétales, au nombre desquelles la mixité hommes-femmes, j'ai souhaité y intégrer des représentants de la société civile. Ainsi, à titre d'exemple, la FEMIX, l'association « Ni putes, ni soumises » ou l'Union nationale des associations familiales (UNAF) participent à ces travaux.

Le groupe d'experts « femmes et sports » mis en place depuis avril dernier et animé par la direction des sports, travaille en concertation avec l'Assemblée du sport et doit proposer, d'ici la fin de l'année, des pistes d'action possibles pour améliorer l'accès des femmes aux responsabilités et développer la pratique féminine.

Les actions en direction des sportives de haut niveau s'inscrivent à l'heure actuelle au sein des objectifs fixés dans la perspective des Jeux olympiques 2012, notamment celui de doubler le nombre de médailles d'or auquel nous travaillons, notamment, avec l'INSEP. Il me semble évident que, pour les sportives, un accompagnement psychologique plus ciblé est nécessaire.

Pour améliorer la couverture médiatique des sportives, enfin, le ministère des sports et le ministère de la culture travaillent de concert à la redéfinition de la convention d'objectifs et de moyens de France Télévision dans l'objectif, notamment, d'améliorer la place de la rediffusion des compétitions féminines.

J'ai également d'autres idées concernant la féminisation des instances dirigeantes mais je laisse la place au débat.

Mme Michèle André, présidente. - Je souhaite aborder trois points :

- concernant l'organisation de l'Assemblée du sport, dont vous nous avez dit qu'elle réunissait des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, du mouvement sportif et de la société civile élargie, toutes les réunions ont-elles lieu à Paris ou bien certaines sont-elles également décentralisées en région ?

- lors de notre déplacement à l'INSEP, son directeur, M. Thierry Maudet, nous a dit toute la difficulté qu'il a eu à imposer la sémantique « sportifs/sportives » sur les panneaux matérialisant les parcours. Il me semble que, symboliquement, la difficulté à imposer le terme de « sportive » n'est pas neutre ;

- enfin, nous avons été alertés sur les problèmes de ségrégation des femmes aux Jeux olympiques qui, même s'ils ne concernent pas directement la France, constituent une atteinte aux principes posés par la Charte olympique. Certains pays n'envoient pas d'athlètes féminines ou leur imposent des tenues vestimentaires particulières. La France peut-elle intervenir auprès du Comité international olympique (CIO) pour insister sur la nécessité de faire respecter les principes consacrés par la Charte ?

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. - L'Assemblée du sport se réunit aujourd'hui uniquement à l'échelon national. Nous en sommes, pour l'instant, à la phase de la réflexion, puisque les six groupes de travail constitués doivent rendre des propositions à la fin du mois de juin. Peut-être y aura-t-il ensuite des déclinaisons territoriales, mais ma priorité consiste à pérenniser cette assemblée au niveau national, pour conforter l'assise sociétale du ministère des sports. Mais certaines régions ont institué des instances de débat et le ministère souhaite développer la place des collectivités territoriales dans les commissions territoriales du Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Concernant la symbolique de vocabulaire sur laquelle vous insistez, je crois, comme vous, que ce n'est pas un détail et que la sémantique est importante pour faire évoluer les esprits. Les pays du Nord semblent plus avancés que la France en ce domaine, et je tiens à saluer la fermeté dont fait preuve M. Thierry Maudet dans son refus de toute forme de brutalité ou d'insulte puisqu'il lui est arrivé, comme vous le savez probablement, d'exclure certains athlètes qui tenaient des propos déplacés à l'égard des sportives.

S'agissant du respect de la Charte olympique, nous pèserons tant par le biais des athlètes français que par le biais de nos représentants au CNOSF pour que soit respecté le principe d'universalité que j'estime être le principe fondateur de l'olympisme, en particulier, et du sport, en général.

Mme Michèle André, présidente. - La délégation est entièrement d'accord avec vous sur ce sujet et, je ne saurais trop vous recommander, si vous ne l'avez déjà fait, de rencontrer Annie Sugier, présidente du « Comité Atlanta + », et auteure d'une liste de sept propositions pour les prochains jeux olympiques.

