Mardi 26 novembre 2013

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Loi de finances pour 2014 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement », programme « Coordination du travail gouvernemental », et budget annexe « Publications officielles et information administrative » - Examen du rapport pour avis

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport pour avis de M. Alain Anziani sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Direction de l'action du Gouvernement », programme « Coordination du travail gouvernemental », et budget annexe « Publications officielles et information administrative »).

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. - Les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » baissent de 3,10 %.

Les mesures de sobriété gouvernementale prises en 2012 allaient de la baisse de la rémunération des ministres à des règles de déontologie. La publication du patrimoine des membres du Gouvernement a été effectuée en 2013 sur un site dédié. Les résultats nous intéressent directement dans la mesure où nous serons soumis à la même règle. Si l'on a dénombré en avril 2013 un million de visites et dix millions de téléchargements, soit une dizaine de déclarations consultées par visite, il n'y en a eu que 4 300 fois sur la première quinzaine de juillet 2013, avec 17 000 à 18 000 téléchargements : la curiosité a fondu.

Le plafonnement des effectifs des cabinets à 15 membres au lieu de 20 pour les ministres, et à 10 membres au lieu de 12 pour les ministères délégués, est globalement bien respecté, bien que les dérogations aient pris de la place : pour un total théorique de 470 membres de cabinet, nous sommes aujourd'hui à 495 membres. Une nouvelle annexe à la loi de finances détaille le nombre, la rémunération et les fonctions des membres des cabinets ministériels. Enfin, l'engagement de sobriété des déplacements ministériels est tenu, suivant l'exemple du Premier ministre.

Le travail gouvernemental a été fortement affecté par les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), lesquelles ont nécessité la création d'un poste de chargé de mission au secrétariat général du Gouvernement pour coordonner l'action des ministères. Bien qu'en diminution, leur flux reste significatif. Or elles pèsent sur le calendrier du conseil des ministres, les projets de loi correctifs devant être présentés dans des délais très courts.

Enfin, il convient de relever un paradoxe dans la communication du Gouvernement. La baisse des crédits du service d'information du gouvernement (SIG) prolonge la rupture marquée l'an dernier avec la période précédente, de sorte qu'à un excès dans un sens, a succédé un excès en sens inverse. Le budget du SIG avait quadruplé entre 2007 et 2011, passant de 4,9 millions à 19,7 millions, avec un pic à 21 millions en 2009, tandis que les crédits de communication propres à chaque ministère augmentaient de 50 % ; il est revenu à 13 millions en 2013, soit une baisse de 40 % par rapport à 2011. Les douze millions prévus pour l'achat d'espaces publicitaires pour tous les ministères aujourd'hui sont à comparer aux dix millions consacrés en 2010 à la seule campagne publicitaire sur les retraites. De même, les crédits pour les enquêtes d'opinion sont revenus de 2,5 millions en 2010 à 1,7 millions d'euros en 2013. Je partage l'inquiétude du directeur du SIG, qui craint de ne plus avoir les moyens d'exercer sa mission. En 2013, il n'y a aucune campagne de communication lancée par un ministre, pas même pour le contrat de génération.

Malgré cette réserve sur cet appauvrissement trop considérable de la communication gouvernementale, je vous propose d'accepter les crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le travail que vous nous présentez a pris une nouvelle ampleur. Voilà l'ouvrage bien faite que célébrait Péguy, à propos des chaises rempaillées « exactement du même esprit et du même coeur, et de la même main que ce même peuple avait taillé ses cathédrales... ».

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et au budget annexe « Publications officielles et information administrative » du projet de loi de finances pour 2014.

Loi de finances pour 2014 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement », programme « Protection des droits et libertés » - Examen du rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de Mme Virginie Klès sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Direction de l'action du Gouvernement », programme « Protection des droits et libertés »).

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. - Les crédits du programme 308 « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » passent de 91,7 millions en 2013 à 94,5 millions pour 2014. Cette augmentation de 3,02 % est due à la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Pour le reste, le programme connaît peu d'évolutions à périmètre constant.

La pratique des gels et des surgels constitue une difficulté récurrente pour les autorités administratives indépendantes ; elle se fait encore plus prégnante pour celles qui ont un petit budget, parce qu'elle concerne une part plus importante de leurs crédits hors titre II. Celles qui ont des loyers élevés voient leur possibilités opérationnelles réduites, puisque ces gels et surgels peuvent atteindre jusqu'à 50 % de leur budget de fonctionnement. Le Gouvernement devra être attentif sur ce point.

Il convient de relever une incompréhension sur les schémas d'emplois. Certaines autorités, utilisant des personnels mis à disposition par les ministères, les voient désormais intégrés à leur plafond d'emplois mais pas aux schémas d'emplois.

Au cours de mes auditions de toutes ces autorités indépendantes, je n'ai croisé que des personnes responsables, aussi soucieuses que des ministres ou directeurs de ministères d'économiser l'argent public. Néanmoins, ces autorités ont atteint les limites de leurs possibilités d'économie ; quant au CSA, il les a dépassées.

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique se voit allouer 2,85 millions d'euros. Soulignant qu'elle ne fonctionnerait pas sur une année pleine, M. Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances, a déposé un amendement diminuant d'un million ces crédits. Toutefois, la déclaration que les parlementaires devront redéposer d'ici février constituera une charge importante de travail. Dans la mesure où elle s'appuiera sur la Commission pour la transparence financière de la vie politique, dont les moyens demeurent dans le budget et qu'il faudra finaliser les transferts entre la commission et la Haute autorité, il est légitime de considérer que celle-ci ne fonctionnera pas en année pleine. Destiné à ne pas perdre un million sur ce programme, mon sous-amendement n° II-34 à l'amendement n° II-26 affecte 800 000 euros au CSA, qui les utilisera directement pour commander des études d'impact.

Le projet immobilier Ségur-Fontenoy reste primordial pour le Défenseur des droits, car le regroupement des quatre anciennes autorités indépendantes sous un seul toit facilitera des mutualisations. Il semblerait que cela ne se fasse pas avant 2017 : il ne sera pas réalisé par l'actuel Défenseur des droits, ce qui est regrettable. En revanche, peut-être du fait de la crise, la renégociation des baux immobiliers de la CNIL et du Défenseur des droits se passe bien, les propriétaires préférant sans doute avoir l'État comme locataire.

Je rejoins les inquiétudes de M. Dominati, de M. Eckert à l'Assemblée nationale, et de la Cour des comptes, sur le choix de l'opérateur SOVAFIM. Cette petite structure a mené à bien un premier projet, mais de petite taille. Le projet Ségur-Fontenoy exige une expertise en secret défense afin de sécuriser les locaux et les systèmes informatiques de la CNCIS notamment. De plus les délais me semblent très courts : les travaux doivent démarrer un an après le choix du maître d'oeuvre, fixé à janvier 2014, soit en février 2015. Les probables recours des riverains, dans cette zone de stationnement difficile, ne sont pas pris en compte. Il conviendrait enfin de formaliser davantage les relations entre la SOVAFIM et l'État. À la fois seul actionnaire et seul client, ce dernier n'a pas à assumer seul les frais dus à des retards ou malfaçons. Nous devons faire en sorte que le projet se déroule bien en compte final, d'autant plus que nous expérimentons un mode de financement innovant, en flux financiers. En dépit de ces réserves je suis favorable à l'adoption des crédits du programme 308, assorti de mon sous-amendement.

M. François Pillet. - J'ai découvert la pratique des gels et surgels lors de de mon évaluation de la loi de 2009 qui a rattaché la gendarmerie au ministère de l'Intérieur. Les conséquences sont désastreuses sur le terrain. Si le ministre n'avait pas révisé ces crédits, certains loyers ne seraient pas payés, des véhicules ne seraient pas remplacés, des travaux seraient abandonnés, alors que certaines casernes sont dans un état de complète insalubrité.

M. Jean-Jacques Hyest. - Le budget est une autorisation de dépense. Nous avons parfois voté des budgets dont les décrets de modification étaient déjà rédigés !

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. - La pratique n'est pas nouvelle. Il est vrai qu'elle se remarque plus en période de vaches maigres.

Le sous-amendement n° II-34 à l'amendement n° II- 26 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », ainsi modifiés.

Loi de finances pour 2014 - Mission « Conseil et contrôle de l'État », programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » - Examen du rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. André Reichardt sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Conseil et contrôle de l'État », programme « Cour des comptes et autres juridictions financières »).

M. André Reichardt, rapporteur pour avis. - La nouvelle présentation de ce budget est en tout point conforme aux attentes des rapporteurs. Pour 2014 les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État », diminuent de 1,8 % en autorisations d'engagement et 0,9 % en crédits de paiement. Cette diminution en trompe-l'oeil tient à des transferts au profit du nouveau programme n° 340 « Haut conseil des finances publiques », créé par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Hormis ces transferts, ce dernier budget de l'exercice triennal 2011-2013 n'est qu'en très léger recul par rapport à 2013, la masse salariale diminuant de 0,5 %.

Le plafond d'emplois théorique est stable à 1 840 équivalents temps plein. Il ne s'agit là que d'un plafond théorique. En 2012, par exemple, 57 emplois sont restés vacants. La Cour des comptes a engagé pour 2014 un véritable effort pour résorber ces vacances, tout en menant une politique de requalification des effectifs, par le recrutement de personnels de catégories A+ et A, des assistants de vérification, destinés au renforcement de l'activité de contrôle.

Les juridictions financières assument dans des conditions globalement satisfaisantes leurs missions actuelles. La situation, qui reste fragile, pourrait être altérée par une multiplication des missions.

Après l'échec de la réforme globale portée par l'ancien Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, un certain nombre de dispositions touchant aux juridictions financières ont été introduites dans différents textes. La loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles a ainsi prévu le regroupement des chambres régionales des comptes, dont le nombre est passé de 27 à 20 pour la métropole et l'outre-mer. Réalisés sur les exercices budgétaires 2012 et 2013 à moyens constants, ces regroupements seront terminés au 31 décembre. Les conséquences sur l'exercice 2014 seront assez faibles. Les économies à terme de cette réforme structurelle, qui a coûté 7,19 millions d'euros au lieu des 12 millions prévus, sont pour l'instant difficiles à chiffrer.

Lors de mes auditions et de mon déplacement à la chambre régionale des comptes de Normandie, cette réforme m'a semblé avoir réellement amélioré le fonctionnement des juridictions. Un peu « dure » au départ, mais menée à bien dans le calendrier imparti, elle a finalement été « bien digérée » par les personnels, auxquels je rends hommage. Prévus à effectifs constants, les regroupements se sont traduits toutefois par une diminution des effectifs des chambres fusionnées. Cet état de fait ne devrait être que temporaire. Les départs provoqués par les regroupements, notamment celui de 44 agents vers les services de la direction générale des finances publiques en septembre 2013, n'ont pas encore été totalement compensés. L'objectif de la Cour des comptes est bien de revenir rapidement à des effectifs comparables à ceux d'avant la réforme.

Les opérations de contrôle semblent avoir retrouvé, dans la plupart des juridictions regroupées, leur niveau antérieur. Les contrôles sur place, notamment, n'ont pas particulièrement diminué. Au contraire, la réforme aurait apporté une nouvelle dynamique à l'activité des juridictions : les chambres régionales ont atteint une taille critique et renforcé leur spécialisation en constituant des sections supplémentaires.

Les missions ont également évolué. Depuis le relèvement du seuil de l'apurement administratif par la loi du 13 décembre 2011, les chambres régionales peuvent désormais se concentrer sur les comptes les plus importants. La réforme a entraîné une réduction du nombre des comptes relevant directement de leur apurement juridictionnel de 37% en 2012, et de 67 % en 2013 ; le nombre de comptes contrôlés est passé de 80 000 à 10 000 en deux ans ; simultanément les chambres contrôlent une masse financière équivalente, soit 90 % de la masse financière antérieure et environ 85 % de l'ensemble des organismes publics locaux.

Il est trop tôt pour tirer un bilan de cette réforme. J'étudierai avec attention ses effets sur les plus petites collectivités, et les conséquences de ces transferts sur l'activité des chambres régionales des comptes comme sur celle des directions régionales des finances publiques qui assurent l'apurement administratif.

La loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 a aussi modifié le régime de responsabilité du comptable public. Désormais, lorsque la méconnaissance des obligations du comptable n'aura causé aucun préjudice à l'organisme public, le juge des comptes pourra le condamner au versement d'une somme dont le ministre ne pourra plus faire remise. En cas de préjudice causé, le comptable sera, comme précédemment, constitué en débet, le ministre ne pourra plus consentir qu'une remise gracieuse se traduisant par un laissé à charge, qui ne pourra être inférieur à un montant plancher.

