Mardi 28 février 2012

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Majoration des droits à construire - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire

La commission procède à la désignation des candidats appelés à faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.

M. Daniel Raoul, président. - Pour tenir les délais, je suggère de désigner les candidats appelés à faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.

La commission a désigné comme titulaires, M. Daniel Raoul, président, M. Thierry Repentin, rapporteur, MM. René Vandierendonck, Gérard Le Cam, Mme Esther Sittler, MM. Charles Revet et Vincent Capo-Canellas ; et en tant que suppléants, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Jacques Filleul, Joël Labbé, Robert Tropéano, Michel Houel, Gérard César et Mme Élisabeth Lamure.

Groupe de travail « Économie sociale et solidaire » - Désignation des membres

La commission procède ensuite à la désignation des membres du groupe de travail « Économie sociale et solidaire ».

Sont désignés : Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Élisabeth Lamure, MM. Marc Daunis, Robert Tropéano, Michel Magras, Henri Tandonnet et Mme Aline Archimbaud (Affaires sociales).

Majoration des droits à construire - Examen du rapport et du texte de la commission

Puis, la commission examine le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi n° 422 (2011-2012), relatif à la majoration des droits à construire.

M. Daniel Raoul, président. - Nous allons examiner le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi n° 435 relatif à la majoration des droits à construire.

M. Thierry Repentin, rapporteur. - Le 30 janvier dernier, beaucoup s'en souviennent, le chef de l'État annonçait des mesures fortes pour répondre à la crise du logement. En soi, c'était reconnaître l'échec des textes précédents : la loi portant engagement national pour le logement en 2006, la loi instituant le droit au logement opposable en 2007, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MOLLE) en 2009 et la loi portant engagement national pour l'environnement en 2010.

Ce texte changera-t-il la donne ? Je ne le crois pas car il cumule plusieurs inconvénients. D'abord, son impréparation manifeste. L'annonce présidentielle a surpris associations d'élus et acteurs de la construction. Tous ont regretté de n'avoir pas été entendus ; tous, sans exception, ont fait part de leurs nombreuses réserves.

Précipitation, aussi, dans la procédure d'examen de ce texte. Avec René Vandierendonck, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, nous avons dû procéder aux auditions sans connaître le texte sur lequel porterait la discussion, les députés ne l'ayant pas encore adopté. De plus, nous devrons prendre connaissance des amendements de séance déposés jusqu'au début de la discussion générale et les examiner sitôt qu'elle sera close. Est-ce sérieux ?

Dernier indice de l'impréparation de ce texte, les flottements sur le contenu de la réforme. Le projet de loi s'écarte sensiblement de l'annonce présidentielle, ce qui est heureux. Il n'y est plus question d'une majoration automatique qui s'imposerait aux communes.

Ensuite, le texte est redondant. Il vient s'ajouter à la majoration des droits à construire prévue par la loi MOLLE de 2009 et aux deux dispositifs plus anciens ciblés sur les logements sociaux et les bâtiments à haute performance énergétique. Qu'apporte-t-il de plus ? Rien, sinon un relèvement de 20 à 30 % du plafond de la majoration. Cette accumulation de mesures similaires est contraire à l'objectif de simplification du droit qu'affiche le Gouvernement.

Surtout, la disposition est inefficace. Les estimations qui figurent dans l'étude d'impact reposent sur des hypothèses aussi optimistes que fantaisistes.

Dans l'hypothèse basse du Gouvernement, un tiers des communes conserveraient la majoration de 30 %. Or environ 0,5 % des communes dotées d'un PLU ou d'un POS ont utilisé les mécanismes de majoration prévus à l'article L. 123-1-11 et seulement 4 % d'entre elles ont activé les dispositifs plus ciblés des articles L. 127-1 et L. 128-1. Autrement dit, le taux d'utilisation du nouveau dispositif serait plus de soixante fois supérieur à celui des mécanismes en vigueur.

Nous en doutons dans la mesure où la décision de majorer les droits à construire restera entre les mains des communes. Certes, leur autonomie sera exagérément réduite puisque, au lieu de décider de la majoration, leur seule liberté sera de la refuser. Malgré tout, c'est le conseil municipal qui conservera la maîtrise pratique du dispositif. Au nom de quoi changeraient-elles subitement d'avis ?

Du reste, le Gouvernement lui-même semble partager ces doutes. « La mesure proposée doit contribuer au changement d'état d'esprit attendu des décideurs locaux et des habitants », explique-t-il dans son étude d'impact. Mais est-il besoin d'aider Français et collectivités territoriales à prendre conscience du problème quand ils sont en première ligne face à la crise du logement ?

Les prévisions sont optimistes, encore, sur le nombre de projets de construction où serait utilisé le supplément de droits à construire : un sur deux dans les communes appliquant la majoration. Nous ignorons totalement sur quoi repose ce chiffre ; en revanche, nous savons que des dispositions techniques et juridiques réduisent la portée de la mesure. La majoration des règles de densité n'exonère pas du respect des autres règles d'urbanisme, comme les règles de prospect, pas plus qu'elle n'autorise à déroger aux servitudes d'utilité publique et aux dispositions des lois montagne et littoral. Elle se heurte également à des conventions privées. Ainsi, pour surélever ou construire des bâtiments à usage privatif dans une copropriété, l'unanimité des copropriétaires est requise. De même, dans les lotissements, si un permis de construire majorant les règles de hauteur est délivré en contravention des règles du cahier des charges, les colotis pourront intenter une action en démolition. Enfin, la modification des bâtiments est parfois très difficile techniquement, sinon impossible lorsque les fondations ne sont pas adaptées.

Un texte inefficace, donc, mais aussi contre-productif. De fait, les propriétaires qui ont l'intention de vendre ou d'utiliser leur terrain voudront, avant de s'engager, connaître les droits à construire associés à leur bien. D'où le gel de certaines transactions- d'après les professionnels, cela est déjà le cas. Autre conséquence, des prix tirés vers le haut car le nouveau dispositif sera trop faible pour accroître significativement l'offre. Au total, le seul résultat tangible de la mesure consistera en un effet d'aubaine pour les propriétaires de biens aux droits à construire majorés.

Pourquoi stigmatiser les communes ? A lire ce texte, elles auraient adopté des règles trop restrictives, alimentant la crise du logement par frilosité, ignorance des textes ou encore par malthusianisme. « Les communes qui voudront refuser cette possibilité » de majoration « en auront le droit, mais ce devra faire l'objet d'une délibération explicite du conseil municipal pour en refuser la possibilité. Chacun va prendre ses responsabilités » a lancé le Président de la République dans son discours du 2 février à Longjumeau. Le but est bien de mettre en cause les communes. C'est pourquoi le Sénat, représentant des collectivités territoriales, doit s'y opposer avec force.

Le Gouvernement, dans sa précipitation, confond la cause et l'effet. La majoration des droits à construire a un intérêt limité parce que les communes prennent leurs responsabilités en élaborant des plans locaux d'urbanisme (PLU). Pourquoi dérogeraient-elles aux règles de constructibilité adaptées à leur projet de territoire, qu'elles ont mis plusieurs années à définir ? Ce serait absurde, à moins que les PLU n'aient été clairement mal conçus. C'est peut-être la vision du Gouvernement, mais non la mienne. Pour moi, il y a une antinomie entre la démarche urbanistique de projet conduite par les communes et un dispositif bureaucratique de majoration généralisée.

Pour mémoire, la loi MOLLE de 2009, dans sa rédaction initiale, prévoyait exactement le même dispositif auquel le Sénat s'était opposé avec succès. Les arguments de son rapporteur, Dominique Braye, n'ont rien perdu de leur pertinence.

M. Bruno Sido. - Dominique Braye devient une référence pour la gauche !

M. Thierry Repentin, rapporteur. - Je vous renvoie à son rapport que notre commission avait adopté à l'unanimité.

Il n'y a pas lieu de stigmatiser toutes les communes parce que certaines d'entre elles ne font pas, à l'évidence, leur possible pour favoriser la construction de logements à des prix abordables. D'autant que le problème restera intact : celles qui prévoient des COS exagérément bas afin d'éviter la densification dans une logique d'entre soi écarteront d'emblée la majoration.

Enfin, ce texte sera source d'insécurité juridique. Quel sera le degré de précision de la note d'information que les communes seront tenues de mettre à la disposition du public ? S'il est insuffisant, la délibération de la commune pourra être attaquée sur le fondement de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Plus grave : si les communes ne peuvent pas produire une note pour des raisons de coût, l'information du public sera nulle.

Attention, aussi, à la cohérence du PLU. Les 17 300 communes concernées - particulièrement les petites communes - seront-elles informés de ce nouveau dispositif et en mesure de l'écarter ? Auront-elles les moyens financiers de mener une étude présentant les conséquences de cette majoration ? Rien n'est moins sûr.

Autre cas problématique, celui des PLU intercommunaux. Le texte autorise la commune à appliquer la majoration alors que l'intercommunalité a décidé du contraire, et inversement. Cette remise en cause de la coopération intercommunale, qui revient à ouvrir la porte à des comportements opportunistes, pourrait complètement déséquilibrer les PLU intercommunaux. Pourtant, le ministre délégué au logement ne cesse de plaider en leur faveur...

Dernier problème, celui de la cohérence entre PLU et programme local de l'habitat (PLH) ou schéma de cohérence territoriale (SCOT). Les maires prendront-ils garde ? Cela ne va pas de soi.

Mieux vaut donc supprimer cette disposition compte tenu de ses nombreux défauts. Je propose de lui substituer une mesure plus ambitieuse : l'assouplissement des conditions de cession des immeubles du domaine privé de l'État pour y réaliser des logements, entre autres sociaux. L'idée est que l'État cède ses terrains, mais aussi ses immeubles, avec une décote, qui est actuellement de 25 % et de 35 % dans les zones tendues, allant jusqu'à 100 % pour le logement social.

Cette mesure est simple et rapide : nul besoin de demander à 17 300 communes de délibérer, nul besoin de modifier des documents d'urbanisme au risque d'un contentieux abondant. Elle a l'avantage de souligner clairement notre différence de philosophie avec la majorité gouvernementale. D'un côté, une solution typiquement libérale : moins d'État, moins de règles et, miraculeusement, les choses iraient mieux. De l'autre, un État qui s'engage, qui et qui donne l'exemple en cédant les immeubles qu'il n'utilise pas. Jusqu'à présent, l'État a refusé de se servir des cessions avec décote créées par la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005. Manifestement, entre l'État propriétaire et l'État garant du droit au logement, le Gouvernement a choisi le premier. Or, à moyen terme, la dynamisation de l'activité économique compense largement la perte d'actifs que représente la cession d'immeubles.

Cela dit, nous réglerons la crise du logement, non par une seule mesure, mais par une action coordonnée sur de multiples leviers : la fiscalité foncière, afin d'accélérer le retour sur le marché des logements vacants et l'utilisation des terrains constructibles non bâtis, la taxation des plus-values immobilières pour mettre fin à la rétention de terrains ou de logements inutilisés, les règles d'évolution des loyers et le financement du logement social. Nous aurons sans doute l'occasion d'en rediscuter dans un autre contexte dans quelques semaines.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Merci à la commission de l'économie de donner un peu de son précieux temps au rapporteur pour avis. Ce matin, la commission des lois a donné un avis défavorable à l'adoption de ce texte à une très large majorité.

D'abord, ne nous trompons pas sur l'objectif du texte. Tout le monde sait que des surfaces agricoles équivalant à un département disparaissent tous les sept ans ; tout le monde souscrit également à la ville plus compacte et durable du Grenelle II. Si le Président de la République n'avait pas fait d'annonces, il existerait malgré tout trois majorations des droits à construire : celle de 20 % dans la loi Boutin de 2009, portée à 50 % pour les logements sociaux, et celle prévue pour les bâtiments à haute performance énergétique après le Grenelle II. Pour chacune d'entre elle, c'est un point essentiel pour le Sénat, il revient à l'autorité titulaire de la compétence PLU - la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI ) - d'apprécier le bien-fondé de la mesure et, si elle est décidée, de la contextualiser en fonction des caractéristiques du territoire : modulation du taux et de la durée. Or toute référence à cet urbanisme décentralisé est abandonnée dans ce texte. C'est un changement notable, puisque les quelque 17 500 communes, si l'on compte les PLU et SCOT en cours de révision ou d'élaboration, se verront imposer d'en haut une mesure uniforme et non modulable.

M. Gérard Cornu. - Nous sommes là pour corriger le tir !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - Autre problème, la note d'information. Pour paraphraser Thierry Repentin, nous ne savons rien de son contenu. D'après le ministre Benoist Apparu à l'Assemblée nationale, elle serait inattaquable. Je ne le crois pas : si son contenu est insuffisant, il sera possible d'invoquer l'article 7 de la Charte de l'environnement. En fait, cette simple note fait figure de pseudo-consultation publique.

Si l'organe délibérant de la commune n'a pas statué, la majoration s'appliquera, quelle que soit la taille de la collectivité. Pour être maire et côtoyer des présidents d'EPCI, nous savons tous qu'il existe un principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, et un principe général de droit selon lequel une compétence transférée à un EPCI n'est plus exercée par la commune. Or ce texte, il faut le lire pour le croire, dispose que « les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peuvent décider d'appliquer la majoration prévue au I du présent article sur leur territoire, nonobstant toute délibération contraire de l'établissement public, ou d'écarter cette application ». C'est réduire à néant la portée du Grenelle II et la cohérence intercommunale ! Tout cela va déboucher sur des aberrations.

M. Bruno Sido. - Le Grenelle II, vous ne l'avez pas voté !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - La Fédération nationale des SCOT m'a donné cet exemple que je vous livre. Soit une commune moyenne qui aurait développé un axe lourd de transports en commun, des communes rurales périphériques qui n'auraient pas les moyens de recourir à un bureau d'études et dans lesquelles, neuf mois plus tard, la majoration s'appliquera. Voilà, typiquement, comment sera déconstruite la cohérence de l'aménagement du territoire, pourtant voulue par notre droit. A cette instabilité juridique, s'ajoutera, nous le savons, un nid à contentieux.

M. Charles Revet. - Voir Thierry Repentin prenant Dominique Braye comme caution, cela fait sourire !

M. Daniel Raoul, président. - C'est de bonne guerre !

M. Charles Revet. - Ce projet de loi, cela est très clair, ne suffira pas à lui seul à relancer le bâtiment. En revanche, la mesure est nécessaire parce que, et les propos du rapporteur m'ont surpris, elle constitue une réponse ponctuelle à des difficultés que rencontrent les familles. Certaines ont besoin de s'agrandir pour accueillir de nouveaux enfants ou d'adapter leur habitation à une personne devenue invalide. Pour elles, il n'y a rien de choquant à adopter une mesure généralisée tout en laissant une marge de manoeuvre aux communes. Lorsque j'étais maire de ma petite commune, l'exemple date de quinze ou vingt ans mais reste valable, un père de famille m'a demandé l'autorisation d'aménager une chambre supplémentaire sous les combles. Je lui ai promis de donner une suite favorable à sa demande. Or, en raison de la présence d'une route, la direction de l'équipement a bloqué le permis de construire deux fois. Cela aurait pu entraîner le départ de la famille ; j'ai dû conseiller de passer temporairement outre le refus. Soit, il est toujours possible de modifier les documents d'urbanisme, mais la durée de la procédure est si longue... Tenons compte de ses situations. Cela ne signifie pas, bien entendu, que nous laisserons faire n'importe quoi et n'importe comment partout.