M. Yannick Bodin. - Quelles actions menez-vous pour réduire les inégalités de rémunération entre les sportives et les sportifs ? Si des progrès ont été réalisés dans certaines disciplines, comme le tennis par exemple, d'autres sports restent très inégalitaires au détriment des femmes.

Concernant la visibilité médiatique des sportives, dont on a bien compris qu'elle restait soumise à la dictature de l'audimat, n'y a-t-il pas des réseaux d'influence à actionner pour faire évoluer les choses, en particulier pour que soit retransmise la Coupe du monde de football féminin ?

Enfin, je veux revenir sur les actes d'irrespect dont les sportives sont malheureusement parfois la cible : qu'on les appelle « bizutage », « harcèlement » ou « violences », j'estime que certaines pratiques sont insupportables. Ne pensez-vous pas qu'il y a des limites à ne pas franchir ?

M. Alain Gournac. - Madame la Ministre, je souhaiterais également vous interroger sur plusieurs sujets.

J'aimerais tout d'abord que vous nous en disiez un peu plus sur la place qu'occuperont les collectivités territoriales dans l'Assemblée du sport, car elles jouent un rôle important dans le développement des activités sportives et des infrastructures qui leur sont nécessaires.

Ensuite, comme mon collègue, je pense qu'il ne faut pas admettre ces soit disant « bizutages » qui placent les femmes en situation de faiblesse.

Je souhaite également avoir votre avis sur la politique que doivent mener les municipalités quant à l'ouverture de créneaux féminins, notamment pour l'accès aux piscines municipales.

Enfin, vous montrez-vous attentive à la composition des différents comités d'organisation des Jeux olympiques ? Ces comités devraient comprendre un nombre suffisant de femmes. Il y a quelques jours, je participais à un grand évènement politique et j'ai été choqué de ne voir que des hommes à la tribune.

Je suis choqué de voir notre société cantonner la femme dans des images et des rôles qui me paraissent réducteurs et dépassés comme, par exemple, lorsqu'une publicité fait apparaître une femme en sous-vêtements pour vendre une assurance-vie !

M. Roland Courteau. - Madame la Ministre, j'aimerais que vous nous apportiez deux précisions.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les diagnostics territoriaux approfondis (DTA) que vous évoquiez à l'instant ?

Vous insistiez tout à l'heure sur la nécessité de bien identifier les sportifs français susceptibles d'être des « pourvoyeurs » de médailles, de façon à leur apporter un appui spécifique. Quel serait le contenu de cette aide ?

Mme Jacqueline Panis. - Madame la Ministre, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'accès des femmes aux postes à responsabilité dans les différentes fédérations ?

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. - S'agissant de l'égalité femmes-hommes dans le domaine sportif, je ne dispose que de peu de chiffres. Ils sont toutefois parlants : dans le basket professionnel, les hommes gagnent en moyenne 9 760 € net par mois contre 3 600 € pour les femmes. La situation est la même dans le hand-ball professionnel : les hommes touchent en moyenne 5 200 € et les femmes 2 300 €. Les différences de salaires sont assez considérables. Il s'agit cependant de rémunérations versées par des structures privées : à ce titre, le ministère ne peut leur imposer que les obligations que la loi sur l'égalité salariale applique au reste du monde du travail. Or, dans ce domaine, il est difficile d'établir juridiquement que les compétences sont les mêmes. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de créer une législation spécifique pour le sport. Je pense que c'est en dénonçant ce phénomène que nous finirons par faire évoluer les choses.

S'agissant du déficit de médiatisation dont les sportives sont victimes, nous sommes en relations étroites avec le ministère de la culture pour rappeler régulièrement à France Télévisions que sa programmation, dans le cadre de sa convention d'objectifs et de moyens, relève d'une mission de service public et ne doit pas être dictée par l'audimat. Je pense en effet que le service public doit contribuer à éduquer le public pour faire évoluer l'audience. En la matière, nous travaillons également avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Nous suivons de près des projets de création d'une chaîne de télévision privée gratuite sportive, montée soit par L'Equipe, soit par RMC, en lien avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), l'idée d'une chaîne publique ayant été abandonnée, faute de moyens suffisants. En revanche, le ministère ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour influencer le contenu des magazines sportifs.