On ne peut encore évaluer l'efficacité de cette réforme, les textes d'application n'ont été pris que tardivement et la nouvelle procédure ne s'applique qu'aux affaires postérieures au 1er juillet 2012. Or, une bonne part de la production juridictionnelle des juridictions financières en 2013 fait suite à des réquisitoires pris antérieurement.

La certification des comptes des collectivités territoriales, annoncée par le président de la République, et prévue par le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, déposé par le Gouvernement au Sénat le 10 avril 2013, est une expérimentation d'une durée de cinq ans, basée sur le volontariat, et concernant les collectivités territoriales les plus importantes. Elle peut constituer une avancée très positive : les grandes collectivités, en particulier celles qui se financent sur les marchés obligataires, ne peuvent demeurer en dehors de la démarche de certification. Cependant, si la certification était confiée aux chambres régionales des comptes, cela ne pourrait se faire à effectifs constants, les chambres régionales participant aussi aux travaux de la Cour des comptes, notamment sur sollicitation du Parlement et du Gouvernement. Je demanderai le moment venu au Premier ministre de bien vouloir réaliser une évaluation des effectifs nécessaires à la mise en oeuvre de ce dispositif.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

M. Alain Richard. - Cette mesure doit être mise en relation avec la réforme constitutionnelle de 2008 qui a consacré le principe de l'exigence d'une évaluation des politiques publiques, faisant de la Cour des comptes et, implicitement, des chambres, les instances légitimes de cette évaluation. Tout le monde dans notre beau pays fait une révérence sacramentelle au principe d'évaluation, et le jour où l'on veut le mettre en oeuvre, quelle levée de boucliers ! La première réforme pensée par Philippe Seguin, qui fusionnait la Cour des comptes et les chambres, avait un côté nuit du 4 août. Le compromis finalement retenu me semble bon : il resserre le réseau des chambres et, en augmentant leur taille, fait évoluer un rôle qui avait été conçu au moment de la suppression de la tutelle de l'État sur les collectivités, en 1981, comme celui de garde-fou au sens propre du terme. On avait constaté une surqualification du personnel dans ces chambres ; cette réforme vient rééquilibrer les choses : une main d'oeuvre rare et qualifiée vient épauler la Cour des comptes. Nous avons désormais un bien meilleur outil d'évaluation des politiques publiques.

J'ai des doutes quant à la certification, qui est une activité de marché. Introduire des organismes publics opère une brèche dans le principe de la libre prestation de service. Elle doit rester expérimentale et limitée. Si la Cour et les chambres deviennent les seules qualifiées pour certifier, et gratuitement, nous courons un risque d'atteinte au droit de la concurrence.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Pour les chambres des grandes régions, dont l'office s'étend par exemple de Dreux à Tulle, je craignais qu'il y ait moins de contrôles sur place, où que les personnes qui les réalisent soient en permanence dans les transports. Or ce n'est pas le cas. De plus, de nombreux travaux thématiques très bénéfiques se sont multipliés dans les chambres, nourrissant les travaux de la Cour des comptes.

M. Yves Détraigne. - Je remercie le rapporteur pour avis de ce premier bilan. Je partage son inquiétude sur le contrôle réellement exercé sur la multitude des collectivités territoriales qui sortiront du champ d'activité des chambres. Dans un contexte de diminution des effectifs des services extérieurs de l'État, nous allons vers un recul du contrôle sur les petites collectivités, ce pour un montant conséquent de deniers publics. Quant à la certification, si l'on a une distinction claire entre l'ordonnateur et le comptable, et que le comptable vérifie bien que le mandat qui lui est soumis est bien imputé sur la bonne ligne, nous ne devrions pas avoir besoin de certification.

M. Jean-Pierre Vial. - La certification est très importante pour les collectivités qui vont sur le marché de l'argent. Beaucoup d'entre elles ont trouvé des financements auprès d'établissements étrangers, qui ont brutalement durci leurs conditions du fait de leur ignorance des comptabilités publiques françaises. La certification apparaît à l'évidence comme un outil nécessaire à condition d'offrir des garanties à tous, à commencer par les collectivités locales. Le président Sueur a rappelé ses inquiétudes sur l'extension du périmètre des contrôles. Je rapproche ces craintes du chiffre donné par le rapporteur sur le nombre de comptes vérifiés, qui serait passé de 80 000 à 10 000. C'est inquiétant.

M. André Reichardt, rapporteur pour avis. - La certification sera traitée dans le second projet de loi décentralisation que le Sénat examinera au printemps. Elle s'opèrerait sur la base du volontariat, pour une durée déterminée de cinq ans, après trois années préalables de mise au carré des comptes. Nous ne sommes pas loin des assurances nécessaires, évoquées par notre collègue Alain Richard.

L'an dernier, j'avais interrogé les commissaires aux comptes sur ce projet, qui n'était pas encore officiellement annoncé; ils étaient tout à fait désireux d'intervenir sur ce nouveau marché. Il conviendra, le moment venu, d'opérer une mise en concurrence, notamment pour les petits comptes, comme nous l'a laissé entendre le secrétaire général adjoint de la Cour. Les chambres régionales et la Cour des comptes en sont conscientes même si celle-ci se réserve la possibilité de ne pas participer aux appels d'offres pour les petits comptes. La loi pourrait prévoir, comme cela a été le cas pour les établissements hospitaliers, que les grands comptes fassent l'objet d'une certification par les juridictions financières.

Le nombre de déplacements n'a pas diminué, au contraire. Ainsi, la chambre régionale des comptes Aquitaine, Poitou-Charentes en a réalisé 90 en 2008, 92 en 2009, 81 en 2010 et probablement 105 cette année. L'évolution est comparable en Auvergne Rhône-Alpes : le nombre de contrôles est passé de 145 en 2008 à 170 selon les prévisions pour 2013. L'exception qui confirme la règle concerne la chambre Centre-Limousin, les chiffres sont de 69 en 2008, 72 en 2009, 68 en 2010, 67 en 2011, 54 en 2012 et 37 en 2013. Mais cette chambre cumule un sous-effectif notoire et un ressort géographique très étendu. Des magistrats sont peu désireux de se déplacer d'Orléans à Tulle.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - On nous avait dit qu'à Limoges les magistrats étaient trop peu nombreux pour que le travail fût efficace. C'est sans doute à tort qu'ils n'ont pas rejoint la bonne ville d'Orléans, mais il est important que les difficultés liées à l'étendue des ressorts soient évoquées ici.

M. André Reichardt, rapporteur pour avis. - Le périmètre du ressort de cette chambre doit être mis en relation avec son sous-effectif.

En revanche, en Normandie, le nombre de déplacements s'élève à 150 selon les prévisions pour 2013, alors qu'en 2008, les deux chambres de Haute et de Basse Normandie avaient réalisé 106 contrôles.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est prémonitoire ! Cette chambre des comptes montre le chemin... quoique l'unification des Normandie puisse buter sur la suppression d'une présidence de région...

M. André Reichardt, rapporteur pour avis. - Ces chiffres doivent être mis en relation avec le relèvement du seuil d'apurement administratif. La disparition des petits contrôles a libéré du temps pour les contrôles sur place.

Tout cela n'est cependant pas sans incidence sur la qualité de vie des personnels. Le président du syndicat des juridictions financières unifié, que j'ai auditionné, se plaint du niveau du barème de remboursement des frais de mission. Les nuitées sont normalement prises en charge à hauteur de 50 euros ; ce montant a été relevé, de manière dérogatoire, à 60 euros mais cette somme reste insuffisante, notamment en période estivale. Cela dissuade les magistrats de se déplacer.

M. André Reichardt, rapporteur. - La baisse drastique du nombre de comptes contrôlés, dont M. Vial s'est inquiété, était prévue, puisqu'elle résulte du relèvement du seuil d'apurement administratif. Il conviendra d'examiner l'an prochain la situation des petites collectivités qui ne font plus l'objet d'un contrôle juridictionnel, bien que leurs comptes puissent être examinés par leur chambre régionale des comptes à la demande d'une direction régionale des finances publiques ou du préfet s'il existe des soupçons d'irrégularité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Loi de finances pour 2014 - Mission « Conseil et contrôle de l'État », programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » - Examen du rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Yves Détraigne sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Conseil et contrôle de l'État », programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives »).

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. - Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux 8 cours administratives d'appel, aux 42 tribunaux administratifs et, depuis le 1er janvier 2009, à la Cour nationale du droit d'asile.

Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, les crédits de paiement alloués à ce programme augmentent de 1,5 % pour 2014. Toutefois, les juridictions financières participent à l'effort budgétaire. Leurs moyens diminuent par rapport à ce qui avait été prévu dans le plan triennal 2013-2015 : les crédits de fonctionnement et d'investissement baissent de 750 000 euros et seulement 35 emplois seront créés au lieu des 40 envisagés.

Ces moyens apparaissent suffisants pour le bon accomplissement de leurs missions par les juridictions. Les performances récentes des juridictions sont satisfaisantes : le délai prévisible moyen de jugement s'établit désormais à moins d'un an et, surtout, le délai moyen constaté pour les affaires ordinaires, hors procédures d'urgence et ordonnances, est pour la première fois inférieur à deux ans pour les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs. Le stock des affaires diminue. Dans les tribunaux administratifs, en 2012, la part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans, ne représentait plus que 13 % du total des affaires en stock, alors que ce chiffre s'élevait à 40 % en 2002.

Outre les moyens octroyés et l'amélioration des procédures, ces bonnes performances traduisent l'effort de productivité réalisé ces dernières années par les juridictions administratives. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que la pression contentieuse ne se relâche pas. Malgré un recul de 2,4 % en 2012 du nombre d'affaires enregistrées, les contentieux spéciaux continuent à progresser : en 2012, le contentieux des étrangers a représenté 32 % des affaires enregistrées par les tribunaux administratifs, soit une progression de 6,2 % par rapport à 2011. S'y ajoute le transfert aux juridictions administratives de nouveaux contentieux : litiges relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi, en application de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, et recours contre les redevances de post-stationnement prévu par le projet de loi métropoles.

Face à ce niveau élevé d'activité, le levier budgétaire est devenu insuffisant compte-tenu du contexte économique tendu. Pour faire face à la pression contentieuse, il convient d'apporter d'autres solutions, en particulier de rationaliser les procédures.

À la fin de l'année 2013, les avocats, administrations, collectivités et les établissements chargés d'une mission de service public auront accès à l'application Télérecours pour introduire les recours en ligne et échanger les mémoires par voie électronique. L'utilisation de cet outil dégagera des économies d'affranchissement, évaluées par le Conseil d'Etat à 1,5 million d'euros en 2015, soit environ 15 % des frais d'affranchissement. Elle produira des gains de productivité en raison de la disparition des opérations manuelles liées à la communication sous forme papier des courriers et pièces de la procédure. Le réseau et le serveur du Conseil d'Etat, déjà saturé, absorberont-ils de tels flux de données ? Une question technique se règle toujours...

Le décret du 13 août 2013 a supprimé l'appel pour le contentieux du permis de conduire et les contentieux sociaux. Pour les contentieux sociaux, le maintien du double degré de juridiction ne paraissait pas indispensable compte tenu du faible taux d'appel et du recours massif aux ordonnances de rejet. Le décret du 13 août 2013 a mis en place un régime spécifique qui pourrait s'avérer plus adapté à ces contentieux. Il conviendra toutefois de s'assurer avec un an de recul de la pertinence de cette mesure.

Le décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme confie en premier et dernier ressort au tribunal administratif le contentieux des permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation et le contentieux des permis d'aménager un lotissement en cas de déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements. Cette réforme vise à réduire la durée moyenne des procédures contentieuses pour faciliter la réalisation de programmes de logements dans un marché en tension.

Une prudence particulière est de mise car l'absence d'appel est toutefois susceptible, dans certains cas, de porter atteinte aux droits du justiciable.

L'adaptation des procédures à la complexité des affaires constitue un troisième outil d'amélioration de la productivité. La loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit offre la possibilité au président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public de présenter publiquement ses conclusions. La dispense concerne notamment les contentieux répétitifs et factuels comme celui des étrangers ou le DALO. L'objectif principal de cette réforme, en vigueur au 1er janvier 2012, était que les rapporteurs publics se concentrent sur les dossiers plus complexes. Son impact pourrait toutefois être faible. Les rapporteurs doivent en effet étudier le dossier pour décider de solliciter la dispense. De surcroît, celle-ci concerne les affaires qui faisaient déjà l'objet de conclusions très brèves. Enfin, le justiciable qui voit le rapporteur public se dispenser de conclusions sur son dossier alors qu'il conclut sur le dossier suivant pourrait être tenté d'interjeter appel, se croyant victime d'une injustice.