Moi, je suis partisan d'une relance forte du bâtiment. Et la solution est de dégager du foncier pour que les familles accèdent à la propriété, pour que les organismes construisent. Or un terrain et une maison qui coûtaient 100 000 francs dans les années 1970 valaient 100 000 euros il y a quinze ans ; aujourd'hui, pour ce prix-là, vous n'avez que le terrain. Il existe, dans les communes et les villes, des emprises extrêmement importantes, qui n'ont rien à voir avec l'agriculture ; voilà des espaces que nous devrions utiliser. D'où mes amendements. Le groupe de l'UMP ne votera pas sans doute pas l'amendement du rapporteur. N'oublions pas l'humain et les familles !

Mme Élisabeth Lamure. - Vous semblez tout à coup porter aux nues la loi Boutin de 2009 ! Ce projet de loi apporte un outil extrêmement simple et pragmatique que les élus, s'ils le souhaitent, utiliseront pour majorer les droits à construire.

Les communes manquent de moyens pour réaliser les études d'impact, a-t-on entendu dire. Cela n'est pas exact puisqu'il s'agit, non d'études, mais de documents préalables, que pourront éventuellement réaliser les bureaux d'études, affichant les conséquences de la majoration pour les zones concernées en termes de droits à construire.

Que ce soit pour les zones d'aménagement concerté (ZAC), les permis d'aménagement ou les permis de construire, le dépôt d'un ou de plusieurs recours vient toujours retarder les opérations, ce qui représente une perte de temps et d'argent pour les communes. Idem pour la procédure de déclaration d'utilité publique : il suffit d'un récalcitrant pour fragiliser une opération. Monsieur le rapporteur, pourquoi ne pas profiter de ce texte pour régler la question des recours abusifs ?

M. Claude Dilain. - On nous dit que le texte ne serait pas contraire à l'article 72 de la Constitution. À sa lettre, peut-être ; mais à son esprit, oui. La libre administration des collectivités territoriales ne se résumait pas jusqu'à présent à un droit de veto ! Si ce texte faisait jurisprudence politique, nous irions vers de graves conflits : l'État pourrait imposer à toute commune de plus d'un certain nombre d'habitants la création d'une maison de la jeunesse, des équipements sportifs et ainsi de suite.

M. Daniel Dubois. - Ce débat, en fait, oppose le règlement au projet. Pour ma part, j'ai essayé de répondre à des questions simples : Y a-t-il une demande de logements ?

M. Gérard Cornu et plusieurs sénateurs de l'UMP. - Oui !

M. Daniel Dubois. - Cette demande est-elle insatisfaite ?

M. Gérard Cornu et plusieurs sénateurs de l'UMP. - Oui !

M. Daniel Dubois. - Faut-il construire ?

M. Gérard Cornu et plusieurs sénateurs de l'UMP. - Oui !

M. Daniel Dubois. - Faut-il réduire les surfaces agricoles ?

M. Gérard Cornu et plusieurs sénateurs de l'UMP. - Non !

M. Daniel Dubois. - Y a-t-il d'autres moyens, en particulier dans les zones denses et les centres urbains, que la densification et la surélévation des habitations ?

M. Gérard Cornu et plusieurs sénateurs de l'UMP. - Non !

M. Daniel Dubois. - Le bon sens commande de limiter ce projet de loi aux seules zones où cela est nécessaire, mais cela serait inconstitutionnel. Autre argument en faveur de la constitutionnalité de la mesure, la commune garde le droit de dire non dans le dispositif proposé.

Pour moi, ce texte présente surtout le mérite de poser la question suivante : ne sommes-nous pas en train de renforcer la crise du logement quand le nombre de logements construits a diminué l'an dernier et que cette évolution se poursuit cette année avec moins de 100 000 logements construits ?

M. Charles Revet. - Bien sûr !

M. Daniel Dubois. - Je regrette que le débat n'ait pas lieu. Effectivement, il n'y a pas de solution unique, mais un faisceau de réponses à apporter ; Thierry Repentin l'a bien dit. Il faudrait agir sur la densification, mettre fin aux recours abusifs qui touchent 15 % des permis de construire, revoir la fiscalité du foncier, qui devrait être inversement proportionnelle à la durée de détention du bien. Il faudrait aussi rediscuter de l'article 55, même si le moment n'est sans doute pas le bon.

En tout cas, nous disposions, au travers de ce texte, d'une occasion de traiter un certain nombre d'aspects du problème. Aussi, ne voterai-je pas l'amendement de suppression, même si je sais que certains membres de mon groupe s'interrogent. Prenons garde, car si nous renonçons à poser le problème de la densité dans les zones urbaines tendues, je ne vois pas comment nos enfants et petits-enfants pourront s'y loger !

M. Daniel Raoul, présidentCertes, mais pourquoi limiter ce raisonnement aux zones les plus denses, en laissant entendre qu'ailleurs, on pourrait consommer sans entrave des terres agricoles ?

M. Daniel Dubois. - Reconnaissons que la question se pose avec plus d'acuité dans les zones où la demande est la plus forte, même si les exigences constitutionnelles conduisent à présenter un texte applicable à l'ensemble des communes.

M. Jean-Jacques FilleulComme beaucoup d'entre vous, je suis maire et dispose de PLU et de PLH décidés après de longues discussions avec les habitants, des concertations avec les services de l'État, et grâce au travail précis des services municipaux. Dans ce contexte, quel est l'apport de ce projet pour régler nos problèmes de logement et de densité urbaine ?

Ce dont nous avons besoin, c'est d'un grand débat sur le logement social alors que l'on nous soumet ici un texte de circonstance qui ne va faire que compliquer la vie des maires et profiter à ceux qui ont les moyens d'agrandir leur logement. Tant mieux pour eux, mais cela ne réglera en rien nos problèmes. Cette loi inopportune étant de surcroît juridiquement fragile, nous voterons l'article de suppression.

M. Martial Bourquin. - Ne confondons pas le PLU, qui est un véritable outil de projet urbain, avec un simple règlement dont il revêt in fine la forme. Le PLU intègre en effet, dans le cadre du SCOT, l'ensemble des préoccupations du projet de ville, au premier rang desquelles les questions du logement social ou de densité urbaine. Je crains que le texte qui nous est soumis n'accroisse encore le nombre des recours.

Enfin, il existe un grand nombre de terrains de l'État ou de Réseau ferré de France (RFF) laissés en friche depuis des décennies alors qu'ils constitueraient des réserves extraordinaires pour la construction de logements. Il serait logique qu'ils soient cédés à l'euro symbolique pour des logements sociaux ou au prix des domaines pour d'autres projets, mais les dossiers sont bloqués depuis des années, notamment parce que RFF veut régler ses déficits sur le dos des communes.

M. Joël LabbéLes écologistes prônent depuis longtemps la densification pour éviter l'étalement urbain, tout en considérant qu'au travers des PLU et des SCOT, les outils existent pour mener cette politique en concertation étroite entre les élus locaux et les citoyens.

Ma commune fait partie des seulement 4,5 % qui ont décidé d'appliquer l'augmentation de la densité de 20 % ; mais nous l'avons fait pour le centre-bourg seulement, la généralisation de cette augmentation pouvant se révéler dangereuse. Nous partageons donc l'avis de notre rapporteur sur ce texte préparé dans la précipitation.

Mais au-delà de cette opposition, il sera indispensable d'avoir, cet été, un grand débat sur le logement social. Il faudra notamment prendre en compte la question des nouvelles filières, la norme BBC (bâtiment basse consommation) qui majore le coût de construction si bien que l'on demande aux communes 20 000 à 30 000 euros par logement, ou encore celle du logement alternatif - les jeunes qui souhaitent auto-construire pour vivre autrement qui sont trop souvent stigmatisés, ou soumis au risque de déconstruction. Il faudra aussi aborder la question de l'occupation des trop nombreux logements vides.

M. Vincent Capo-CanellasCe texte a le mérite de répondre à une vraie préoccupation, un vrai besoin, et de n'afficher aucun coût pour l'État. Mais, en prenant l'exemple de ma ville du Bourget, j'estime que, si la densification peut être nécessaire dans certains quartiers, elle ne saurait être généralisée, l'enjeu étant de parvenir à une densité raisonnée.

Le texte aurait peut-être dû traiter du problème de la répartition des constructions - en Île-de-France 80 % des constructions sont réalisées dans 20 % des communes -, et des conséquences pour les maires qui doivent ensuite réaliser des équipements de toute nature, sportifs, scolaires ou culturels.

Je plaide pour une densification raisonnée ; ce texte peut aider certains, mais mon appréciation d'ensemble est vraiment partagée sur ce texte.

M. Daniel DuboisS'il ne s'agit pas d'opposer PLU et secteur de projet, force est de constater que le règlement peut tuer l'intérêt du projet. C'est un débat que nous avons déjà eu, mais dont l'intérêt est confirmé lorsqu'un projet sur lequel toutes les parties prenantes s'étaient mises d'accord n'est pas réalisable du seul fait de l'application des règles auxquelles il n'est pas possible de faire exception.

M. Charles RevetBien sûr !

M. Thierry Repentin, rapporteurNe soyez pas étonnés que je fasse référence à Dominique Braye pour son travail législatif pour lequel j'ai le plus grand respect. Lorsqu'il était rapporteur de notre commission sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, la loi « Boutin », nous avons soutenu les mêmes amendements contre le projet de majoration obligatoire des COS, et c'est au nom de notre commission qu'il défendait la possibilité de majorer le COS à hauteur de 20 % là où les élus le souhaitaient. Nous avions ainsi voté l'article 10 de cette loi permettant, par délibération, de majorer sur tout ou partie de la commune les droits à construire.

Charles Revet, la disposition existante est très simple, la commune devant simplement porter cette décision à la connaissance de ses habitants qui ont alors un mois pour dire s'ils sont d'accord ou non. Par sa souplesse, cette procédure se distingue très nettement de la révision ou de la modification d'un PLU. Elle illustre aussi l'idée rappelée par nos collègues Daniel Dubois, Martial Bourquin et Joël Labbé, selon laquelle l'urbanisme est la traduction du projet d'une collectivité.

J'ai entendu dire qu'il fallait saisir ce texte pour responsabiliser les élus, comme s'ils ne l'étaient pas déjà assez !

J'ajoute qu'une autre vertu de la loi Molle est d'obliger les communes à faire, en 2012, un bilan de l'évolution de leur PLU et d'indiquer les raisons pour lesquelles elles n'auraient pas appliqué la majoration de 20 %, ce qui donnera l'occasion de débats très intéressants au sein de nos collectivités.

À Élisabeth Lamure qui s'interroge sur le point de savoir si le projet de loi occasionnerait des charges supplémentaires pour les communes, je répondrais que, dans les collectivités qui, comme la mienne, ne pourront, faute de moyens, réaliser la note d'information, le recours à des prestataires extérieurs sera nécessaire.

Mme Élisabeth LamureCe n'est donc pas une étude d'impact...

M. Thierry Repentin, rapporteur...il ne saurait pourtant s'agir d'une simple formalité, l'article 7 de la Charte de l'environnement disposant que nous devons réaliser des notices d'impact sur l'environnement des mesures d'urbanisme, dès lors que celles-ci peuvent avoir une incidence environnementale. La note exigée devra donc bien prendre en compte les conséquences attendues d'une majoration du plafond. Cette obligation se fonde aussi sur l'article 9 de la loi Grenelle II que la gauche a voté, comme au demeurant l'article 10 de la loi MOLLE.

Daniel Dubois pose les questions que nous nous posons tous, mais le risque ici est que n'y soient pas apportées les bonnes réponses. Les représentants des lotisseurs, des promoteurs immobiliers et des entreprises du bâtiment, y compris la Fédération française du bâtiment, nous ont par exemple indiqué que ce texte ne répondait pas à leurs attentes, les deux premiers faisant valoir qu'ils n'utilisaient déjà pas tout le COS autorisé dans les PLU.

Nombre de maires demandent en effet de revoir à la baisse l'utilisation des COS existants, tandis que, par ailleurs, l'évolution du coût des terrains et de la construction a fait que la taille des nouvelles constructions a diminué en moyenne d'un à deux mètres carrés par an au cours des dix dernières années.

Au total la mesure proposée n'augmentera donc pas la constructibilité. Le seul point positif souligné par nos interlocuteurs est l'intérêt qu'en retireront les propriétaires de terrain à bâtir.

Comme je viens de vous le rappeler, il nous est arrivé par le passé de soutenir les propositions du rapporteur de l'ancienne majorité, et l'inverse me semble possible puisque les arguments n'ont pas changé.

Quant aux recours abusifs et à la définition des zones tendues, il s'agit de vraies questions qui ne peuvent pas être traitées au détour d'un projet de loi composé d'un seul article. En matière d'urbanisme, rien n'est simple car le diable gît dans les détails. Nous avons besoin de reprendre dans son ensemble la procédure des recours sur les permis de construire, ce que nous aurions peut être pu faire à l'occasion de la loi de simplification du droit, dite Warsmann.

Mais pour l'heure, ne prenons pas le risque de nous prononcer trop rapidement et sans concertation, au détour d'amendements qui pourraient se révéler être de véritables nids à contentieux supplémentaires.

Conformément à la philosophie du président de la République, qui veut un texte très court et dans le prolongement des travaux de l'Assemblée nationale, nous vous proposons donc de nous en tenir à un seul article.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Aucun des promoteurs ou constructeurs rencontrés ne nous a parlé d'un problème de saturation des COS. En revanche, tous constatent le fossé qui se creuse entre les prix de l'immobilier qui flambent et les revenus qui stagnent.

Par ailleurs, l'effet mécanique de la majoration des COS de 30 % sera bien le renchérissement automatique des terrains. Le ministre prétend que cette hausse se répartira sur le nombre de logements à construire, mais rien n'est moins sûr puisque nulle part dans ce texte ne sont posées de conditions à l'application de la majoration des droits. Rien notamment à propos des équipements publics. Dès lors, sauf à imaginer une conversion vertueuse spontanée des promoteurs immobiliers, le renchérissement du prix des terrains est inévitable.

En conséquence, si vous souhaitez utiliser le droit de préemption de la commune vous le subirez, ce qui n'est pas satisfaisant, surtout lorsque l'on sait que ce renchérissement profitera peu aux collectivités, les impôts fonciers représentant moins de 1 % des recettes fiscales.

Ensuite, si le rapporteur de l'Assemblée nationale, Bernard Gérard, a pris des exemples tout a fait pertinents, comme celui d'un enfant handicapé que les parents étaient contraints de loger dans un garage faute de pouvoir construire davantage, ces cas particuliers sont sans rapport avec l'objectif d'augmentation du nombre de logements assigné à ce texte par le gouvernement, objectif que nous pouvons atteindre en optimisant les possibilités de majorations existantes.

J'évoquerai enfin les réflexions d'un professeur de droit de l'université de Paris II sur la « note d'information », d'ailleurs dénommée ainsi suite aux inquiétudes soulevées lors des débats à l'Assemblée, mais qui constitue en fait un Ersatz d'étude d'impact.

Certes, le ministre Benoist Apparu nous dira sans doute que la note d'information ne fait pas grief et que personne ne pourra l'attaquer, mais la délibération sera pourtant prise sur le fondement de celle-ci ! N'importe quel juriste vous confirmera que, dés lors que la collectivité qui aurait modifié unilatéralement le PLU aurait dû procéder à une enquête publique, elle devra, parallélisme des formes oblige, fournir les mêmes documents à l'appui de la note d'information, puisque les objets des deux procédures sont identiques. Le risque de contentieux est donc très important.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article additionnel avant l'article unique

M. Thierry Repentin, rapporteur. - L'amendement n° 7 étend les possibilités de cession avec décote aux immeubles de l'État, cette dernière pouvant atteindre 100 % pour la construction de logements locatifs sociaux.