S'agissant du « bizutage », je vous avoue que je ne m'attendais absolument pas à ce que celui-ci fasse l'objet d'une telle chape de plomb lorsque je me suis saisie du dossier. Il faut dire que mon sport d'origine est peu affecté par ces pratiques. Quels que soient les mots ou les gestes, ceux-ci sont inadmissibles et ne devraient pas exister. L'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM) a mis en place un numéro dédié aux victimes. En trois mois, il y a eu 69 appels, dont 49 de victimes. 90 % des cas concernaient des jeunes-filles mineures au moment des faits. Nous avons également mis en place des journées de sensibilisation, des modules de formations, un comité de lutte. Mais cela est encore insuffisant. Je pense qu'il est nécessaire qu'il y ait un rapport indépendant sur le sujet, afin de connaître la réalité de la situation. Tout cela reste caché, car les victimes qui voudraient dénoncer ces agissements savent qu'elles risqueraient alors de ne plus être sélectionnées.

Quant aux collectivités locales, nous savons bien qu'elles sont les premières financeuses des infrastructures. Nous veillons donc à leur juste représentation.

Sur la possibilité de réserver certains créneaux horaires aux seules femmes, ma réponse est claire : dès lors que la demande est motivée uniquement par des considérations religieuses ou communautaires, il faut lui opposer un ferme refus au nom du principe de laïcité. En revanche, si la demande est justifiée par d'autres considérations liées, par exemple, au fait que les jeunes-filles ont, à un certain moment de leur évolution, une relation difficile à leur corps, cela demande réflexion.

M. Yannick Bodin. - Oui, des considérations médicales méritent aussi d'être prises en compte.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. - Tout à fait.

S'agissant de l'accès des femmes aux responsabilités, il est évident que les femmes sont trop peu représentées au CIO. En mars, lors d'une réunion sur la corruption liée aux paris sportifs, nous n'étions que deux femmes ! Lors d'un congrès de l'Union des associations européennes de football (UEFA) l'annonce par M. Michel Platini de la nomination d'une femme a provoqué certains remous.

Dans les instances de direction des fédérations, la situation n'est guère meilleure. Les choses ont peu évolué depuis 1998. Il y a maintenant onze femmes présidentes contre sept auparavant, mais il y a deux femmes de moins secrétaires générales. Elles ne sont que 24 % dans les bureaux. La progression est faible en valeur absolue et cela pour la raison qu'il n'y a pas de sanctions. Je pense que cela doit nous inviter à réfléchir à un autre système. Sans aller jusqu'à imposer un quota de 50 %, il serait bon d'exiger que le genre le moins représenté parmi les licenciés dispose d'un socle minimum de 20 ou 30% dans les instances dirigeantes. Les hommes en bénéficieraient également dans les fédérations majoritairement féminines comme celle de la gymnastique volontaire, notamment. Il est, selon moi, indispensable que ce dispositif de seuil minimum soit accompagné de sanctions. Sa mise en place serait relativement facile dans la mesure où il s'agit d'une matière règlementaire.

M. Alain Gournac. - Oui, mais il faut également travailler pour changer l'état d'esprit dans le monde du sport.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. - Je m'y efforce. Par exemple, j'essaie d'assister le plus souvent possible à des compétitions féminines pour encourager le sport féminin.

Pour ce qui est de l'avancée des diagnostics territoriaux approfondis (DTA), nous avons signé une convention avec l'Association des maires de France (AMF) et le recensement des équipements est terminé. Il y aura des avancées dès la rentrée.

C'est à l'INSEP que nous avons confié la responsabilité d'individualiser la préparation de nos sportifs susceptibles d'obtenir des médailles.

Je crois que nous devons faire un véritable effort en direction de la féminisation de l'encadrement sportif. A ce titre, j'ai souhaité que mon cabinet respecte une stricte parité, ce qui m'a d'ailleurs attiré des remarques.

Par ailleurs, nous essayons de mener une action en direction des directeurs techniques nationaux pour augmenter la proportion de femmes parmi eux. J'ai chargé Isabelle Gautheron, la DTN du cyclisme, de recenser les femmes susceptibles d'accéder à cette responsabilité

Mme Michèle André, présidente. - Madame la Ministre je vous remercie de toutes ces précisions qui ne manqueront pas d'étayer notre rapport que nous vous ferons parvenir ainsi que nos recommandations. Je me réjouis de sentir chez vous une forte détermination sur ce sujet et j'espère que nos travaux respectifs pourront s'épauler mutuellement.

