Mercredi 11 septembre 2013

- Présidence de M. Simon Sutour -

Économie, finances et fiscalité - Communication de M. Richard Yung sur l'avancement de l'union bancaire

M. Simon Sutour. - Le premier point de notre ordre du jour est une communication de Richard Yung sur l'avancement de l'union bancaire. Je le remercie de s'en être chargé, car l'union bancaire est en train de franchir une étape décisive avec le vote qui va intervenir en principe demain au Parlement européen. C'est donc le moment de faire le point, de voir où nous en sommes et quelles sont les perspectives pour l'année qui vient.

M. Richard Yung. - Le Parlement européen devait adopter hier, mardi 10 septembre, le Mécanisme de Supervision Unique (MSU) confiant à la Banque centrale européenne la responsabilité de la supervision d'une grande partie des établissements financiers de la zone euro. Le texte devrait finalement être adopté demain. 12 mois à peine auront été nécessaires à la finalisation d'un accord qui constitue une étape majeure de la constitution de l'Union bancaire. C'est finalement peu pour mettre en place un tel transfert de souveraineté qui constitue aussi, j'ose le dire, une avancée dans la voie fédérale.

L'Union bancaire doit permettre de proposer des réponses pérennes et crédibles à la crise de la zone euro en rompant le cercle vicieux entre dettes souveraines et dettes bancaires. Il s'agit de restaurer la confiance, d'assurer la poursuite de l'intégration du marché financier européen et de rendre possible le retour de la croissance économique. La période qui s'ouvre sera critique pour la réussite et le maintien des ambitions affichées lors du sommet de la zone euro du 29 juin 2012. De quels éléments constitutifs d'une véritable Union bancaire disposera l'Europe demain ? Quelles prochaines étapes sont-elles envisagées ?

Tout est parti de la crise financière qui a agi comme détonateur de l'Union bancaire. En effet, l'inadéquation entre des marchés financiers intégrés et des structures de gouvernance principalement nationales a nécessité, dans le contexte de la crise financière, l'intervention massive des États européens qui ont dû soutenir leurs secteurs bancaires pour près de 1 600 milliards d'euros entre octobre 2008 et octobre 2011. Près de 600 milliards par an ! Il faut le dire aussi, certaines autorités de supervision européennes ont failli dans leur mission que ce soit au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas ou en Espagne. L'intégration du marché des services financiers européens s'est donc réalisée sans la mise en place, au niveau de l'Union, de règles de gouvernance adaptées qui devraient reposer schématiquement sur trois piliers : une réglementation commune, des autorités communes et des moyens financiers communs.

Premier élément : les règles prudentielles. La Commission européenne a proposé un corpus réglementaire unique reprenant les normes prudentielles internationales de « Bâle III » applicables à toutes les banques européennes et dans les 28 pays de l'Union européenne. Les propositions de directive et de règlement « Capital Requirement Directive - CRD IV », prérequis indispensable à l'élaboration de l'Union bancaire, ont été adoptées en juin 2013 et les principaux ratios prudentiels entreront en application progressivement à partir de janvier 2014. Il faudra avoir, selon les cas, entre 7 et 11 % de fonds propres dans les bilans bancaires. J'ajoute que ce processus de renforcement des règles prudentielles devient international. C'est une bonne chose.

En juin 2012, la Commission a, de plus, présenté une proposition de directive visant à harmoniser les mécanismes de liquidation des banques défaillantes. Autrement dit, il s'agit d'harmoniser les règles qu'on applique quand une banque ne peut plus faire face à ses engagements. Les fonds publics ont été fortement mobilisés lors des sauvetages du secteur financier au début de la crise. Le principe d'une implication prioritaire des créanciers privés s'est ensuite imposé. C'est l'esprit du nouveau cadre élaboré par la Commission : une hiérarchie des créanciers privés est proposée pour participer au renflouement interne d'une banque en difficulté tout en préservant les dépôts inférieurs à 100 000 €. Un accord politique qui commence à se dessiner sur la base des conclusions du Conseil du 27 juin 2013 laisse subsister toutefois quelques ambiguïtés et de très nombreuses exceptions qui sont de nature à vider le texte de sa substance. L'accord sur ce texte n'est pas encore acquis mais une adoption au Parlement européen pourrait être envisagée avant la fin de l'année 2013 avec, toutefois, une entrée en vigueur au plus tôt en janvier 2015.