Le recours au juge unique et aux ordonnances n'offre plus de possibilité de gain de productivité supplémentaire. Ces procédures, qui représentaient en 2012 environ 60 % des affaires jugées devant les tribunaux administratifs, sont en recul. Sur l'année, le nombre d'ordonnances est resté stable et le nombre d'affaires réglées par juge unique a diminué.

La rapidité constitue leur intérêt principal. Cependant la maîtrise des délais ne doit pas affecter la qualité de la justice. Or, sans qu'un lien certain ne puisse être établi, on constate une augmentation des annulations par le Conseil d'État de jugements des tribunaux administratifs. Selon la prévision actualisée pour 2013, le taux serait de 25,6 %, bien supérieur aux 15 % initialement prévus et aux 17,7 % relevés en 2012. Selon la haute juridiction, cette dégradation de l'indicateur résulte du traitement de séries d'affaires identiques et ne devrait pas compromettre l'objectif cible fixé pour 2015. Il reste nécessaire de surveiller la situation d'autant que le décret du 13 août 2013 étend le champ des matières pouvant relever du juge unique.

Enfin, lors de nos déplacements et auditions, nous avons constaté un sentiment d'impuissance des magistrats face aux procédures récentes relevant davantage, selon eux, du précontentieux que du contentieux. En matière de RSA ou de DALO, le juge ne tranche aucune question de droit, il ne règle pas non plus la situation du justiciable, il constate seulement un état de fait. Un recours administratif préalable obligatoire opèrerait un premier filtre avant la saisine du juge.

En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

M. Alain Richard. - Tous les leviers de productivité ont été utilisés, en particulier le recours au juge unique. Nous ne pouvons aller plus loin. L'acte de juger est par essence collégial. Le dernier gisement réside dans la réduction du contentieux à la source. En 2012, le nombre de recours a diminué, mais c'est une baisse conjoncturelle : la réduction de leurs capacités financières a pu décourager des requérants potentiels d'aller en justice.

Le ministère de la défense a mené une expérience intéressante en montant un système global de précontentieux. Cela nécessite des marges budgétaires actuellement inexistantes. L'impulsion doit venir du Premier ministre.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. - Le budget des juridictions administratives a été relativement préservé.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Loi de finances pour 2014 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », programme « Égalité entre les femmes et les hommes » - Examen du rapport pour avis

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de Mme Nicole Bonnefoy sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « solidarité, insertion et égalité des chances », programme « égalité entre les femmes et les hommes »).

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis. - Comme chaque année désormais, l'examen du programme n° 137 : « égalité entre les femmes et les hommes » nous donne l'occasion de dresser un bilan des politiques mises en oeuvre pour faire progresser l'égalité et améliorer la lutte contre les violences.

Ce programme porte des subventions allouées à un important réseau d'associations nationales et locales pour des missions au long cours ou des projets ponctuels. De taille modeste, il n'a pas vocation à prendre en charge dans leur intégralité des politiques publiques, mais à exercer un effet levier en incitant des partenaires publics et privés à s'investir dans un certain nombre de projets. Il ne représente qu'une partie de l'effort engagé par le Gouvernement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.

En 2014, ses crédits s'élèveront à 24,26 millions d'euros, en hausse de 3,4 % par rapport à 2013, ce qui constitue un effort important dans l'actuel contexte de maîtrise des dépenses publiques. Vous trouverez dans mon rapport le détail des associations et projets qui bénéficient des crédits d'intervention du programme : au risque de saupoudrage répond la nécessité d'agir dans de nombreux domaines, en suscitant l'implication d'acteurs divers. Cette année, une attention particulière est accordée à l'accompagnement des personnes prostituées ou victimes de la traite, avec une enveloppe dédiée de 2,39 millions d'euros.

Les associations peinant à faire face à l'augmentation de leurs charges et à remplir leurs missions dans de bonnes conditions, le ministère des droits des femmes s'est engagé dans une démarche de contractualisation sur trois ans : des conventions d'objectifs sont conclues avec les principales associations, ce qui sécurise leur financement en contrepartie de la réalisation d'un certain nombre d'objectifs. Les représentantes d'associations que j'ai rencontrées ont salué cette démarche qu'elles réclamaient depuis longtemps.

En matière d'égalité dans le domaine économique, le ministère des droits des femmes s'est fixé pour objectif d'accroître de dix points d'ici 2017 la place des femmes dans la création ou la reprise d'entreprises. Des actions d'information et de formation sont également conduites ; un accord-cadre national a été conclu avec Pôle Emploi le 28 juin 2013 et 19 conventions ont été signées avec de grandes entreprises afin de les sensibiliser à la promotion des femmes aux postes à responsabilités et à la levée du « plafond de verre ».

L'effort du Gouvernement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ne se réduit pas au programme n° 137. Il a commencé par la création d'un ministère de plein exercice dédié aux droits des femmes. La ministre, Najat Vallaud-Belkacem, a mené cette année avec résolution une importante activité institutionnelle marquée par la création du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, confié à Danielle Bousquet, et de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), animée par Ernestine Ronai.

L'activité normative a également été soutenue : les questions liées à la parité et à la lutte contre les violences ont été au coeur du débat public en 2013, qu'il s'agisse des mesures votées dans le cadre de la loi du 5 août 2013, du projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes que nous avons récemment adopté, ou encore des nombreux textes de droit électoral examinés cette année. Enfin, la question de l'égalité a participé du renforcement du dialogue social initié avec la conférence sociale de juillet 2012 et déjà décliné dans trois accords, dont l'accord national interprofessionnel du 19 juin 2013.

La dimension interministérielle de la politique en matière d'égalité conduit à confier la responsabilité de sa mise en oeuvre à plusieurs autres programmes du projet de loi de finances pour 2014. Le document de politique transversale retrace en principe l'effort global de l'État en faveur de cette politique, mais un tiers des programmes identifiés ne bénéficient pas de crédits chiffrés. Au total, l'effort financier consenti par l'État devrait s'établir pour 2014 à un peu plus de 200 millions d'euros (+ 5,46 % par rapport à 2012).

La question des violences faites aux femmes revêt une importance particulière. Le Gouvernement a dévoilé vendredi le quatrième plan interministériel de lutte contre les violences. Les violences conjugales, commises dans le huis-clos du foyer familial, sont par nature cachées, insidieuses et trop souvent tues. À peine un dixième des femmes victimes de violences conjugales portent plainte. Peu d'entre elles osent consulter un médecin ou se rendre dans une association. Les plateformes d'écoute téléphoniques jouent un rôle essentiel - là est souvent la première main tendue à la femme victime. Au niveau national, il existe deux plateformes téléphoniques gérées par des associations grâce aux subventions allouées par l'État. La Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) gère depuis juin 1992 le service téléphonique « Violences Femmes Info - 39 19 ». Ce numéro, gratuit depuis 2008 sauf pour les appels émanant de certains opérateurs de téléphonie mobile, offre aux femmes victimes de violences conjugales, à leur entourage mais également aux professionnels concernés une écoute, des conseils et une orientation. Le Collectif féministe contre le viol gère quant à lui depuis mars 1986 une permanence téléphonique destinée aux femmes victimes de violences sexuelles. L'appel est gratuit.

Pour des raisons budgétaires, ces deux plateformes peinent à répondre à l'ensemble des appels reçus, appels dont le nombre augmente sensiblement dans les semaines suivant les campagnes d'information à destination du grand public. Je me suis rendue dans les locaux du 39 19 : 19 écoutantes assurent 78 heures de permanence hebdomadaires - un appel dure en moyenne une vingtaine de minutes. Le travail de l'écoutante consiste avant tout à rassurer la victime, à lui expliquer qu'elle n'est pas responsable des faits qu'elle a subis puis à rechercher avec elle une solution, au besoin en l'orientant vers une association d'aide aux victimes. Je rends hommage au professionnalisme de ces personnels et à leur implication sans faille.

Le Gouvernement a décidé de prendre appui sur le 39 19, aujourd'hui spécialisé sur les questions de violences conjugales, pour mettre en place un numéro de référence unique qui prendra en charge les appels concernant l'ensemble des violences contre les femmes. À compter du 1er janvier prochain, il sera gratuit et accessible sept jours sur sept depuis l'ensemble des téléphones. Pour ce faire, une dotation supplémentaire de 300 000 euros sera allouée à la FNSF.

Les modalités d'articulation de ce nouveau dispositif avec les autres numéros existants et l'action d'associations plus spécialisées sont en cours de définition. Le projet du Gouvernement ne consiste pas à faire du 39 19 le seul numéro d'appel en matière de violences faites aux femmes mais à en faire une porte d'entrée en matière d'écoute. Il faudra rapidement tirer un bilan de l'expérience et veiller à ce que l'association gestionnaire ait les moyens de faire face à l'augmentation prévisible de son activité.

Après la première écoute vient souvent le temps de la plainte. Les témoignages que j'ai reçus font état d'une réelle amélioration et d'une meilleure prise en compte par les forces de police et de gendarmerie. Il faut saluer les efforts accomplis en la matière par le ministère de l'intérieur, notamment en matière de formation. Il s'appuie désormais sur des associations et des intervenants sociaux qui jouent un rôle essentiel pour accompagner la victime dans ses démarches et rechercher une solution durable, pour elle et ses enfants.

Le Gouvernement intensifiera ce dispositif dans le cadre du quatrième plan, avec pour objectif un doublement du nombre de ces intervenants sociaux qui devrait atteindre 350 d'ici 2017. Ce déploiement sera financé pour partie par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance.

Le travail interministériel entrepris parallèlement sur le traitement des mains courantes prend la suite des instructions de la chancellerie pour encadrer strictement leur utilisation. Un protocole établi conjointement par les ministères de la justice, de l'intérieur et des droits des femmes a été adressé aux préfets et aux parquets afin de réaffirmer le principe de la plainte et de limiter le recours aux mains courantes aux seuls cas de refus répétés de la victime et en l'absence de gravité des faits ; il rend systématique une visite différée au domicile de la victime lorsque le dépôt de la main courante est consécutif à une première alerte des forces de l'ordre ; il prévoit un contrôle régulier de ces mains courantes par les parquets. Une circulaire du ministère de la justice harmonisera les pratiques en la matière.

Le Gouvernement a aussi annoncé le lancement d'une expérimentation afin que les victimes de viol accèdent plus rapidement aux urgences médicales pour constater les violences subies. Un kit de constatation en urgence, inspiré de l'expérience américaine, est également en préparation. Cela est fondamental car les procédures judiciaires doivent être appuyées par des preuves.

Les témoignages demeurent en revanche sévères à l'égard des professionnels de justice et de santé. Leur méconnaissance des ressorts de la violence conjugale, notamment des violences psychologiques qui les accompagnent, constitue l'une des lacunes de notre dispositif de détection et de répression des violences. Il en résulte des réponses judiciaires inappropriées ainsi qu'une insuffisante circulation de l'information entre les magistrats. La mise en oeuvre de l'ordonnance de protection reste très inégale. Certains parquets ont encore recours à la médiation pénale en matière de violences conjugales, à rebours de la volonté exprimée par le législateur et des instructions précises de la chancellerie. Les juges aux affaires familiales ne sont toujours pas formés à la détection des violences alors que leur rôle en matière de signalement devrait être essentiel.

Le manque de formation des personnels de santé est tout aussi criant. Certains d'entre eux s'abstiennent de poser des questions sur l'origine de violences physiques évidentes, comme si les violences relevaient d'un tabou. Cela est d'autant plus regrettable que les médecins ont le droit de signaler des faits de violences au procureur de la République sans être tenus par le secret médical. L'insuffisante formation des professionnels de santé se traduit également par l'absence de prise en compte du préjudice psychologique subi par la victime : toutes les unités médico-judiciaires ne sont pas dotées de médecins psychiatres susceptibles de constater ces violences et de nombreux médecins omettent d'en tenir compte dans la rédaction de certificats médicaux.

La MIPROF a mis en place un plan de formation spécifiquement axé sur les professionnels de santé. Le protocole national adressé aux agences régionales de santé afin de renforcer les liens entre services de santé, de police et de justice, contribuera à faire de la prise en charge des victimes de violences conjugales un véritable sujet de santé publique. Nous serons vigilants sur les efforts accomplis.

La perspective de ne pas disposer d'un logement sûr pour elle-même et ses enfants dissuade souvent la victime de solliciter la protection des autorités. Pour cette raison, notre droit permet d'évincer le conjoint violent du domicile conjugal dans le cadre d'une procédure civile ou pénale. Pourtant, malgré des instructions réitérées aux parquets, le nombre de mesures d'éviction qui avait augmenté entre 2006 et 2010, a significativement régressé depuis : la part des affaires pénales dans lesquelles une mesure de ce type a été prononcée est passée de 19,3 % en 2010, à 5,9 % en 2012 et 5,8 % en 2013. Je souhaiterais que la chancellerie établisse un recensement des raisons conduisant les magistrats à ne plus prononcer cette mesure que marginalement.

