Mercredi 13 novembre 2013

 - Présidence de M. Michel Savin, président -

Audition de M. Jean-Marie Darmian, maire de Créon, représentant l'Association des maires de France (AMF)

M. Michel Savin, président. - Nous recevons aujourd'hui M. Jean-Marie Darmian, maire de Créon, en Gironde, et représentant de l'Association des maires de France (AMF).

Pouvez-vous nous dresser l'état des lieux des relations entre les collectivités territoriales et le milieu du sport professionnel ?

M. Jean-Marie Darmian, maire de Créon, représentant l'Association des maires de France (AMF). - Je suis co-responsable, à l'AMF, du groupe de travail sur le sport, représentant de l'AMF au sein du Conseil national du sport, ainsi qu'au sein du Haut conseil de la vie associative, et secrétaire adjoint de l'AMF pour quelques mois encore, ayant décidé de mettre un terme à mes mandats électifs.

J'ai été, durant 22 ans, journaliste sportif. Mon point de vue ne repose donc pas sur une vision strictement politique du monde du sport.

Les relations entre l'AMF et le milieu du sport professionnel sont complexes. La loi de 1984 fondant les relations entre les collectivités et le sport professionnel stipule que les collectivités peuvent aider ou subvenir aux besoins des clubs sportifs ou des associations qui, d'une manière ou d'une autre, incitent à la pratique sportive. Les collectivités territoriales, qu'elles soient départementales, régionales, ou communales, n'ont donc pas, ès qualités, de lien direct avec le sport professionnel, si ce n'est à travers leurs modes de financement. Dans les années 1970-1980, quelques maires avaient associé la collectivité territoriale à la vie du club par le biais de sociétés d'économie mixte (SEM). La plus célèbre était alors celle de Lille.

Le second mode de financement était celui de la subvention directe, comme à Marseille, au temps du président Leclerc et de Gaston Defferre : on demandait une subvention, que l'on obtenait. Quand il n'y avait plus d'argent, on en demandait une nouvelle.

La troisième solution, que des clubs célèbres ont utilisée durant des années, était la caution d'emprunt. Les mairies se portaient garantes de l'engagement des clubs professionnels à l'égard des banques, faisant jouer les cautions. On a ainsi vu des joueurs professionnels payés par des emprunts à vingt ou trente ans.

La situation n'est toujours pas clarifiée. Votre mission aura un rôle important à jouer de ce point de vue, la ministre des sports voulant refonder par une loi les rapports entre sport professionnel et sport amateur. Actuellement, il n'existe pas de code précis d'activité.

Les subventions directes des communes au titre du sport professionnel atteignent des chiffres relativement faibles, mais les subventions « annexes » (achat de places, sponsoring partenarial, travail avec les centres de formation, prestations de communication ou présence de joueurs lors de manifestations) représentent des montants conséquents. Le montant de subventions autorisé par la loi est très faible. Pour certains clubs, elle se limite à 30 000 euros. On peut estimer que c'est très peu, mais cette somme est affectée aux centres de formation. L'AMF, quant à elle, serait plutôt favorable à une loi allant vers le sport pour tous.

La participation des collectivités territoriales aux grandes manifestations sportives constitue un autre problème. En matière d'investissements, la difficulté majeure vient du fait que les collectivités territoriales investissent à long terme sur des performances sportives aléatoires.

J'ai siégé au Comités des grands équipements sportifs (COGEQUIS) qui devait approuver, avant toute demande de subvention au Centre national pour le développement du sport (CNDS), les appels de fonds effectués par les collectivités territoriales pour les grands stades et les Arénas. Nous avions de mal à juger de la rentabilité économique d'un équipement qui atteignait parfois des sommes extraordinaires. Le CNDS a été en grande partie vidé de ses fonds du fait de l'aide, à la rentabilité réelle mal définie, apportée aux grands équipements de la coupe d'Europe de football, ainsi qu'aux Arénas.

L'AMF n'encourage pas les collectivités territoriales à participer directement à l'équipement dédié au sport professionnel, sauf si cet équipement présente un intérêt en matière de sport de masse.

Le troisième point que je veux évoquer devant vous concerne le problème des relations contractuelles entre une collectivité et un club professionnel, lorsque celui-ci ne fonde ses recettes que sur des résultats sportifs. En effet, tout aléa sportif entraîne automatiquement un déséquilibre financier, qu'il s'agisse de football, de rugby ou de basket. La ville de Strasbourg s'est ainsi retrouvée brutalement sans club professionnel, et a été obligée d'assurer le maintien d'un stade qui lui coûtait, selon l'enquête que j'avais menée, 20 000 euros par semaine, sans qu'un match n'ait lieu dans cette enceinte.

Comment une collectivité territoriale peut-elle établir des relations avec le sport professionnel si elle n'a pas de garantie sur la fiabilité de la structure qui va l'exploiter -sauf si des utilisations annexes justifient cet investissement et garantissent son fonctionnement ? Il appartient à la loi de clarifier la situation.

Vous savez que l'Europe se partage aujourd'hui en services d'intérêt général économique ou non économique. Il sera a priori difficile de considérer les structures professionnelles sportives comme ne présentant pas un intérêt général économique. La subvention indirecte deviendra donc impossible dans la quasi-totalité des cas. On peut compter sur la Cour des comptes pour relever ce point.

Quant au service d'intérêt général non économique, il faudra démontrer la valeur sociale de l'engagement de la structure, ce qui réduira considérablement la participation des collectivités territoriales.

Il manque actuellement, en France, 30 000 équipements sportifs de proximité. Or, ceux-ci ne peuvent plus être subventionnés par le CNDS. Il faudra donc que la loi revoie la manière de concevoir les investissements.

Le souhait de l'AMF est de plafonner les investissements publics, afin de ne pas entraîner la chute de la collectivité. Dans beaucoup de pays d'Europe, ces investissements sont assurés par l'entreprise sportive elle-même, et non par la collectivité territoriale.

Pour autant, l'AMF n'a pas, dans ce domaine, de politique déterminée, le sport professionnel touchant moins de 200 villes sur 36 000 communes.

Vous avez par ailleurs posé une question sur la refonte des compétences. Si des collectivités doivent être concernées, l'AMF estime que cela ne peut se faire qu'à l'échelle des régions. On voit bien que la plus grande partie des gens qui fréquentent un stade de football ne vient pas nécessairement de la ville dans laquelle est implanté le stade, mais d'une région bien plus large. Ce n'est donc pas nécessairement à la ville centre de supporter les dépenses, ni de faire fonctionner les clubs professionnels.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Est-il aisé de définir aujourd'hui si un club relève ou non du statut professionnel ?

M. Jean-Marie Darmian. - On pense toujours au football, au basket-ball, au handball, ou au rugby, mais certains sports professionnels, comme le golf, ne s'adressent aux collectivités territoriales que pour subventionner des manifestations. Il en va de même pour le Tour de France, pour lequel les collectivités locales, ne sont certes pas les principales contributrices, mais sont néanmoins sollicitées. Il existe donc une ambiguïté dans la définition de la structure professionnelle.

Le professionnalisme devrait impliquer que les sportifs vivent intégralement des recettes de leur activité. Or, mis à part, l'Olympique lyonnais (OL) ou le Paris Saint-Germain (PSG), il n'existe pas de club que l'on puisse considérer comme professionnels à temps plein. C'est ce que la loi devrait essayer de clarifier

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - L'AMF connaît-elle le montant que les communes consacrent au sport professionnel ?

M. Jean-Marie Darmian. - Je crois qu'il n'existe pas d'exemple, en France, de club sportif professionnel n'ayant pas recours aux collectivités pour l'entretien de leurs installations. Ces prestations sont généralement sous-estimées - certains clubs de football anglais requérant jusqu'à douze jardiniers -, et l'entretien d'un stade est financièrement supérieur aux exonérations de taxes sur les spectacles qui peuvent être effectuées.

En second lieu, il est très difficile d'identifier les subventions, beaucoup de collectivités contournant la réglementation par l'achat de places. La prochaine loi va aborder la question et je crois savoir que les collectivités ne pourront acheter des places qu'à condition de les redistribuer selon des critères sociaux.

