Mercredi 12 février 2014

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

Audition de M. Philippe Yvin, candidat proposé aux fonctions de président du directoire de l'établissement public Société du Grand Paris

En application de l'article 8 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, la commission entend M. Philippe Yvin, candidat proposé aux fonctions de président du directoire de l'établissement public Société du Grand Paris.

M. Raymond Vall, président. - Nous recevons M. Philippe Yvin, proposé aux fonctions de président du directoire de l'établissement public Société du Grand Paris (SGP). L'article 8 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris impose qu'avant la nomination du président de la SGP, les commissions du développement durable de l'Assemblée nationale et du Sénat entendent le candidat du gouvernement. Contrairement à d'autres nominations sur lesquelles nous nous sommes prononcés dans le cadre de l'article 13 de la Constitution, cette audition ne sera pas suivie d'un vote. M. Yvin, vous êtes conseiller du Premier ministre en charge des collectivités territoriales et de la décentralisation. Vous avez exercé dans le passé des responsabilités liées à la politique de la ville, et dirigé les services départementaux de l'Oise et de la Seine-Saint-Denis. Nous souhaitons que vous nous présentiez votre vision du Grand Paris, grand projet structurant qui concerne, certes, la région capitale, mais a aussi une dimension nationale que les provinciaux parmi nous regardent avec attention. Nous souhaitons que ce projet, indispensable pour remédier aux problèmes de mobilité de la région parisienne, aboutisse dans les délais prévus : les diverses actions lancées avec énergie par le préfet Guyot doivent être poursuivies sans relâche.

M. Charles Revet. - Pourquoi ne votons-nous pas ?

M. Raymond Vall, président. - Parce que la loi du 3 juin 2010 ne le prévoit pas.

M. Charles Revet. - Nous écouterons donc M. Yvin avec une attention redoublée !

M. Philippe Yvin, proposé aux fonctions de président du directoire de l'établissement public Société du Grand Paris. - Je vous remercie de me recevoir, conformément aux dispositions de la loi du 3 juin 2010 qui a créé la SGP.

Mon parcours professionnel a été également partagé - deux périodes de seize ans - entre le service de l'État et celui des collectivités territoriales : j'ai travaillé pour une région, une ville et deux départements, comme directeur général des services et, pour l'État, j'ai servi dans le corps préfectoral pendant six ans et travaillé en administration de mission et en cabinet ministériel. J'ai eu l'occasion de servir dans trois départements de la région Ile-de-France : les Yvelines, l'Essonne et la Seine-Saint-Denis, où j'ai passé quatre années comme directeur général des services, avant de rejoindre le cabinet du Premier Ministre. J'y ai eu à connaître du dossier des transports collectifs : élaboration de la contribution du département au projet du réseau de transport du Grand Paris, qui a donné naissance à la ligne orange, mais aussi, à un niveau opérationnel, participation à plusieurs projets d'infrastructures de transports collectifs, dont cinq projets de tramways, avec l'aménagement urbain des lignes et même, comme maître d'ouvrage délégué, le projet de tramway T8, entre Saint-Denis, Épinay-sur-Seine et Villetaneuse.

Dans le prolongement du protocole signé entre l'État et la région Ile-de-France le 26 janvier 2011, le Nouveau Grand Paris, présenté le 6 mars 2013 par le Premier Ministre, prévoit une étroite articulation entre l'amélioration des transports du quotidien et la création du nouveau métro automatique de 200 kilomètres, qui a quatre finalités : décongestionner la zone centrale de la région Ile-de-France, rééquilibrer ses parties Est et Ouest, désenclaver et lutter contre la fracture territoriale, favoriser le développement économique et le renouvellement urbain. Le Nouveau Grand Paris fixe à 26,575 milliards d'euros les coûts et les capacités de financement de la SGP d'ici à 2030, soit 22,625 milliards d'euros prévus pour les quatre nouvelles lignes de métro et pour la maîtrise d'ouvrage du prolongement de la ligne 14, sachant qu'une optimisation des coûts par rapport au projet initial a réduit la facture de 3 milliards d'euros. Par ailleurs, 6 milliards d'euros sont à engager d'ici à 2017 pour les opérations d'amélioration des transports du quotidien, dont 2 milliards d'euros seront apportés par la SGP.

Le plan d'amélioration des transports du quotidien comprend le prolongement de la ligne 14 de la gare Saint-Lazare à la mairie de Saint-Ouen, la modernisation des RER, le prolongement de la ligne E à l'Ouest de la gare Saint-Lazare vers Mantes-la-Jolie - c'est le projet « Éole » - et le prolongement de la ligne 11 de la mairie des Lilas à Rosny-Sous-Bois. Un protocole d'accord formalisant cette articulation entre travaux d'amélioration des transports du quotidien et projet de métro du Grand Paris a été signé entre l'État et la région Ile-de-France le 19 juillet 2013.