Une centaine de structures spécialisées proposent une capacité d'environ 3 000 places d'hébergement pour des femmes victimes. Cette offre est très largement inférieure aux besoins, notamment en région parisienne. Trop fréquemment, les victimes de violences conjugales sont orientées vers un hébergement généraliste inadapté à leur situation. Le Gouvernement avait décidé en novembre 2012 qu'un tiers des 5 000 créations ou pérennisations de places d'hébergement d'urgence programmées seraient dédiées aux femmes victimes de violence. Cet engagement est réitéré dans le quatrième plan : d'ici 2017, 1 650 solutions d'hébergement seront créées. Je souhaiterais que la réalisation de cet objectif fasse l'objet d'un suivi précis dans le cadre des documents budgétaires.

Au bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme n°137 : « égalité entre les femmes et les hommes » de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Créer ce rapport a été un bon choix. Même s'il n'est pas discuté en séance publique, il sera imprimé et diffusé. Le Monde annonçait hier que sept femmes sur dix dans le monde sont confrontées à la violence. Selon le Haut conseil à l'égalité, seulement 9 % d'entre elles portent plainte.

Mme Virginie Klès. - Je souscris à tout ce qui a été dit par notre rapporteur. L'emprise n'étant pas sans analogie avec les phénomènes sectaires, un travail en commun avec la Miviludes serait utile. En outre, une formation des personnels de l'éducation nationale favoriserait la détection des violences intra-familiales.

M. René Vandierendonck. - J'ai voulu signaler des cas de prostitution de roms mineurs ; la position officielle du parquet de Roubaix est que ces jeunes vivant avec leur famille, il n'y a pas enfance en danger. La violence est dans la rue, il suffit de changer de trottoir pour la rencontrer.

M. Alain Richard. - À 180 degrés de sa ligne éditoriale, Le Monde racontait cela très précisément il y a quelques mois, au tribunal de Nancy.

Mme Esther Benbassa. - Les 300 000 euros supplémentaires alloués à la FNSF pour l'élargissement du « 39.19 » suffiront-ils ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis. - Quand nous sommes allés à leur rencontre, nous n'avons pas entendu de remarque particulière à cet égard, ce qui ne nous empêchera pas d'évaluer le dispositif.

Mme Esther Benbassa. - Un grand nombre d'écoutants sera nécessaire pour faire face à l'augmentation du nombre d'appels. Mes félicitations pour ce beau rapport.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis. - Sur la question des violences psychologiques, je suis moi-même membre de la Miviludes. J'évoquerai ce sujet avec mes collègues.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme «égalité entre les hommes et les femmes » de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».

Mercredi 27 novembre 2013

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je propose la reconduction de M. Courtois à son siège au sein de Conseil national de la sécurité routière.

M. Jean-Patrick Courtois est désigné pour être proposé à la nomination du Sénat pour siéger comme membre titulaire au sein du Conseil national de sécurité routière.

Commission d'enquête sur la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds - Nomination d'un rapporteur - Examen du rapport pour avis

La commission procède à la nomination d'un rapporteur, puis examine le rapport pour avis sur la proposition de résolution n° 153 (2013-2014), tendant à la création d'une commission d'enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l'environnement du contrat retenu in fine pour la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le 19 novembre 2013, notre collègue François Rebsamen et les membres du groupe socialiste et apparentés ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l'environnement du contrat retenu in fine pour la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds. Cette proposition a été envoyée au fond à la commission des finances et, pour avis, à notre commission. Je vous propose, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, d'en être le rapporteur.

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-Pierre Sueur, président, rapporteur pour avis. - Le groupe socialiste demande la création de cette commission d'enquête au titre du « droit de tirage ». Il en a saisi la conférence des présidents, qui doit se réunir ce soir.

Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 et à notre règlement, nous devons nous prononcer sur la recevabilité de cette proposition au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

Dans la mesure où il s'agit d'enquêter sur la gestion d'un service public, à savoir le recouvrement d'une taxe pour le compte de l'État confié à une société privée dans le cadre d'un contrat de partenariat, et non sur des faits déterminés, il n'y a pas lieu de solliciter le président du Sénat afin qu'il interroge le garde des sceaux sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires en cours. C'est la jurisprudence constante de la commission, qui reprend l'ancienne distinction entre les commissions d'enquête stricto sensu et les commissions de contrôle. Les autres conditions de recevabilité sont respectées.

En conséquence, je vous propose de considérer que la proposition de résolution est recevable.

La commission déclare recevable la proposition de résolution.

Loi de finances pour 2014 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État », programme « Administration territoriale » - Examen du rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Patrick Courtois sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Administration générale et territoriale de l'État », programme « Administration territoriale »).

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. - Placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère de l'intérieur, le programme Administration territoriale couvre l'ensemble des missions assumées par les préfectures, sous-préfectures et hauts-commissariats en métropole et en outre-mer. Mises en oeuvre par 27 000 agents, ces actions portent sur les compétences propres au ministère de l'intérieur, la coordination des services de l'État sur le territoire et le suivi de la performance des services déconcentrés dans le cadre de la Lolf.

Les crédits pour 2014 du programme 307 « Administration territoriale » sont supérieurs à ceux de 2013 : 1 727 millions d'euros en autorisation d'engagement, soit + 1,59 %, et  1 726 millions d'euros en crédits de paiement, soit + 0,81 %. En revanche, son schéma d'emploi perd 398 ETP : les services préfectoraux ont perdu, depuis 7 ans, plus de 10 % de leurs effectifs.

La réforme de l'administration territoriale (Réate), mise en application en 2010, a profondément modifié la structure des services déconcentrés. La modernisation de l'action publique (MAP), lancée en octobre 2012, comprend un volet consacré à l'administration territoriale de l'État, pour qu'elle réponde plus efficacement aux besoins et attentes des usagers. Elle vise également à améliorer le fonctionnement des services déconcentrés et les conditions de travail des agents.

Deux rapports récents, l'un commandé par le Premier ministre pour donner des orientations dans le cadre de la MAP, l'autre de la Cour des comptes, ont dressé un diagnostic sévère de l'administration territoriale post-Réate. Cette dernière souffre d'incohérences dans son organisation, de contradictions entre les moyens et les missions qui lui sont affectées, d'une gouvernance et de méthodes de travail inadaptées. L'ayant perçue comme un outil de réduction des moyens et des effectifs, les agents ont été démotivés par la Réate et ses conséquences, car les moyens d'accompagnement de la réforme ont été insuffisants. L'objectif d'amélioration de l'action de l'État au niveau local n'a pas été assez mis en avant. Les décisions prises dans le cadre de la MAP tendent à résoudre la plupart de ces difficultés, même s'il est trop tôt pour évaluer leur bien-fondé et leur application.

Le ministère de l'Intérieur a reporté à 2015 la réforme du réseau sous-préfectoral. Pour le moment, le ministère se veut rassurant : le réseau des 240 sous-préfectures sera largement maintenu. À terme, la réforme devrait s'orienter vers la fermeture de sous-préfectures proches de zones urbaines et péri-urbaines. En revanche, les sous-préfectures situées en milieu rural seraient maintenues ou transformées en Maisons de l'État. Le ministre a demandé aux préfets des régions Alsace et Lorraine d'expérimenter une méthodologie de rénovation de la carte des sous-préfectures concernant les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Cette rénovation devra avoir été opérée au 1er janvier 2015, selon une méthode déconcentrée.

Cette réforme ne peut être menée sans une réflexion approfondie sur l'évolution des missions des sous-préfets et des sous-préfectures. Je souhaite le maintien des postes de sous-préfets : le symbole qu'ils représentent est important aux yeux de la population. Leur attribuer davantage de missions d'envergure départementale ou régionale les valoriserait tout en allant contre le ressenti d'abandon du public et des élus locaux. Les sous-préfectures doivent évoluer vers une fonction d'expertise et de conseil aux collectivités territoriales, ce qui requiert davantage de fonctionnaires de catégorie A.

J'en viens au contrôle de légalité. Le nombre d'actes contrôlés a encore baissé de 10,58 % malgré la stabilité du nombre d'actes transmis. Tous les indicateurs connaissent une évolution négative. Le taux de contrôle des actes prioritaires est de 91,67 % pour 2012 ; l'objectif était de 96 %. Le ministère explique ce résultat insatisfaisant par l'impact de l'évolution des effectifs en charge du contrôle ainsi que par les ajustements dans les stratégies départementales, à la suite de la circulaire du 25 janvier 2012. Il sera difficile d'atteindre les 100 % d'actes prioritaires contrôlés en 2014. L'évolution qualitative du contrôle de légalité est également préoccupante. La stratégie de priorisation a considérablement resserré son champ d'application et certains domaines, comme les actes de police, ne sont que très peu contrôlés.

En matière de gestion des ressources humaines dans l'administration territoriale de l'État, les attentes sont fortes. La disparité des conditions de travail dans les services réorganisés dans le cadre de la Réate continue de poser problème : la réforme a en effet abouti à la réunion au sein de mêmes services d'agents dont les régimes en termes d'horaires, de congés, d'action sociale, de tickets-restaurant et de rémunération ne sont pas les mêmes. Le sentiment d'inégalité né de ces situations ne contribue pas à la création d'une synergie au sein des nouvelles structures territoriales. Le comité interministériel de la modernisation de l'action publique du 17 juillet 2013 a engagé une harmonisation de ces conditions de travail. La question est très importante pour le bon fonctionnement des services territoriaux et la motivation du personnel.

La politique actuelle de gestion des ressources humaines dans l'administration déconcentrée est inadaptée : effectifs ni connus, ni suivis ; gestion prévisionnelle des emplois et des compétences très peu développée ; règles et pratiques contraires à une gestion efficace du personnel. Il faut aller vers plus de souplesse et d'anticipation, mais aussi prendre en compte des compétences spécifiques, conserver et développer les compétences rares. On pourrait pour cela mutualiser certaines spécialités au niveau interdépartemental ou interrégional.

S'agissant des titres sécurisés, 2013 a été marquée par le lancement du projet FAETON, qui a connu des retards. Ce projet regroupe la production du nouveau permis de conduire européen, uniformisé au format carte bancaire et contenant des données biométriques, et l'application gérant l'ensemble des droits à conduire, depuis l'inscription en école de conduite jusqu'à la gestion des points du permis. Sa mise en place était prévue pour janvier 2013. Afin de respecter les échéances européennes, un permis transitoire « F 9 » est délivré depuis janvier, alors que de nouveaux tests ont conduit à un nouveau report au premier semestre 2014.

Lancés tous les deux en 2009, le passeport biométrique et le système d'immatriculation à vie des véhicules ont connu une mise en place difficile, mais leur production et leur acheminement aux usagers ne posent plus de difficultés majeures.

La carte nationale d'identité électronique devait être déployée en 2009, date régulièrement repoussée. La censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi du 27 mars 2012 a remis en cause le projet. Le Conseil avait considéré que la création d'une base de données biométriques commune au passeport et à la carte d'identité, pouvant être consultée à des fins policières ou judiciaires, attentait au respect de la vie privée de manière disproportionnée par rapport au but poursuivi. Aucun calendrier de mise en place de la carte nationale d'identité électronique n'a été fixé.

Enfin la transmission dématérialisée des actes d'état civil devrait être généralisée en 2014. Avec ce dispositif d'échange sécurisé des données entre les mairies et les organismes demandeurs d'actes d'état civil, les usagers n'auront désormais plus qu'à faire une simple déclaration auprès de l'organisme demandeur, lequel se chargera de la vérification auprès de la mairie concernée.

M. André Reichardt. - Nous devons regarder de près l'expérimentation en cours dans l'Est concernant les sous-préfectures. Le préfet de région nous a réunis pour élaborer une méthodologie. Il ne s'agit pas tant de développer le réseau sous-préfectoral, que d'examiner la présence territoriale globale de l'État.

L'État s'arroge des compétences nouvelles. En Alsace, le préfet de région a recruté 14 agents pour aller rencontrer les filiales françaises des entreprises allemandes. Comme seule réponse à mes doutes sur la pertinence de cette mission, jamais exercée jusqu'à présent par la préfecture, le préfet a créé trois semaines plus tard un référent unique aux investissements étrangers, dont la mission est de rechercher et accompagner des investisseurs étrangers. Ces deux missions sont déjà couvertes, respectivement par l'agence départementale du développement et par l'agence régionale de prospection. Quelle est la stratégie de l'État ? Qu'en est-il dans les autres régions ? L'Alsace semble déroger au souci actuel d'économie.