Il existe par ailleurs dans les stades des contrats de publicité qui ne sont pas toujours payés selon les tarifs du marché et constituent des subventions déguisées : là où un annonceur paierait 15 000 euros, la collectivité consentira à un effort qui pourra atteindre le double.

Une autre forme d'aide réside dans la mise à disposition d'installations qui ne sont pas celles dans lesquelles se déroule la compétition, comme des centres de formation ou d'entraînement qui, pour beaucoup, appartiennent aux collectivités locales.

Beaucoup de communes accordent des exonérations de taxes sur les spectacles, qui peuvent être très importantes. Cette part est variable chaque année, en fonction du choix des matchs.

Quand on cumule toutes ces pratiques, on parvient à des sommes conséquentes atteignant probablement un milliard d'euros tous sports confondus. Ces sommes ne sont pas réellement identifiables dans le budget des communes, certaines collectivités ne subventionnant pas directement le sport, mais des associations supports servant à transférer les fonds, sans qu'on puisse le vérifier. Ceci diminue les charges qui incombent aux clubs, comme celles, au football, des centres de formation.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Peut-on avoir une idée de ce que rapporte aujourd'hui le sport professionnel ?

M. Jean-Marie Darmian. - C'est un vrai débat. Le sport professionnel, lorsqu'il traite avec les collectivités territoriales, parle en termes d'image ou de temps de diffusion, affirmant, dans le cas du Tour de France par exemple, qu'une campagne de promotion coûterait infiniment plus cher que ce que paye la commune pour être choisie comme ville étape.

Selon les organisateurs sportifs, il est incontestable que les collectivités territoriales tirent un bénéfice indirect de la notoriété que confère la pratique du sport professionnel. Bourgoin-Jallieu est bien la preuve de ce que cela peut apporter à une ville sur le plan économique et en termes de notoriété. Ceci vaut aussi pour les entreprises qui participent à la vie du club.

Si les grandes entreprises s'intéressent aux clubs professionnels pour les retombées, les maires ne peuvent y être indifférents. Cela dit, si la notoriété d'un club apporte beaucoup à une ville, cet apport peut être éphémère disparaître aussi vite qu'il est apparu.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Vous avez évoqué les possibilités d'exonération de la taxe sur les spectacles. A-t-on une idée de ce que rapporte le spectacle sportif aux communes ?

M. Jean-Marie Darmian. - Il rapporte à peu près l'équivalent de l'exonération. En général, il s'agit d'une cote mal taillée. Tout dépend du choix politique effectué par la collectivité, et des rapports avec le club. Certaines mairies ne pratiquent aucune exonération.

Mme Michelle Demessine. - Il existe des frais de nettoyage.

M. Jean-Marie Darmian. - L'exonération est double, les frais d'entretien du stade n'étant pas récupérés.

Lorsque Le club de rugby de Bègles utilise le stade de Bordeaux, les frais s'élèvent à 92 000 euros. Lorsque ce même club joue à Bègles, dans un stade plus petit, les frais sont d'environ 12 000 euros. Il y a certes une différence de fréquentation, mais de nombreuses places sont gratuites. C'est la retombée économique de la diffusion télévisée qui permet de vivre.

M. Pierre Martin. - Les Allemands s'en tirent mieux car la fréquentation de leurs stades a largement augmenté.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - A-t-on un schéma type de répartition entre la commune et l'intercommunalité ou l'agglomération ?

M. Jean-Marie Darmian. - C'est un débat que le législateur devra trancher à l'occasion de la loi sur les compétences des métropoles. Les équipements sportifs doivent-ils faire partie de ces compétences ? Toute collectivité peut certes décider que les clubs d'un certain niveau sont d'intérêt communautaire, et que les autres restent d'intérêt communal, mais le débat sur le sport professionnel devra être tranché en fonction des compétences qui seront attribuées aux métropoles.

Toutefois, de moins en moins de communes assument seules la responsabilité des relations avec le sport professionnel. Les choses se font à l'échelon d'entités beaucoup plus larges que la commune centre.

M. Michel Le Scouarnec. - Les chiffres m'étonnent : il manquerait 30 000 équipements de proximité. Beaucoup d'efforts sont pourtant réalisés par les collectivités locales.

M. Jean-Marie Darmian. - Il s'agit d'une étude du ministère des sports, qui a été réalisée il y a trois ans. Elle mentionne un ratio par nombre d'habitants portant sur les équipements structurants tels que les salles omnisports, les piscines, les terrains de jeux et les pistes d'athlétisme.

M. Michel Le Scouarnec. - Ces chiffres englobent-ils les équipements scolaires ?

M. Jean-Marie Darmian. - Non. C'est là un vrai débat. L'AMF est très concernée par ce sujet. On en arrive à avoir des normes de stade pour l'éducation nationale, pour les fédérations et pour le sport pour tous.

Il arrive que l'on doive détruire le sautoir d'un stade scolaire à cause d'une nouvelle discipline d'enseignement de l'athlétisme appelée quintuple bond, ou encore faire des pistes de 80 mètres au lieu de 100 mètres. L'AMF ne cesse de se battre pour la polyvalence des équipements : Bordeaux, qui a un superbe vélodrome, ne s'en sert parfois que deux fois dans l'année.

M. Michel Le Scouarnec. - S'il manque effectivement 30 00 équipements, ne va-t-on pas considérer que le CNDS doit être utilisé à d'autres fins que pour le sport pour tous ? Si le manque est si criant, il est urgent de changer la donne, et l'AMF peut jouer un rôle important dans ce domaine.

M. Jean-Marie Darmian. - L'AMF demande que ces structures ne soient pas utilisées uniquement pour le sport professionnel.

M. Michel Savin, président. - J'entends bien votre inquiétude, mais cette question ne concerne pas notre mission, qui porte sur les relations entre le sport professionnel et les collectivités. Le manque d'équipements doit donc s'inscrire dans un autre débat.

M. Alain Néri. - Si on multiplie les normes, on ne s'en sortira pas. Il faudra bien finir par faire la distinction entre le club professionnel, société à objet sportif ou société anonyme, et le club omnisports, en expliquant aux fédérations que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Certaines conditions sont certes nécessaires à la pratique du sport, mais il faut également que chacun reste raisonnable, en particulier les fédérations. Elles doivent écouter les collectivités, qui mettent la main au portefeuille.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Pensez-vous que l'on puisse améliorer la représentation des collectivités dans le mouvement sportif ?

M. Jean-Marie Darmian. - Oui, au CNDS, les élus n'ont qu'une voix consultative, que ce soit à l'échelon régional ou national, même si la ministre des sports est en train de modifier le fonctionnement du Centre et des comités régionaux. Les élus sont bien les payeurs, mais ils ne sont que de simples observateurs.

Faut-il que les élus intègrent de droit les organes de direction des clubs professionnels ? Pour l'AMF, la réponse est non. L'expérience prouve que c'est très dangereux en termes de responsabilité des élus, et encore davantage en termes de morale et de fonctionnement des clubs.

S'agissant des normes, le problème vient du fait que les fédérations ou les ligues de football ou de rugby font pression sur les clubs en affirmant que, sans quatre plates-formes de télévision, ils ne pourront accéder au sport professionnel. Ceux-ci se retournent alors vers les collectivités propriétaires du stade pour qu'elles mettent aux normes un équipement qui va rapporter au club et non à la collectivité, cette dernière ne touchant pas de royalties sur les droits de télévision.

Le poids qu'a pris la télévision dans le monde du sport professionnel est tout à fait disproportionné : bientôt, on arrivera à faire jouer des matchs à midi, devant des stades vides, la recette étant alors assurée par la télévision et non par le spectateur. Or, pour les collectivités territoriales, la finalité est de faire en sorte que les personnes se déplacent pour aller voir le match.

M. Rachel Mazuir. - Même chose pour le Tour de France : la publicité et la télévision décident.

M. Jean-Marie Darmian. - Mais l'élu est obligé de faire refaire les routes à neuf.

M. Rachel Mazuir. - 170 000 euros.

M. Alain Néri. - Cela dit, une fois les routes goudronnées, elles le restent.

M. Michel Savin, président. - Vous avez parlé d'un certain flou par rapport au suivi des subventions. L'AMF a-t-elle des propositions à faire en ce domaine ? Doit-on l'inscrire dans une loi ?