Venons-en à la supervision. La Banque centrale européenne devrait dorénavant être le superviseur unique des principaux établissements financiers de la zone euro. Cet accord a été obtenu au terme d'une longue négociation avec l'Allemagne notamment en ce qui concerne le périmètre des banques concernées. Le cadre qui devrait finalement être adopté demain diffère donc quelque peu de la proposition initiale. Les États hors de la zone euro ont la possibilité de participer au Mécanisme de Supervision Unique. La supervision directe par la BCE est limitée aux seuls établissements jugés significatifs selon l'un au moins des critères suivants : le total de l'actif de l'établissement doit être supérieur à 30 milliards d'euros ou représenter plus de 20 % du PIB (sauf si les actifs sont inférieurs à 5 milliards d'euros), l'établissement bénéficie d'un programme financier d'aide européen, l'établissement est jugé comme significatif par une autorité nationale de supervision ou par la BCE. J'attire votre attention sur ce dernier point : la BCE peut se saisir de n'importe quel cas si elle le juge nécessaire. C'est donc un système assez complet. En tout état de cause d'ailleurs, au minimum trois établissements par États membres participants feront l'objet d'une supervision directe par la BCE. On estime à ce jour qu'environ 130 établissements financiers seront concernés représentant 80 % des actifs financiers de la zone euro, 95 % du système bancaire français et moins de 75 % du système bancaire allemand.

Le Parlement européen avait conditionné son accord à un point qui nous est très cher, la conclusion d'un accord interinstitutionnel avec la BCE précisant les modalités pratiques « de l'exercice du contrôle démocratique et du suivi de l'accomplissement par la BCE des missions que lui confère le règlement ».

L'étape suivante est la mise en place effective du mécanisme de supervision. La supervision ne débutera au plus tôt qu'en septembre 2014 après une revue préalable par la BCE des actifs des banques concernées et un exercice de tests de résistance. C'est un exercice qui ne sera pas simplement formel. Pour la première fois, les mêmes critères s'appliqueront à tous et les jugements seront portés par des équipes d'experts de plusieurs États participants. La qualité de l'évaluation de la solidité financière des établissements les plus significatifs de la zone euro sera un test crucial tant pour restaurer la confiance dans le secteur bancaire européen que pour la crédibilité de la BCE en tant que superviseur bancaire. On ne peut totalement exclure que cette revue révèle un certain nombre de surprises pour quelques banques européennes.

L'hypothèse de besoins en recapitalisation de quelques établissements à l'issue de l'évaluation des bilans ne peut être totalement écartée. Les débats concernant l'autorité de résolution des difficultés bancaires et les moyens financiers d'aide au secteur au niveau européen retrouvent dès lors une actualité concrète.

Un Mécanisme de Résolution Unique (MRU) composé d'un Conseil de résolution et d'un fonds de résolution a été présenté en juillet 2013. Ce règlement confie un rôle prépondérant à la Commission européenne au sein du Conseil de résolution. Le rôle de la Commission, la base juridique utilisée (article 114 marché intérieur), l'impact éventuel sur les responsabilités budgétaires des États ainsi que l'articulation entre fonds de résolution et fonds de garantie des dépôts font débat. De nombreux pays, dont l'Allemagne, privilégient un mécanisme de décision plus collégial. La question de savoir par qui et comment sera restructurée une banque défaillante en zone euro ne sera probablement pas tranchée avant les prochaines élections européennes.

À cette question s'ajoute naturellement celle du financement. Le sujet est aussi sur la table avec comme objectif d'éviter de faire payer le contribuable. Je rappelle qu'en France le Fonds de garantie de dépôts pourra intervenir en tant que fonds de résolution avec des moyens financiers renforcés. En Europe plusieurs solutions sont possibles : soit la création d'un fonds de résolution commun, soit le maintien de fonds nationaux avec des possibilités d'emprunt entre les différents fonds. La Commission propose un fonds de résolution unique qui serait, à terme, financé ex ante par les banques et recevrait transitoirement des fonds publics des États participants. La négociation de ce texte débute à peine et celle sur la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts est suspendue depuis 2011. Le débat politique promet d'être intense, mais la nécessité d'un système européen devrait s'imposer à terme.