M. Pierre-Yves Collombat. - À l'heure où tout le monde s'accorde sur la nécessité des économies et où l'État se désengage, des progrès dans le management sont souhaitables. La délivrance de la carte grise se privatise, confiée désormais à des garagistes agréés, guère présents hors des centres-villes, qui font payer un service naguère gratuit.  Les permis de conduire seraient maintenant infalsifiables ; en tout cas, ils sont délivrés non plus à la sous-préfecture, mais à la préfecture, obligeant tout le monde à se déplacer.

L'administration territoriale de l'État est obsolète vis-à-vis des collectivités territoriales. On nous dit que c'est une contrepartie de la décentralisation. Il est vrai que l'on voudrait à la fois l'État et la décentralisation ! En tout cas, c'est un vrai transfert de charges non compensé.

Je crains que la moindre présence de l'État n'ait pour conséquence une tutelle des certaines collectivités sur d'autres. Jusqu'à quel point pouvons-nous aller dans l'ingénierie des grandes collectivités, telles les intercommunalités ou les départements ? L'État ne sera bientôt qu'un contrôleur, dérogeant au système jacobin - mais girondin dans la pratique - du pouvoir périphérique, qui caractérise cette liaison bizarre entre l'administration de l'État et les collectivités territoriales. Si l'État ne s'attache qu'à la conformité aux principes, ignorant les difficultés de terrain, nous aurons des problèmes.

M. Jean-Pierre Vial. - Votre rapport n'est pas une simple répétition de votre avis précédent, il est très important et rejoint le travail colossal que la Cour des comptes a mené, avec plus de 1000 auditions, sur l'évaluation de la réforme de l'administration territoriale de l'État. J'étais hier soir avec la délégation du Sénat aux collectivités territoriales qui a auditionné les agents de cette mission : leur rapport fait froid dans le dos. Décentralisations sur décentralisations et déconcentrations sur déconcentrations ont mis les services de l'État en apesanteur. Le contrôle de légalité est devenu aléatoire ou ciblé.

Je serais volontiers pour la suppression des sous-préfets et le maintien des sous-préfectures : la réflexion sur la globalisation de la modernisation serait mieux amenée, plutôt que de garder un chef sans administration. Dans mon département je rencontre les mêmes problèmes que M. Reichardt pour les questions économiques. Les collectivités se sont dotées de structures, que viennent court-circuiter les nouvelles initiatives des préfets de région : situation paradoxale d'un État qui s'évapore, mais reprend prise dans certains domaines. Il est temps de clarifier les fonctions, et non de faire un simple toilettage.

M. Jean-Patrick Courtois. - Lors de nos rencontres en Moselle nous avons vu aussi bien le fonctionnement de la préfecture de région que celui de la sous-préfecture de Château-Salins : les maires ont exprimé le besoin d'un vrai sous-préfet, que ses prérogatives rendent seul légitime pour défendre le territoire. S'il fallait supprimer une sous-préfecture, ce serait plutôt celle de Metz-Campagne, qui se trouve au sein même des locaux de la préfecture de région, que celle de Château-Salins.

Je rejoins MM. Reichardt et Vial : la reprise en main des préfets de régions, par la création de nouveaux services, aboutit à une administration bis qui complique tout. Prenons aussi garde à l'inquiétude des fonctionnaires des sous-préfectures, qui malgré leurs compétences sont dans une incertitude complète quant au maintien de leur poste.

Le contrôle de légalité ne se fait plus à 100 %. Aléatoire, focalisé sur un domaine, il en exclut d'autres : on court un risque de tutelle imposée pour les communes trop petites pour disposer d'un véritable service juridique.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Administration territoriale » de la mission « Administration territoriale de l'État »

Loi de finances pour 2014 - Mission « Sécurités » - Examen du rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de Mme Éliane Assassi sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Sécurités»).

Mme Éliane Assassi, rapporteur pour avis. - L'an dernier, j'avais souligné la rupture que représentait le budget par rapport aux cinq années précédentes. Le budget 2014 de la mission « Sécurité » confirme cette tendance. La mission rassemble maintenant les budgets de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité et de l'éducation routières, de la sécurité civile. À 17,6 milliards en autorisations d'engagement et 17,8 milliards d'euros en crédit de paiement, les crédits sont stables en euros courants.

Les effectifs augmentent progressivement : 243 postes de policiers et 162 postes de gendarmes seront créés en 2014. Les budgets de fonctionnement sont stabilisés et l'on pourra relancer quelques opérations d'investissement, pour le parc automobile notamment. Toutefois, le sous-investissement de ces dernières années pour le parc immobilier, qui se dégrade toujours plus, ne pourra être rattrapé par les moyens accordés. La gendarmerie ne bénéficiera que de 56 millions d'euros sur les 150 dont elle aurait besoin pour faire face aux travaux d'entretien et de maintenance lourde. J'ai été surprise par le ton très revendicatif du discours des syndicats de policiers, qui tranche fortement avec celui de l'année dernière. C'est que, malgré ce budget stabilisé, les fonctionnaires ressentent fortement le manque de moyens. Travailler ou vivre dans un environnement très dégradé a un effet certain sur le moral.

La technique à courte vue des gels et surgels de crédits va à l'encontre de toute gestion efficace du budget, et conduit les gestionnaires à engager rapidement et parfois à des conditions moins avantageuses leurs crédits.

Gendarmerie et police se sont engagées dans une démarche de mutualisation, renforcée depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur en 2009. J'ai visité le Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure créé le 1er septembre 2010. Il rassemble dans un service unique les structures de conception des systèmes d'information et de communication de la gendarmerie et de la police. Son commandant est un général de la gendarmerie mais tous les postes d'adjoints sont dédoublés entre les deux forces. Ce service développe des logiciels ; c'est ainsi qu'un logiciel de cartographie qui répondait à une demande précise des services opérationnels a été développé en interne en seulement quatre mois ! C'est beaucoup plus rapide et économique que de passer par un marché public, surtout pour faire ensuite évoluer les logiciels, dont certains sont proposés à la Sécurité civile. Le nouveau fichier « traitement des antécédents judiciaires » qui regroupera les fichiers STIC de la police et Judex de la gendarmerie m'a été également présenté.

L'expérimentation d'une mise en commun de la police technique et scientifique à l'échelle des départements est une réussite. La gendarmerie prend en charge tous les actes de police technique et scientifique, pour le compte des deux forces, sur son plateau technique. Les fonctionnaires qui effectuent les constations techniques et les opérations de recherche et de relevés sont indifféremment des policiers et des gendarmes. Les gendarmes peuvent désormais alimenter le fichier automatisé des empreintes digitales en utilisant la borne commune du commissariat central. Cette expérience sera étendue à trois autres départements, puis à dix autres l'année prochaine. Enfin, à compter du 1er janvier 2014, le Service d'achats des équipements et de la logistique centralisera les marchés, pour les deux forces et la sécurité civile.

Cette mutualisation, pragmatique, trouve parfois ses limites : il est difficile de faire travailler dans les mêmes services deux catégories d'agents aux statuts et rémunérations différents.

Les zones de sécurité prioritaires ont montré leur efficacité. Elles sont pilotées par deux instances : une cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure, qui se réunit une fois par mois sous l'autorité du préfet et, éventuellement, du procureur de la République, et une cellule de coordination opérationnelle de partenariat, qui conduit des actions de prévention. Comme pour les états-majors de sécurité, le copilotage par le préfet et le procureur de la République est efficace. Toutefois, la cellule opérationnelle de partenariat qui mène les actions de prévention fait parfois intervenir trop de personnes, ce qui diminue la pertinence de son action.

Ces crédits stabilisés en euros courants redonnent une marge de manoeuvre pour financer les moyens de fonctionnement des forces mais cela ne fait pas un budget à la hauteur de toutes les attentes. La question de l'immobilier aurait mérité une meilleure prise en compte, car les besoins sont très importants.

Sous le bénéfice de ces observations, je m'en remets à la sagesse de la commission pour déterminer s'il faut adopter ce budget.

M. Antoine Lefèvre. - Les conditions d'accueil et de travail dans les gendarmeries et les commissariats sont déplorables. Les restructurations immobilières et les travaux qui relèvent parfois de la simple sortie d'insalubrité, n'ont que trop tardé. Pour la gendarmerie, avez-vous des éléments d'évaluation des partenariats public-privé, pas toujours heureux ? Ils ont certes permis, dans l'Aisne, d'améliorer les conditions d'accueil et de logement, mais ils sont parfois difficiles à financer.

M. Jean-Jacques Hyest. - On oublie de rappeler qu'avant la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, les effectifs avaient fortement augmenté. Le budget n'est stable qu'à euros constants, c'est dire qu'il baisse à proportion de l'inflation. Pour 100 postes de policiers créés, c'est en réalité, 24 heures sur 24 et 365 jours par an, 16 agents présents sur le terrain. Avec les ZSP, on déshabille Pierre pour habiller Paul. Et combien y a-t-il de postes vacants, en réalité, dans les commissariats non prioritaires ? La situation immobilière est déplorable, et toutes les collectivités, notamment les départements, qui s'étaient investies pour améliorer la situation se sont retirées. Retards de paiements des loyers, dettes, malaise des policiers... la situation est mauvaise. Nous ne voterons pas ce budget.

Mme Virginie Klès. - Il faut repenser le dispositif immobilier, notamment de la gendarmerie, et trouver de nouvelles conventions pour régler la question des loyers. Il est inacceptable de maintenir les gendarmes dans certaines communes pour la seule raison qu'elles disposent de casernes !

M. Alain Richard. - La majorité des parlementaires sont favorables à une stabilisation, voire une baisse des dépenses publiques, mais chaque mesure en ce sens ne rencontre que protestation. Personne ne connaît la recette pour stabiliser la masse salariale du ministère de l'intérieur : à effectifs constants, elle augmente chaque année de 2 %, ne serait-ce que par le jeu du glissement vieillesse-technicité. Dès lors, stabiliser un budget en euros constants implique une baisse des crédits de fonctionnement. Les dépenses publiques diminuent de 6 milliards sur près de 500 milliards en euros constants ; cela ne peut être le problème du seul exécutif, le Parlement doit aussi s'impliquer dans ce mouvement. Retarder une dépense, c'est équivalent à souscrire un emprunt.

Mme Catherine Troendlé. - Je salue l'investissement croissant des collectivités territoriales dans la construction de nouvelles gendarmeries, qui compense le désengagement de l'État. L'état actuel de certaines gendarmeries est indigne ! Les collectivités territoriales peuvent acquérir pour une somme symbolique, et réhabiliter, les casernes militaires abandonnées, mais pas les casernes de gendarmeries, dont le statut est différent. France Domaine en exige un prix considérable, qui abonde, certes, le budget de la sécurité, mais qui les met hors de portée des communes. De véritables friches urbaines peuvent ainsi se constituer, comme à Ferrette, dans le Haut-Rhin. Serait-il possible d'aligner leur régime de vente sur celui des casernes militaires ?

M. André Reichardt. - Je confirme la mauvaise humeur des policiers : certains de leurs syndicats m'ont alerté sur la dégradation de leurs conditions de travail, ainsi que sur une détérioration du régime indemnitaire des élèves policiers. Cela m'inquiète, car la sécurité doit être une priorité. Je ne voterai donc pas ces crédits.

Mme Éliane Assassi, rapporteur pour avis. - La réforme du régime indemnitaire des élèves policiers ampute de près de 200 euros par mois leur revenu, ce qui grève fortement leur pouvoir d'achat. Le ministre a reçu certains syndicats et devrait répondre favorablement à cette légitime revendication.

La vétusté du patrimoine immobilier de la gendarmerie est préoccupante. Les collectivités territoriales jouent le jeu sans que cela puisse suffire : il faudrait 300 millions d'euros, et non 56, pour le réhabiliter entièrement. Les plus hautes autorités ont conscience du problème, puisque le général Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, a souligné devant nous les conséquences néfastes de cette situation : les gendarmes hésitent à occuper les logements qui sont mis à leur disposition, et plusieurs casernes sont fermées pour des raisons de sécurité ! L'an prochain, je me pencherai de plus près sur cette question. Certains commissariats sont si dégradés qu'ils en deviennent impropres à l'accomplissement des missions de la police, comme à l'accueil du public - et en particulier des femmes, que l'on incite pourtant à déposer plainte.

M. Jean-Jacques Hyest. - Dans mon département, elles vont chez les gendarmes !

Mme Éliane Assassi, rapporteur pour avis. - Les partenariats public-privé aident certes à construire certaines structures, mais coûtent très cher. Les créations de postes sont insuffisantes : en Seine-Saint-Denis, où 240 policiers seront mutés et où seulement 170 postes sont pourvus, il y aura 73 policiers en moins ! C'est inacceptable, même si la situation est globalement meilleure qu'hier.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités », hors programme « sécurité civile ».

Loi de finances pour 2014 - Mission « Sécurité civile » - Examen du rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de Mme Catherine Troendlé sur le projet de loi de finances pour 2014 (programme « Sécurité civile»).