Femmes et sports - Audition de M. André Leclercq, vice-président délégué « Sport et société » du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), accompagné de Mme Dominique Petit, secrétaire générale de l'Académie olympique

Au cours d'une seconde audition, tenue dans l'après-midi, la délégation procède à l'audition M. André Leclercq, vice-président délégué « Sport et société » du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), accompagné de Mme Dominique Petit, secrétaire générale de l'Académie olympique.

Mme Michèle André, présidente. - Je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation de notre délégation. Celle-ci prépare tous les ans un rapport qui fait l'objet d'une publication. Cette année, nous avons choisi pour thème les femmes et le sport. Nous arrivons à la fin de nos auditions et notre délégation est et sera très attentive à l'application de la Charte du CIO et à la façon dont le CNOSF entend la faire appliquer.

M. André Leclercq, vice-président délégué « Sport et Société » du Comité national olympique et sportif français. - Je suis vice-président du CNOSF mais aussi membre du Conseil économique, social et environnemental où je fais partie de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité. Je suis ici au nom du CNOSF et je suis fier que ce comité s'occupe de ce problème de l'accès des femmes au sport, domaine où il reste beaucoup à faire.

Je vais vous présenter des éléments statistiques relatifs à la place des femmes dans le sport, qui seront récapitulés dans le document Power Point que je vous projetterai.

La pratique sportive est officiellement en augmentation constante mais 71 % des hommes déclarent pratiquer une activité sportive au moins une fois par semaine, contre seulement 65 % des femmes. Dans le secteur associatif sportif, 83 % des présidents sont des hommes et 17 % des femmes. Ce score n'est pas brillant : dans le secteur associatif, seules la chasse et la pêche font pire. La proportion de femmes dirigeantes de fédérations sportives et de groupements nationaux est de 6 %. En revanche, au niveau du CNOSF qui compte 47 membres, le progrès est considérable, je m'en suis chargé. Il n'y avait aucune femme, il y en a maintenant huit. C'est un début.

La participation des femmes aux Jeux olympiques : notre document présente une photo des Jeux de Stockholm de 1912, avec des femmes en maillot de bain. La natation a été la première discipline à organiser des championnats internationaux hommes/femmes pour la raison simple qu'ils s'entraînaient ensemble dans les mêmes bassins. Alors qu'il a fallu attendre 1928 pour l'athlétisme, notamment grâce à l'action d'Alice Milliat. Le tableau suivant vous montre l'année d'accès des hommes et des femmes dans les différents sports aux Jeux olympiques. Dans ma discipline, le volley-ball, ils ont été admis la même année, en 1964. Le pourcentage de participation des femmes est en progression constante : 45 % pour le nombre d'épreuves, 40 % pour la participation.

Le planisphère suivant montre la participation qualitative, allant des pays où les femmes ont un haut niveau international dans toutes les épreuves jusqu'à ceux qui ne disposent d'aucun record national féminin et passant par tous les stades intermédiaires. On constate qu'il existe encore quelques pays, dans la péninsule arabique, où il n'y a aucune pratique sportive féminine. La carte suivante distingue la participation qualitative des différents pays. Le CIO a utilisé des méthodes quelque peu discriminatoires contre certains pays pour y rétablir l'égalité - comme dans le passé vis-à-vis de l'Afrique du Sud - même si le niveau de performances est faible : les Jeux olympiques ne sont pas un championnat, l'important, c'est de participer.

Et la France, qui se vante d'être le pays des droits de l'homme, de l'égalité ? Aux Jeux de Pékin, la participation des athlètes féminine (39 %) est bien sûr inférieure à celle de leurs homologues masculins mais c'est au niveau des encadrements, technique et médical (11 %) que le déséquilibre est catastrophique.

Nous avons, au Conseil économique, émis un avis et un rapport sur « Le sport au service de la vie sociale », qui dénoncent cette situation de fait. J'y propose un contrat social pour un sport équitable. La formule de Coubertin - « tous les sports pour tous »  - est maintenant dépassée. L'objectif doit être : tous les sports avec tous !