M. Jean-Marie Darmian. - L'AMF propose d'instituer une sorte de déclaration annuelle, qui permettrait de retracer tous les financements publics dont bénéficient les clubs professionnels.

Vous le savez, l'expert-comptable d'une association, quelle qu'elle soit, doit, à la fin de chaque exercice, faire état de toutes les conventions particulières passées entre l'association et ses membres. Je pense que ceci pourrait s'appliquer à la comptabilité des clubs et à celle des collectivités, de manière qu'à la fin de l'exercice apparaissent toutes les subventions, directes ou indirectes, consenties au club par les collectivités, avec mention de leur nature.

Ces relevés ne figurent pas dans les bilans des clubs, et je crois qu'il faudrait y remédier, de telle manière que l'on voie le rapport entre l'aide publique et le fonctionnement privé du club.

M. Pierre Martin. - L'AMF a mené, il y a quelques années, des négociations avec les différentes fédérations sportives. J'y participais. Nous avions attiré l'attention des fédérations sur le fait qu'elles ne pouvaient exiger quoi que ce soit dès lors qu'elles ne payaient pas. Des conclusions en ont été tirées et les différentes fédérations ont pris des engagements à ce sujet.

M. Jean-Marie Darmian. - Je n'ai parlé que des équipements demandés par les ligues professionnelles ayant un rapport avec le club : éclairages pour la télévision, plates-formes, places neutralisées, sécurité, accès aux vestiaires, etc. Ce ne sont pas les fédérations qui l'imposent, mais bien les ligues professionnelles.

Il ne faut pas confondre ces demandes avec celle des fédérations, qui réclament aux maires une pelouse pour un stade de division d'honneur : ces demandes ont pour but un profit financier plus qu'une amélioration de l'installation.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Beaucoup de clubs professionnels sont demandeurs de nouvelles infrastructures sportives et font référence à l'exemple allemand. Certains se sont lancés dans des projets relativement ambitieux, sous diverses formes telles que les partenariats public-privé (PPP) ou la maîtrise d'ouvrage directe.

L'AMF a-t-elle engagé une réflexion sur les différents moyens de faire fonctionner une infrastructure sportive, notamment au regard des exemples de Strasbourg, du Mans, ou de Grenoble ? Comptez-vous attirer l'attention du ministère sur ces moyens de financement ?

M. Jean-Marie Darmian. - L'AMF, siégeant à la COGEQUIS, a été contrainte de mener cette réflexion. Une des premières décisions de la ministre des sports a été de supprimer le COGEQUIS, à la demande de l'AMF, de façon à ne pas entraîner automatiquement des subventions de l'Etat pour la construction de certains équipements. Certaines obligations pèsent en effet sur les collectivités qui désirent s'engager dans des compétitions, comme la coupe de l'Union des associations européennes de football (UEFA). Or, un signal d'alerte vient d'être émis à l'occasion du referendum de Munich, dimanche dernier : pour la première fois dans l'histoire, des communes, de la banlieue munichoise, ont refusé que Munich se porte candidate aux Jeux olympiques, pour ne pas financer des équipements sans avoir la certitude qu'ils pourront avoir une utilisation ultérieure.

C'est un enchaînement sans fin. Le stade olympique de Montréal n'a, par exemple, plus aucune utilité. Personne ne se sert plus de sa pelouse. On y a d'ailleurs réalisé une biosphère et installé des animations.

L'AMF demande donc que la majorité des équipements sportifs liés au monde professionnel soient pris en charge par les exploitants, ou par ceux qui vont y exercer une activité économique. Une collectivité ne peut investir dans une Aréna pour la mettre à disposition d'une société à but lucratif. Des délégations d'exploitation, ou des délégations de service public (DSP), peuvent exister. Les collectivités ne sont pas tenues de demeurer en régie directe. Des choix peuvent être effectués au départ. Financer des stades de 45 000 places, dans lesquels la collectivité va s'engager sur une longue durée, sans être certaine de la rentabilité de l'équipement, c'est courir le risque de servir de caution à un emprunteur dont on n'est pas sûr qu'il aura toujours des revenus.

Mme Michelle Demessine. - L'exemple de Londres, à cet égard, est très intéressant.

M. Jean-Marie Darmian. - Ils n'ont réalisé que des équipements démontables.

M. Rachel Mazuir. - A-t-on dressé un bilan social et financier des événements du Mans, de Grenoble, ou de Strasbourg ? Des clubs de ligue 1, comme celui de Grenoble, se sont retrouvés en championnat de France amateur 2 (CFA2), avec des annuités à payer. Certaines équipes devaient avoisiner la centaine de personnes. Ces gens se sont tous retrouvés au chômage du jour au lendemain. Lorsqu'il s'agit d'une entreprise, on assiste à des manifestations ; ici, on ne sait rien et on n'en parle pas.

M. Jean-Marie Darmian. - Ce sont les aléas du sport professionnel. Un club peut être européen durant une année, bâtir sa stratégie financière sur cet élément, puis rétrograder l'année suivante, en ayant embauché 100 personnes entre-temps. C'est une question de masse salariale et de contrats à long terme.

Je crains que l'on en arrive à réduire le nombre de clubs professionnels au minimum, afin qu'ils fassent tous partie de l'élite. C'est une tentation.

C'est le professionnalisme, sans l'incertitude du sport.

Mme Françoise Cartron. - Certaines décisions, comme celle d'accueillir la coupe d'Europe de football se prennent en petits comités et s'imposent ensuite directement aux collectivités, avec toute la pression médiatique et locale que l'on connaît. On est alors dans une sorte d'étau, où la libre administration des collectivités est mise à mal. On doit, en outre, décider très rapidement d'investissements lourds, pour satisfaire un choix auquel on n'a pas toujours été associé au départ.

M. Alain Néri. - Le risque que présentent les ligues fermées est majeur. Des tentatives ont déjà eu lieu, comme celle de M. Murdoch.

Les collectivités ne sont pas, comme les clubs, membres de l'UEFA. Que les clubs s'arrangent donc avec elle. Les royalties de l'UEFA tombent bien dans les caisses du club et non dans celle de la commune. Les clubs commandent, mais ne paient pas, et ne prennent pas de risque. Ce n'est pas ainsi que l'on doit gérer les choses.

Je crois qu'il faut rappeler à la raison les clubs et la ligue professionnelle. C'est la ligue professionnelle qui dirige tout. Or, elle est avant tout composée de présidents de club. Il est, dans ces conditions, urgent de clarifier les relations entre les collectivités et ces structures, qui ne sont même pas associatives.

Le cas le plus difficile à résoudre est effectivement celui de la pression que subissent les maires, lorsqu'une équipe monte. Il fut un temps où les collectivités étaient amenées à garantir les emprunts des clubs. Heureusement, on s'en est sorti en légiférant, et je me demande si nous ne devrons pas traduire dans la loi le travail que nous sommes en train de conduire ici.

Mme Michelle Demessine. - Tout n'est pas noir, tout n'est pas blanc, et on n'est pas toujours le dos au mur. Certes, les instances sportives abusent des normes, et je pense qu'il faudra avoir un dialogue permanent plus fort à ce sujet, mais chacun sait que toutes les disciplines -hormis le football- ne vivent que grâce aux collectivités. Il ne faut pas attendre que le club établisse seul son projet. La collectivité peut fort bien prendre position en amont, et expliquer qu'elle n'est pas prête à suivre. Il faut poser clairement le problème.

M. Rachel Mazuir, rapporteur. - Quelle est la position de l'AMF sur le financement des grandes infrastructures par les collectivités locales ? Estime-t-elle qu'il faut limiter les aides à 50 % ?

M. Jean-Marie Darmian. - L'AMF préconise une limitation en pourcentage, mais je ne puis vous apporter de réponse quant au niveau. Il conviendrait toutefois de respecter les équilibres réels de financement public pour le compte d'une exploitation privée. Je pense qu'il faudrait que vous réfléchissiez à un plafond. Si un maire mettait à la disposition d'une structure privée des équipements parfois financés à 80 % par la commune, il subirait les foudres de la Cour des comptes.