L'amendement n° 17 est adopté.

Article additionnel avant Article unique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. REPENTIN, rapporteur

17

Cet amendement étend les possibilités de cession avec décote aux immeubles de l'État et permet une décote pouvant atteindre 100 %

Adopté

Article unique

M. Daniel Raoul, présidentLes amendements n°s 1, 2, 6, 4, 14 et 5 sont en discussion commune.

M. Thierry Repentin, rapporteur. - Les amendements identiques n°s 1 et 2 proposent la suppression de l'article unique du projet de loi à laquelle, compte tenu de ce qui a déjà été dit, je suis favorable.

Les amendements n°s 6, 4 et 14 visent tous trois à restreindre le champ d'application de l'article unique aux zones urbaines ou à urbaniser, ou pour l'amendement n° 14, aux zones tendues en matière d'offre de logements. Avis défavorable à ces amendements qui, de toute façon, tomberont si les amendements de suppression sont adoptés.

L'amendement n° 5 subordonne le bénéfice de la majoration des droits à construire au versement par leurs bénéficiaires d'une contribution affectée au financement de logements sociaux. Tout en étant sensible à la préoccupation qu'il traduit, rappelons que cet amendement tomberait si l'article unique est supprimé, ce que je préconise.

Sur le fond, il confirme la nécessité d'un véritable débat sur la construction des logements bien plus large que l'article unique de ce projet de loi.

M. Daniel Raoul, présidentPourquoi cet amendement ne concerne-t-il que les communes touristiques ?

M. Daniel Dubois. - Dans ces communes, il est particulièrement nécessaire qu'une partie des profits tirés par les promoteurs de l'augmentation de la densité de logements touristiques puisse profiter à la construction de logements sociaux en coeur de ville.

M. Daniel Raoul, présidentLa mesure pourrait toutefois être plus large.

M. Jean-Jacques LasserreCela concerne notamment les logements des saisonniers qui constituent l'une des préoccupations de Jean-Paul Amoudry.

Les amendements identiques n°s 1 et 2 sont adoptés.

Les amendements n°s 6, 4, 14 et 5 deviennent sans objet.

Article unique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. LE CAM

1

Amendement de suppression de l'article unique.

Adopté

M. FILLEUL

2

amendement de suppression de l'article unique

Adopté

M. CÉSAR

6

Cet amendement vise à restreindre le champ d'application de l'article unique aux zones urbaines ou à urbaniser

Satisfait ou sans objet

M. DOUBLET

4

Cet amendement vise à limiter l'effet de la majoration des droits à construire aux zones urbaines ou à urbaniser.

Satisfait ou sans objet

M. JARLIER

14

Cet amendement limite le champ d'application de la loi aux communes situées dans les zones géographiques caractérisées par un déséquilibre manifeste entre l'offre et la demande de logements, définies par décret

Satisfait ou sans objet

M. AMOUDRY

5

Cet amendement subordonne le bénéfice de la majoration des droits à construire au versement par les bénéficiaires des droits majorés d'une contribution affectée au financement des logements sociaux.

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article unique

M. Gérard CornuIl n'y a plus de texte !

M. Thierry Repentin, rapporteurIl y a toujours un texte dans la mesure où nous avons adopté un article additionnel avant l'article unique. En outre, plusieurs amendements visent eux aussi à introduire de nouveaux articles.

L'amendement n° 3 devient sans objet, du fait de la suppression de l'article unique.

L'amendement n° 3 devient sans objet.

M. Thierry Repentin, rapporteurL'amendement n° 7, sans lien direct avec le texte, propose de procéder au classement de terrains nouveaux en zone constructible au moyen de la procédure de révision simplifiée du PLU. J'y suis défavorable parce que c'est à dessein, c'est-à-dire pour préserver les espaces naturels et agricoles, et lutter contre l'étalement urbain et le mitage, que le code de l'urbanisme soumet l'ouverture à l'urbanisation de nouvelles zones à une procédure de révision en bonne et due forme. Nous en avions déjà beaucoup parlé lors des débats sur le Grenelle de l'environnement.

M. Charles RevetJe ne comprends pas du tout la position du rapporteur. Il existait il n'y a pas si longtemps une procédure de révision simplifiée permettant de réinscrire des terrains appropriés en zone constructible, procédure que cet amendement vise seulement à rétablir. Au demeurant, l'objet du projet de loi étant de développer la construction, encore faut-il disposer de terrains.

M. Daniel Raoul, présidentCet amendement n'a pas de lien direct avec le texte dans la mesure où il propose de créer de nouvelles zones constructibles, et non de densifier les terrains qui le sont déjà.

M. Thierry Repentin, rapporteurLe projet de loi vise en effet à augmenter la constructibilité d'un terrain déjà urbanisé ou défini comme constructible par le PLU. Par ailleurs, ces règles de constructibilité peuvent être modifiées par une procédure simplifiée. Je vous propose de nous y tenir.

L'amendement n° 7 est rejeté.

M. Thierry Repentin, rapporteurL'amendement n° 9 aurait, comme les précédents, pour conséquence de favoriser l'étalement urbain. Je recommande son rejet.

L'amendement n° 9 est rejeté.

M. Thierry Repentin, rapporteurL'amendement n° 8 a un objet très proche des précédents, et je propose donc de le rejeter dans la mesure où l'enquête publique constitue un élément important d'information du public. Or, rendre possible la délibération du conseil municipal en l'absence de rapport d'enquête viderait la procédure de consultation de son sens.

L'amendement n° 8 est rejeté.

M. Thierry Repentin, rapporteurJe propose le rejet de l'amendement n° 10 qui assouplit la procédure de délivrance des permis de construire dans les communes où s'applique le règlement national d'urbanisme. Le dispositif proposé n'est pas assez encadré et peut entraîner des dérives.

L'amendement n° 10 est rejeté.

M. Thierry Repentin, rapporteurLes trois amendements n°s 12, 15 et 16 portent sur les recours abusifs, question sans lien direct avec celle de la constructibilité. Le premier d'entre eux prévoit qu'un requérant débouté soit automatiquement condamné pour recours abusif. J'émets un avis défavorable.

M. Pierre HérissonCela fait vingt ans que l'on tente, sans succès, de régler la question des recours abusifs, avec pour seul avantage de recevoir des centaines de lettres de personnes scandalisées par cette démarche.

Mme Élisabeth LamureIl existe bien un lien entre les recours abusifs et le texte. Par quel biais, selon vous, le projet de loi pourrait-il aborder cette question ?

M. Thierry Repentin, rapporteurUne question aussi importante, posée depuis plusieurs années, ne peut être traité en seulement trois jours. Aussi ne peut-il s'agir que d'amendements d'appel à destination du gouvernement, et plus précisément du Garde des Sceaux. En outre, la première de ces propositions, qui impose de verser à l'appui de tout recours devant le tribunal administratif une caution non restituable en cas de rejet de la demande, est très probablement inconstitutionnelle.

Tout recours perdu n'est pas nécessairement un recours abusif.

L'amendement n° 12 est rejeté.

M. Thierry Repentin, rapporteurL'amendement n° 15 propose quant à lui de lutter contre les recours abusifs en matière d'urbanisme en durcissant les critères définissant la qualité à agir dans ce domaine. Sans rapport, lui non plus, avec le texte, cet amendement ajuste les droits des justiciables de façon disproportionnée par rapport à son objectif.

M. Daniel DuboisCet amendement a bien un lien avec le texte dans la mesure où il favorise la densification des constructions. Je rappelle qu'une question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée quant à cette disposition en juillet dernier. Cet amendement, qui précise ce qu'est l'intérêt à agir, ne fait que transposer dans la loi des critères dégagés par la jurisprudence. Il s'agit de lutter contre des associations mafieuses, qui s'organisent pour déposer des recours contre les permis de construire et toucher de l'argent. C'est aussi dans cet esprit que l'amendement suivant n° 16 porte de 3 000 à 15 000 euros l'amende pour recours abusif, près de 15 % des permis de construire étant contestés chaque année.

M. Daniel Raoul, président. - Pourquoi pas 30 000 euros ?

L'amendement n° 15 est rejeté.

M. Thierry Repentin, rapporteurL'amendement n° 16 procède de la même philosophie que les précédents.

L'amendement n° 16 est rejeté.

M. Thierry Repentin, rapporteurL'amendement n° 13, relatif à l'application de la loi du 15 juin 2011, concerne les modalités de l'application anticipée du projet de schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF), adopté en 2008. A l'évidence, il s'agit d'un cavalier et n'a donc pas sa place dans ce texte.

L'amendement n° 13 est rejeté.

Article(s) additionnel(s) après Article unique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SAVIN

3

Cet amendement subordonne le bénéfice de la majoration des droits à construire au respect d'un pourcentage minimum de logements en accession sociale sécurisée dans le programme de construction.

Satisfait ou sans objet

M. REVET

7

Cet amendement propose de procéder au classement de terrains nouveaux en zone constructible au moyen de la procédure de révision simplifiée du PLU

Rejeté

M. REVET

9

Cet amendement a pour but de permettre le classement de nouveaux terrains en zone constructible de au moyen de la procédure de révision simplifiée

Rejeté

M. REVET

8

Cet amendement vise à accélérer la procédure de révision simplifiée des documents d'urbanisme en prévoyant que si le commissaire enquêteur n'a pas transmis son rapport au préfet dans un délai de deux mois à compter de la clôture de l'enquête, le conseil municipal prend une délibération motivée au vu des registres d'enquête.

Rejeté

M. REVET

10

Cet amendement modifie la procédure de délivrance des permis de construire dans les communes soumises au règlement national d'urbanisme : le permis serait accordé de droit, en l'absence de recours dans le délai de deux mois, après avis favorable du conseil municipal

Rejeté

Mme LAMURE

12

Cet amendement vise à lutter contre les recours abusifs par l'application d'une caution obligatoire pour responsabiliser le requérant.

Rejeté

M. DUBOIS

15

Cet amendement propose un dispositif de lutte contre les recours abusifs en matière d'urbanisme en durcissant les critères définissant la qualité à agir dans les recours en matière d'urbanisme

Rejeté

M. DUBOIS

16

Cet amendement alourdit les sanctions en cas de recours abusif et transforme la procédure pouvant conduire le juge à se prononcer sur un recours abusif

Rejeté

M. G. LARCHER

13

Cet amendement modifie la loi du 15 juin 2011visant à faciliter la mise en chantier des projets dans les collectivités locales d'Île-de-France

Rejeté

M. Thierry Repentin, rapporteurL'amendement n° 18 tire les conséquences du travail de la commission en modifiant l'intitulé du projet de loi.

M. Charles RevetCompte tenu de cette modification de l'intitulé du texte, il me semble que mes amendements y trouveraient désormais toute leur place...

M. Daniel Raoul, présidentVous pourrez les redéposer en vue de la discussion en séance.

L'amendement n° 18 est adopté.

Intitulé du projet de loi

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. REPENTIN, rapporteur

18

Cet amendement modifie le titre du projet de loi pour tenir compte des modifications qui lui ont été apportées.

Adopté

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mécanisme pour l'interconnexion en Europe- Examen du rapport et du texte de la commission

Enfin, la commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 347 (2011-2012), sur le mécanisme pour l'interconnexion en Europe.

M. Daniel Raoul, président. - Nous allons entendre le rapport de Roland Ries sur le texte de la commission pour une proposition de résolution européenne portant sur le « Mécanisme pour l'interconnexion en Europe ».

M. Roland Ries, rapporteur. - La commission des affaires européennes du Sénat a adopté le 7 février un projet de résolution sur le « Mécanisme pour l'interconnexion en Europe » (MIE), qu'elle nous a transmis pour un examen au fond. Avec le MIE, la Commission de Bruxelles veut relancer la politique des réseaux transeuropéens initiée il y a vingt ans avec le traité de Maastricht et qui a porté pour l'essentiel sur le transport de voyageurs et le fret. Elle propose d'étendre cette politique aux secteurs de l'énergie et des télécommunications, et d'interconnecter les réseaux pour concilier l'efficacité économique avec l'efficacité énergétique. Il ne s'agit donc plus seulement d'achever le marché unique en pensant à la concurrence et à la compétitivité, mais aussi de limiter l'impact énergétique des infrastructures. Je rappelle que l'Union européenne poursuit l'objectif dit des « trois 20 » : à l'horizon 2020, réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, accroître l'efficacité énergétique de 20 % et atteindre 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale. Y parvenir est l'objet du MIE et des textes d'orientation qui l'accompagnent. Ainsi, je vous présente aujourd'hui cinq propositions de règlements européens, soit plus de cent articles législatifs : la proposition de règlement établissant le MIE ; les trois propositions de règlement fixant les orientations pour les réseaux transeuropéens de transports, d'énergie et de télécommunications ; la proposition de règlement relatif aux emprunts obligataires destinés à financer des projets prioritaires, couramment dénommés « project bonds ».

Les trois documents d'orientation énoncent les priorités de l'Union, sa méthode de travail et ses outils autres que financiers. On constate d'emblée leur hétérogénéité, car une structure et un vocabulaire parfois communs ne parviennent pas à dissimuler des réalités disparates : les outils sont précis pour le transport, vagues pour les télécommunications et incertains pour les réseaux énergétiques.

En matière de transports, le règlement établit une carte précise de ce que la Commission dénomme « le réseau global », c'est-à-dire l'ensemble des infrastructures reliant les grands centres urbains et leurs portes d'accès dans l'Europe des 27, le mot infrastructures désignant les voies et leurs équipements.

À partir de ce réseau global, la Commission identifie un « réseau central » formé par les segments et tronçons présentant « la plus haute importance stratégique pour atteindre les objectifs de la politique du réseau transeuropéen de transport ». Il s'agit en pratique des chaînons manquants, des goulets d'étranglement et des incohérences dans les systèmes d'information, bref, de tous les obstacles à la constitution d'un réseau efficace et fiable.

La proposition de règlement définit ensuite une série « d'exigences » que les infrastructures devront respecter, d'ici 2030 pour le réseau central et 2050 pour le réseau global. Elles sont précises pour chaque forme de transport, qu'il soit effectué par voie ferroviaire, par voie navigable, par route, par mer ou par air. Ainsi, toute plate-forme ferroviaire devra contenir au moins un terminal ouvert à tous les opérateurs et appliquer des redevances transparentes ; l'information des voyageurs et les billetteries devront porter sur l'ensemble du réseau européen ; les lignes devront toutes être équipées du même système de surveillance du trafic, avec un standard exigeant pour le fret ferroviaire. Nous en sommes loin ! Ne perdons pas de vue que les États membres devront satisfaire par leurs propres moyens à ces exigences, qui seront renforcées pour le réseau central. Ainsi, l'électrification de toutes les lignes ferroviaires imposerait à la France de dépenser quelque 2 milliards d'euros pour 1 000 kilomètres de lignes. Dans le même esprit, les voies rapides devraient être équipées de parkings sécurisés tous les 50 kilomètres...

Toujours pour le transport, la Commission européenne propose des « corridors de réseau central », en quelque sorte le squelette du réseau, qu'elle entend aider plus particulièrement. Un corridor associe des modes de transport -par exemple le train, puis la voie d'eau et à nouveau le train- avec des équipements de transbordement pour un acheminement rapide et propre. La réalisation d'un corridor demande une grande préparation, c'est pourquoi la Commission européenne propose de nommer des « coordonnateurs de corridor ». Dans un précédent avis, nous avons dit pourquoi leur rôle directeur dans la programmation nous paraissait porter atteinte au principe de subsidiarité. La Commission de Bruxelles propose en outre d'encadrer le développement des corridors avec une « plate-forme de corridor », associant un groupement d'intérêt économique et un « plan de développement de corridor » adopté six mois après la publication du règlement et comportant des mesures précises et contraignantes.