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. - En 2012, onze sapeurs-pompiers ont perdu la vie. Cette année, sept. Nous leur rendons hommage. J'ai visité l'école nationale des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP), dont je suis les destinées depuis sa délocalisation à Aix-en-Provence en 2007, ainsi que le bataillon des marins-pompiers de Marseille.

La sécurité civile est un grand sujet mais un petit budget. Le modèle français reste admiré dans un contexte européen lourd de menaces : la Commission européenne exige que la France adapte le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels aux exigences de la directive sur le temps de travail. Le décret modificatif, actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État, modifiera l'organisation des services. La France réclame l'exclusion des activités volontaires exercées dans le domaine de la protection civile, dans le prolongement de la loi du 20 juillet 2011, du champ d'application de la future directive européenne sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Le présent budget s'inscrit dans le cadre tracé en 2013 et poursuit la réalisation des grands chantiers lancée par l'État pour renforcer l'efficacité de notre sécurité civile. La responsabilité de celle-ci est partagée entre les collectivités territoriales et l'État. Les dépenses supportées par les collectivités locales au titre de la sécurité civile représentent 5,68 milliards d'euros, soit cinq fois celles de l'État. Les crédits inscrits aux budgets primitifs augmentent de 1,96 %. L'an dernier, aucune autorisation d'engagement n'a été inscrite au titre du fonds d'aide à l'investissement pour subventionner des opérations nouvelles, mais une enveloppe de 3,9 millions d'euros en crédits de paiement a financé des investissements qui n'avaient pas encore été achevés. De même, le projet de loi de finances pour 2014 ne prévoit que 2,85 millions d'euros de crédits de paiement et aucune autorisation d'engagement.

La maquette budgétaire est modifiée : jusqu'alors individualisés dans une mission « Sécurité civile », les crédits finançant les actions de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises sont désormais inscrits au sein d'un programme de la nouvelle mission « Sécurités » qui regroupe police, gendarmerie, sécurité routière et sécurité civile. Ce programme rassemble des dépenses rigides, comme la subvention à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, la contribution aux retraites des sapeurs-pompiers professionnels ou le socle de maintenance des aéronefs et des dépenses liées à l'activité opérationnelle, comme les achats de carburant ou de produit retardant. Il comporte quatre actions : prévention et gestion de crises ; préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux, ce qui comprend la réserve nationale ; soutien aux acteurs de la sécurité civile, par des aides de l'État, Antarès, la participation aux pensions ou les prestations rattachées et les indemnités aux sapeurs-pompiers volontaires ; fonctionnement, soutien et logistique, à travers les dépenses d'état-major afférentes au siège de la direction générale situé à Asnières-sur-Seine.

Les crédits atteignent les 590 millions en autorisations d'engagement, en hausse de 44,54 % par rapport à 2012, et diminuent très légèrement à 438 millions d'euros en crédits de paiement. La forte croissance des autorisations d'engagement est destinée à provisionner le lancement du nouveau marché de maintenance des avions de la sécurité civile, ce qui permettra de retarder l'achat de nouveaux appareils.

Les quatre orientations principales fixées en 2013 à l'évolution des services opérationnels de l'État seront reconduites pour 2014. Il s'agit de développer des synergies entre les moyens nationaux et des partenariats avec les acteurs de la sécurité nationale, de faire monter en puissance l'unité mobile de démantèlement des munitions identifiées et, dans le cadre de la réforme des forces de sécurité Outre-Mer, de créer une base héliportée en Martinique et de reprendre la zone aéroportuaire militaire du Raizet en Guadeloupe pour y regrouper la base hélicoptère et les démineurs de la sécurité civile.

La rationalisation des dépenses d'équipement passe par le rapprochement des flottes d'hélicoptères de la sécurité civile et de la gendarmerie, et la création, au 1er janvier 2014, du service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure, qui sera commun aux directions générales de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité civile et de la gestion des crises. Les dépenses directement liées à l'activité opérationnelle sont sanctuarisées : les dotations affectées à l'achat du carburant et des produits retardants sont identiques à celles de 2013.

En 2012, les sapeurs-pompiers ont réalisé 306 900 interventions pour incendies, soit une baisse de 3 % alors que c'est le coeur de leur métier. Désormais, le secours à victime et l'aide à personne constituent 73,8 % de leur activité. Le nombre des interventions médicalisées par le service de santé et de secours médical des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) s'élève à 194 693 en 2012, en hausse de 5,32 %.

L'ensemble du référentiel commun au Samu et aux Sdis doit être évalué avant la fin de l'année par les inspections générales de l'administration et des affaires sociales, comme le Président de la République l'a demandé lors du congrès national des sapeurs-pompiers pour résoudre le conflit qui les oppose.

Vitrine du savoir-faire de la sécurité civile française, l'Ensosp s'attache à répondre aux besoins des Sdis et aux risques encourus. Elle développe sa pédagogie ainsi que l'utilisation de sa plateforme pédagogique d'Aix-en-Provence et de sa plateforme technologique de Vitrolles, afin de rentabiliser les investissements dont elle a été bénéficiaire.

Le bataillon des marins-pompiers de Marseille se heurte à deux difficultés particulières. D'une part, les 31 millions d'euros de produit de la taxe sur les conventions d'assurance versée au conseil général des Bouches-du-Rhône sont attribués en totalité au Sdis 13 alors que cet établissement n'a en charge que 57% de la population du département et que le bataillon a le même statut juridique qu'un Sdis. Un amendement de M. Gaudin au projet de loi sur les métropoles voté par le Sénat puis par l'Assemblée nationale a inscrit la participation du conseil général des Bouches-du-Rhône dans le code général des collectivités territoriales. Une commission des financeurs s'est réunie il y a trois semaines pour fixer le taux de cette participation. Des simulations sont en cours. Le taux ne pourra pas être inscrit dans le projet de loi de finances pour 2014 en cours d'examen par le Sénat mais dans une loi ultérieure.

La loi interdit au bataillon d'obtenir le remboursement de celles de ses interventions qui ne se rattachent pas directement à ses missions de service public, contrairement aux Sdis auxquels il est assimilé. L'article L. 1424-49-II du code général des collectivités territoriales n'a pas prévu expressément l'extension de cette disposition au bataillon. Un jugement du tribunal administratif de Marseille a donc annulé une délibération du conseil de municipal de Marseille qui prévoyait la facturation aux sociétés de maintenance d'ascenseurs des interventions du bataillon en leur lieu et place. Or les interventions liées aux ascenseurs, même si elles ont diminué de moitié depuis 2010, étaient encore 2 600 en 2012. Leur coût global n'est pas négligeable dans les dépenses du bataillon. Cette incohérence appelle l'intervention du législateur. Lors de l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi sur les métropoles, un amendement a été déposé en ce sens mais n'a pas été adopté, la ministre de la décentralisation considérant que la rédaction actuelle du code permettait au bataillon de bénéficier de toutes les indemnisations prévues pour les Sdis. Il serait opportun de clarifier le droit applicable.

Je m'en remets à l'avis de la commission des lois pour l'adoption des crédits.

M. Patrice Gélard. - Merci pour cet excellent rapport. Les relations entre officiers et pompiers sont en effet détestables, comme en témoignent les slogans de la grève récente, où l'on voyait sur les camions du Sdis des banderoles appelant à la fin des privilèges des officiers.

M. Alain Richard. - Cela rappelle les marins de Cronstadt !

M. Patrice Gélard. - Le financement des pompiers de Paris est-il identique à celui des pompiers de Marseille ? Le département y détourne-t-il aussi une partie des sommes qu'il devrait leur verser ?

M. Jean-René Lecerf. - Une grande majorité de départements souhaitent le retour des Sdis à l'État. La mutualisation du matériel, recommandée par nombre de rapports du Sénat, a-t-elle progressé ? Ce que réclame la Commission européenne, pour le calcul du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, frôle le ridicule.

L'éducation de la population à la sécurité civile a été trop négligée. J'ai pu observer à Kobé les efforts considérables que le Japon déploie en ce domaine ; ils expliquent que les pertes humaines causées par la catastrophe de Fukushima aient été limitées. Bien sûr, notre pays est moins exposé aux séismes, mais je n'ose imaginer les conséquences qu'aurait chez nous un accident nucléaire, même d'ampleur bien moindre que celui-là.

M. Pierre-Yves Collombat. - Notre système de protection civile est l'un des meilleurs d'Europe. Il associe l'action et le pilotage de l'État à un financement majoritairement issu des collectivités territoriales, ce qui pose problème à la Commission européenne, laquelle prétend de ce fait imposer des critères qui ne correspondent pas à notre mode de fonctionnement. Nous gagnerions à y impliquer les réserves communales de sécurité : le système italien, par exemple, repose largement sur des volontaires. Cela se heurte chez nous à des réticences parce que c'est le préfet qui commande.

Il faut vraiment clarifier les rôles pour le secours aux personnes. À la querelle entre Samu et pompiers s'ajoute le problème, complexe, des ambulanciers, et il est bien difficile de faire évoluer les choses. Tous les responsables abordent ce problème d'une main tremblante : même le principe d'un centre d'appel commun, mis en oeuvre dans certains départements comme le Vaucluse, a beaucoup de mal à s'imposer. La gestion des hélicoptères est l'objet de luttes acharnées auxquelles le ministre a bien du mal à mettre bon ordre. Les responsables semblent avoir pris conscience de cet enkystement de problèmes, qu'il semble difficile de résoudre sans renverser la table !

L'État contribue-t-il au financement des pompiers de Paris ? Ce serait le seul endroit où il participerait au financement des Sdis.

M. Antoine Lefèvre. - En effet, à l'heure où des économies sont recherchées de toute part, la mutualisation des centres de régulation du Samu et des Sdis est un véritable gisement ! Le ministre de l'intérieur nous explique que les Rouges et les Blancs se font la guerre. C'est absurde ! Dans l'Aisne, dans un bâtiment flambant neuf, si j'ose dire, (Sourires) une salle est disponible à côté du centre de régulation du Sdis qui pourrait abriter le centre de régulation du Samu, mais ce n'est pas possible. Nous avons construit un bâtiment qui nous a coûté 5 millions d'euros pour installer le centre de régulation du Samu héliporté, mais l'Agence régionale de santé (ARS) interdit au centre hospitalier d'occuper ces locaux. Nous devrons donc en créer de nouveaux à l'intérieur de l'hôpital, si cette salle est refusée. Comment l'expliquer à nos concitoyens ? Il paraît même que dans certains départements il y a, pour ménager les susceptibilités, deux bâtiments côte à côte, identiques mais indépendants ! Il faut que les choses soient débloquées au plus haut niveau. En Europe ou aux États-Unis, des centres de régulation unifiés fonctionnent parfaitement.

Mme Virginie Klès. - Tout n'est pas si sombre. Quatre ou cinq départements ont développé des salles communes de gestion de crise opérationnelle. Il faut mettre ces bons exemples en valeur.

M. Yves Détraigne. - J'ai été confronté à une catastrophe en avril : explosion d'un immeuble, quatre décès et dix-neuf familles à la rue. J'ai pu voir, dans ma commune, l'efficacité et la coordination des différents acteurs. Outre les services de sécurité civile, n'oublions pas la Croix-Rouge, dont le rôle est irremplaçable. Le système est complexe, mais il fonctionne très bien devant des événements très graves.

M. Pierre-Yves Collombat. - Paradoxalement, en cas de gros problème, cela fonctionne bien, en effet. Mais dans d'autres situations, comme le secours aux personnes, notre système paraît parfois sous-optimal.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - M. Lefèvre a raison. Les situations qu'il décrit doivent cesser, car elles coûtent cher. J'ai déjà beaucoup entendu parler du problème des marins-pompiers de Marseille et du Sdis des Bouches-du-Rhône, dont le conflit a pris le tour d'un rituel pagnolesque. J'espère que l'amendement à la loi sur la décentralisation le résoudra une bonne fois pour toute.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. - Je l'espère aussi ! L'organisation financière des pompiers de Paris n'est pas la même que celle des pompiers de Marseille Ils ont aussi un statut militaire. L'État participe aux dépenses de fonctionnement, y compris les réparations, l'entretien, le loyer de casernement. Les collectivités territoriales ne peuvent pas participer plus que l'État, ce qui soumet leur contribution aux limites du budget de l'État. Le code général des collectivités territoriales fixe la contribution des communes et celle du département.

M. Patrice Gélard. - N'y a-t-il pas rupture du principe d'égalité ?

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. - Paris est la capitale, ce qui impose des charges spécifiques.

J'avais demandé au ministre s'il allait tenir son engagement de verser 10 millions d'euros à la ville de Marseille pour la brigade. Il l'a confirmé. Cette somme est déjà prélevée sur sa part du produit de la taxe sur les assurances. Marseille ne bénéficiant pas des mêmes aides que Paris, son maire a demandé un effort supplémentaire à l'État.