J'aimerais, en conclusion, vous transmettre un certain nombre de demandes de l'AMF.

Il faut avoir conscience de l'évolution du sport professionnel. Certaines disciplines ne sont pas concernées par nos réflexions. Roland-Garros est ainsi entièrement autofinancé. Il faut jeter les bases d'une réflexion globale portant sur le sport professionnel. L'AMF ne veut pas se laisser entraîner dans des débats avec chaque fédération. Nous souhaiterions que votre rapport redéfinisse les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel, afin de ne pas ouvrir la porte à des situations ambiguës ou complexes. L'AMF réclame une clarification.

En second lieu, l'AMF souhaite identifier les chefs de file et les interlocuteurs, ainsi que leur niveau de responsabilité : communes centres, métropoles ou régions. Selon moi, les centres de formation doivent dépendre des régions, et non de la commune ou du département.

Par ailleurs, l'AMF désirerait voir figurer dans les comptes des clubs la mention de toutes les aides indirectes accordées au sport professionnel. Les associations ne parlent que de subventions : l'AMF veut insister sur la notion de soutien, qui n'est pas la même chose. Dans un milieu économique tendu, l'AMF réclame une certaine transparence sur cette question. Il ne s'agit pas d'exiger des comptes analytiques de la part des communes, mais de faire en sorte qu'apparaissent, au moins dans les comptes du club, toutes les aides indirectes accordés par les collectivités, comme les exonérations de taxes, par exemple.

Enfin, l'AMF demande que toutes les relations entre le monde professionnel et les collectivités territoriales soient régies par des conventions soumises au vote de ces collectivités, de manière qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans ce domaine.

Audition de M. Pascal Bonnetain, conseiller de la région Rhône-Alpes et président de la commission des sports de l'Association des régions de France (ARF)

M. Michel Savin, président. - Nous poursuivons nos travaux et entendons à présent M. Pascal Bonnetain, conseiller de la région Rhône-Alpes, et président de la commission des sports de l'Association des régions de France (ARF).

M. Pascal Bonnetain. - Je tiens à vous présenter les excuses du président Alain Rousset, qui n'a pu se joindre à nous. Je suis accompagné de Claire Bernard, permanente à l'ARF.

Le sport professionnel concerne aujourd'hui toutes les régions, même s'il existe des compétences particulières ou des chefs de file en la matière. La région Rhône-Alpes compte 950 athlètes de haut niveau, trois clubs de football de première division, deux clubs de rugby en Top 14 et 12 clubs professionnels au total. Le sport nature représente aussi une part non négligeable de l'ensemble, puisqu'il constitue un enjeu économique important pour le tourisme en Rhône-Alpes.

Nous nous concentrerons aujourd'hui sur le sport professionnel. Nous sommes tenus à une grande transparence en matière d'intervention des collectivités dans ce domaine, où nous avons des compétences s'agissant de la formation. C'est la raison pour laquelle nous sommes à même d'aider les clubs professionnels qui disposent d'un service de formation des apprentis.

Les collectivités ne se structurent toutefois pas toujours autour des clubs professionnels, Oyonnax ou Evian Thonon Gaillard, historiquement, ne représentant pas des institutions comme l'Olympique lyonnais (OL) ou Geoffroy Guichard.

Nous sommes donc tenus de nous intéresser aux centres de formation, ainsi qu'aux lycées et aux centres de formation d'apprentis (CFA), qui relèvent de la compétence de la région. C'est pourquoi nous soutenons les centres de formation et aidons les jeunes à assister à des matchs de basket-ball féminin, de football, de volley-ball, de rugby, même si nous ne mettons pas à leur disposition des places en tribune d'honneur.

Enfin, nous avons également une mission d'aide aux équipements devant accueillir de grands événements, comme l'Euro 2016, et sommes chargés de rénover certains stades -OL, Geoffroy Guichard. Certaines collectivités, comme Le Mans ou Grenoble, ont connu des difficultés, n'ayant pas hésité à recourir à des partenariats public-privé (PPP). Elles doivent ensuite payer leurs équipements pendant plusieurs mandats, et l'effet à long terme peut être dévastateur. Les stades du Mans ou de Grenoble ont ainsi été mis en oeuvre pour des équipes qui n'ont pu tenir leur rang.

L'argent des collectivités est rare ; le débat public est de plus en plus important, d'autant que la presse assiste aux assemblées plénières. Il faut donc que les collectivités prennent garde à la façon dont elles distribuent l'argent aux clubs professionnels qui, dans l'opinion publique, apparaissent comme favorisés. On doit aux citoyens une certaine transparence, les contrôles de légalité exigeant que cet argent ne soit pas dévoyé.

Enfin, les régions apportent une aide de 24 millions d'euros aux clubs professionnels sur l'ensemble du territoire, répartie entre la communication et les centres de formation. Il n'existe pas de mise à disposition de personnels territoriaux auprès des clubs professionnels.

M. Michel Savin, président. - La parole est au rapporteur.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Vous avez évoqué la place des régions dans la formation. M. Darmian, avant vous, nous a dit qu'il serait bon de clarifier les compétences en la matière, et de les attribuer définitivement aux régions. Qu'en pensez-vous ?

M. Pascal Bonnetain. - Je le crois en effet.

Les compétences sportives, quant à elles, sont liées aux communes, aux communautés de communes, aux départements et aux régions. Or, il n'existe pas de chef de file. Il va falloir trouver une stratégie en matière d'égalité et d'aménagement du territoire. La région doit réagir et s'adapter à des changements d'environnement tels que la réformes du Centre national pour le développement du sport (CNDS), qui est en cours, ou l'évolution attendue des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) vont vraisemblablement relever des régions. La région va donc devenir chef de file sur de multiples sujets qui la concernent.

Chacun de vous a déjà essayé de réaliser une piscine ou un gymnase. L'intérêt est de parvenir à un financement suffisant, afin de permettre un effet de levier. Aujourd'hui, la région touche des fonds européens. Le président du conseil régional va donc essayer de gérer cette réalisation non seulement avec le CNDS, mais également avec ces fonds. Il est important que chaque schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui constitue une structure cohérente, ait une piscine couverte. J'habite en milieu rural : les enfants ont besoin de savoir nager et de faire de la gymnastique. Le milieu rural nécessite donc de tels équipements, et il faut utiliser les ressources de l'urbanisme dont nous disposons, comme le SCOT. C'est la raison pour laquelle la formation constitue, selon moi, une compétence qui doit revenir à la région.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Les régions aident-elles parfois le sport professionnel individuel ?

M. Pascal Bonnetain. - Nous n'en avons pas d'exemple. Les seuls à être quelque peu rémunérés sont les skieurs, qui ont également des contrats de partenariat avec les stations. La région aide cependant ses 950 sportifs de haut niveau. Elle a, à cette fin, créé un team.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Existe-t-il des agents territoriaux parmi ces sportifs de haut niveau ?

M. Pascal Bonnetain. - Ce type de convention ne se pratique plus guère. Un agent de la région, champion olympique de Handisport, a été intégré dans l'équipe territoriale. Il s'agit d'une reconversion. Les collectivités redoutent les emplois fictifs.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Votre région compte beaucoup de rénovations d'infrastructures sportives. De quelle façon la région s'y prend-elle pour soutenir ces divers projets ?

Les clubs cherchent à développer un modèle économique viable, comme en Allemagne. C'est le cas du stade Geoffroy Guichard de Saint-Etienne, de Lyon, financé par le club, même si les collectivités participent à l'aménagement des abords du stade, et de Grenoble, où le projet sportif était lié à des investisseurs étrangers, qui sont aujourd'hui désengagés, mettant ainsi le club en difficulté.

Pensez-vous qu'il faille que les collectivités limitent leurs investissements dans ce domaine ?

M. Pascal Bonnetain. - En région Rhône-Alpes, le débat sur le stade des Alpes et celui sur l'Euro 2016 sont, par chance, arrivés au même moment. Ceci nous a permis de privilégier la maîtrise d'ouvrage publique par rapport à la maîtrise d'ouvrage privée.