La feuille de route du Gouvernement a été complétée par les orientations arrêtées par la Commission « Mobilité 21 » et par celle relative au projet de liaison express vers l'aéroport Charles de Gaulle. Le 9 juillet 2013, le Premier Ministre a présenté le plan « investir pour la France », qui retenait comme référence le deuxième scenario du rapport de Philippe Duron, prévoyant l'amélioration des réseaux existants : modernisation du réseau ferroviaire, renouveau des trains intercités, soutien aux transports combinés maritimes et terrestres. Le 7 mai 2013, le ministre des transports a lancé un appel à projets pour promouvoir les transports en commun et la mobilité durable. La discussion des prochains contrats de projets État-régions (CPER), désormais amorcée, offrira l'occasion de mettre en oeuvre ces orientations. Certaines de ces opérations concernent directement le Nouveau Grand Paris : liaison Roissy-Picardie, liaison Paris-Normandie, interconnexion du Sud de l'Ile-de-France et création d'une gare TGV à Orly, mais aussi pour le fret, la liaison Gisors-Serqueux ou encore la mise à grand gabarit de la Seine Amont entre Bray et Nogent ou, pour les axes routiers, la liaison A28-A13.

La réalisation du métro du Grand Paris s'insère ainsi dans la politique nationale d'aménagement du territoire. Cette articulation se traduira également par un volet interrégional des contrats de plan, consacré à la vallée de la Seine. Enfin, le ministre des transports a récemment relancé les travaux d'études du CDG express : cette liaison renforcerait la qualité de l'accès à l'aéroport Charles de Gaulle. Aéroports de Paris et Réseau ferré de France (RFF) devraient créer une société de projet, afin de poursuivre les études préalables à la réalisation d'une liaison directe entre la gare de l'Est et l'aéroport Charles de Gaulle, sans participation publique, ainsi que le précise l'article 2 de la loi du 3 juin 2010 et sans impact sur le fonctionnement du RER B Nord qui vient d'être modernisé, à la satisfaction des usagers.

M. Vincent Capo-Canellas. - Satisfaction toute relative !

M. Philippe Yvin. - Cette feuille de route a fait l'objet d'avancées significatives en 2013, grâce à la mobilisation des équipes de la SGP sous la direction d'Etienne Guyot, qui doivent être poursuivies en 2014.

Ainsi, la première opération d'investissement, de 5,3 milliards d'euros, a été approuvée : elle porte sur l'engagement de la ligne 15 Sud entre le Pont de Sèvres et Noisy-Champs, soit une section de 33 kilomètres, comportant 16 gares dont la mise en service est prévue pour 2020. La commission d'enquête a rendu un avis favorable le 3 février 2014, ouvrant la voie à la préparation de la déclaration d'utilité publique de cette première ligne. D'ores et déjà, des marchés d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre ont été engagés pour un montant de 300 millions d'euros. Le dossier d'enquête publique pour la ligne 16 Noisy-Champs-Pleyel est en cours de finalisation.

De nombreux contrats et conventions de partenariat ont été conclus en 2013 pour lancer le projet d'ensemble : une convention avec le préfet de police sur la sécurité du réseau, une charte relative à l'architecture des gares, une convention sur la transition énergétique, un appel à contributions sur la dimension numérique du réseau, une convention avec le port autonome de Paris sur l'évacuation des déblais. Une convention avec le syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) sur les caractéristiques du matériel roulant est en préparation. Deux observatoires ont été mis en place, l'un sur le prix du foncier, l'autre sur les quartiers de gare. Ce dernier instrument est issu des travaux du comité stratégique de la SGP, présidé par le député Jean-Yves Le Bouillonnec, qui réunit l'ensemble des élus concernés et accompagnera la SGP sur l'ensemble du projet. Ce comité a défini comme axes de travail prioritaires la qualité du service dans le réseau, les gares et l'environnement des gares.