Comme vous le voyez, tout paraît prêt pour passer à la phase opérationnelle des grands réseaux européens de transport. Il en va tout autrement pour l'énergie et les télécommunications. En effet, la proposition de règlement « énergie » définit les critères des projets d'intérêt commun et dresse, elle aussi, une carte de corridors d'acheminement que la Commission entend rendre prioritaires, mais les projets sont moins localisés que ceux du volet « transports ». La proposition de règlement confie simplement à la Commission le soin d'établir une liste de projets d'intérêt commun répondant aux objectifs poursuivis. Parmi les critères, je relève que ces projets devront être viables sur les plans économique, social et environnemental. Ils devront en outre concerner au minimum deux États membres et respecter un ensemble de critères. Surtout, la gouvernance envisagée est bien plus légère : une fois autorisés, les projets feront simplement l'objet d'un suivi par l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie.

Enfin, la proposition de règlement sur les télécommunications est encore plus indicative, pour ne pas dire nébuleuse. On y évoque bien des projets d'intérêt commun et des priorités - en particulier le déploiement de réseaux à très haut débit de 100 mégabits par seconde, la desserte en haut débit à 38 mégabits par seconde des régions les moins accessibles ou le soutien à des plates-formes centrales de services numériques - mais on reste loin d'une liste précise. Aucune proposition de gouvernance n'est formulée. En fait, l'intérêt même des soutiens européens à l'interconnexion des réseaux de télécommunication numérique est incertain, puisque l'interconnexion leur est consubstantielle. Ce qui manque, c'est surtout la taille du réseau dans les zones peu denses.

J'en viens maintenant à la proposition de règlement au sujet des emprunts obligataires destinés à financer des projets, ce que l'élégante brièveté anglo-saxonne dénomme « project bonds ». Il s'agit tout simplement de l'argent que la Commission propose pour les années 2014 à 2020. On mesure ici le véritable tournant opéré au moins dans ses services : il faudra faire bien plus qu'avant, avec juste un peu plus de moyens, mais avec un « effet de levier » que la Commission espère substantiel. On ne peut que partager ce voeu, bien que sa réalisation ne soit pas assurée.

Le MIE est certes un fonds dédié aux infrastructures, mais c'est aussi une nouvelle hiérarchie dans la politique des réseaux transeuropéens, avec des critères précis permettant d'allouer des ressources qui semblent toujours plus maigres quand les ambitions grandissent. La Commission propose à l'Union de dépenser quelque 50 milliards d'euros entre 2014 et 2020 pour ses réseaux transeuropéens de transport, d'énergie et de télécommunications. Je précise qu'aucune décision budgétaire n'a été prise.

C'est beaucoup, puisque l'Europe n'aura dépensé que 8 milliards d'euros pour ses réseaux de transport de 2007 à 2013, mais ce n'est pas énorme si l'on se réfère aux besoins identifiés par la Commission européenne pour parvenir au marché unique tel qu'elle le rêve, car les chiffres sont astronomiques : il faudrait consacrer 1 000 milliards d'euros d'ici 2020 pour le transport d'électricité et de gaz et pour un réseau transfrontalier de transport de CO2 ; achever le réseau transeuropéen de transport coûterait 500 milliards d'ici 2020 et 1 500 milliards d'ici 2030 ; enfin 270 milliards seraient nécessaires pour mettre le haut débit ultrarapide à disposition de tous les Européens d'ici 2020.

M. Daniel Raoul, président. - Au diable l'avarice !

M  Roland Ries, rapporteur. - Dans ces conditions, le MIE permet de concentrer des moyens au service de priorités identifiées. Ces moyens sont augmentés, avec 50 milliards d'euros pour la période 2014-2020, soit 31,7 milliards pour les transports, 9,1 milliards pour l'énergie et 9,2 milliards pour les télécommunications. Parallèlement, les taux de subvention seront augmentés par rapport à ceux aujourd'hui en vigueur : les études seront subventionnées jusqu'à 50 %, les infrastructures ferroviaires jusqu'à 20 % - voire 40 % pour les tronçons transfrontaliers -, le système européen de gestion du trafic ferroviaire étant subventionné jusqu'à 30 %. Cependant, seules les actions contribuant à un projet d'intérêt commun pourront être aidées. Il ne sera plus question d'utiliser pour la route des financements destinés au rail, comme cela s'est fait pour des subsides versés par le Fonds de cohésion. Parmi les crédits proposés pour le transport, plus de 80 % seront « réservés aux projets d'intérêt commun du réseau central ». Cette focalisation est une première illustrant l'ensemble de la proposition. Enfin, la Commission pourra réviser le programme pluriannuel, modifier la liste des projets et diminuer voire même annuler l'aide en cas de retard très important.

J'en viens aux « project bonds ». Leur principe est simple : des crédits seront confiés à la Banque européenne d'investissement pour rehausser ses emprunts obligataires, l'objectif explicite étant qu'ils passent d'une note B/B+ à une note A/A- sur les marchés financiers. La Commission attend un effet multiplicateur compris entre 15 et 20. C'est considérable. La proposition de règlement organise une phase pilote en 2012-2013, destinée à préparer la phase opérationnelle de la programmation 2014-2020. Pendant cette phase pilote, les moyens sont obtenus par redéploiement ; pour la suite, la Commission évoque 500 millions d'euros.

Que penser de cette politique de réseaux transeuropéens ?

Je souscris pleinement à la proposition de résolution déposée par la commission des affaires européennes, puisque j'ai accepté de poursuivre ici l'examen de ce texte précisément pour donner plus d'ampleur à ce que celle-ci avait fait. Je pense que chacun de nous se félicite de la vision d'ensemble développée par la Commission européenne avec le MIE, assorti de nouveaux outils. La politique européenne de transports, d'énergie et de télécommunications prend une dimension nouvelle. Il est bon qu'elle ne se réduise pas à une ouverture à la concurrence libre et non faussée. J'ajoute que les retards importants justifient un pilotage centralisé et ciblé des crédits européens préconisé par la Commission.

De même, les 50 milliards d'euros représentent incontestablement des dépenses d'avenir soutenant la croissance et améliorant l'attractivité du Vieux Continent. La France a tout intérêt à cette augmentation du budget européen, parce que nous avons plusieurs projets d'infrastructures importantes qui sont « prêtes à financer ». Il reste toutefois « à ne pas surfinancer des projets viables commercialement » comme l'a souhaité la commission des affaires européennes, afin que le MIE n'appuie que des projets dont la réalisation suppose un soutien public.

S'agissant de la gouvernance des projets d'intérêt européen, je pense que la commission des affaires européennes a raison d'inciter le législateur communautaire à la prudence : quand des projets d'infrastructure butent sur l'opposition des populations riveraines, il serait illusoire de compter sur l'échelon européen pour trouver une solution, sauf via le financement de mesures comme l'enfouissement d'un ouvrage.

Enfin, en accord avec la commission des affaires européennes, j'estime que la Banque européenne d'investissement et l'Union doivent démontrer les avantages du nouvel outil financier proposé. Il faudrait au moins l'évaluer précisément. C'est ce que demande la proposition.

J'en viens aux amendements destinés à compléter le texte de la commission des affaires européennes.

Je proposerai trois amendements portant sur le volet « transports », pour que la Commission ne puisse pas modifier la liste des projets communs, pour que les exigences relatives au réseau global et au réseau central soient évaluées au plus tard fin 2023 et pour que les Parlements nationaux se prononcent sur le plan de développement de corridors de réseau central.

Sur le volet « énergie », je proposerai un amendement tendant à mieux prendre en compte les besoins nationaux en matière de réseaux d'électricité, mais aussi pour que les financements de projets nationaux ne soient pas diminués par les projets d'intérêt commun.

Enfin, je vous proposerai trois amendements sur le volet « télécommunications », afin que le règlement européen précise les projets d'intérêt commun, pour que le financement aille prioritairement aux projets véritablement transeuropéens mais dépourvus d'autres financements communautaires, enfin pour que soit rendus éligibles notamment les réseaux de collecte régionaux destinés à desservir des territoires locaux en très haut débit.

M. Daniel Raoul, président. - Comment peut-on envisager de dépenser 50 milliards entre 2014 et 2020 sans ressources nouvelles ? M. Hervé Jouanjean, directeur général du budget de la Commission nous a dit qu'il pensait à des ressources propres, sans majorer les contributions versées par les États membres.

Mme Bernadette Bourzai. - Je félicite le rapporteur pour l'enrichissement proposé au texte de la commission des affaires européennes, prise par le temps. Les questions européennes sont essentielles pour l'avenir du continent, mais aussi pour celui de notre pays.

Le débat sur le cadre financier pour 2014-2020 viendra plus tard. M. Hervé Jouanjean estime que les propositions très volontaristes de la Commission reposent sur le redéploiement de 10 milliards d'euros pris sur les fonds structurels, 40 milliards d'euros s'ajoutant grâce au redéploiement d'autres dépenses ou grâce à des ressources nouvelles. Il en sera sans doute question ce soir lors du débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars.

À propos du MIE, nous devons être très fermes quant à la nécessité d'un effet de levier atténué destiné à construire une politique européenne consacrée pour la première fois à autre chose qu'à la concurrence : nos réseaux de transports, d'énergie et de télécommunications doivent devenir plus efficaces, ce qui justifie d'accorder des aides spécifiques aux régions à faible densité ou subissant des handicaps naturels.

M. Michel Teston. - La Commission entend incontestablement reprendre en main une partie des subsides du Fonds de cohésion. S'agissant des transports, sur 31,7 milliards prévus, seulement une dizaine provient des fonds de cohésion. Le libéralisme, auquel la Commission semble tourner le dos, reviendra-t-il sous forme de partenariats public-privé européens ? Qu'est-il envisagé ?

M. Ronan Dantec. - Tout comme le rapporteur, j'estime intéressant que l'Europe assume son rôle planificateur. Les « corridors » devront-ils d'abord soutenir les territoires en retard ou favoriseront-ils la partie la plus industrialisée de l'Europe ?

M. Charles Revet. - Je remercie le rapporteur pour son travail fort complet sur un sujet technique. Nous nous réjouissons que l'Europe apporte son concours à une meilleure interconnexion des réseaux : comme rapporteur pour avis sur le budget des ports maritimes, j'ai souvent regretté l'insuffisance des connexions avec les réseaux de transport, notamment ferroviaires.

Je m'interroge toutefois sur les conditions d'une coordination efficace, car nous n'avons que trop l'expérience de ces couches superposées qui retardent les projets. Les ajouts et compléments d'étude finissent par tuer les projets en les renchérissant.

M. Roland Ries, rapporteur. - Le sujet d'aujourd'hui est politique, avec des ramifications techniques complexes.

S'agissant des 50 milliards, je ne peux préjuger du débat budgétaire pour la période 2014-2020. La Commission affiche sans doute une ambition élevée pour pouvoir négocier mieux qu'en partant des 8 milliards dépensés au cours de la période précédente. Les États membres devront trouver 90 % des financements ! Certains diront que nous sommes dans le rêve, mais j'insiste sur le passage d'actions décidées au coup par coup, essentiellement dans le domaine des transports, à une approche structurée associant trois familles d'infrastructures.

Bernadette Bourzai, vous avez raison de dire que les fonds publics doivent servir à irriguer les zones non rentables en infrastructures de télécommunications. J'ajoute que nous devrons être vigilants quant à l'empilement des procédures lorsque plusieurs pays interviendront sur un même corridor.

Michel Teston, nul n'a envisagé de partenariat public-privé européen. Les project bonds doivent permettre de drainer davantage de capitaux privés pour financer des réseaux de télécommunications.

Ronan Dantec, il n'est pas certain que les fonds bénéficieront prioritairement aux pays qui en auront le plus besoin.

M. Ronan Dantec. - Les 1 500 milliards que vous avez mentionnés sont-ils géographiquement répartis ?

M. Roland Ries, rapporteur. - Non : les chiffres portent sur l'ensemble du réseau.

Charles Revet, les mesures de rétorsion envisagées en cas de retard inciteront sans doute à respecter le calendrier.

M. Daniel Raoul, président. - Je ne suis pas certain qu'il soit simple de déterminer les projets prioritaires, sauf si la Commission se consacre exclusivement à la dorsale, laissant les États membres s'occuper de la diffusion, afin d'éviter que certains pays ne s'en remettent trop à l'Europe.

M. Roland Ries, rapporteur. - Il faudra bien soutenir la dorsale, mais aussi les territoires les moins denses, où le marché n'ira pas. La France fut électrifiée à la fin du XIXsiècle et au début du XXe grâce aux fonds publics investis dans les profondeurs rurales. Chacun sait que le marché est aveugle.

Mme Bernadette Bourzai. - La direction générale de la mobilité et des transports travaille depuis deux ans sur l'état des lieux. Elle a constaté que de nombreux projets de chemin de fer financés dans de nouveaux États membres n'étaient pas réalisés, car les pays préfèrent développer leurs infrastructures routières. La Commission a donc trouvé ce moyen pour ramener le débat vers des moyens de transport durables.

Parmi les corridors envisagés, certains traverseront la France. La liaison Lyon-Turin est extrêmement difficile, surtout quant à son acceptation par la population. La Commission européenne veut nommer des coordonnateurs de corridors pour accélérer le projet.

Les financements nationaux, régionaux et locaux ne disparaîtront pas, mais l'Europe veut faciliter les choses et assurer la cohérence de chaque projet de bout en bout, pour assurer son efficacité. Dans cet esprit, l'Europe a financé l'enfouissement des lignes à haute tension allant de France en Catalogne. Le risque d'une atteinte à la subsidiarité est réel, mais il ne faut pas bloquer l'organisation du territoire européen, même lorsqu'il s'agit d'achever le marché intérieur.

M. Daniel Raoul, président. - On comprend bien le réseau central de transports et d'énergie, mais celui des télécommunications relève d'une autre approche.

Mme Bernadette Bourzai. - Dans ce domaine, les investissements seront, pour l'essentiel, réalisés par le secteur privé.

M. Roland Ries, rapporteur. - Nous sommes en terrain connu s'agissant des transports, moins pour l'énergie. Les télécommunications constituent un sujet nouveau.

M. Daniel Raoul, président. - La continuité des transports et même de l'énergie est indispensable pour que le marché fonctionne, mais les télécommunications n'ont pas besoin de continuité territoriale.

EXAMEN DES AMENDEMENTS.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 1 tend à éviter que la programmation établie ne soit modifiable en permanence.

L'amendement n°1 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - La réalisation des exigences étant à la seule charge des États membres, l'amendement n° 2 dispose que toute adaptation ne peut se faire qu'en partant de leur avis. La Commission européenne paiera 10 %, les États membres 90 % : qui paye le plus contrôle le plus.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 3 relève du même esprit : ne faisons pas de chèque en blanc à la Commission européenne.

M. Gérard César. - Nous ne pouvons que le soutenir !

L'amendement n°3 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 4 aborde le secteur de l'énergie, tout en défendant la subsidiarité, pour que le réseau européen ne soit pas réalisé au détriment de ceux des États membres.

L'amendement n °4 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n°5 porte sur le volet numérique, dont le mécanisme d'interconnexion doit être précisé.

L'amendement n °5 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 6 tend à éviter le financement par de multiples guichets, voire par des vases communicants.