Dominique Petit, secrétaire générale de l'Académie olympique, et moi-même sommes tous deux volleyeurs. Si l'équipe de France féminine de volley n'est pas présente aux Jeux olympiques, c'est parce qu'elle ne s'est pas qualifiée, ce n'est pas par discrimination. A ceci près qu'en France on ne fait pas les mêmes efforts pour les sports féminins et masculins. Vous ne voyez jamais de match de volley à la télévision. Ce sport est concerné par l'affaire des quotas dans la mesure où notre meilleure équipe féminine, celle de Cannes, est composée d'étrangères. Pour toutes ces raisons, nous n'avons pas d'équipe de France féminine de volley. Dans les conventions d'objectifs avec le ministère, nous « vendions » les garçons au public et au privé pour financer les femmes et les jeunes. Si notre équipe féminine de volley n'est pas aux Jeux, c'est donc aussi parce que, en France, nous n'arrivons pas à équilibrer. Certes, le niveau de performance n'est pas le même et, pour les équipes féminines, le filet est plus bas, mais je ne dirai pas que le volley féminin est un sous-produit du volley masculin : le jeu des filles est plus subtil et j'ai le souvenir d'un match de légende aux Jeux olympiques de Séoul, URSS contre Pérou. C'est plus facile pour le beach-volley, parce que les compétitions associent hommes et femmes, non pas en équipes mixtes - même si, sur les plages, les garçons et les filles jouent spontanément ensemble - mais en équipes parallèles, dans la même compétition avec les mêmes prix.

Ce n'est pas parce que hommes et femmes ne jouent pas ensemble que l'on peut parler de discrimination, il s'agit d'expressions différentes et pour le volley, le basket ou le handball, il y a un certain équilibre ; la Fédération française de football (FFF) fait de gros efforts pour le football féminin mais il reste des discriminations dans la prise en compte des secteurs masculin et féminin de certaines disciplines.

Au CNOSF, nous avons décidé de nous consacrer, plus qu'à la pratique sportive, à l'encadrement, aux arbitres, aux journalistes. En 1992, à Barcelone, président de la commission Médias du Comité olympique, j'ai dû fulminer en écrivant à L'Équipe, leur faisant valoir que nos athlètes féminines n'étaient pas des objets sexuels à montrer en photos avec leurs petites jupettes. Pas de réponse. En 2000, passant dans les couloirs du CNOSF, je perçois quelque chose d'incongru, d'étonnant : c'était la photo d'une athlète grimaçant de douleur en sautant une haie. Une première ! Il était temps de sortir des stéréotypes et des blagues machistes de comptoir : ce n'est pas d'hier que les femmes égalent les hommes, pendant la Première Guerre mondiale, elles avaient pris leur place dans les usines, pendant qu'ils se battaient dans les tranchées ! Nous avons donc choisi de favoriser l'accès des femmes aux responsabilités et à l'ensemble des activités relatives au sport, plutôt qu'à la pure et simple pratique.

Mme Dominique PETIT, secrétaire générale de l'Académie olympique. - Je vais vous présenter sur support Powerpoint, le plan d'action du CNOSF « Femmes et sport ». Lors des Assises nationales Femmes et Sport de 1999, le président Henri Sérandour a décidé de créer un groupe de travail chargé de dresser un état des lieux, de réfléchir au recul des femmes devant la prise de responsabilité dans le sport ainsi qu'au faible nombre de femmes parmi les cadres techniques.

Le CNOSF a réalisé en 2000 une plaquette - distribuée dans la majorité de nos organisations sportives et relayée dans les instances nationales, régionales et départementales - où il proposait des solutions générales et spécifiques. La grande décision du président Sérandour a été de modifier les statuts du CNOSF de façon à réserver aux femmes des postes dans le comité directeur. Certaines fédérations n'ont pas proposé de femmes : deux postes sont ainsi restés vacants, sans être proposés à des hommes. L'année suivante des femmes y ont été élues... et pas pour jouer les potiches ! Depuis les dernières élections, huit femmes - sur quarante-sept membres - sont au comité directeur et une femme est vice-présidente du Bureau exécutif. Le progrès est lent mais réel.

Toujours en 2000, nous avons organisé la deuxième Conférence mondiale sur la femme et le sport du CIO, portant sur différentes objectifs - promouvoir les femmes dirigeantes sportives, améliorer le financement du sport féminin, surmonter les contraintes sociales et structurelles - et sur différentes thématiques : le rôle des médias, des jeunes, des gouvernements et des organisations sportives.