En 2014, la Société du Grand Paris devra achever la première phase des études d'avant-projet pour la partie sud de la ligne 15, afin de définir le parti architectural des gares, finaliser les interconnexions et fixer le tracé définitif du tunnel. Des concertations approfondies devront être organisées sur d'autres tronçons, ce qui nécessitera l'organisation d'une trentaine de réunions publiques. La SGP devra préparer en priorité les dossiers d'enquêtes publiques de la ligne 16 et du prolongement de la ligne 14 jusqu'à Pleyel. Le Premier ministre a demandé que l'ensemble des enquêtes publiques soit achevé fin 2015. De nouvelles opérations d'investissement pour les lignes 16, 14 et pour l'acquisition des matériels roulants de la ligne 15 doivent être approuvées cette année, soit environ 5,7 milliards d'euros. Un budget adapté, de 512 millions d'euros, a été approuvé par le conseil de surveillance le 29 novembre 2013, les recettes fiscales attendues se montant à 527 millions d'euros. Les effectifs de la société seront en 2014 de 128 collaborateurs, mais 500 personnes sont déjà mobilisées sur les projets dans les équipes d'ingénieurs et d'architectes mandatées.

Quand ces chantiers seront en cours, des milliers d'emplois seront générés chaque année jusqu'à 2030. Il convient de s'y préparer. C'est pourquoi la société devra travailler en étroite coordination avec les services de l'État et le conseil régional d'Ile-de-France pour développer l'offre de formation adéquate, organiser avec les filières professionnelles, le bâtiment et les travaux publics comme les industries ferroviaires, le développement de clauses d'insertion, afin de maximiser l'impact de ces chantiers sur l'emploi.

Le Gouvernement a fixé trois priorités : une meilleure coordination avec l'autorité organisatrice, les services de l'État et les opérateurs, parallèle à la concertation engagée avec les collectivités locales ; un approfondissement de la dimension environnementale du projet ; un renforcement du lien avec la politique d'aménagement qui sera mise en oeuvre sur le territoire francilien dans les prochaines années.

La loi du 27 janvier 2014 a prévu que la Société du Grand Paris entretiendra avec le Stif des relations semblables à celles des autres opérateurs, comme la SNCF et la RATP, et qu'il sera associé à la réalisation des dossiers d'enquête publique et des dossiers d'investissements - ce qui est déjà le cas pour la ligne 16. La loi du 2 janvier 2014 a habilité le Gouvernement à simplifier et à sécuriser par ordonnances la vie des entreprises. À ce titre, des mesures seront adoptées pour que la Société du Grand Paris puisse financer des projets d'infrastructures publiques de transport en correspondance avec le métro du Grand Paris, comme Éole ou les RER, et se voir déléguer par le Stif la maîtrise d'ouvrage de la liaison Pleyel-Champigny. Cette meilleure coordination renforcera la prise en compte de l'interopérabilité, notamment à Champigny et Pleyel, de l'interconnexion, notamment le lien avec les gares des RER, et de l'intermodalité, en particulier la desserte des nouvelles gares par les réseaux de bus.

Une meilleure prise en compte de la dimension environnementale pose tout d'abord la question du traitement des 20 millions de mètres cubes de déblais. Les conventions relatives à leur évacuation par voie fluviale, ferroviaire et routière devront être précisées, comme celles relatives à leur destination finale. Il s'agit ensuite de prendre en compte les recommandations des concertations et des enquêtes publiques. Celles de la première enquête relative à la ligne 15 - deux réserves et douze recommandations - ont entraîné des demandes particulières relatives à la prévention des vibrations, à l'implantation urbaine des ouvrages annexes et à l'information des riverains tout au long des chantiers.

Enfin, comme le prévoit la loi, la SGP est associée par le préfet de région à la négociation des contrats de développement territoriaux (CDT), qui fixent la stratégie de développement entre l'État et les collectivités locales et prévoient les objectifs de réalisation de logements. Ces contrats doivent faire passer le nombre annuel de logements réalisés de 31 000 à 70 000, objectif ambitieux, conforme à la loi du 3 juin 2010, ainsi qu'au nouveau schéma directeur de la région Ile-de-France. Sur la vingtaine de projets identifiés, une douzaine de CDT sont déjà approuvés et une demi-douzaine sont signés. Ce mouvement se poursuivra après les élections municipales. La réalisation des gares et des quartiers de gare du Grand Paris express doit être l'occasion d'apporter une contribution importante à la réalisation des objectifs des CDT, pour la construction de logements et de locaux d'activité. C'est pourquoi la SGP devra renforcer ses relations avec les sociétés d'aménagement des collectivités locales, les établissements publics de l'État et l'établissement public foncier d'Ile-de-France, dont le rôle est élargi à l'ensemble de l'Ile-de-France.