Les relations entre officiers et pompiers volontaires ne sont pas détestables dans tous les départements. Le colonel Faure m'a indiqué que les officiers recherchaient partout l'apaisement, conscients que les professionnels ne pourraient pas assurer leurs missions aussi efficacement sans les volontaires.

La mutualisation du matériel progresse. La Cour des comptes a toutefois dénoncé le manque de réactivité de certains Sdis sur ce point. Dans certains cas, le problème ne vient pas de leur mauvaise volonté mais du fait que les décrets ne sont pas encore parus.

La Commission européenne préconise un calcul horaire par semestre et non plus annuellement. Les sapeurs-pompiers professionnels seraient donc moins présents. Le Gouvernement est en négociation avec Bruxelles pour défendre nos spécificités ; il est très offensif face à un risque réel.

La formation à la sécurité civile devrait s'inspirer de démarches comme la création des cadets des marins-pompiers de Marseille en 2011. Il s'agit, dans un but de cohésion sociale et de civisme, d'apprendre à des collégiens sélectionnés par un jury les gestes de premier secours. L'année d'engagement s'achève par la participation de la promotion au défilé du 14 Juillet. Le taux d'absentéisme est très faible : c'est un succès. La loi de 2004 sur la modernisation de la sécurité civile impose que tous les collégiens soient formés aux gestes de premier secours ; en pratique, on est à moins de 25 %. Pour la formation du reste de la population, les réserves communales et les plans de sauvegarde ont trop peu été développés, peut-être en raison de leur complexité. Cela fonctionne, pourtant.

La Cour des comptes a dénoncé la situation des centres d'appel. C'est le Samu qui pose problème. Le président de la République a pris les choses en main, et le ministre de l'Intérieur est très offensif là-dessus. Hélas, la ministre de la Santé ne veut rien entendre. On nous annonce une évolution pour le mois de février : j'ai envie d'y croire.

Certes, une meilleure formation du citoyen serait efficace. Mais nous devons rendre hommage aux associations aussi.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité civile ».

Loi de finances pour 2014 - Mission « Économie », programme « Développement des entreprises et du tourisme » - Examen du rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Antoine Lefèvre, sur le programme « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis. - C'est la troisième année que je vous présente un avis sur les crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie », qui intéresse la commission des lois au titre de ses compétences en matière de droit des entreprises, de simplification de leur environnement juridique, de protection et de sécurité des consommateurs, de régulation des marchés et de mise en oeuvre du droit de la concurrence, mais qui a un champ plus large, puisqu'il concerne aussi certains secteurs économiques particuliers comme l'industrie et les communications électroniques ou postales. Ce programme regroupe, entre autres, les crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), qui dépendent du ministère de l'économie et des finances, ainsi que de l'Autorité de la concurrence.

Le périmètre du programme a encore changé substantiellement, comme chaque année ! L'impact sur son budget, qui représente un peu plus d'un milliard d'euros en 2014, est de l'ordre de 250 millions d'euros. Il s'agit notamment de la réintégration des 150 millions d'euros de compensation auprès de la Poste des aides au transport de la presse, crédits qui étaient sortis du programme dans le budget 2013... À périmètre constant, les crédits du programme diminuent en 2014 de 6 % en autorisations d'engagement et de 5,5 % en crédits de paiement. Ces diminutions font suite à des années de baisse qui ont sérieusement entamé les effectifs et la capacité d'action de la DGCCRF. Le programme « Développement des entreprises » est celui qui est chaque année le plus mis à contribution par la réduction des dépenses dans la mission « Économie », souvent davantage que la moyenne budgétaire.

La DGCCRF voit toutefois sa situation s'améliorer légèrement, grâce à une progression de ses crédits de 2,27 % en autorisations d'engagement et de 1,36 % en crédits de paiement et à la perspective de 15 emplois supplémentaires en 2014, après une stabilisation de ses effectifs en 2013 qui faisait suite à une réduction de presque 20 % de ses emplois en cinq ans. L'Autorité de la concurrence, elle, devrait connaître une légère progression de ses crédits. Pour un budget annuel inférieur à 21 millions d'euros, elle rapporte des centaines de millions au budget de l'État par le produit des amendes qu'elle prononce : 439 millions d'euros en 2010, 420 millions d'euros en 2011 et 540 millions d'euros en 2012.

Le programme devrait comporter 50 millions d'euros de crédits pour abonder le fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des emprunts toxiques. Il est curieux que ces crédits, fort utiles au demeurant, figurent dans un programme consacré aux entreprises alors qu'il existe une mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales » !

J'aborde à présent la question de l'impact de la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) sur les services chargés des missions de concurrence et de consommation.

Dans son rapport de 2013 sur l'organisation territoriale de l'État, la Cour des comptes a confirmé mon évaluation de la situation des directions départementales compétentes en matière de concurrence et de la consommation, dans leur volet improprement appelé « protection des populations » : malaise persistant des personnels, perte de visibilité, manque de cohérence et d'efficacité dans un contexte de forte réduction des effectifs, difficultés de gestion dans les directions départementales, accentuées par la juxtaposition de métiers différents, avec des cadres qui ignorent parfois la nature des missions de protection des consommateurs, ainsi que par les disparités statutaires dans les nouvelles directions mises en place en 2010, enfin, baisse du nombre des contrôles.

In fine, c'est le contrôle qui est affaibli - l'affaire de la viande de cheval l'a bien montré - au risque de nouvelles menaces pour la santé et la sécurité des consommateurs. Je m'interroge sur les contrôles de la mention « fait maison » introduite par la loi Hamon : il n'y a manifestement pas assez d'agents pour les réaliser.

Jean-Marc Rebière et Jean-Pierre Weiss ont remis un rapport au Gouvernement il y a quelques mois sur la stratégie d'organisation à cinq ans de l'administration territoriale de l'État.

Lors du conseil interministériel pour la modernisation de l'action publique de juillet dernier, le Gouvernement a confirmé l'organisation administrative issue de la RéATE, dans un souci de stabilisation des structures, en donnant la priorité à l'amélioration du pilotage et du fonctionnement des services déconcentrés. Il a toutefois reconnu la nécessité de « répondre aux contraintes spécifiques aux missions de contrôle et de protection des consommateurs », en cherchant une meilleure articulation entre niveau régional et niveau départemental. On pâtit de la rupture du lien hiérarchique et de la chaîne de commandement entre l'administration centrale et les équipes opérationnelles dans les directions départementales, placées sous l'autorité du préfet.

Après plusieurs déplacements en région l'année dernière, j'ai effectué cette année un déplacement en Champagne-Ardenne, pour mieux apprécier le rôle des pôles C, chargés de la concurrence et de la consommation, des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). J'ai ainsi rencontré des agents très investis, mais dans des directions qui peinent à trouver leur place dans le paysage administratif. Le rôle de pilotage en matière de concurrence et de consommation du pôle C reste mal compris et mal perçu ; son rôle opérationnel semble très variable d'une région à l'autre en fonction des choix locaux et est souvent critiqué par les agents affectés dans les directions départementales. Dans ces conditions, il faut imaginer une nouvelle articulation entre l'échelon régional et l'échelon départemental, tout en restant dans l'épure de la RéATE. Certains avaient envisagé la création d'unités territoriales des DIRRECTE pour regrouper les missions de concurrence et de consommation, avec les agents de la DGCCRF. Le conseil interministériel de juillet a fermé cette porte.

La situation sur le terrain continue de se dégrader. Ainsi, la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations des Ardennes pourrait n'avoir plus que trois agents de la DGCCRF en 2014. Dans ces conditions, comment peut-on assurer les missions de contrôle ?

J'ai également été surpris de constater l'interventionnisme de certains préfets dans les missions de contrôle des agents chargés de la protection des consommateurs, au nom de considérations extérieures, comme l'emploi.

J'en viens à présent au bilan du régime d'entrepreneur à responsabilité limitée (EIRL).

L'EIRL a été institué par la loi du 15 juin 2010, dont le rapporteur au Sénat fut Jean-Jacques Hyest, dans un but de protection du patrimoine de l'entrepreneur individuel. Mettant fin au principe de droit civil de l'unicité du patrimoine, ce statut très demandé par les milieux de l'artisanat permet à un entrepreneur individuel, qui ne veut pas exercer sous forme de société, de constituer un patrimoine professionnel d'affectation, distinct de son patrimoine personnel. Outre la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés, comme pour l'EURL, l'EIRL offre en principe l'avantage de protéger le patrimoine personnel de l'entrepreneur. Ce système paraît plus adapté pour les créateurs d'entreprise que pour les entrepreneurs déjà en activité.

La mise en route du dispositif a tardé, du fait de l'attente des textes d'application, en matière fiscale notamment. Au 31 août 2013, on recensait 17 896 EIRL, à comparer à un total de 1,8 million d'entreprises individuelles et de 390 000 créations d'entreprises individuelles en 2012. L'objectif fixé par l'étude d'impact était de 100 000 EIRL fin 2012. Près d'un tiers des EIRL cumulent ce statut avec le régime de l'auto-entrepreneur. Ce chiffre doit être comparé avec les 37 000 déclarations d'insaisissabilité, dont 16 000 pour la même période 2011-2013. Même si elle suscite des critiques au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, la déclaration d'insaisissabilité a été largement plébiscitée dans mes auditions pour sa simplicité. Il faut ici remercier le président Hyest, qui a permis le maintien de ce dispositif que le Gouvernement avait prévu de supprimer.

Plusieurs facteurs expliquent le relatif insuccès de l'EIRL. La séparation des deux patrimoines suppose de remplir des formalités et des obligations comptables. La loi prévoit dans certains cas, à titre de sanction, la confusion des patrimoines. D'après mes auditions, les facteurs psychologiques sont prépondérants. Un chef d'entreprise qui ne veut pas créer de société et exerce en nom propre, par simplicité, ne choisira pas un statut compliqué. Pour triviale qu'elle puisse paraître, cette explication me paraît sérieuse. Il reste enfin la question de l'accès au crédit : les banques sont hésitantes vis-à-vis de l'EIRL. En tout état de cause, elles peuvent toujours demander des garanties au-delà du patrimoine professionnel. On pourrait distinguer au regard de l'EIRL les prêteurs des autres créanciers professionnels.

Dans ces conditions, l'EIRL paraît un bon système pour les entrepreneurs individuels familiarisés avec les questions juridiques et comptables, qui n'ont pas besoin de crédit pour financer leur activité professionnelle et qui ont des actifs professionnels limités. Il n'est pas sûr que ce soit la cible initiale.

Le grand nombre de statuts dont les entrepreneurs perçoivent mal les avantages et les inconvénients constitue en lui-même une source de complexité.

Le projet de loi relatif au commerce et à l'artisanat, présenté par la ministre Sylvia Pinel, comporte quelques simplifications comptables pour l'EIRL, sans bouleverser le dispositif. Les experts-comptables suggèrent l'application automatique du régime de l'EIRL à tous les entrepreneurs individuels, le dépôt annuel du bilan valant déclaration d'affectation du patrimoine professionnel. Cette simplification drastique ne serait pas sans soulever quelques interrogations juridiques.

Un mot sur un sujet de préoccupation que j'avais déjà exprimé l'année dernière : en 2010, le législateur a décidé de rattacher administrativement à l'Institut national de la consommation (INC) les trois commissions compétentes en matière de consommation, et notamment la commission de la sécurité des consommateurs. À ce jour, son personnel est toujours rattaché au ministère de l'économie et des finances, ses crédits n'ont toujours pas été transférés à l'INC et ses bureaux dans les nouveaux locaux de l'INC restent vides. La loi de 2010 reste lettre morte, pour des motifs administratifs qu'on ne parvient toujours pas à m'expliquer. Une convention est en cours de négociation : j'espère qu'elle aboutira en 2014.

Je propose un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme ».

M. Yves Détraigne. - Les élus locaux sont perdus devant la réorganisation des services territoriaux de l'État, comme certains de leurs agents, d'ailleurs.

M. André Reichardt. - L'EIRL ne répond manifestement pas aux attentes. Le créateur d'entreprise a trop de choix devant lui ; le statut d'auto-entrepreneur est tellement plus facile d'accès ! Ouvrons des discussions avec les corps intermédiaires, les compagnies consulaires, qui devaient promouvoir l'EIRL et ne l'ont pas toujours fait, et tirons les leçons de ce semi-échec avant la discussion du projet de loi sur le commerce et l'artisanat. Sur ce sujet essentiel qu'est la création d'entreprises, nous rattrapons notre fort retard ; ne ratons pas le coche. Il faudrait débattre de la transmission d'entreprise plus longuement que nous avons pu le faire à propos du projet de loi sur l'économie sociale et solidaire. Informer les salariés deux mois avant la cession, c'est un peu court comme réponse ! Nous pouvons faire beaucoup mieux. Je suis en désaccord profond avec le ministre Benoît Hamon sur les chiffres qu'il avait donnés.