L'amendement n° 6 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - Si l'amendement n° 7 est adopté, la résolution limitera le MIE en matière de télécommunications à la modernisation d'infrastructures constituant un réel enjeu pour chaque État membre et ne faisant pas encore l'objet d'interventions publiques. Je pense notamment aux réseaux de collecte régionaux desservant des territoires locaux, dont l'équipement en fibre optique est indispensable à une transition vers le très haut débit.

Je souhaite que l'on n'en reste pas à la dorsale, car il faut irriguer en profondeur tout le territoire.

L'amendement n° 7 est adopté.

TABLEAU DES SORTS

Texte de la proposition de résolution européenne

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. RIES, rapporteur

1

Encadrement du pouvoir de modification par la Commission européenne de la liste des projets d'intérêt commun.

Adopté

M. RIES, rapporteur

2

Evaluation, au plus tard fin 2013, de la pertinence des " exigences " posées pour le réseau global et le réseau central de transport, en vue d'une adaptation éventuelle aux contraintes pesant sur les Etats-membres.

Adopté

M. RIES, rapporteur

3

Saisine pour avis des parlements nationaux des plans de développement de corridors les concernant.

Adopté

M. RIES, rapporteur

4

Prise en compte, lors de la définition des projets d'intérêt commun, des besoins nationaux en matière de réseaux d'électricité ainsi que de l'impact de leur réalisation.

Adopté

M. RIES, rapporteur

5

Précision des projets soutenus dans le cadre du volet " numérique " du mécanisme pour l'interconnexion en Europe.

Adopté

M. RIES, rapporteur

6

Priorité donnée aux projets du volet " numérique " ayant une dimension véritablement transeuropéenne ne faisant pas déjà l'objet d'autres soutiens communautaires.

Adopté

M. RIES, rapporteur

7

Eligibilité au soutien par le mécanisme pour l'interconnexion en Europe des projets d'amélioration des réseaux de collecte établis au niveau régional pour la desserte de territoires locaux en très haut débit.

Adopté

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mercredi 29 février 2012

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Audition de M. Régis Hochart, membre du Conseil économique, social et environnemental sur son rapport « La future Politique agricole commune après 2013 »

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de M. Régis Hochart, membre du Conseil économique, social et environnemental, sur son rapport : « La future politique agricole commune après 2013 ».

M. Daniel Raoul, président. - Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui M. Régis Hochart, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), et auteur du rapport sur la future Politique agricole commune (PAC) après 2013. Ce n'est pas la première fois que nous auditionnons le CESE sur un sujet qui intéresse notre commission. Je garde en mémoire l'audition très intéressante de votre collègue Isabelle de Kerviler, le 8 février dernier sur la compétitivité. Nous pouvons nous féliciter de cette excellente collaboration entre nos deux institutions.

La réforme à venir de la PAC nous intéresse au plus haut point. Pour la suivre, le Sénat a d'ailleurs reconstitué un groupe de travail commun à la commission de l'économie et à la commission des affaires européennes, dont les co-présidents sont Mmes Bernadette Bourzai et Renée Nicoux, et MM. Gérard César et Jean-Paul Émorine. La PAC est en effet une politique européenne majeure, qui représente plus de 40 % du budget de l'Union. En France, elle pèse près de 10 milliards d'euros chaque année.

Votre rapport, M. Hochart, date de mai dernier. Depuis, la Commission européenne a présenté, en juin 2011, le nouveau cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, qui préserve globalement l'enveloppe budgétaire de la PAC. En octobre 2011, elle a présenté ses propositions de nouveaux règlements. Nous entrons aujourd'hui dans une phase active de négociations, dans lesquelles le Parlement européen a aussi son rôle à jouer, dans le cadre de la codécision. Nous écouterons avec une grande attention la présentation de votre rapport et sommes curieux de connaître vos positions sur les nouvelles propositions de la Commission européenne.

M. Régis Hochart. - Je vous remercie pour votre invitation et confirme que l'avis du CESE, voté en mai dernier, est intervenu après la communication de la Commission européenne sur la réforme de la PAC de novembre 2011, mais avant la présentation des propositions de règlements. Nous pourrons cependant discuter du contenu de ces propositions qui dessinent un contour précis à la future PAC. Je souligne que le rapport du CESE a été fort bien voté avec 177 voix pour, 7 contre et 22 abstentions, alors même qu'il comporte des éléments assez novateurs.

Avant tout, il faut dresser le bilan de la PAC. Elle poursuivait à l'origine cinq objectifs, issus du traité de Rome, auxquels se sont ajoutés deux objectifs environnemental et de développement rural à Berlin en 1999. Or ces objectifs étaient mieux atteints par la PAC dans les années 1980 que maintenant. L'objectif d'amélioration de la productivité a été une réussite remarquable. L'objectif consistant à assurer un revenu équitable aux agriculteurs était en bonne voie dans les années 1980, ce qui n'est plus le cas. L'objectif de stabilisation des marchés agricoles n'est plus atteint, avec une volatilité accrue des prix des denrées alimentaires, qui est sans précédent. L'objectif de sécurisation des approvisionnements est atteint au niveau national, mais pas au niveau européen : les importations nettes de l'Union européenne, hors produits exotiques, représentent l'équivalent de la production de 29 millions d'hectares de cultures, soit le territoire agricole de la France. Nous sommes donc très loin de l'autosuffisance alimentaire. Enfin, il est difficile de savoir si l'on a atteint ou pas l'objectif consistant à garantir des prix raisonnables aux consommateurs. Cependant, on peut constater que le différentiel entre le prix payé au producteur et celui payé par le consommateur n'a cessé de s'accroître. La question de la prise en compte de l'environnement dans la PAC ne se posait pas dans les années 1970. La prise de conscience progressive dans les années 1980 de l'enjeu environnemental a conduit à en faire l'un des objectifs de la PAC en 1999. Le développement rural, à travers le deuxième pilier, constitue également un objectif nouveau introduit en 1999, avec un certain succès.

Le système agricole dans lequel nous nous trouvons est fondé sur quatre éléments désormais fragiles. Le premier élément réside dans l'utilisation d'engrais de synthèse et de ressources fossiles, qui a permis de faire progresser la productivité. Mais nous sommes aujourd'hui confrontés à une raréfaction des ressources minières, voire un tarissement, et à une augmentation des prix. Les engrais azotés de synthèse dépendent largement des produits pétroliers et du gaz, qui participent fortement à l'émission de gaz à effets de serre (GES) de l'agriculture. La part de ce secteur dans la production de GES est tout de même de 20 %.

Le deuxième élément a trait au recours systématique aux produits phytopharmaceutiques, sans grand discernement. Ces produits répondaient à tous les types de problème : de la lutte contre les maladies des plantes au désherbage. Or, ces produits sont des produits chimiques et l'on ne peut pas gagner la course éperdue aux nouvelles molécules. Il faut donc utiliser ces produits avec plus de modération. Par ailleurs, on ne peut plus ignorer que l'effet des produits phytosanitaires sur la santé n'est pas neutre.

Le troisième élément concerne la mécanisation. Celle-ci a eu pour effet de réduire le nombre des agriculteurs nécessaires sur les exploitations. On a perdu plus d'un million d'agriculteurs en quelques décennies. Il n'en reste plus que 600 000 environ. On doit s'interroger sur la réduction continue du nombre d'agriculteurs, alors que l'Europe connaît une situation de chômage massif.

Le dernier élément est la sélection des variétés et des races. L'agriculture s'est beaucoup spécialisée pour être plus performante. Mais l'appauvrissement génétique des végétaux et des animaux pose désormais problème.

Il ne sera donc pas possible de poursuivre le même modèle agricole, fondé sur quatre éléments non durables. A ma grande surprise, le CESE a approuvé ce constat et accepté de préconiser l'orientation de l'agriculture vers un modèle plus autonome, moins dépendant des intrants. A la suite de l'audition de M. Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, le concept d'agroécologie s'est peu à peu imposé dans les travaux de la section agriculture du CESE. Ce concept est défini par la recherche d'une plus grande autonomie de l'agriculture, et la préservation de la biodiversité, celle-ci ayant été dégradée par les choix mis en oeuvre dans nos politiques agricoles. On est certainement à la fin d'une parenthèse « productiviste », fondée sur des facteurs non durables, et qui ne peut donc pas se prolonger. L'enjeu consiste à réorienter la PAC.

Ma première préconisation consiste à ajouter un objectif à la PAC : développer l'emploi dans l'agriculture et dans l'industrie agro-alimentaire. Ensuite, la PAC doit prendre en compte la volatilité des prix, volatilité qui va au demeurant au-delà du secteur agricole. Aujourd'hui, 1 milliards d'êtres humains sur la planète sont sous-alimentés ou n'ont pas accès à l'alimentation. Avec la volatilité des prix agricoles, 3 milliards de personnes sont menacées de ne plus avoir accès à l'alimentation car plus de 50 % de leur budget y est d'ores et déjà consacré. Or, quand le prix double, on ne peut plus se nourrir. La volatilité est également négative pour les agriculteurs, qui n'ont plus de visibilité à moyen terme et une grande incertitude sur leurs revenus, et donc sur la pérennité des exploitations et sur les investissements qu'ils peuvent effectuer. Afin de lutter contre la volatilité des prix agricoles, nous avons estimé important de :

- reconstituer les stocks, qui existaient antérieurement, certes pour d'autres raisons que je ne détaillerai pas ici, mais qui n'en faisaient pas moins tampon et limitaient l'instabilité des prix. Sur ce point, il faut aller au-delà de ce que suggère le G20, qui propose de créer des stocks de pure sécurité alimentaire n'ayant pas vocation à être mis sur le marché : il nous faut des « stocks stratégiques » plus conséquents, et qui jouent un rôle dans le système de stabilisation des prix.

- améliorer la transparence des marchés et des stocks et limiter l'accès aux marchés à terme des opérateurs purement financiers. A la fin de 2008, en pleine période de flambée des cours, nous étions passés de 5 opérateurs à 23 sur les marchés à termes, soit 18 opérateurs non liés à l'agriculture, qui extraient la valeur de la filière, en se positionnant entre le producteur et le consommateur. Ce phénomène transforme les produits agricoles en produits financiers, dont la manipulation très spéculative aboutit à un renchérissement des prix. On assiste à une financiarisation inutile de l'agriculture.

- changer les règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC) pour l'agriculture. Le cycle de Doha nous amène aujourd'hui à réfléchir. Il est préférable d'adopter des accords internationaux multilatéraux, plutôt que des accords bilatéraux. Mais il faut aboutir à l'intégration dans ces accords de valeurs sociales et environnementales, et pas seulement monétaires. Malheureusement, sur ce point, l'OMC ne sait pas faire.

Nous avons également proposé la création d'un Observatoire européen de l'emploi agricole, ainsi qu'un élargissement du droit de regroupement des producteurs, ce qui a été prise en compte par les propositions de la Commission européenne.

Enfin, j'estime qu'à terme, pour lutter contre la volatilité des prix agricoles, il faudrait aboutir non pas à une liberté générale de circulation des marchandises agricoles, mais créer de grandes « régions mondiales », au sein desquelles le libre-échange serait la règle, tandis qu'elles seraient séparées les unes des autres par des barrières tarifaires.

Nous nous sommes aussi demandé comment faire évoluer l'agriculture, qui est aujourd'hui non durable. Son état actuel est le résultat d'une histoire, mais ne répond pas aux besoins de l'avenir.

La réforme de la PAC doit être une opportunité pour cesser de donner l'impression aux agriculteurs que l'environnement est une contrainte, alors que c'est un outil de travail et un facteur de production, tout comme la biodiversité. Il faut donc aller progressivement vers l'agroécologie, en arrêtant d'opposer agriculture et environnement. Il faut aller vers un large panel des mesures de verdissement. Malheureusement, un an après avoir été esquissé, on enregistre peu d'avancées sur le plan du verdissement. Telles qu'elles sont aujourd'hui conçues, elles ne pourront pas être un véritable levier pour faire évoluer les pratiques.

Le verdissement, associé au développement rural, doit favoriser les actions collectives, autour des microrégions ou des bassins versants, pour déboucher sur une agriculture plus diversifiée et moins spécialisée. La spécialisation excessive débouche sur de graves problèmes, par exemple, sur l'excédent d'effluents en Bretagne, ou sur l'effondrement des taux de matière organique et le tarissement des nappes phréatiques dans la Beauce. Je cite ces deux exemples sans vouloir stigmatiser aucune région.

Il faut donner une place plus importante à la culture de protéines végétales. Les projets de plans de développement de la production de protéines végétales n'ont jamais abouti. Or, aujourd'hui, les protéines végétales constituent un véritable enjeu, qui avait été identifié par Dacian Ciolos dans la communication de la commission en 2010 mais n'a pas trouvé de transcription dans les propositions législatives de 2011. Pourtant, selon le CESE, elles constitueraient un levier pour limiter l'emploi des engrais de synthèse, limiteraient la dépendance envers le Brésil et, dans une moindre mesure, envers les États-Unis, accroîtraient l'autonomie des exploitations animales et amélioraient la fertilité des sols. Mais leur succès suppose la création d'une véritable filière. On a vu que la relance de la culture des pois protéagineux voulue par M. Michel Barnier avait connu un bon démarrage, mais n'a pas abouti en l'absence de filière adaptée et de savoir faire. Dans ce cas, ce n'est pas tant la production qui a posé problème, que la mise en place de débouchés.

Il faut par ailleurs réorienter les soutiens, d'une part en les faisant converger, et d'autre part, en prenant en compte progressivement d'autres variables que les hectares exploités. Sinon, nous n'aurons jamais de soutien sérieux à l'emploi. Nous nous sommes prononcés en faveur d'un droit à paiement unique (DPU) de base lié au nombre d'actifs. Cette solution est aujourd'hui techniquement impossible. Mais il faut y réfléchir.

Le budget du deuxième pilier de la PAC doit être maintenu, voire renforcé, afin de créer davantage de dynamique territoriale et d'évolution des pratiques. Sur le premier pilier, il y a moins de marges de manoeuvre mais il faudra utiliser les quelques souplesses disponibles : les 10 % qu'il sera possible de découpler, les 5 % d'aides aux territoires difficiles, les 2 % de soutien aux nouvelles installations, les 10 % de soutien aux petites fermes.

Nous sommes également favorables sur le développement rural à une meilleure association des régions, qui sont l'échelon le plus proche des territoires. Il faut donc aboutir à une régionalisation du second pilier.

En revanche, le CESE n'a pas su se mettre d'accord sur le sort devant être réservé aux usages non alimentaires : matériaux, carburants, etc. Un consensus minimal s'est néanmoins dégagé sur la nécessité, en l'état actuel des connaissances, de contrôler et limiter ces usages non alimentaires et, surtout, de s'assurer du maintien des surfaces nécessaires pour se nourrir.

M. Daniel Raoul, président. - Je m'interroge : comment atteindre l'autosuffisance tout en diminuant la productivité ?

Mme Renée Nicoux. - Merci pour cette présentation intéressante et plutôt positive de l'évolution de la PAC. S'agissant du verdissement, je peux vous dire que les agriculteurs le vivent comme une nouvelle contrainte, qui s'ajoute à des dispositifs de conditionnalité déjà strictement contrôlés. La mesure tendant à consacrer 7 % de la surface à des usages écologiques a peut-être été mal expliquée ; elle est en tout cas mal vécue par les éleveurs, mais aussi par les céréaliers. Quel est votre position à ce sujet ? Comment peut-on prendre en compte les efforts déjà réalisés par les agriculteurs et les rémunérer pour les aménités qu'ils créent ?