Sur les jeunes : ayant en charge la formation des dirigeants du sport français et voulant les rajeunir, j'ai monté des stages pour jeunes dirigeants de 18 à 25 ans. La parité a été atteinte sans aucune difficulté. Mais, comme nous créions des clubs virtuels, je me suis aperçue que, si les jeunes filles voulaient bien en être secrétaire générale ou trésorière, aucune n'était candidate pour devenir présidente. Ce qui reflète la situation des clubs réels où les femmes refusent d'être présidentes au motif qu'elles préfèrent agir plutôt qu'avoir un rôle de représentation. La prochaine étape devrait consister à travailler avec les jeunes sur le rôle et la fonction de président car les jeunes femmes semblent en avoir une vision qui date un peu, il ne s'agit plus seulement d'épingler des médailles mais aussi de porter des projets... Il y a donc un gros travail d'éducation à faire chez les jeunes et chez les parents tant les préjugés ont la vie dure : je suis choquée de voir encore la publicité réserver les lessives aux ménagères et les voitures aux garçons !

En 2001, le CNOSF a organisé une journée de réflexion interne sur l'accès des femmes aux postes de décision. Des personnalités issues de l'entreprise - IBM, Air France - sont venues relater leurs expériences de la féminisation des postes de responsabilité dans les grandes entreprises. Nous avons élaboré des solutions de l'ordre du législatif, du fonctionnel, de la formation et du médiatique. Nous avons notamment monté un module sur l'intérêt d'un comité directeur mixte. Dans le groupe, les hommes étaient minoritaires. A la fin, certains d'entre eux nous ont avoué enfin comprendre ce que vivent les femmes dans les réunions majoritairement masculines... Nous nous sommes aussi engagés dans un plan d'action de formation européen afin de favoriser l'accès des femmes aux responsabilités sportives internationales. Nous avons aussi réalisé un film « Femmes et sport » qui montre le poids de la culture et les discours aberrants prétendument physiologiques, médicaux ou esthétiques qui freinent l'accès des femmes à tous les sports.

En conclusion, le CNOSF a engagé des actions, proposé un programme cohérent, une vraie stratégie. Mais tout cela se heurte au poids de la culture et des mentalités. C'est donc un travail de longue haleine que le CNOSF poursuit en collaboration avec le CIO et les fédérations internationales. Les freins ne viennent pas que des hommes mais aussi des femmes elles-mêmes : lorsqu'on propose un poste de directeur technique national à l'une d'elles, elle se demande si elle va en être capable, si elle va avoir assez de temps... C'est un travail de longue haleine qu'a entrepris le CNOS, car beaucoup reste à faire.

M. André Leclercq. - Pour répondre aux questions que vous m'avez adressées par écrit, je vous répondrai pour commencer que le CIO avait décidé que les comités nationaux olympiques (CNO) devaient garantir aux femmes un minimum de postes dans les organes de décision des organismes sportifs - 10 % puis 20 % à compter de 2005. Quelle est la valeur juridique de cette recommandation ? Le CIO avait confié à la Marocaine Nawal El Moutawakel la présidence du Comité d'évaluation des villes candidates pour les Jeux olympiques. C'est donc une jeune femme qui présidait le comité d'évaluation ! Bravo le CIO !

Un mot du parcours de la flamme olympique des Jeux de Pékin; la cause du Tibet ne fait pas de gros progrès, je peux comprendre qu'on critique le CIO mais pas que des manifestants insultent et crachent sur une athlète en fauteuil roulant, Béatrice Hess, qui est la championne française la plus médaillée !

Sur les pourcentages de 10 et 20 %, la France est à la traîne malgré les leçons qu'elle donne aux autres. Dans ma fédération internationale par exemple, le seul continent qui ne soit représenté que par des hommes, c'est l'Europe ! J'ai des collègues femmes asiatiques, africaines, sud-américaines mais mes collègues européens sont tous des hommes !

La recommandation du CIO a-t-elle une valeur juridique ? Non, il est une autorité morale et, à mon avis, c'est plus important. Il ne peut donner d'ordre à aucun gouvernement, à aucune fédération mais il oblige par différents moyens, subordonnant l'inscription aux Jeux à la participation d'équipes féminines.