Nous sommes quelque peu dubitatifs pour ce qui est des PPP, mais on ne peut empêcher une initiative privée concernant le stade de Lyon. On sait que celui-ci comportera des fonds publics, et que les collectivités devront mettre en oeuvre des transports collectifs, mais ceux-ci serviront également à la population. Etant donné l'état du stade de Geoffroy Guichard, il fallait bien l'aider. Certains de nos partenaires politiques n'y étaient pas favorables, mais il s'agit d'un stade historique, où l'on doit accueillir correctement le public.

Nous avons tenté de prendre les meilleures décisions, même si l'on est montré du doigt lorsqu'on investit de l'argent dans un club professionnel. Cela fait partie d'un débat que nous avons eu en assemblée plénière, devant les journalistes. Il faut que les collectivités restent les acteurs de l'intérêt général. C'est fondamental !

M. Rachel Mazuir. - Lorsqu'on évoque les structures nouvelles que l'on veut mettre en place, on pense surtout à ce qui se fait en Allemagne. On oublie que les stades y sont systématiquement pleins tous les dimanches, ce qui est loin d'être le cas chez nous. C'est la même chose en Angleterre. Il s'agit d'une culture différente.

On dit que les régions sont les chefs de file en matière de sport professionnel. La France compte 22 régions. Deux ont une puissance financière réelle, l'Ile-de-France et Rhône-Alpes. Jean-Pierre Raffarin dit qu'il serait sans doute pertinent que notre pays ne comporte que huit à dix régions -et je suis d'accord avec lui. Il faut donc aussi, me semble-t-il, prendre cette dimension en compte.

S'agissant des SCOT, ceux-ci n'ont rien à voir avec la région, l'apprentissage de la natation commençant à l'école élémentaire !

J'approuve cependant l'aide que Rhône-Alpes apporte aux centres de formation. C'est là le vrai rôle des régions, et il faut s'en tenir à cette dimension. Le reste me paraît extrêmement aléatoire, s'agissant des superstructures. Je souhaite que les choses réussissent à Lyon. A Bourg-en-Bresse, nous avons construit une salle pour le basket-ball : lorsque nous aurons fini les matchs, j'aimerais bien savoir à quoi elle va servir ! Les spectacles n'attirent aujourd'hui plus assez de monde ! La démarche des responsables politiques est donc compliquée...

M. Pascal Bonnetain. - S'agissant des SCOT, je voulais parler d'équipements. Il faut rechercher l'égalité des territoires. Je préside la commission chargée de ce sujet au sein du nouveau CNDS : il faut en avoir une vision partagée.

Il n'est pas nécessaire de créer de nouveaux outils -on en a trop- mais utiliser ceux qui existent, et considérer les équipements en fonction du nombre d'habitants. Le SCOT est aujourd'hui un outil réglementaire.

M. Rachel Mazuir. - Nous sommes d'accord !

M. Michel Savin, président. - Vous avez parlé de la participation des régions à la rénovation ou à la construction d'équipements sportifs dédiés au sport professionnel. Sur quels critères se basent les régions pour apporter leur aide ? Un travail est-il réalisé en amont avec les clubs ?

M. Pascal Bonnetain. - La première étape est la maîtrise d'ouvrage public. Il faut, en second lieu, savoir à quoi peut servir l'équipement à court, moyen et long termes. Aujourd'hui, un investissement se fait pour vingt ou trente ans, et doit être modulable, afin d'accueillir d'autres activités.

J'en reviens à la formation... Nous peinons à avoir des gymnases en bon état : il peut donc être intéressant de jumeler ces équipements avec les lycées.

M. Pierre Martin. - Les centres de formation sont souvent intégrés aux clubs, et certains transferts, conséquents, commencent déjà à avoir lieu. Comment cela se passerait-il si la région avait une compétence totale en matière de centres ? Beaucoup de joueurs de 16 ans sont partis soit en Espagne, soit en Angleterre !

Par ailleurs, c'est la France qui a été candidate à la coupe d'Europe, et non les clubs. Les collectivités ont été consultées et ont donné leur avis ! Or, certaines métropoles qui n'ont pas été retenues le regrettent aujourd'hui. D'un autre côté, on trouve que cela coûte cher. Certains points de vue sont difficiles à comprendre !

M. Pascal Bonnetain. - J'ai été, dans le passé, directeur de CREPS. Il est vrai que les centres de formation professionnelle auraient intérêt à traiter avec l'ensemble des structures de formation, dont on ne comprend pas toujours les arcanes.

J'ai également travaillé sur la question des jeunes joueurs africains. Nous avons le devoir, en tant qu'organisme public, d'exercer un suivi. Accompagner les centres de formation et les stagiaires, c'est permettre à tous d'avoir une vie de sportif en tant qu'entraîneur, arbitre, stadier, alors que les clubs professionnels ont tendance à ne s'intéresser qu'aux joueurs.

M. Pierre Bordier. - On n'a pas abordé la question de la notoriété. Je suis élu de l'Yonne : tout le monde a entendu parle d'Auxerre, mais personne ne sait où est la Bourgogne ! Qu'en pensez-vous ?

M. Pascal Bonnetain. - Le sport professionnel est un vecteur de communication important. Les équipes de première division jouissent d'une forte représentativité sur le territoire. Lors de la victoire de la coupe du monde de football, L'Equipe a vendu plus de 1,5 million d'exemplaires, contre le quart habituellement.

Les jeunes qui pratiquent un sport de haut niveau ne parviennent pas tous au sommet. C'est pourquoi on devrait toujours leur conseiller de poursuivre parallèlement leurs études. Dans le sport professionnel, on les incite à arrêter leurs études en leur faisant miroiter des salaires mirobolants : s'ils se blessent ou s'il y a trop de candidats sur le marché, ils se retrouvent sans métier et sans formation. Celle problémation doit faire partie de la réflexion publique.

M. Alain Néri. - Le Stade de France est un bel outil, qui a cependant été beaucoup décrié. Il a néanmoins lourdement pesé pendant des années sur le budget de la jeunesse et des sports, et l'on finit à peine d'éponger le contrat léonin signé à l'époque avec le consortium du Stade de France ! Ces sommes auraient pu servir à construire un certain nombre d'équipements sportifs, prenant ainsi en compte l'aménagement du territoire.

Certaines villes, qui ont été retenues pour la rénovation de leur stade, déclinent à présent l'offre, considérant que cela coûte trop cher. La participation ne doit pas pousser à la dépense, comme on l'a vu dans certains cas.

Ceci commence d'ailleurs à poser problème : les normes que nécessitent les équipements sportifs sont telles que l'UEFA, faute de pouvoir réhabiliter tous les stades d'un seul pays, devra organiser la coupe d'Europe à travers l'Europe. Elle-même s'interroge donc sur l'efficacité et le rendement des investissements -même si elle ne paye pas !

La première compétence des conseils régionaux est la formation. Or, les collectivités vont être de plus en plus obligées de se recentrer sur leurs compétences. Il sera plus utile de faire un effort en matière de formation que de se disperser dans des investissements comportant des participations croisées, qui ne sont pas toujours clairement identifiées.

Je suis pour une formation pluridisciplinaire de haut niveau, qui prépare à la carrière sportive, mais également pour la reconversion. Le secteur qui compte le plus fort pourcentage de chômeurs est le football, avec tous les drames humains que cela comporte. Le métier de stadier ne devant guère susciter de grandes motivations, il faut donc prévoir des reconversions.

Le problème des jeunes africains se pose également. Les fameuses académies de football africaines envoient des jeunes en Europe, après que la famille leur ait payé un billet d'aller simple. Quand le jeune n'est pas retenu dans un centre de formation professionnelle, on le retrouve dans la rue sans papiers ! Ayant honte d'avoir échoué, il n'ose même pas demander à sa famille de l'aider à rentrer au pays. Ces cas sont dramatiques ! La formation est donc essentielle, et l'on devra, dans le cadre de la future loi sur le sport, rétablir le paiement par les clubs professionnels de la cotisation sur la formation, supprimée par un précédent Gouvernement.

Pour le reste, la participation des collectivités au financement des clubs professionnels devrait être prise sur la ligne budgétaire « communication » : au moins, les choses seraient-elles claires ! On ne peut parler de formation lorsque deux joueurs professionnels viennent assister à l'entraînement des cadets. C'est se moquer du monde !