La ministre de l'égalité des territoires et du logement, en charge du Grand Paris, a réaffirmé l'importance de ces enjeux lors d'une récente communication en conseil des ministres. Il s'agit de se donner les moyens de réaliser 1,2 million de logements d'ici 2030, en développant le foncier disponible, en menant de nouvelles opérations d'aménagement, en lançant des programmes spécifiques de logement intermédiaire, en mettant en place le nouveau programme de renouvellement urbain annoncé par le ministre délégué à la ville et en accélérant les opérations de résorption de l'habitat indigne. Cette ambition, indispensable pour les Franciliens, sera ensuite confortée par la création de la métropole du Grand Paris, par la mise en place d'un schéma régional de l'habitat et de l'hébergement et par la création, en grande couronne, d'agglomérations plus fortes, toutes dispositions prévues par la loi d'affirmation des métropoles et de modernisation de l'action publique territoriale, qui marque un premier aboutissement institutionnel de cette ambition largement partagée que constitue la création d'un grand Paris, moteur du dynamisme économique national comme de l'amélioration de la vie quotidienne des habitants d'Ile-de-France.

Mme Hélène Masson-Maret. - Merci pour la présentation de cette feuille de route très claire. Vous avez évoqué une meilleure prise en compte de la dimension environnementale. Auparavant, vous nous aviez indiqué qu'une convention sur la transition énergétique était en préparation. Pouvez-vous nous préciser son contenu ? Le déplacement du Président de la République dans la Silicon Valley, au milieu de jeunes chefs d'entreprises vêtus de jeans, illustre bien l'importance stratégique que revêt désormais le numérique. Votre prédécesseur à la SGP a lancé un appel à manifestation d'intérêt, expirant le 14 février, assorti d'un budget de plusieurs millions d'euros, qui attise ma curiosité, puisqu'il s'agit d'imaginer l'avenir à vingt ans. Pouvez-vous nous en dire plus ? Allez-vous infléchir ce programme ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Merci pour votre présentation claire. Les habitants d'Ile-de-France souffrent tous des difficultés qui existent dans les transports. La satisfaction des usagers du RER B à la suite de sa rénovation, que vous avez évoquée, est hélas relative. Lorsque tout fonctionne, c'est mieux qu'auparavant, mais sinon, c'est pire qu'avant ! Or, cela va de plus en plus mal...

Le mandat de votre prédécesseur n'est pas arrivé à son terme. Bien sûr, votre parcours vous qualifie pour exercer ces fonctions, mais ce changement traduit-il une inflexion politique ? Ce projet, extrêmement complexe, requiert un engagement continu du gouvernement. Les élus que nous sommes apprécient que votre parcours vous ait conduit à exercer des responsabilités au sein de collectivités territoriales. La SGP a une mission d'opérateur, et peut développer une mission d'aménageur, en lien avec les collectivités territoriales. Allez-vous enclencher, du fait de votre parcours, une telle dynamique ?

Comment améliorer les interconnexions au sein des gares ? Il faut éviter aux voyageurs des parcours interminables entre chantiers, souterrains, escaliers, couloirs... Qui gèrera la gare de demain ? SNCF, RATP, RFF : les opérateurs sont déjà nombreux. Ne faudrait-il pas s'interroger sur la cohérence du système, que le Stif est censé assurer ?

M. Michel Teston. - Le projet CDG express a été présenté par le consortium réunissant ADP et RFF le 22 janvier dernier. Il s'agit de créer une ligne spéciale reliant l'aéroport Charles de Gaulle à la gare de l'Est. Le budget, de 1,8 milliard d'euros, n'est pas encore bouclé. Il devrait l'être sans financement de l'État ou des collectivités territoriales. Les recettes escomptées - le prix du billet serait compris entre 20 et 24 euros - ne couvriront sans doute pas les coûts. Une taxe acquittée par tous les voyageurs atterrissant à l'aéroport Charles de Gaulle est envisagée. La SGP s'associera-t-elle à ce projet, et à son financement ? Comment envisagez-vous son intégration dans la stratégie du Grand Paris ?

La métropole parisienne va regrouper près de 130 communes. Comment allez-vous organiser la coopération avec ces collectivités territoriales dans ce nouveau cadre juridique ? Le financement du projet du Grand Paris repose sur des ressources fiscales, une part importante d'emprunt, et une dotation d'un milliard d'euros. Votre prédécesseur nous avait indiqué qu'un redimensionnement du projet était envisagé. Les ressources fiscales comprennent l'affectation d'une partie de la taxe locale sur les bureaux, dont le rendement est estimé en 2014 à 350 millions d'euros, mais le nombre de mètres carrés de bureaux est en baisse régulière : cette ressource sera-t-elle suffisante ?