M. Philippe Kaltenbach. - Il y a beaucoup trop de statuts disponibles pour les entrepreneurs individuels, qu'il nous faudra revoir lors du débat évoqué : EIRL, EURL, SARL à gérance majoritaire, entreprise individuelle... Un statut unique qui n'engage pas le patrimoine personnel serait préférable. Dans le rapport rédigé avec ma collègue Muguette Dini pour la commission pour le contrôle de l'application des lois, nous constations que le principal avantage du statut d'auto-entrepreneur était de ne cotiser qu'en cas de chiffre d'affaires. Nous devrions maintenant harmoniser ce statut avec les micro-entreprises afin qu'elles bénéficient des mêmes avantages. Profitons de la loi sur le commerce et l'artisanat pour simplifier et harmoniser.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis. - Au-delà des sigles issus de la RéATE, nos concitoyens peuvent avoir des difficultés à trouver les locaux des services déconcentrés, que l'on a renvoyés à la périphérie des villes.

Faut-il supprimer le statut de l'EIRL ? Il faut au moins l'aménager. Profitons de la loi sur le commerce et l'artisanat. On avait annoncé que 100 000 EIRL verraient le jour ; on est loin du compte ! La déclaration d'insaisissabilité est une procédure simple ; peut-être faut-il la rendre plus automatique. Tout ce qui peut simplifier les procédures est positif, au moment où il faut libérer les initiatives et faciliter l'accès à l'entreprise.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2014.

Loi de finances pour 2014 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État », programme « Vie politique, cultuelle et associative » - Examen du rapport pour avis

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Gaëtan Gorce sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Administration générale et territoriale de l'État », programme « Vie politique, cultuelle et associative »).

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis- Les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » sont relativement peu importants, à 286 millions d'euros. Le calendrier électoral, avec en 2014 les élections sénatoriales, municipales, européennes, provinciales en Nouvelle-Calédonie, double ce poste budgétaire, avec des hausses importantes pour l'organisation des élections et la dotation de fonctionnement de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

L'enveloppe consacrée aux édifices du culte à la charge de l'État en Alsace-Lorraine baisse de 300 000 euros. Les dotations aux partis baissent également, d'un peu moins de 10 %, soit 6 millions d'euros : cela reflète la baisse du nombre de suffrages exprimés lors des élections législatives de 2012 par rapport à celles de 2007 mais aussi l'augmentation de la minoration due au non-respect des règles de parité - à l'exception du parti socialiste, pour qui cette minoration diminue, ce dont je me réjouis.

Les règles applicables au financement des partis politiques répondent à trois préoccupations : encourager la parité, renforcer la transparence - avec de nombreuses modifications législatives en 2013, comme pour l'élection des représentants des Français de l'étranger - ainsi que favoriser le pluralisme, notamment par le progrès des scrutins proportionnels. Des clarifications sont également intervenues sur les micro-partis, le régime des dons aux partis, les contrôles exercés par la CNCCFP et la définition de la dépense électorale, grâce à la jurisprudence de la CNCCFP et du Conseil constitutionnel.

Nous pouvons regretter l'absence d'une prise en compte plus globale de la contribution des partis à la vie politique, qui ne se limite pas à la formation des suffrages. Nous aurions pu souhaiter une plus grande équité dans le remboursement public des campagnes présidentielles. Le seuil fixé à 5 % a un effet trop important ; je serais favorable à ce qu'on le remplace par un remboursement proportionnel au nombre de suffrages obtenus.

La question, déjà évoquée par M. Anziani, de la fusion entre la CNCCFP et la Haute autorité pour la transparence de la vie politique pourrait être posée. Nous étions convenus de ne pas nous prononcer sur un tel sujet dans la précipitation ; je vous propose d'y réfléchir afin de préparer nos travaux de l'année prochaine et de vous présenter une communication d'ici le printemps prochain.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Comment s'opposer à une telle proposition ? Nous y souscrivons donc.

M. Patrice Gélard. - Je suis en total désaccord avec l'idée d'un remboursement proportionnel au nombre de suffrages obtenus, qui ne ferait que multiplier les candidatures jusqu'à les rendre impossibles à gérer.

Je souhaiterais, par ailleurs, attirer l'attention sur l'entretien des édifices du culte qui est généralement à la charge des communes...

M. Jean-Pierre Sueur. - Sauf les cathédrales, qui sont à la charge de l'État.

M. Antoine Lefèvre. - À l'exception de celle de Laon.

M. Patrice Gélard. - Or les communes ne peuvent plus y faire face. Dans mon département, l'entretien des 250 monuments historiques cultuels, la plupart dans des villages de 300 à 500 habitants, était possible grâce à des subventions du département. Celui-ci n'en a plus les moyens ; seule la réserve parlementaire permet encore de sauver de petits édifices. Une solution existe, qui ne mobilise ni l'argent de l'État ni des collectivités territoriales : réviser le statut des fondations, actuellement détestable, en revenant à la très sage proposition de loi Oudin de 1996, qui l'alignait avec les statuts allemand, britannique et néerlandais. Le système actuel, qui retient 20 % de frais de fonctionnement et ne donne droit qu'à 60 % de déduction fiscale, ne convient pas.

Je pense, dans ma commune de Sainte-Adresse, à la chapelle Notre-Dame-des-Flots, lieu mythique de pèlerinage des marins où commence l'Atalante de Jean Vigo. Les peintures intérieures étaient en plomb. Nous avons dû installer des douches pour les ouvriers qui y travaillaient, une pour les femmes et une pour les hommes ; les ouvriers devaient prendre une douche toutes les deux heures, porter des survêtements en papier qui devaient être brûlés immédiatement. La réglementation sur le plomb a occasionné un surcoût de 100 000 euros. Comme il s'agissait d'un monument historique, nous avons dû avoir recours à des entreprises qui n'étaient pas bon marché, mais célèbres et recommandées par l'architecte des bâtiments de France, l'ABF. Cela coûtera 300 000 euros ; dans mon conseil municipal, devant un tel coût, les anticléricaux se multiplient.

M. Yves Détraigne. - Évoquons un sujet éternel : l'intervention de l'ABF, qui se prononce, comme sous l'Ancien régime, selon son bon vouloir, sans règle, sans référentiel. Il nous impose telle entreprise simplement parce qu'elle a de bonnes références et sans que cela repose sur quelque texte réglementaire que ce soit. À l'heure où les collectivités territoriales voient reculer leurs marges de manoeuvre, cette situation qui nuit à l'entretien du patrimoine ne peut plus durer.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Qui veut se faire applaudir à l'association des maires de France n'a qu'à commencer son discours sur les ABF, enchaîner sur les archéologues, pour finir sur les gens du voyage. Je n'ai jamais souscrit à cela. De nombreux amendements de l'Assemblée nationale ont voulu supprimer l'avis conforme de l'ABF ; c'est le Sénat - grâce aux efforts de Catherine Tasca, Yann Gaillard, Marie-Christine Blandin ou Jack Ralite - qui s'y est opposé à trois reprises, jusqu'à une CMP où il l'a emporté à une voix de majorité.

Nous avons tous pesté contre un ABF ! Je me souviens d'un projet architectural qui comprenait un auvent ; l'ABF m'avait dit : « Pas de casquette ! » J'en avais fait un article, où je lui demandais : supporteriez-vous que l'on ôte quatre vers à un poème de Baudelaire ou un morceau à un tableau de Delacroix ? Une oeuvre est une oeuvre ! Le problème était qu'il n'y avait pas de possibilité de recours. Il y en a une aujourd'hui, auprès du préfet ou du préfet de région.

M. Alain Richard. - Évanescente !

Mme Catherine Troendlé. - En effet.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Peut-être faudrait-il travailler à la rendre plus effective ? Au risque d'être ultra-minoritaire ou iconoclaste, je suis favorable à l'extension des compétences des ABF, qu'il faut consulter pour changer le moindre volet en centre-ville, tandis que personne ne se préoccupe des entrées de villes, qui peuvent devenir un bric-à-brac immonde. Autrefois, les portes des villes étaient des oeuvres d'art ; elles sont aujourd'hui un océan de pancarte, de parallélépipèdes, de cubes. Personne ne s'en préoccupe.

M. Alain Richard. - Si, Ségolène Royal, quand elle était ministre de l'environnement, s'en est préoccupé.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mais sans suite. J'avais fait une proposition de loi dont le Sénat a bien voulu adopter les deux premiers articles mais cela n'a pas eu de suite.

M. Patrice Gélard. - Les maires n'ont pas les moyens de s'opposer aux cahiers des charges imposés aux concessionnaires automobiles : il faut accepter un grand truc bleu-roi, sous peine de les voir s'installer dans la commune voisine.

Mme Cécile Cukierman. - Nous dévions.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Non pas, chère collègue, c'est un vrai sujet d'intérêt public. Un dernier exemple : une enseigne de restauration spécialisée dans les moules-frites veut s'implanter à l'extérieur. Pourquoi ? « C'est le concept ». Il y aura un toit vert en pente. Pourquoi ? « C'est le concept ». C'est important, la pensée conceptuelle ! J'objecte au représentant qu'il ne sait pas ce qu'il y aura à gauche, à droite, en face. Dans ces cas-là, l'architecture est une enseigne, rien de plus.

M. Philippe Kaltenbach. - Heureusement, les ABF sont là pour préserver le patrimoine, peut-être parfois avec trop de zèle : un recours serait donc utile.

J'incite Gaëtan Gorce à poursuivre sa réflexion sur les micro-partis, ce système scandaleux qui bénéficie d'un financement public de fait très important, puisque les particuliers obtiennent un dégrèvement d'impôt à hauteur de 66 % de leur don, sans aucun contrôle. Dans mon département, de nombreux micro-partis engrangent des rentrées importantes, jusqu'à 80 000 euros. J'en connais un qui compte zéro adhérent, zéro activité, zéro tract...

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Un président peut-être ?

M. Philippe Kaltenbach. - Un trésorier mandataire, surtout, puisqu'il ne s'agit que de collecter des fonds de manière non transparente.

Mme Catherine Tasca. - Je félicite pour son rapport Gaëtan Gorce, dont la proposition de réflexion est bienvenue. Nous devons nous garder de toute solution hâtive sur la fusion de la Commission et de la Haute autorité : préservons ce qui fonctionne bien.

Nous sommes redevables aux ABF de beaucoup de sauvetages.

M. Patrice Gélard. - Pas toujours !

Mme Catherine Tasca. - Le ministre de la Culture peut toujours revenir sur la décision d'un ABF ; peut-être faudrait-il le faire savoir davantage. J'en ai usé ; d'aucuns disent abusé... Le financement de l'entretien du patrimoine religieux se heurte à un problème de fond : l'échelon communal n'est pas adapté. Nous aurons à discuter dans un futur volet de la réforme territoriale des responsabilités des uns et des autres : il faudrait réfléchir au rôle des régions dans l'entretien d'éléments bâtis qui peuvent être très utiles à l'animation du territoire et à la vie touristique.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vous avez raison, mais il faudra l'assortir de moyens ; je pense à une région où se situent 250 châteaux de la Loire...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis. - Les règles actuelle de parrainage
- on peut penser aussi à des seuils plus faibles - permettent a priori d'éviter la multiplication des candidats à l'élection présidentielle ; l'écart entre les remboursements aux candidats ayant obtenu 4,9 % et 5,1 % est de un à dix !

Notre pays s'est couvert autrefois « d'un blanc manteau d'églises » qu'il faut entretenir ; il faut aussi nous demander si nous pouvons aider d'autres confessions à construire leurs lieux de culte. J'enregistre votre prière (Sourires), monsieur Gélard, mais je ne sais pas si elle sera exaucée. Les ABF sont une assurance pour préserver nos monuments : des outils tels que les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), ou les secteurs sauvegardés permettent un véritable dialogue avec l'administration.

Les micro-partis restent un enjeu important ; malgré un progrès - l'avantage fiscal ne joue plus que pour un seul parti par an -, les mouvements de fonds ne peuvent toujours pas être suivis. Définissons des critères, même si c'est difficile, de ce qu'est un parti ayant un minimum d'activité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Jean-Pierre Sueur. - Au terme de l'examen de ces rapports budgétaires, la commission a donc donné dix-neuf avis favorables contre deux défavorables - sur la fonction publique et la sécurité. J'eusse aimé, j'aurais aimé, j'aimerais - je ne sais plus si je dois employer l'imparfait du subjonctif, le conditionnel passé ou le conditionnel présent - débattre de ces excellents rapports en séance publique !