On dit que les régions doivent participer au développement des équipes professionnelles : les subventions, pourtant parfois élevées, ne correspondent parfois même pas à deux mois de salaire du joueur le mieux payé ! Si l'on n'en donne pas, cela ne mettra pas en péril le fonctionnement du club !

Je suis donc favorable à ce que vous vous recentriez sur la formation !

M. Pascal Bonnetain. - C'est bien l'objectif ! Dans un période où l'argent est rare, il ne faut pas faire n'importe quoi. Pour autant, l'emploi de stadier n'est pas un emploi de seconde catégorie. Cela fait partie de la reconversion.

M. Alain Néri. - Vous savez comment pratiquent les clubs professionnels : on propose aux parents payer leur loyer, et la famille pousse le jeune à rester à tout prix au centre de formation !

M. Michel Savin, président. - L'encadrement par une collectivité pourrait éviter ces dérives. C'est un sujet que la mission devra creuser...

M. Pascal Bonnetain. - C'est tout l'intérêt de la gouvernance. La région, à travers les CREPS, peut avoir un droit de regard sur la formation professionnelle, surtout s'il y a de l'argent public à la clé !

M. Philippe Darniche. - Il y a encore cinq ans, j'étais président d'un centre de formation de rugby : les choses ont beaucoup changé ! S'il y a encore des dérives dans le football, elles concernent hélas beaucoup des clubs liés à l'Afrique noire.

J'adhère à la remarque concernant l'implication des CREPS dans la gestion des centres de formation. Dans celui que je présidais, tous les enfants étaient au lycée, et le directeur faisait le tour des établissements chaque semaine. Parmi les treize élèves qui ont passé le baccalauréat, douze l'ont décroché !

M. Michel Savin, président. - Avez-vous des propositions ou des réflexions à nous soumettre en matière de relations entre le sport professionnel et les collectivités ?

M. Pascal Bonnetain. - Nous répondrons de façon exhaustive aux questions que vous nous avez transmises, et nous ferons également des propositions. Il convient de faire certains choix en matière de gouvernance, d'interventions et d'économies d'argent public.

Dans le domaine des clubs professionnels, il ne faut pas se cantonner au football, mais aussi tenir compte du hand-ball ou du basket-ball, qui n'ont pas les mêmes moyens -sans oublier le football professionnel féminin.

Les collectivités s'intéressent désormais moins à un championnat régional, auquel elles doivent contribuer, qu'aux grandes épreuves sportives -courses, raids, marathons, etc. Elles en font la promotion, et les commerçants s'y retrouvent. Jean-Luc Rougé, président de la Fédération de judo, veut ainsi organiser des rencontres sur l'herbe, très peu de spectateurs venant maintenant dans les dojos. Le sport est en mutation. Les gens ont envie de voir du sport professionnel, et surtout de pratiquer.

Un certain nombre de débats ont lieu en ce moment. Faites-nous confiance : l'ARF et Alain Rousset feront des propositions.

Audition de M. Robert Cadalbert, président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, co-président de la commission des sports de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF)

M. Michel Savin, président. - Mes chers collègues, nous recevons M. Robert Cadalbert, co-président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF).

Quels sont les rapports entre votre association et le monde professionnel sportif en termes de participation, de soutien financier, et d'aide aux infrastructures ?

M. Robert Cadalbert. - Je suis également président de la Communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui achève le vélodrome olympique, décidé dans le cadre du projet olympique Paris 2012, qui sera livré le 13 décembre prochain. Nous travaillons sur ce dossier avec la Fédération française de cyclisme. Je suis, par ailleurs, depuis peu, président de la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES), dans le cadre du Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel couvrent deux problématiques, celle des aides publiques et celle de l'utilisation des équipements.

Les collectivités locales sont évidemment soumises à un rapport de force qui ne leur est guère favorable. La pression qu'exerce la population sur les élus à travers ses associations sportives vous est familière. On ne peut toujours y répondre. Si on a aujourd'hui relativement dépassé l'opposition entre sport de masse et sport d'élite, la question du spectacle sportif amène une toute autre dimension dans ces affaires.

Il existe par ailleurs des plafonds en matière de subventions. Les conventions avec les clubs ne sont pas très claires, chaque cas étant particulier -aides en nature, exonération de la taxe sur les spectacles, mise à disposition de personnel, etc. On a du mal à uniformiser ces multiples paramètres. Quoi qu'il en soit, les élus sont demandeurs de davantage de règles.

Tout comme votre mission commune d'information, nous sommes bien conscients de l'importance d'une certaine rigueur, afin d'analyser l'effort financier, direct ou indirect, que les collectivités consentent aux clubs, en particulier professionnels, en matière d'aides publiques. Ces aides sont, bien sûr, intégrées dans une convention, dont le cadre est plus ou moins ouvert mais, dès qu'on aborde le domaine professionnel, les choses deviennent plus floues. Tous les élus réclament donc davantage de réglementation et de transparence dans ce domaine.

En échange de ces aides financières, il est nécessaire que le club professionnel et la collectivité partagent la même politique. Les propositions de votre mission commune d'information nous intéressent donc de ce point de vue, en ce qu'elles permettraient de libérer les maires de pressions excessives.

Pour ce qui est des équipements sportifs -mise à disposition, construction, développement- les nouvelles réglementations internationales ou fédérales nous obligent souvent à modifier tel gymnase ou tel terrain. Cela fait trois ans que je me bats avec l'Union cycliste internationale (UCI) et la fédération française de cyclisme, dans le cadre de la construction du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, pour en connaître les règles exactes applicables aux pistes de BMX , qui ont changé un nombre incalculable de fois, et qui peuvent générer des surcoûts significatifs !

L'utilisation des équipements par les collectivités territoriales et les clubs, professionnels ou non, internationaux, voire nationaux, pose de réelles difficultés. Il est important que la contractualisation ait lieu dès la programmation d'un besoin. Or, il existe quatre ou cinq formules juridiques de construction. J'ai personnellement l'expérience du partenariat public-privé (PPP), que je défends, car il peut, dans certains cas, correspondre à des besoins particuliers qu'il est indispensable d'élaborer à l'avance.

La programmation et la construction d'un équipement doivent toujours se faire par rapport à son exploitation, afin d'équilibrer les comptes et déterminer les bénéficiaires de telle ou telle valorisation.

Le PPP a été dès le départ fort bénéfique à la construction du vélodrome olympique de Sain-Quentin-en-Yvelines. Certes, il s'est écoulé dix ans entre la décision et la réalisation, mais on a pensé l'équilibre financier de l'exploitation et le vieillissement de l'équipement, dont nous deviendrons propriétaires dans trente ans. La conception, la réalisation et l'exploitation ont été pensés en même temps, afin de répondre aux besoins de l'équipement sportif et à la façon d'équilibrer les comptes.

Comme le relèvent nombre de rapports, seule la mutualisation des équipements peut permettre leur valorisation et leur équilibre financier. Ce n'est pas toujours facile lorsqu'il faut réhabiliter ou changer un équipement vieillissant. Le partenariat ne porte pas seulement sur la construction, mais également sur l'exploitation. Nous sommes d'ailleurs intéressés aux éventuels bénéfices.

Dans ce cas, le PPP constitue un bon outil, qui oblige à approfondir les bilans, même si l'on peut trouver d'autres façons de le faire. Le PPP est toujours intéressant en cas de recettes annexes importantes.

Je parle souvent de PPP pour la construction, et de partenariat public marchand pour l'exploitation. Dans le cas du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, le service public ne peut gérer celui-ci à un coût acceptable, pas plus que le secteur marchand, mais la mutualisation des deux le permet. On a ici un projet sportif international de haut niveau, et l'on accueille la Fédération française de cyclisme, qui jouit d'une certaine stabilité. Dans tous les cas, il s'agit de gérer le risque de construction et d'exploitation d'un équipement avec le futur utilisateur. Le club résident peut en effet descendre, mais on doit avant tout, dès le départ, veiller à l'équilibre financier.