M. Gérard César. - Nous ne sommes pas forcément d'accord sur tous les points. Quel est votre position sur la préservation du budget en euros constant, qui me paraît essentielle ? Quel est le niveau adéquat pour les stocks stratégiques ? Je suis d'accord pour que la transparence soit améliorée. En revanche, n'est-ce pas rêver que de demander un changement des règles de l'OMC ? J'insiste aussi sur l'emploi : il faut, au niveau de l'Europe, considérer les différences de charges et de salaires. Enfin, une politique de l'eau est indispensable, mais les projets de retenues collinaires, indispensables au maintien de l'agriculture à certains endroits, suscitent toujours des levées de boucliers.

M. Rémy Pointereau. - Le rapporteur présente une vision idyllique de la situation... Je partage les observations de Gérard César sur la situation de l'emploi. Il faudrait aussi rétablir les stocks d'intervention afin de lutter contre la volatilité des cours. S'agissant du verdissement, on constate sur le terrain que les agriculteurs ont déjà fait des efforts considérables ; nous devons souligner que les contraintes environnementales devraient être égales pour tous les pays européens. Je suis d'accord sur la convergence des aides au niveau européen, mais à condition que les charges soient, elles aussi, équivalentes ! Il faudrait également viser la convergence franco-française : il est anormal qu'il y ait des différences entre le nord et le sud.

L'assurance-récolte est une autre question essentielle et d'actualité. Or il est inquiétant que la réforme de la PAC réduise le soutien communautaire aux assurances de 75 % à 50 %. Le refus des organismes génétiquement modifiés, quant à lui, est un choix fait en France : il faudra un jour y regarder de plus près... Je rappelle également que les droits de plantation sont un sujet d'inquiétude pour les agriculteurs.

Enfin, il faudra bien nourrir 9 milliards d'individus sur Terre : comment y parvenir si on réduit la productivité ? Et qu'entendez-vous par « exploitation autonome » ?

Mme Bernadette Bourzai. - Je souligne la qualité du constat du rapporteur : la méthode productiviste a certes permis de nourrir les populations, même si 85 millions de personnes souffrent encore de la faim en Europe, et de faire baisser les prix, mais il faudra faire autrement à l'avenir, avec une productivité moindre. Je voudrais savoir comment, d'une manière globale, vous considérez les reculs de la Commission qui a infléchi ses propositions entre 2010 et 2011 ?

La convergence des aides concerne les anciens et les nouveaux États membres, mais doit peut-être jouer également au niveau national, en particulier en France. J'approuve votre proposition de prendre en compte l'emploi, car le coût de la main d'oeuvre constitue une charge plus importante dans des filières telles que celles des fruits et légumes ou de la vigne que dans des secteurs plus mécanisés.

Je suis également d'accord avec vous concernant le plan protéines. Des recherches sont-elles en cours dans des territoires particuliers afin de rendre les exploitations plus autonomes ? Je sais ce que représente le coût de l'aliment du bétail, compte tenu de la volatilité des prix des céréales.

J'ai assisté au Parlement européen à une diminution de 35 % du budget du développement rural, dans la dernière programmation budgétaire : cette réduction est une erreur, car il faut organiser les territoires pour développer les circuits courts et de proximité. Enfin, il faut ouvrir les yeux sur le phénomène de dégradation des sols agricoles, sans quoi on va vers la catastrophe, comme j'ai pu le constater en écoutant une récente conférence tenue à l'Académie d'agriculture. Si l'on ne prend pas de virage maintenant, on ira vers la catastrophe.

M. Régis Hochart. - En effet, il n'est pas possible de renoncer immédiatement aux produits de synthèse. Toutefois, on ne pourra pas poursuivre sur la même voie à long terme : il faut donc engager dès maintenant les efforts de recherche et développement. Par exemple, on n'est qu'au début du travail de recherche concernant la micro-biologie des sols, alors que la recherche a mis au point de nombreux outils nouveaux depuis 40 ans. Il faudra ainsi remplacer les engrais azotés, dont le processus de fabrication consomme 2,5 kilogrammes de pétrole pour 1 kilogramme de produit et engendre une quantité importante d'émissions de GES. C'est maintenant que nous devons commencer à travailler sur l'agriculture de demain et ce serait presque criminel de ne pas lancer ce travail. Remarquons que les rendements n'augmentent plus dans le Bassin parisien et commencent même à baisser, parce que la matière organique des sols est en cours d'effondrement.

Les stocks stratégiques concernent les productions végétales (maïs, blé, riz). Afin d'anticiper et de gérer la variation de l'offre, ils doivent idéalement représenter de 6 à 8 semaines de production, ce qui n'est pas sans engendrer un coût. Dès qu'ils passent à moins d'un mois, cela accroît la volatilité des prix. Il faut également tenir compte de la spéculation réalisée par des acteurs financiers sur les produits agricoles.

Les règles de l'OMC risquent fort de ne pas évoluer. L'Union européenne s'interdit strictement d'y déroger, ce qui n'est pas le cas de pays comme l'Inde, la Chine ou les États-Unis. Or, tant qu'une transgression n'est pas dénoncée par un autre pays, elle ne peut être sanctionnée.

Il faut développer et mieux organiser les filières courtes comme les filières longues. Les interprofessions doivent se mobiliser à cet effet, sachant que la contractualisation est amenée à prendre de l'importance.

Les droits de plantation viticoles et les quotas sucriers seront peut-être conservés finalement. On commence même à se demander s'il n'aurait pas fallu garder les quotas laitiers. On va passer à une forme collective de contractualisation, entre deux secteurs de la profession : la production et la transformation.

Sur les salaires et la convergence européenne, nous estimons que les rapprochements doivent être liés au niveau de vie de chaque État membre. La convergence à l'échelle nationale va être un enjeu important. Les financements de la PAC vont nécessairement faire l'objet d'une redistribution afin de leur donner véritablement un sens : les 30 000 céréaliers les plus riches, qui en ont les moyens, seront moins bien pourvus au profit de ceux des zones intermédiaires, des éleveurs, des producteurs de fruits et légumes et des viticulteurs.

Le verdissement de la PAC doit se faire progressivement et de façon incitative. La démarche de la Commission européenne est moins dynamique. Les trois mesures françaises de verdissement sont en réalité déjà respectées par la quasi intégralité des agriculteurs, qu'il s'agisse de l'interdiction du retournement des prairies permanentes, de l'obligation d'avoir au moins trois cultures et de l'exigence de présenter 7 % d'infrastructures écologiques. Ces contraintes ne sont donc pas un problème, hormis pour les agriculteurs qui sont « tout en herbe », pour lesquels des adaptations pourraient être trouvées. Je ne vois donc pas pourquoi certains sont si hostiles au verdissement. La seule interrogation réside dans l'efficience de ces mesures.

M. Roland Courteau. - Les normes européennes imposent des contraintes en matière de respect de l'environnement, de sécurité sanitaire et de bien être animal. Elles ont un coût, qui doit être pris en compte par le budget de la PAC. Dans le même temps, des pays tiers ne respectant pas ces exigences exportent leurs produits vers l'Union ; ce n'est pas normal, ne doit-il pas y avoir réciprocité de traitement ?

Les droits de plantation viticoles seront supprimés au 31 décembre 2015. Or, 13 États membres, représentant 97 % de la production viticole, en demandent le rétablissement, sans succès pour l'instant. La profession souhaite intégrer cette question dans l'agenda de la réforme de la PAC. Qu'en pensez-vous ?

M. Gérard Bailly. - L'agriculture a vocation à produire pour alimenter les 3 milliards d'être humains supplémentaires attendus à terme. Or, l'Europe importe 29 millions d'hectares, avez-vous dit. Si elle n'arrive pas à produire ce qu'elle consomme, c'est dramatique ! Surtout avec la réduction des surfaces agricoles, le réchauffement de la planète, l'essor de l'agriculture biologique, la moindre utilisation d'intrants ... Comment va-t-on, dans ces conditions, faire face à la croissance démographique mondiale ? Vous ne me semblez pas y répondre. Il faudrait, à mon avis, partir de cette interrogation, et chercher à adapter en conséquence notre modèle agricole.

Certes, on peut tenir compte de la main d'oeuvre pour les primes PAC. Mais attention, elle a un coût ! Je m'inquiète de la concurrence de produits étrangers, dans l'élevage par exemple. Nos jeunes agriculteurs doivent continuer à recourir à la mécanisation, faute de quoi la pénibilité de leur travail sera trop grande ; n'oubliez pas d'en tenir compte.

Bref, je n'aurais pas voté votre rapport, car je ne vois pas comment il répond à l'enjeu de demain, qui est de nourrir trois milliards d'êtres humains supplémentaires.

M. Marcel Deneux. - La PAC est victime de sa réussite : les objectifs du traité de Rome sont aujourd'hui satisfaits, peu ou prou. Son budget représente 40 % du budget européen, avez-vous dit ; mais il faut se rappeler qu'il a représenté jusqu'à 70 % ! Celui-ci équivalant à 1 % du PIB européen, cela signifie que pour 0,40 % de ce même PIB, on garantit la pérennité d'une agriculture nourrissant tous les européens avec des produits de qualité. Il faut donc se féliciter de l'existence de la PAC, et chercher à l'améliorer.

Nous parlons de la réforme de la PAC, alors que nous n'avons d'influence que sur la politique nationale, ce qui constitue une difficulté.

La formation du revenu agricole dans les différents pays diverge de plus en plus. Nous sommes d'accord pour dire qu'aucun revenu ne peut exister en-dehors d'un marché organisé. Mais deux filières - porcine, bovine - éprouvent, dans notre pays des difficultés du fait des évolutions ayant lieu dans d'autres pays - sur la biomasse, notamment. En Allemagne, la production de viande de porc n'est qu'un sous-produit de la production d'énergie. Une politique des revenus des agriculteurs réside peut-être dans d'autres éléments que la PAC.

Dans le cadre d'une audition récente du groupe d'études de l'énergie, nous avons appris que 16 pays de l'OCDE sont contraints de posséder 90 jours de stock de pétrole. Les produits agricoles mériteraient de pareilles exigences, même si elles représentent un coût, notamment pour les productions animales.

Le plan protéines a été pénalisé par les accords de Blair House. Nous contournons ces accords, sans être en infraction car il n'y a pas d'aide directe, mais ce n'est pas suffisant. La politique des biocarburants aboutit à ce que 3 millions de tonnes de tourteau de colza à 28 % soient produits en France pour le biodiesel ; dans le même temps, nous importons 4 millions de tonnes de tourteau de soja à 48 %. En l'absence d'une telle politique, le plan protéines serait encore moins suivi.

Il y a trente ans, nous avions deux leaders mondiaux dans la production de petits pois. Nous avons abandonné cette politique, et ne sélectionnons plus les féveroles, pois et lupins, mais sommes devenus leaders dans la production de colza, grâce au travail de sélection réalisé par l'Institut national pour la recherche agronomique (INRA).

Notre modèle alimentaire va-t-il évoluer, avec la diminution de la consommation de viande rouge ? Nous sommes marqués par le modèle de mécanisation de l'agriculture, imposé par les américains à travers le plan Marshall, ainsi que par ce changement de modèle alimentaire, qu'il nous faut prendre en compte.

Je ne rejoins par le rapporteur sur la réduction de la production globale : nous n'assistons pas à un appauvrissement des sols, mais à une baisse du potentiel de la génétique.

Le modèle de demain, que développe l'INRA, est une agriculture écologiquement intensive (AEI) ; il n'y en pas d'autre !

M. Alain Chatillon. - J'aurais aimé que la question de la transformation soit mise en perspective dans le rapport. Il s'agit en effet d'une question essentielle. Une illustration : en 1995, j'ai créé une usine de soja. Elle produit aujourd'hui 5 000 tonnes de soja non génétiquement modifié transformées à des fins d'alimentation animale. Il est cependant impossible de développer davantage son activité, en raison de l'importation de soja génétiquement modifié en provenance du Brésil ou des États-Unis. Si on ne se protège pas contre les importations, il est impossible de s'en sortir ! S'agissant du déficit protéique, 82 % des protéines végétales sont importées. Qu'attend-on pour réagir ?

S'agissant des stocks, il est aberrant de penser que la constitution de stocks va résoudre les variations de cours. Je pense que la vraie solution est celle du « carry back », solution mise en oeuvre dans les années 1950 dans le secteur de la laine. Le Gouvernement a alors décidé de permettre à tous les opérateurs de déclarer leurs impôts pendant quatre ans et de ne les payer que lors de la quatrième année.

M. Ronan Dantec. - Je trouve ce rapport très intéressant. Il a le mérite de la lucidité : il dit clairement que l'agriculture française va aujourd'hui dans le mur. Son développement ne repose en effet pas sur des fondamentaux durables. Il risque d'y avoir un krach à un moment. Il faut donc faire évoluer notre système agricole. Trois remarques complémentaires :

- la volatilité agricole constitue un risque pour les agricultures vivrières des pays du Sud. Or il convient de renforcer ces dernières, car elles constituent une réponse au défi mondial de l'autosuffisance alimentaire ;

- je suis tout à fait d'accord avec le constat selon lequel le premier enjeu de l'agriculture française porte sur la question des emplois, à savoir le maintien de l'emploi agricole dans notre pays. Je le vois d'ailleurs dans mon département : certains projets viables portant sur une trentaine d'hectares ne peuvent voir le jour car les porteurs de projet n'ont pas accès aux terres. L'accès au foncier agricole est une question majeure ;

- on voit en Allemagne l'impact de la production énergétique dans la production agricole globale. L'arrivée de la production énergétique dans le bilan financier des exploitations agricoles a renforcé l'agriculture allemande, ce qui est d'ailleurs lié aux grands choix énergétiques de l'Allemagne, notamment la sortie du nucléaire.

M. Jean-Claude Lenoir. - Je souhaiterais ajouter trois éléments qui ne sont pas sans importance : il faut veiller tout d'abord à la présence d'équipements dans le monde rural et des services rendus à la population ; ensuite, il faut maîtriser l'espace et donc développer des documents d'urbanisme, essentiels pour protéger les espaces agricoles ; enfin, il faut favoriser l'installation des jeunes.

J'ai le sentiment que des pays comme le Brésil et la Chine nous regardent aujourd'hui avec gourmandise car ils voient les failles dans notre modèle agricole. A force de vouloir disposer d'un modèle idéal, nous renforçons l'agriculture des pays émergents. Ces derniers risquent de nous dire un jour : « vous n'avez plus besoin de produire ». Je m'inquiète donc de certains propos idéalistes que j'ai entendus précédemment.

M. Régis Hochart. - S'agissant du défi de l'autosuffisance alimentaire, je veux souligner que ce n'est pas l'Europe qui nourrira le monde. L'essentiel de la recherche est aujourd'hui à mener sur les territoires qui sont très peu productifs, c'est-à-dire hors de l'Europe.

Concernant la mécanisation, il convient de réfléchir à l'équilibre à trouver entre la mécanisation et l'emploi. Il n'est pas nécessaire de remplacer systématiquement un homme par une machine, il faut être pragmatique.

S'agissant du lien entre la production énergétique et les revenus, je veux indiquer que la PAC et les politiques énergétiques nationales utilisant l'agriculture sont incompatibles. Si les Allemands produisent aujourd'hui du lait moins cher, ce n'est pas seulement du fait du coût de la main d'oeuvre - je souligne d'ailleurs que les exploitations agricoles françaises n'ont en moyenne que 0,4 salarié en CDI. L'essentiel ne se joue donc pas là-dessus mais plutôt sur le rachat de l'énergie issue de la méthanisation, d'une part, et un système de transmission des exploitations très différent, d'autre part.