L'accord du Conseil des 26 et 27 juin sur la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) a créé, pour sa part, un cadre très contraignant. Des conditions préalables sont posées à toute recapitalisation bancaire par le MES, parmi lesquelles figurent notamment l'accord sur l'harmonisation des régimes de résolution (au mieux fin 2013), l'accord sur les systèmes de garantie des dépôts (non envisagé à ce jour) et la mise en place effective du Mécanisme du Supervision Unique (au plus tôt septembre 2014). De plus, l'État concerné devra abonder à hauteur de 20 % des sommes versées et avoir préalablement participé à une recapitalisation de la banque en difficulté. Enfin, les fonds disponibles sont limités dans un premier temps à 60 milliards d'euros à comparer aux 40 milliards accordés à l'Espagne pour la recapitalisation bancaire. On le voit ici, le lien entre banques et État n'est que partiellement atténué.

La question du financement est à l'évidence une question politique sensible et il faudra certainement du temps pour dégager un accord. Nous avons donc des mois très importants devant nous. Les éléments constitutifs d'une Union bancaire dont nous disposons sont aujourd'hui encore imparfaits. L'évaluation crédible de la solidité des banques de la zone euro sera de nature à restaurer la confiance dans le système financier indispensable à l'accompagnement de la croissance économique. Le processus, aussi imparfait soit-il donc encore, semble désormais inéluctablement enclenché et entre désormais dans une phase décisive. Durant ces 12 prochains mois, la volonté politique et la nécessaire collaboration entre autorités nationales de résolution, BCE et Commission européenne devraient permettre de poursuivre plus avant la construction de l'Union bancaire.

Mme Françoise Boog. - Merci pour ces éléments d'information. Quelle est la nature de l'opération de résolution bancaire et, plus précisément, comment doivent être considérés les fonds investis dans ce type d'opération ?

M. Richard Yung. - En cas d'application d'un dispositif de résolution, la banque concernée perd la plupart du temps une grande partie de ses capacités de décision. Un administrateur provisoire est souvent nommé dans ce cas. L'idée est de remettre la banque sur pied dans un délai raisonnable et de revendre la participation prise dans le cas de la résolution.

M. Simon Sutour. - Merci de ce point d'étape sur ce dossier au long cours. Nous entrons dans une phase décisive pour l'ensemble de ce processus qui est indispensable au relèvement de l'économie européenne. Nous serons vigilants durant les prochains mois sur l'évolution des sujets liés aux autorités de résolution et au financement des difficultés bancaires.

Nomination d'un rapporteur

M. Simon Sutour. - Nous avons à nommer un rapporteur sur la proposition de résolution de Jean Bizet et Bernard Saugey concernant les aides d'État aux aéroports régionaux. À l'heure actuelle, pour les aéroports ayant moins de 1 million de passagers par an, ces aides n'ont pas à être notifiées à la Commission européenne. La Commission voudrait désormais abaisser ce seuil à 200 000 passagers. La proposition de résolution invite le Gouvernement à s'opposer à ce changement.

M.  Jean Bizet est nommé rapporteur de la proposition de résolution.

Questions diverses

M. Simon Sutour. - Nous sommes saisis en urgence d'une proposition de décision du Conseil, qui concerne le programme d'ajustement en faveur de Chypre. Cette proposition nous a été transmise le 4 septembre, il y a donc une semaine, et le Conseil doit la voter demain. Le Gouvernement, qui est favorable à ce texte, nous demande de lever la réserve d'examen parlementaire afin de pouvoir se prononcer demain. Naturellement, ces procédures d'urgence ne sont jamais satisfaisantes, mais je pense que tout le monde sera d'accord pour ne pas faire de difficulté sur ce texte qui permettra à Chypre de bénéficier des aides européennes.

La demande de levée de la réserve d'examen parlementaire est approuvée.