Quel type de structure juridique faut-il donc choisir, hormis celle que je viens d'évoquer ? Ce dernier est très spécifique : il bénéficie en effet de recettes annexes à hauteur de 50 %, la Fédération française de cyclisme ne payant que la moitié du coût du vélodrome... Comment, dès lors, permettre l'équilibre des recettes annexes supplémentaires ? Il faut, pour ce faire, des équipements polyvalents, comme le centre de hockey que nous sommes en train de construire à Cergy, avec une patinoire pour le hockey et une autre pour le patinage. On voit bien, à travers ces exemples, qu'on a intérêt à pousser les fédérations nationales et internationales à adopter des équipements polyvalents.

Je dois dire que nous sommes en phase avec vos travaux et ne voulons plus être pris en sandwich entre la population et les clubs, et apparaître en position de faiblesse pour négocier !

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Que se passe-t-il sur le terrain entre la ville et l'intercommunalité ? A-t-on des schémas types de répartition des compétences concernant le fonctionnement des clubs professionnels en matière d'équipements ?

M. Robert Cadalbert. - C'est une question de taille. L'intercommunalité est un outil qui permet de créer des équipements sportifs qu'on ne peut réaliser seul. Ceci pousse souvent les clubs à se regrouper. Deux villages qui veulent accéder à un niveau international ont intérêt à se réunir pour avoir un équipement à la hauteur de leurs ambitions.

L'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines n'aurait jamais pu mener seule à bien le projet de vélodrome. C'est une opération de 74 millions d'euros. Sans aide globale, notre collectivité n'y serait pas parvenue.

Nous n'arrivons par exemple pas à monter le projet de grande piscine à Aubervilliers. Le regroupement permet aux intercommunalités de mieux négocier avec les clubs, et les clubs en compétition sont souvent amenés à se rapprocher pour atteindre des niveaux supérieurs. C'est une question de bon sens.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Les aides directes des collectivités en faveur du sport professionnel doivent s'inscrire en deçà de certaines limites : pensez-vous qu'il faille repousser ces dernières ? Est-il nécessaire d'en avoir ? Faudrait-il, selon vous, différencier les choses en fonction du fait qu'il s'agit de sport masculin ou de sport féminin, ou en fonction des disciplines ? Aujourd'hui, certains sports pourraient se passer des collectivités locales ; d'autres, même dans le cadre professionnel, ne pourraient vivre sans leur aide. Existe-t-il une réflexion au sein de votre association à ce sujet ?

M. Robert Cadalbert. - Je crois surtout que ces aides, qui sont multiples, nécessitent une certaine transparence, qu'elles prennent la forme d'exemption de taxe sur les spectacles, de mise à disposition de personnel, voire d'aides à la signalisation, qui, pour une collectivité, peut revêtir un coût très important. Il convient de le chiffrer et de le codifier.

On ne connaît pas le montant de la subvention. Nous avons déjà fait une enquête et sommes prêts à en reconduire une nouvelle, avec un questionnaire plus pointu. On est actuellement dans un certain flou. Il serait bon d'avoir une idée du coût.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Avez-vous fait des études pour savoir combien cela rapporte, au-delà de la notoriété que peut amener le sport professionnel à une collectivité ? Arrive-t-on à mesurer l'impact réel sur l'économie locale ?

M. Robert Cadalbert. - Votre seconde question est presque aussi difficile que la première. Les retombées économiques des grands manifestations, voire du vélodrome, sont assez floues. Il en y a toutefois. En effet, sans l'Olympique de Marseille (OM), que serait Marseille ?

Il est sûr que le sport de haut niveau et le sport professionnel ont un impact important sur l'économie d'une ville et sur son image. Depuis que nous développons le vélodrome, des entreprises s'installent à côté. Ce n'est jamais la seule cause, mais c'est une dynamique. On a tous à l'esprit l'exemple du Stade de France. Sans lui, la Plaine Saint-Denis n'aurait certainement pas le même visage. Comment le quantifier ? C'est difficile, mais les retombées existent.

Peut-on avoir des outils plus précis pour le faire ? Il existe pour cela un tas de cabinets d'audits. Le Boston consulting l'avait fait pour les jeux olympiques de Paris 2012 : les retombées allaient de quelques milliards à quelques dizaines de milliards d'euros !

Nous avons mené des études à propos du vélodrome et sur l'arrivée de la Fédération française de cyclisme : cette installation a déjà des retombées économiques évidentes. Les quantifier demeure très difficile.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - La fédération ne peut être touchée par l'aléa sportif : vous êtes donc sûrs de l'avoir dans vos murs année après année, contrairement aux clubs, qui peuvent être sanctionnés par la descente d'une équipe. Pour le coup, c'est tout le projet économique qui est mis à mal !

M. Robert Cadalbert. - C'est pourquoi l'analyse du risque est indispensable. Tout équipement sportif comporte des risques. Comment les calculer ? Accueillir la Fédération française de cyclisme présente moins de risque que d'héberger un club de football, même si la Fédération envisage d'y placer en résidence une équipe professionnelle. Il faut quantifier le risque, chercher à le minimiser en ayant plusieurs clubs sur un même équipement, et plusieurs activités.

Dans le cas précis du vélodrome, nous avons discuté avec le constructeur et avec la Fédération française de cyclisme, afin d'aboutir à un équilibre financier acceptable. Plus un équipement sportif est mutualisé et polyvalent, mieux on se porte !

C'est le cas de toutes les Arénas, qui peuvent accueillir de nombreux sports professionnels -football en salle, basket-ball, handball- et avoir plusieurs clubs résidents, minimisant ainsi le risque.

M. Alain Néri. - Les expériences malheureuses de Grenoble, du Mans, et de Strasbourg font prendre leurs précautions aux collectivités.

Le Stade de France n'avait pas de club résident mais, du fait du contrat signé avec le consortium, c'est le ministère de la jeunesse et des sports qui continue à payer, même si l'on voit le bout du tunnel. Cette affaire dure depuis 1996 et a lourdement hypothéqué les possibilités de financement du ministère, qui n'a pas un budget tellement florissant. Il en va de même si la Fédération française de cyclisme a des difficultés à payer, on se retournera vers le ministère ! Il n'y a pas de risque, mais c'est néanmoins de l'argent public qui peut être mis à contribution.

Il existe cependant une difficulté avec les stades à usages multiples. Certaines activités peuvent être réalisées sur le même équipement -basket-ball, handball, volley-ball, tennis- si l'on tient compte, au départ, des différentes dimensions. Cependant, des stades comme ceux de Marseille ou du Parc des Princes, sont aujourd'hui totalement obsolètes. Les tribunes sont si loin du terrain que ce n'est pas jouable ! Quant à la compétition cycliste, elle y est difficilement spectaculaire.

Il ne faut donc pas trop d'usages multiples, sous peine d'arriver à un équipement certes généraliste, mais qui ne conviendra à personne ! Les collectivités doivent mener une large réflexion avant de s'engager dans cette voie. Les propositions que vous faites me paraissent donc, par certains côtés, intéressantes.

M. Robert Cadalbert. - Il n'y a pas de règle générale. Néanmoins, il convient de bien prévoir la programmation, la construction, en même temps que l'exploitation et l'entretien de l'équipement, que l'on ne prend généralement pas assez en compte. C'est tout l'intérêt du PPP.

Il faut donc intégrer d'emblée l'équilibre d'exploitation, ce qu'on n'a certainement pas fait suffisamment pour le Stade de France. On aurait pourtant évité ainsi quelques erreurs, jusque dans la conception même du stade.

M. Dominique Bailly. - Je ne reviendrai pas sur le débat à propos des PPP, mais je n'ai pas de cette méthode une vision aussi optimiste que la vôtre, qu'il s'agisse des investissements ou du fonctionnement -bien que le PPP puisse s'appliquer à quelques opérations.

Je vous suis cependant à propos de la nécessaire transparence à laquelle vous avez fait allusion, le stade vélodrome de Marseille en étant un très bon exemple : 50 000 euros par an pour sa mise à disposition, alors que celle-ci en vaut 8 millions d'euros, selon les estimations de la Chambre régionale des comptes (CRC) ! Il reste donc un certain chemin à parcourir pour savoir qui paie quoi. C'est de l'argent public !