Sur la question des tourteaux et de la production de protéines, on compte aujourd'hui 2 millions d'hectares de colza. Le colza a besoin d'azote. Il ne répond donc pas à la problématique de réduction des engrains azotés de synthèse et à la question de l'amélioration de la qualité du sol. Le colza ne fait absolument pas partie de la réponse protéique, à la différence des légumineuses. L'agriculture française a des perspectives de développement nombreuses, mais il faut rééquilibrer la « ferme France » en termes d'assolement.

Majoration des droits à construire - Échange de vues sur le texte adopté par la commission

Dans une seconde réunion tenue au cours de l'après-midi, il a tout d'abord été procédé à un échange de vues sur le texte de la commission adopté sur le projet de loi n° 422 (2011-2012), relatif à la majoration des droits à construire.

M. Daniel Raoul, président. - Lorsqu'elle a discuté hier le texte augmentant de 30 % les droits à construire, la commission a introduit un article additionnel avant l'article unique, puis supprimé celui-ci. Afin d'éviter toute contestation, le rapporteur souhaite aujourd'hui modifier cet article additionnel pour le gager.

Article1er A (nouveau)

M. Thierry Repentin, rapporteur. - L'article additionnel introduit hier autorise une décote pouvant atteindre 100 % de la valeur vénale des immeubles cédés par l'État et destinés à la réalisation de logements sociaux.

Sur le fond, le gage proposé est sans doute inutile, car la disposition en cause ne réduit aucune recette de l'État : elle porte exclusivement sur des immeubles non utilisés. Bien plus, ces biens occasionnent aujourd'hui des charges d'entretien et de gardiennage, mais aucune recette. Cependant, l'amendement n° 1 propose de reprendre à l'identique la rédaction de cet article additionnel, assorti d'un complément technique destiné à éviter qu'un artifice de procédure n'allonge inutilement le débat.

M. Jean-Claude Lenoir. - Mon groupe s'est abstenu hier. Par cohérence, il en fera autant aujourd'hui.

M. Vincent Capo-Canellas. - Idem pour le mien.

L'amendement n° 1 est adopté et l'article 1er A est ainsi rédigé.

L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Daniel Raoul, président. - C'est donc d'un texte de la commission n° 435 rectifié que nous discuterons en séance publique tout à l'heure.

Audition de M. François Jacq, candidat au renouvellement de ses fonctions de Président-directeur général de Météo France

La commission procède à l'audition de M. François Jacq, dont le renouvellement est envisagé en tant que président-directeur général de Météo-France.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Lorsque la commission a auditionné le président directeur général d'Air-France, je l'ai interrogé sur le maintien des sites d'Orly, de Valbonne et de Toulouse. Il m'a répondu que les trois sites seraient maintenus. Si on l'entend bien sur la vidéo de l'audition, le compte rendu écrit ne mentionne qu'Orly. Or le sujet est loin d'être neutre, ni pour les élus, ni pour les syndicalistes. Je voudrais être sûre qu'il sera rectifié. La précision devrait être à la fois officielle et dénuée d'ambiguïté.

M. Daniel Raoul, président. - Le PDG d'Air France a clairement exprimé sa position, elle doit figurer ainsi dans le compte rendu. Nous demanderons que la version internet soit rectifiée. En outre, un erratum écrit sera publié dans le prochain bulletin.

M. Daniel Raoul, président. - En application du 5ème alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous procédons à l'audition de M. François Jacq, candidat à sa propre succession comme président-directeur général de Météo France, car sa nomination en conseil des ministres ne peut intervenir qu'après son audition par les commissions compétentes des deux Assemblées. Publique ouverte à la presse et suivie d'un vote, dont les modalités ont été précisées par la loi organique du 23 juillet 2010 et une loi ordinaire de la même date.

En vertu de l'article 3 de la loi du 23 juillet 2010, aucune délégation de vote n'est admise. Le dépouillement du scrutin est simultané dans les deux assemblées. L'Assemblée nationale ayant auditionné le candidat ce matin, nous préviendrons la commission du développement durable dès la fin du vote pour qu'elle puisse procéder au dépouillement en même temps que nous. Je propose que Bruno Retailleau m'assiste lors du dépouillement.

Je rappelle enfin que le président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs au sein de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Monsieur le président, vous souhaitez être reconduit dans vos fonctions à la tête de Météo France. Vous disposez de tous les éléments pour présenter cet établissement public administratif que vous dirigez depuis 2009, dont le budget avoisine 350 millions d'euros et qui emploie 3 500 personnes. Vous présenterez ses missions principales, et les convictions qui inspirent votre candidature à un second mandat.

M. François Jacq, président directeur général de Météo France. - Les activités de Météo France peuvent être présentées sous trois volets : l'appui à la puissance publique dans le domaine de la sécurité des personnes et des biens ; la prévision météorologique pour les activités aéronautiques dans le cadre de la relation très forte établie avec la direction générale de l'aviation civile (DGAC); enfin, les activités commerciales représentant à peu près 10 % de notre budget.

Qu'il s'agisse de prévisions météorologiques ou d'études climatologiques, l'établissement assume des missions de base : les observations à l'échelle nationale, la recherche avec la modélisation prévisionnelle du temps et la modélisation prospective sur le climat, l'étude des climats passés, le tout faisant appel à des structures d'appui.

Le pôle principal se trouve à Toulouse, avec 1 000 personnes. Environ 400 personnes travaillent outre-mer, où nous sommes présents jusqu'en Terre Adélie. La métropole a été divisée en sept interrégions, avec des échelons départementaux. Notre bâtiment historique quai Branly ayant été cédé à la Fédération de Russie, le siège de l'établissement se situe aujourd'hui à Saint-Mandé, près de l'Institut national de l'information géographique et forestière.

Les années 2009 à 2011 sont celles de mon mandat ; elles coïncident avec un contrat d'objectifs avec l'État. Je commencerai donc par mentionner les principales réalisations de cette période.

Pour améliorer la sécurité des personnes et des biens, nous perfectionnons sans cesse le dispositif de vigilance météo mis en place après les tempêtes de 1999. Nous avons analysé plus finement les événements susceptibles de perturber la vie quotidienne des Français, avec des progrès quant aux fausses alertes et pour des prévisions plus fines. En octobre 2011, nous avons mis en place une vigilance « vague-submersion », dont le calendrier avait été accéléré après la tempête Xynthia. En outre, un « avertissement pluies intenses à l'échelle des communes » (Apic) a été institué fin 2011 comme suite aux crues torrentielles subies par le Var en juin 2010. Enfin, la coopération intense établie depuis deux ans avec l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a débouché sur une collaboration très fructueuse portant sur la dispersion de polluants du type Fukushima.

Dans le domaine de l'aéronautique, nous avons amélioré la prévision utilisable par les aéronefs pendant leur trajet, avec une centralisation de la veille météorologique à Toulouse dans le cadre du « ciel unique européen », qui doit aboutir à une vision « sans couture ». Avec un consortium de services météorologiques, nous avons remporté l'appel d'offres SESAR (Single European Sky Air Traffic Management Research) au niveau européen. Enfin, nous avons apporté notre appui à la DGAC dans la gestion des cendres volcaniques : comme pour la dispersion de polluants, nous sommes en appui direct de la puissance publique.

Cela suppose des progrès dans la précision. De fait, les modèles utilisés par Météo France sont parmi les meilleurs au niveau européen, voire mondial. Nous avons l'un des deux grands centres français sur le climat avec l'Institut Pierre Simon Laplace. À ce titre, l'établissement public a collaboré avec le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), et produit des scénarios régionalisés de changement climatique destinés à éclairer des politiques d'adaptation. Afin de détecter un éventuel changement climatique, Météo France sauvegarde aussi des données passées sur le climat.

Entre 2009 et 2011, l'établissement a préparé la restructuration de son réseau territorial. Le projet était dans les cartons depuis les années 1990. Les progrès de la prévision ont permis d'envisager en 2006 et 2007 la rationalisation des implantations en métropole, qui devront passer de 108 à 55 - ce qui n'empêchera pas notre réseau de rester le plus dense en Europe. Les premières fermetures commencent à intervenir.

J'en viens à la diffusion de l'information : un portail permet d'accéder aux données publiques produites par l'établissement. J'accorde une grande attention à l'initiative « météo à l'école », que nous aimerions généraliser à toutes les académies.

Après une légère décroissance en 2008 et 2009, l'activité commerciale a légèrement progressé pour atteindre 40 millions d'euros, ce qui n'est pas aisé dans un univers très concurrentiel marqué par une tendance nette à exiger la gratuité sur ce type de données.

En matière de gestion, nos comptes sont certifiés, ce qui n'est pas banal puisqu'il faut concilier la comptabilité publique et le plan comptable général... Dans son rapport publié cet été, la Cour des comptes s'est félicitée du travail accompli, bien qu'il reste beaucoup à faire.

J'en viens aux grandes orientations pour l'avenir. L'année 2011 a été consacrée à la prospective pour 2012-2016, dans un environnement international toujours plus contraint et avec des homologues étrangers suivant des stratégies vigoureuses. Pour rester au premier plan, il faut disposer d'infrastructures au goût du jour et de moyens d'action. Cela suppose une gestion encore plus rigoureuse des moyens et une culture de projets plus forte pour dépasser le stade artisanal - ce travail est encore devant nous.

Quelles sont les priorités ? Bien qu'elle ne représente que 10 % du budget de Météo France, la recherche conditionne sa capacité professionnelle. Elle doit être sanctuarisée et développée. La deuxième priorité concerne la modernisation des infrastructures, qui vieillissent par rapport à celles dont disposent les Allemands et les Anglais. Notre façon de travailler doit évoluer, car l'édifice actuel est trop complexe - cela est sans rapport avec l'organisation territoriale. Enfin, il faut mieux satisfaire les clients, notamment pour ce qui est de la vigilance, du partenariat avec la DGAC, de l'écoute des usagers.

Malgré un effectif important, nous ne disposons pas toujours des compétences nécessaires.

Mon but est de maintenir Météo France au premier rang des services météorologiques et climatiques européens. À mon sens, on peut distinguer trois thèmes cruciaux pour l'avenir. Tout d'abord, le futur supercalculateur : nos moyens de calcul sont dans un rapport de 1 à 10 avec ceux des Allemands et des Anglais. La mise à niveau est une priorité. Ensuite, la modernisation des radars est un enjeu crucial pour la prévision et la gestion des crises. Enfin, il importe d'achever la rénovation de quelque 550 à 560 stations d'observation en métropole.

En matière de recherche et de prévision, nous disposons de deux grands modèles numériques : Arpège, à maille 20 kilomètres et Arome, à maille 2,5 kilomètres. Nous voulons réduire ces mailles respectivement à 7,5 et 1,3 kilomètres, pour capturer plus de phénomènes physiques. En effet, des situations comme les pluies torrentielles sur le Var, très localisées, sont aujourd'hui très mal repérées, contrairement à des averses, qui s'étendent sur une large portion du territoire. Pour apporter un meilleur appui à la puissance publique et à l'aéronautique, il faut une appréhension plus complète.

Le climat constitue le troisième sujet majeur, avec le développement de services climatiques permettant de mieux informer les usagers sur l'avenir dans leur secteur, sur leur profession.

Autre sujet, notre capacité à bénéficier du volet internet. L'Organisation météorologique mondiale nous demande désormais de jouer le rôle de noeud dans un système de dispersion de l'information par des technologies web. D'où aussi la mise en place de portails de données pour les utilisateurs ou d'outils de superposition de plusieurs couches d'informations géographiques, hydrographiques ou encore météorologiques.

Météo France, je le sais pour en être à la tête depuis trois ans, appartient à ces maisons qui évoluent lentement, les actions s'y mènent dans la durée, raison pour laquelle j'ai considéré qu'il était de ma responsabilité de proposer de suivre les chantiers que j'avais lancés.

M. Daniel Raoul, président. - Vous avez dit, à propos des puissances de calcul, que le facteur est de 10 par rapport à certains voisins. Cela signifie-t-il que le supercalculateur NEC de 2008 est déjà dépassé ? Dans ce cas, j'ai peut-être une adresse à vous donner pour un supercalculateur Bull...

M. Jean-Jacques Mirassou. - Les prévisions météorologiques, singulièrement lorsqu'il s'agit de phénomènes désagréables, donnent lieu, lorsque la réalité est différente des prévisions, à des comportements pour le moins bizarres qui ont tendance à annihiler la plus élémentaire prudence. Quel est votre sentiment ? Ici comme ailleurs, cette forme de consumérisme m'inquiète prodigieusement.

M. Bruno Retailleau. - Météo France est un grand service public, inscrit dans le quotidien des Français et, parfois, dans leurs drames. Il y a deux ans exactement, c'était la tempête Xynthia qui éclatait dans la nuit du 28 février au 1er mars. La consigne de rester calfeutré chez soi, que l'on donne habituellement pour les tempêtes de vent, n'était pas forcément très adaptée.

La période connaît une accélération des effets désordonnés du climat. Différents centres d'épidémiologie des catastrophes naturelles ont montré que le phénomène est sans doute lié au réchauffement climatique ; le consensus est donc là, malgré les querelles de chapelle. Par conséquent, la vigilance et la prévision sont essentielles. D'ailleurs, Alain Anziani et moi-même avons été satisfaits de la coopération de Météo France avec notre mission commune d'information. Le dispositif de vigilance « vague-submersion marine » est désormais au point. La difficulté était de trouver un modèle pour prévoir les conséquences à terre des surcotes en mer. En décembre dernier, le modèle a bien fonctionné lors de la tempête Joachim. D'après vous, a-t-il rempli son contrat ? Peut-on l'améliorer ? Il repose sur la coopération avec d'autres organismes également compétents comme le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) ; leur dispersion, constatée par notre mission, caractérise le paysage français. Cela nuit-il au résultat final ? Ainsi y a-t-il suffisamment de houlomètres au large pour enrichir vos données ? Peut-on faire mieux ?

Autre point, et Alain Anziani s'il était là parlerait de la Gironde, les phénomènes les plus dramatiques touchent les estuaires...

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La Somme !

M. Bruno Retailleau. - ...où l'on cumule les risques liés à la terre et à la mer. Je n'ai pas le sentiment que le système de constatation pour la pluviométrie soit suffisant en Vendée. Qu'en est-il ?

Si je comprends les efforts de rationalisation, Météo France doit mettre le curseur au bon endroit. Pour capter les spécificités des territoires, il faut garder des antennes. Oui à une modélisation à maille fine, mais l'analyse humaine reste indispensable.

Enfin, vous pourriez, mais vous y avez sûrement pensé, faire appel si vous avez besoin de puissance de calcul au cloud computing.

M. Daniel Raoul, président. - C'est un autre débat.

M. Jean-Claude Lenoir. - Le 1er juillet dernier, le conseil d'administration de Météo France a décidé la fermeture d'un certain nombre de centres, dont celui d'Alençon en 2014. Le renforcement des moyens, vous me l'avez expliqué dans un courrier argumenté, passe par un regroupement régional conformément au contrat d'objectifs et de moyens de 2009. Quelle est la situation en Europe et aux Etats-Unis, où les chaînes météo occupent tant de place ? Météo France anticipe les fermetures de trois ans pour organiser au mieux le reclassement des personnels. Quel est votre retour d'expérience des premières restructurations ?

Je veux souligner les qualités qui sont les vôtres dans toutes vos fonctions. Je voterai pour votre confirmation avec plaisir.