A quels organismes cette recommandation doit-elle s'appliquer ? Mais à tous, à toutes les fédérations internationales et à tous les CNO. Nous, Français, étions nuls, nous restions « entre mecs » sans nous poser de question, nous sommes maintenant seulement mauvais : nous avons donc progressé parce que nous n'avions pas le choix.

Quelle est la proportion de femmes dans les instances dirigeantes du CNO, des fédérations ? J'ai dit qu'elle progressait. Il faut rappeler l'action de cette femme extraordinaire Giana Angelopoulos-Daskalaki qui avait obtenu l'attribution des Jeux à Athènes et qu'il a fallu rappeler peu après pour en piloter l'organisation... Mais je ne sais pas ce qu'il en est pour le Comité d'organisation des Jeux de Londres.

La participation des femmes aux Jeux olympiques ? Depuis la magnifique victoire d'Hassiba Boulmerka, l'on a progressé en nombre de participantes et en nombre d'épreuves.

Est-il acceptable qu'aux Jeux olympiques de Londres, certaines délégations ne comportent aucune sportive ? Je suis embêté. C'est choquant bien sûr, mais je ne suis pas d'avis de condamner. Il faut continuer à progresser par la persuasion. Le Bahreïn et le Qatar ont franchi le pas. Jetons l'opprobre moral sur les derniers. L'Iran participe aux Jeux avec beaucoup de garçons qui portent tous la barbe et qui ont tous la même date de naissance : avec ce pays, il n'y a pas que la participation féminine qui pose problème... Mais je crois plus à l'autorité morale du CIO qu'à son pouvoir de coercition.

La délégation française se rapprochera-t-elle de la parité dans sa composition ? Oui, pour ce qui est de la participation des athlètes mais il reste un énorme travail à faire pour l'encadrement.

Existe-t-il encore des disciplines sportives olympiques non ouvertes aux femmes ? A ma connaissance, non. La boxe vient de basculer. Et cela arrange bien les pays riches que nous sommes et qui avons les moyens de mettre immédiatement en place ces activités sportives féminines.

Mme Dominique Petit. - En revanche, la natation synchronisée n'est pas ouverte aux hommes...

M. André Leclercq. - Faut-il que le président du CIO remette en personne la médaille d'or non seulement au marathonien mais aussi à la marathonienne ? Ça, c'est une bonne idée !

Le messager de Marathon, Philippidès, c'était un soldat ; dans la Grèce antique, l'homme était du côté du Chaos et la femme du Cosmos. Il y a encore le poids de la tradition mais un messager, aujourd'hui, peut être aussi bien féminin que masculin, depuis trois millénaires, les sociétés ont évolué. S'il fut à une époque important symboliquement que cela soit un homme, tel n'est plus le cas aujourd'hui.

Hier, ma grand-mère portait un foulard sur la tête, même pour aller aux champs, et mon grand-père était toujours couvert : il ne serrait jamais la main d'une femme ; il touchait le bord de sa casquette pour la saluer.

La discrimination homme-femme est aussi affaire de génération. Il faut bien comprendre la différence entre tradition et culture : les sociétés évoluant, les règles de fonctionnement doivent suivre.

Mme Michèle André, présidente. - Vous parait-il légitime que le CIO continue de cautionner des Jeux séparés pour les femmes, alors que la ségrégation sexuelle parait contraire au principe de non discrimination inscrit dans la Charte olympique ? Le CNOSF va-t-il demander au CIO de faire respecter ce principe ?

M. André Leclercq. - C'est une question très difficile. Faut-il prévoir des plages horaires spécifiques dans les piscines pour les filles ? Si l'on refuse, ne risque-t-on pas de sanctionner encore plus les femmes ? Évitons les solutions toutes faites. Il revient aussi au politique d'apprécier l'opportunité de telle ou telle mesure.

En France, le sport est unisexe dès le plus jeune âge. Tous les jeunes qui passeront par le Camp olympique de la jeunesse ne se poseront pas la question puisque tous vont s'entraîner ensemble.

Mme Michèle André, présidente. - Le principe de neutralité du sport, inscrit dans la règle 51 de la Charte, qui proscrit toute forme de propagande politique, religieuse ou raciale, ne doit-il pas conduire à interdire le port de signes religieux ou toute tenue affichant l'appartenance à une religion ? Le CNOSF est-il prêt à demander au CIO de mieux respecter ce principe que par le passé ?