Or, dans le contexte économique et social actuel, il faut demeurer vigilant, les élus locaux que nous sommes étant parfois incités à aller au-delà du raisonnable. Notre mission commune d'information pourra peut-être apporter quelques éléments législatifs pour sécuriser l'ensemble du dispositif.

M. Robert Cadalbert. - Soyons clairs : je ne suis pas là pour défendre les PPP, mais pour soutenir une expérience, et surtout pour attirer l'attention sur le fait que, lorsqu'on construit des équipements, il faut en maîtriser la programmation, la construction et l'exploitation. C'est la démarche que je défends, qui est obligatoire dans le PPP.

Le dialogue compétitif entre le constructeur, le partenaire avec lequel on signe la convention, et l'exploitant est très important. C'est l'ossature même d'un PPP. On peut certes les retrouver ailleurs, mais laisser un loyer à nos enfants plutôt qu'une dette ne me convient pas !

Nous venons également de recourir à un PPP pour construire la faculté de médecine. On a par ailleurs tous en tête l'exemple de l'hôpital du Sud francilien... Ce n'est pas parce qu'on a signé une convention qu'on s'arrête de s'occuper de l'équipement et qu'on laisse faire le constructeur -au contraire !

Toutes les dérives viennent de ce que ce ne sont pas les payeurs qui ont été les décideurs. Les constructeurs disent oui à tout, puis viennent voir la collectivité pour lui présenter la facture ! C'est ce qui nous serait arrivé avec le vélodrome si nous n'avions pas été attentifs ! Mes équipes ont suivi le PPP quotidiennement. Quand la Fédération française de cyclisme et Bouygues, le constructeur, se sont mis d'accord sur les normes des pistes de BMX, on nous a dit que cela coûtait 3 millions d'euros. J'ai exigé que l'on reste dans les sommes prévues initialement ! C'est un état d'esprit et une façon de travailler profitable pour tout le monde.

Le PPP a été signé il y a huit ans : il va s'achever dans les délais prévus et au prix arrêté au départ ! C'est la première fois qu'un équipement aussi important de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines ne comporte ni avenant financier, ni augmentation de coût. Conservons donc ce que le PPP a de bon en matière de conception, de réalisation et d'exploitation -que l'on peut d'ailleurs retrouver dans d'autres montages.

J'ai parlé en introduction de partenariat public marchand. La mutualisation est le seul moyen de faire fonctionner ensemble les activités de service public et de service marchand. Sans cela, aucun des deux ne peut parvenir à un équilibre financier acceptable.

M. Philippe Darniche. - Mon département, la Vendée, ne compte pas de grand club professionnel de football ou de rugby. Pour autant, il s'est construit sur ma commune, à l'initiative du conseil général, une structure polyvalente permettant la pratique d'une vingtaine de sports, sans club occupant, mais avec mise à disposition des locaux pour des manifestations de portée régionale ou nationale. Nous allons accueillir, les 31 janvier, 1er et 2 février prochains, le premier tour de coupe Davis France-Australie et avons déjà reçu la première phase des championnats d'Europe féminin de basket-ball.

L'Aréna qui a été réalisée est une salle totalement modulable. Beaucoup de départements, notamment ruraux, doivent gérer un problème de mise à disposition d'un équipement pour un certain nombre de fédérations sportives. Nous avions, quant à nous, tenu des Etats généraux sportifs avant de faire ressortir ce besoin. Nous sommes arrivés, en fin de compte, à réaliser une construction qui peut à la fois accueillir un certain nombre de sports, mais également des manifestations culturelles -opéras, opérettes, tours de chant, etc. Il existe en outre un dojo départemental de grande dimension. Résultat : l'équipement est occupé chaque semaine.

Après environ un an et demi d'exploitation de ce petit zénith, les demandes d'occupation sont considérables, et les frais d'exploitation sont aujourd'hui couverts par les locations. L'engouement a été extraordinaire, et les retombées économiques indéniables. Pourtant, nous sommes aux portes d'une ville de 50 000 habitants, La Roche-sur-Yon, qui n'est pas très importante.

Un certain nombre de maires et de représentants de notre département, ou de la région, se rendent aujourd'hui compte qu'il existe une possibilité de construire des équipements certes un peu cher -55 millions d'euros- mais dont le fonctionnement est ensuite assuré, à condition de suffisamment travailler la modularité. Nous avons, pour ce faire, bénéficié de l'assistance d'un grand architecte, Paul Chemetov. Même si l'on n'est pas là dans le sport strictement professionnel, cela demeure une belle expérience !

M. Michel Savin, président. - La seule difficulté de ce type d'équipement est de le gérer avec un club résident...

M. Philippe Darniche. - La formule que nous avons adoptée est en effet préférable, car elle ne nous prive pas d'une modularité maximum !

M. Michel Savin, président. - Les locations des équipements sont souvent sous-estimées. Votre association a-t-elle abordé ce sujet ?

M. Robert Cadalbert. - Nous l'avons abordé, mais nous ne l'avons pas quantifié. Comparer chaque équipement à un prix de location au mètre carré risque d'être compliqué...

M. Dominique Bailly. - Les CRC le font très bien !

M. Robert Cadalbert. - En tout état de cause, il faut convenablement comparer les prix et les relier au bénéfice qui est tiré de l'opération.

La présence d'un club résident complique effectivement les choses, celui-ci ayant tendance à se considérer chez lui, et estimant avoir droit à tout sans payer. Un usage polyvalent évite ce genre de situation. Pour le stade vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, les choses sont un peu plus compliquées : il est polyvalent, mais la piste centrale ne se démonte pas...

M. Philippe Darniche. - C'est là toute la difficulté !

M. Robert Cadalbert. - Le quart Sud-Ouest de l'Ile-de-France ne comporte pas de salle de 5 000 places. Avec la fermeture du Palais omnisports de Paris-Bercy (POPB), nous avons failli récupérer le PSG hand-ball et Nanterre pour les matchs de coupe d'Europe !

M. Alain Néri. - Vous allez devoir construire les gradins sur la piste !

M. Robert Cadalbert. - La polyvalence n'est jamais idéale. Il faut accepter des compromis !

M. Alain Néri. - Il faut être sérieux. On ne peut nous vendre des choses qui dépassent l'entendement !

M. Michel Savin, président. - C'est ce que fait le palais des sports de Grenoble...

Avez-vous des demandes spécifiques à adresser à la mission commune d'information ?

M. Robert Cadalbert. - Nous sommes demandeurs de règles. Plus on pourra faire de comparaisons, moins nous serons soumis à la dictature des clubs, par exemple en matière de loyers...

M. Dominique Bailly. - Le montant des loyers que perçoit Marseille va être attaqué par la CRC. C'est illégal !

M. Robert Cadalbert. - Si les comparaisons se font à l'échelon européen, ce sera encore mieux !

M. Michel Savin, président. - Cela aura peut-être pour conséquence de limiter les participations financières... Je pense qu'on est, dans certains cas, largement au-dessus des plafonds !

M. Dominique Bailly. - L'Europe étudie en effet de près les investissements publics destinés à la réalisation des stades retenus pour l'Euro 2016, l'investissement public pouvant ensuite permettre à une société privée de tirer profit de ces équipements. Il faut donc que les choses se passent dans la transparence.

M. Robert Cadalbert. - Il faut tout prendre en compte. Dans le cas du grand stade de rugby que nous poussons, avec Francis Chouat, à Evry, on parle de 600 millions d'euros. Certes, l'investissement est entièrement privé, mais combien de centaines de millions d'euros seront-ils nécessaires pour desservir le stade par les transports en commun, la participation de la ZAC aux équipements publics étant nécessaire ? Le calcul sera difficile, mais il faut se poser la question !

L'AMGVF est prête à collaborer avec vous pour recenser tous ces éléments. Nous pouvons, par exemple, transmettre un questionnaire à nos adhérents à propos de l'aide qu'apportent les collectivités territoriales au sport business qu'est le sport professionnel.

Nous sommes également prêts à vous recevoir sur de grands équipements. Je vous invite en particulier à l'inauguration du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, le 30 janvier prochain, lors de la rencontre France-Angleterre !