M. Roland Courteau. - Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les mouvements de protestation liés à des suppressions de postes et de moyens ? J'aimerai également des informations supplémentaires sur le programme SESAR, qui concerne la navigation aérienne. De fait, celle-ci va se compliquer avec l'augmentation continue du trafic en Europe.

Lors de votre exposé, vous n'avez pas évoqué la mission d'évaluation du risque tsunami. Existe-t-elle encore ? Lorsque je l'ai visité, en 1997, le centre de Martinique était chargé de réceptionner les messages d'alerte en provenance du Pacific Tsunami Warning Center de Hawaï.

M. François Jacq. - Pour répondre sur le NEC SX-9, sa durée de vie, comme celle de tous les supercalculateurs, est de 4 à 5 ans. L'heure est donc nécessairement au renouvellement ; tous nos homologues sont dans ce processus. Quant au cloud computing, tout dépend de la durée limite pour conduire les calculs : cette technique de partage des calculs sur un grand nombre d'ordinateurs, intéressante mais qui prend du temps, n'est pas utilisable pour des échéances courtes comme trois heures.

Jean-Jacques Mirassou, je partage votre souci de l'opinion publique. La prévision a objectivement beaucoup progressé : nous avons gagné au cours des trente dernières années une journée de qualité de prévision tous les dix ans et il reste des marges de progression pour la dizaine de jours. Cela dit, nous ne maîtrisons pas, nous nous représentons mal certains phénomènes physiques. En permanence, il nous faut mener un travail de pédagogie, expliquer notre métier, son fonctionnement et ses limites. C'est d'autant plus important lorsque des responsabilités sont en jeu, qu'il y a atteinte à la sécurité des personnes et des biens.

Peut-on améliorer le dispositif de vigilance vague-submersion ? La réponse est clairement oui. En 2012-2013, nous comptons avancer sur le calage des modèles, le « re-jeu » des situations passées pour améliorer les seuils ou encore l'augmentation du nombre de marégraphes et une plus grande robustesse autour du SHOM. Le partenariat avec le SHOM est étroit ; à ce stade, je n'ai pas d'inquiétude sur la coordination avec les autres acteurs de la chaîne d'alerte.

La question des estuaires est compliquée. La Gironde bénéficie d'un dispositif spécifique. Cependant, l'enjeu est d'abord la maîtrise de la situation générale et de la modélisation globale pour aller petit à petit vers le local. Rien ne sert d'améliorer le dispositif au kilomètre si nous avons des incertitudes sur la dizaine de kilomètres. Pour Xynthia, selon le modèle utilisé pour forcer le modèle océanographique, vous pouviez avoir des différences de 50 cm dans les surcotes ; le modèle Météo France avait initialement donné la bonne hauteur... Attention à ne pas emboîter les modèles pour ne pas multiplier les incertitudes.

Nous avons absolument besoin d'un oeil critique sur les modèles. Toute la question est : l'expertise humaine doit-elle être exercée localement ? Pas forcément. La France compte 108 implantations territoriales aujourd'hui, 55 demain, contre 1 centre national et 6 centres régionaux en Allemagne, 2 centres en Grande-Bretagne et une quinzaine en Espagne. La comparaison avec les Etats-Unis est difficile : toute la diffusion de l'information météorologique va au secteur privé, et la valeur ajoutée avec ; le National Weather Service et la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) ont interdiction d'intervenir dans le domaine commercial. Leur organisation est complètement différente de notre modèle de service public. En Italie, la météorologie dépend de l'armée, et historiquement de l'armée de l'air, mais les régions ont leur propre réseau d'observation. Il n'est pas toujours simple de s'y retrouver...

Quel est le retour d'expérience trois ans après les décisions de fermeture de centres prises en 2009 à horizon 2012 ? Sur 77 personnes, nous avons trouvé des solutions plus ou moins consensuelles pour 74. Il faut, et j'y tiens, trouver un équilibre entre l'intérêt des personnes et celui de l'établissement. Restent deux ou trois cas à régler. Il est difficile de demander à des personnes implantées dans des centres depuis trente ans qui ont toujours rempli la même tâche de changer ; cela est parfois vécu comme une remise en cause de leur métier, voire de leur existence.

Des mouvements de protestation ont scandé chacune des étapes de la politique de rationalisation. Finalement abandonnée après avoir été proposée en 1996, elle a été lancée par mon prédécesseur en 2008. Il y a alors eu une crise, de même que nous avons connu en octobre 2011 une quinzaine de jours de grève. Les grévistes représentaient seulement 5% des effectifs, mais tous étaient sur des postes de prévision. Résultat, impossible de mettre en place la nouvelle organisation sans eux. Une telle réaction du corps social est normale. Mon rôle est de convaincre que l'intérêt du service public est de suivre l'évolution de nos homologues européens.

Le programme SESAR est une entreprise commune européenne. Pour les projets qui concernent au premier chef des industriels, la DGAC et la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA), notre rôle est d'apporter un appui et un conseil météorologique. Sur le WP11, nous sommes en première ligne avec d'autres services météo européens, Thalès et un institut néerlandais ; le but est typiquement de savoir comment connecter les informations météo et les informations de gestion de l'espace pour optimiser les trajectoires des avions par rapport aux phénomènes météorologiques.

Enfin, sur les tsunamis, à ma connaissance, nous assurons ce service à la Réunion, bien que ce ne soit pas dans nos compétences, parce que nous disposons des outils techniques pour le faire.

M. Alain Fouché. - Quelle part les prestations payantes représentent-elles dans votre budget ? Cette part est-elle en progression ?

M. Philippe Leroy. - Météo France fournit des données, fait de la recherche... Ses effectifs suffisent-ils, oui ou non, à répondre à la demande ? Fournissez-vous des données ou faites-vous de la recherche ? Quelle est l'articulation avec les grands établissements de recherche comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ? Qu'en est-il de vos infrastructures propres ? Opérez-vous vous-mêmes vos satellites ? Comment l'ensemble des opérations aériennes et maritimes fonctionne-t-il ? Dans mon département, le réseau de radars croise souvent des champs d'éoliennes ; on me rapporte que vous seriez des empêcheurs de tourner en rond... Les exigences de sécurité sur la profondeur de 20 km sont peut-être un peu exagérées.

M. Gérard Bailly. - Dans le Jura, les maires se plaignent du nombre excessif d'alertes. Parfois, ce sont 600 à 800 coups de téléphone, jusqu'à dix heures du soir, pour annoncer un orage qui n'éclate pas ! Est-ce la préfecture qui ouvre le parapluie trop systématiquement ? Attention à ne pas crier au loup, car cela pourrait conduire les maires à ne pas prendre au sérieux les prochains signalements.

Les agriculteurs ont besoin d'informations très précises à court terme, mais aussi à plus de cinq jours pour les traitements ou les engrais. Dans le Jura, on dit souvent que les données suisses sont meilleures. Y a-t-il une concertation avec les météos voisines ?

Situé en aval du troisième barrage de France, le lac de Vouglans dans le Jura est également un grand site touristique. Or, EDF s'est fait surprendre deux années de suite en tirant trop d'eau. Résultat : les plages étaient inutilisables, la navigation impossible. D'où l'importance des prévisions pluviométriques.

M. Ronan Dantec. - La montée en puissance des services climatiques, qu'il faut effectivement distinguer de la météo classique, est un sujet important pour les élus locaux. Dans mon département, nous avons mis en place un conseil scientifique consacré au plan climat, avec tous les acteurs concernés, dont Météo France. Notre expérience montre la difficulté à définir des modèles aboutis, d'autant que la Loire-Atlantique se trouve à la lisière de plusieurs systèmes climatiques. De quels moyens avez-vous besoin pour développer ces services : de personnels, d'un supercalculateur, de coopérations internationales renforcées ou encore de financements ? Les élus locaux auront besoin de données fiables sur le changement climatique dans leur territoire, même si l'addition des prévisions risque de les pousser vers le déni.

M. François Jacq. - Les activités commerciales représentent 40 millions d'euros sur un budget de 350 millions, soit un peu plus de 10 %. Il s'agit pour moitié de prestations à des clients professionnels, soit des industriels et des services. La part liée à au répondeur téléphonique du 3250 et aux kiosques départementaux en 08 reste importante, bien qu'elle tende hélas à décroître.

J'ai coutume de comparer les chiffres de Météo France à ceux de nos homologues européens : Deutscher Wetterdienst emploie 2 200 personnes, contre 1 900 au Met Office britannique et 1 400 à l'Aemet espagnol. Malgré nos spécificités avec l'outre-mer, nous ne sommes pas spécialement mal pourvus.

Cela dit, la recherche, vous n'avez pas tort sur ce point, absorbe 10% de nos effectifs, concentrés sur la prévision numérique du temps et la modélisation du climat. Ensuite, nous sommes membres de l'alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi), à laquelle participent également le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Nous fournissons non des données, mais une véritable compréhension des mécanismes physiques. Le laboratoire de Toulouse est commun avec le CNRS ; nous mènerons avec ce dernier et une vingtaine d'organismes européens de recherche durant l'année 2012, la campagne expérimentale HyMeX (Hydrological Cycle in the Mediterranean Experiment ) destinée à mieux connaître et comprendre des phénomènes hydrologiques dans le bassin méditerranéen.

Concernant nos infrastructures propres, l'organisme intergouvernemental Eumetsat (European Organisation for the Exploitation of Meteorological Satellites) - dont la plupart des pays européens sont membres - conçoit, fait lancer et opère les satellites. Il y a donc une mutualisation complète des satellites au niveau européen, à laquelle il faut ajouter des échanges de données avec les Etats-Unis, le Japon et, progressivement avec la Chine. Pour la partie maritime, nous gérons un certain nombre de bouées ; l'Ifremer, le SHOM et d'autres organismes en font autant. L'important est l'échange des données entre structures.

Les éoliennes perturbent le signal radar. A quoi donner la priorité, à la protection des personnes et des biens ou à la production d'énergies renouvelables ? Il n'appartient pas à Météo France de trancher ; mon rôle est de faire valoir les conditions d'une bonne utilisation de l'argent du contribuable dans le développement du réseau de radars demandé par l'État.

Nos prévisions sont-elles pessimistes ? Je ne le crois pas. Tout le monde peut se tromper, et nous nous trompons, c'est l'état de l'art qui le veut, mais nous sommes évalués sur notre taux de fausse alerte. Dans le Var, Météo France s'est vu reprocher d'avoir maintenu la vigilance orange, alors qu'il est apparu a posteriori que la vigilance rouge aurait été justifiée ; or, les données disponibles sur le moment correspondaient à une vigilance orange. Nous nous efforçons de tenir l'équilibre.

Qu'attendre en termes de prévisions fiables ? Au-delà de cinq jours et jusqu'à dix jours, le signal informatif est valable. Les agriculteurs peuvent l'utiliser ; en revanche, nous ne pouvons pas leur fournir les données dont ils ont parfois besoin dans leur programme pour des épandages ou le traitement de la vigne à deux heures près.

Nous coopérons avec la Suisse, dont je reviens. Nous allons renforcer les liens entre ce pays et notre centre lyonnais. Les Suisses fournissent-ils davantage de données que nous ? Cela mérite investigation...

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ce n'est pas toujours mieux chez le voisin !

M. François Jacq. - Nous travaillons aux prévisions sur les barrages en lien avec EDF et la Compagnie du Rhône.

Oui au développement des services climatiques, mais à condition de ne pas vendre n'importe quoi aux gens ; disons-leur bien que ce sont des projections, non des prévisions. Nous avons besoin, non de supercalculateurs, mais de compétences pointues. Entre nos équipes et celles des Britanniques, le rapport est de 1 à 7, voire à 8, en raison du morcellement du paysage français entre les acteurs dont les plus grands sont l'Institut Pierre Simon Laplace et Météo France. A mon grand regret, je l'ai dit à l'AllEnvi, le travail de rapprochement des équipes françaises travaillant sur ce sujet est insuffisant. Ce n'est pas une question géographique. N'oblitérons pas le pôle toulousain ! Comparé au travail mené par les Britanniques autour du Hadley Centre, nous avons encore du chemin à parcourir ; le président de l'AllEnvi, M. Roger Genet, en a conscience. Il s'agira également de développer les relais. Météo France seul ne peut assurer la mise à disposition des données et leur appropriation par les acteurs. Il faudra en parler avec les organismes, les collectivités territoriales et l'État par exemple dans le cadre du plan national d'adaptation au changement climatique.

M. Ronan Dantec. - L'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) participera-t-il à ces discussions et dans quelles conditions ?

M. François Jacq. - Nous avons l'habitude de travailler avec cet organisme et avec tous les services du ministère chargé de l'écologie et de l'environnement qui soutiennent la mise en place du portail DRIAS permettant la mise à disposition des scénarios climatiques régionalisés.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Et l'Ifremer ?

M. François Jacq. - Avec l'Ifremer, nous entretenons des partenariats étroits sur tout ce qui relève des influences océaniques. D'ailleurs, je siège à son conseil d'administration et il est représenté au nôtre, nos équipes travaillant régulièrement ensemble au sein de Mercator Océan, où le CNRS et l'Institut de recherche pour le développement (IRD) ont également des participations. Pour conclure l'Onerc doit inciter les acteurs à se « coaliser » : ils devraient avoir un rôle d'aiguillon.

M. Daniel Raoul, président. - Merci, monsieur le Président, de ces réponses. Après que vous serez sorti, nos collègues voteront.

Avis sur une candidature aux fonctions de Président-directeur général de Météo France - Résultats du scrutin

La commission procède au vote à bulletin secret sur la reconduction de M.  François Jacq aux fonctions de Président-Directeur général de Météo France.

M. Daniel Raoul, président. - Voici le résultat du vote émis par la commission sur la candidature de M. François Jacq aux fonctions de Président-directeur général de Météo France en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Sur 21 votants, il y a eu 21 voix pour.

Majoration des droits à construire - Examen des amendements

M. Daniel Raoul, président. - Je souhaite confirmer que les commissaires du groupe UMP se sont abstenus lors de la réunion de commission d'hier sur l'amendement tendant à insérer l'article 1er A dans le texte et ont voté contre la suppression de l'article 1er.

La commission procède ensuite à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 422 (2011-2012), relatif à la majoration des droits à construire.

Article ou division

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

1er A

Extension des possibilités de cession avec décote des immeubles de l'État dans le but de favoriser la construction de logements sociaux

2

Gouvernement

Défavorable

   

10

MM. Jarlier et Dubois et les membres du groupe de l'Union centriste et républicaine

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er A

 

6

M. Dubois et les membres du groupe de l'Union centriste et républicaine

Défavorable

   

9

M. Dubois et les membres du groupe de l'Union centriste et républicaine et Mme Lamure et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire

Défavorable

   

7

M. Dubois et les membres du groupe de l'Union centriste et républicaine

Défavorable

1er

Création d'un nouveau dispositif de majoration des droits à construire

5

MM. Jarlier et Dubois

Défavorable

   

3

Gouvernement

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er

 

8 rect.

M. Amoudry et les membres du groupe de l'Union centriste et républicaine

Défavorable

Intitulé du projet de loi

 

11

M. Dubois

Défavorable

   

4

Gouvernement

Défavorable

Mercredi 8 février 2012

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Audition de M. Alexandre de Juniac, président directeur général d'Air France - Erratum

Remplacer :

S'agissant des secteurs géographiques, nous n'allons pas modifier notre implantation à Orly, qui sera le centre de notre réseau point à point.

Par :

S'agissant des secteurs géographiques, nous n'allons pas modifier nos implantations à Toulouse, Valbonne et Orly. Orly sera d'ailleurs le centre de notre réseau point à point.