M. André Leclercq. - Là aussi, il faut faire la distinction entre tradition et culture. Si j'avais dit à mes grands-parents qu'ils portaient un foulard et une casquette pour des raisons religieuses, ils m'auraient regardé avec de grands yeux. A la messe, les femmes restaient couvertes et les hommes... allaient plutôt au bistrot, mais pas les jeunes.

A la fédération de volley, nous avons eu des difficultés avec l'Égypte car les Européens se sont opposés à une tenue spéciale pour les pays musulmans. Mais il a fallu convaincre les dirigeant de la fédération, et non pas les athlètes, qui n'y étaient pour rien. Aujourd'hui, les musulmanes qui le souhaitent pratiquent avec la tenue normale, sauf qu'en-dessous, elles ont des vêtements qui couvrent leurs bras et leurs jambes et certaines portent le voile. Décemment, on ne peut pas leur interdire de participer aux Jeux olympiques ! Comme je l'ai dit, il faut bien faire la distinction entre tradition et culture. Nous sommes dans un détournement de la religion : on culpabilise à l'avance la victime pour déculpabiliser le coupable. Nous avons discuté de cette question avec des collègues musulmans afin de lutter contre le phénomène. Il n'est pas souhaitable de voir des voiles aux Jeux olympiques. Mais nous ne pouvons refuser les femmes qui les portent, d'où l'embarras du CNOSF mais aussi du CIO. Nous constatons que, dans une même équipe de volley, il y a des femmes musulmanes qui s'habillent comme les autres athlètes tandis que d'autres masquent certaines parties de leur corps.

Aux championnats du monde universitaire (UNSS), l'Algérie s'est retrouvée contre Israël : l'équipe a refusé de jouer.

J'étais au championnat du monde cadets-garçons en Algérie auquel l'Iran participait. Nous étions deux juges francophones, un Belge et un Français. Le Belge était procureur du roi. Il y avait des garçons et des filles ramasseurs de balles en short. Un responsable de la télévision iranienne a pris une gamine par les cheveux pour l'éjecter du cours : il ne supportait pas qu'une fille puisse passer à la télévision. Le procureur du roi n'a pas accepté cette attitude et il a fait comprendre au chef de la délégation iranienne que ce comportement était inacceptable. Le collègue algérien qui faisait aussi partie du jury a été difficile à convaincre car l'honneur des hommes était en jeu. Pourtant, grâce à cet incident, on a progressé car nous nous sommes parlé. Certes, des dispositions législatives sont importantes mais, pour nous, l'essentiel est de faire partager les valeurs du sport et non pas de les imposer.

Mme Michèle André, présidente. - Le rôle du président du CIO est considérable et il est parfois considéré comme un chef d'État. Il s'agit vraiment d'une autorité morale. Nous avons reçu Juan-Antonio Samaranch, lorsqu'il était président du CIO, comme un véritable chef d'État et sa parole comptait. L'actuel président doit donc promouvoir l'égalité entre les sexes et nous vous demandons de nous soutenir. La valeur universelle du sport doit servir aux filles : en France, les femmes ont trop longtemps souffert d'un universel qui ne concernait que les hommes. Il leur a ainsi fallu attendre cent ans de plus que les hommes pour avoir le droit de vote ! Et encore, le Général De Gaulle a dû passer par une ordonnance pour surmonter les réticences du Parlement et, en particulier, du Sénat. Nous rêvons d'un universel pour tous et toutes.

M. André Leclercq. - A la fin des années 1990, un tournant considérable a eu lieu : les différents alibis et tabous se sont effondrés.

Mme Michèle André, présidente. - Il reste des blocages importants, et c'est pourquoi nous réclamons des Jeux olympiques pour les hommes et pour les femmes, même si ce n'est pas dans la tradition de Coubertin.

M. André Leclercq. - Coubertin n'a pas été novateur dans tous les domaines.

Mme Michèle André, présidente. - Je vous remercie pour cette audition où vous avez fait preuve d'un grand enthousiasme. La délégation va faire des propositions et j'ai senti que nous allions avoir des alliés précieux.

M. André Leclercq. - Et vous avez également le soutien de la troisième assemblée.