M. Louis Nègre. - Merci pour la précision de votre exposé. J'ai participé à la commission « Mobilité 21 » et je suis administrateur de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Je constate que plus personne n'est en mesure de me confirmer que le scenario retenu est toujours d'actualité, étant donné les problèmes rencontrés par l'écotaxe. S'agit-il d'un miroir aux alouettes ? Vous devez trouver 26 milliards d'euros avant 2030. Je serais curieux de savoir comment vous avez pu dégager 3 milliards d'euros en optimisant les coûts. J'ai entendu hier le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer déclarer que sans l'écotaxe, il serait difficile de boucler ce budget. De fait, l'AFITF dispose de 1,8 milliard d'euros de crédits de paiement, mais n'a plus que 600 millions d'euros d'autorisations d'engagement. Quelle garantie avez-vous sur les financements dont vous avez besoin ? Les CPER, dont vous attendez les premières mises en oeuvre de vos orientations, subissent aussi des restrictions. Vous comprendrez que chat échaudé craigne l'eau froide ! Allez-vous sortir des milliards d'euros d'un chapeau ? Envisagez-vous de prendre en compte la plus-value due à la création de lignes nouvelles ?

Qui gèrera les futures gares ? C'est un sujet sensible, sur lequel j'ai même déposé un amendement avec l'appui du gouvernement socialiste ! Vous annoncez la construction d'1,2 million de logements. La ministre en avait annoncé 500 000 pour 2013, que nous ne voyons pas aujourd'hui. Sommes-nous, là aussi, dans les effets d'annonce ? Enfin, où vont finir les 20 millions de mètres cubes de déblais ?

M. Alain Fouché. - Quelle est votre vision de la gare de demain ? Comment voyez-vous son environnement commercial, son lien avec les collectivités territoriales ?

M. Rémy Pointereau. - Qui sera maître d'ouvrage des opérations de réalisation de l'interconnexion Sud de Paris ? Leur financement est-il compris dans les 26 milliards d'euros évoqués initialement, ou dans les 2 milliards d'euros prévus par la commission « Mobilité 21 » pour financer le désenclavement de Lyon et Paris ? Cette interconnexion, qui a déjà fait l'objet d'un débat, sera-t-elle reliée à la gare d'Austerlitz ?

M. Charles Revet. - La liaison Serqueux-Gisors m'intéresse au premier chef, car je fus rapporteur pour avis du budget de nos grands ports maritimes. Ceux-ci ne se développent pas, alors que nous avons, avec Le Havre, l'un des ports d'Europe susceptibles, à l'égal de Rotterdam, d'accueillir les plus grands porte-conteneurs ! L'une des raisons en est que nous n'avons pas les moyens d'acheminement fluviaux ou ferroviaires. Pourrions-nous imaginer un prolongement de la liaison Serqueux-Gisors, qui est presque opérationnelle ?

M. Michel Teston. - Presque !

M. Charles Revet. - Le TGV normand a été remis aux calendes grecques. Des gares de contournement de Paris avaient été prévues. Les trains Corail pourraient y avoir accès, et ainsi connecter la Normandie au réseau TGV et aux deux grands aéroports. Enfin, pourquoi ne pas utiliser les déblais pour protéger nos côtes atlantiques, voire pour en faire des zones de reproduction de la faune et de la flore sous-marines ? Cela a été fait au large d'Étretat par la chambre de commerce de Fécamp, et les homards y prospèrent. Cela serait sans doute économique !

M. Jean-Jacques Filleul. - Merci pour votre présentation précise de ce projet important et ambitieux. Je comprends que mon collègue, qui a tellement été berné au cours des années passées...

M. Louis Nègre. - Disons échaudé !

M. Jean-Jacques Filleul. - ...s'interroge sur la fiabilité du montant de 26 milliards d'euros que vous avez cité.

M. Louis Nègre. - Fiabilité est le mot juste.

M. Jean-Jacques Filleul. - Nous avons besoin de montrer que ce programme ambitieux repose sur une base financière solide. Votre prédécesseur nous avait dit entretenir d'excellentes relations avec le STIF, la RATP et la SNCF. Il nous avait décrit des gares devenant de véritables centres commerciaux, des centres d'affaires, de vie. Confirmez-vous cette perspective ? Où en est l'interconnexion avec le TGV-Atlantique à Massy-Palaiseau ?

M. Yves Rome. - Je me félicite de la nomination de M. Yvin car il allie à une connaissance fine de l'organisation de l'État une expérience approfondie de la gestion des collectivités territoriales. Les trois priorités qu'il a énoncées ne manqueront pas d'avoir un impact sur la vie des habitants de mon département, en matière de transport et de logement notamment. Mais je ne vous ai pas entendu parler des réseaux routiers : pourtant, de nombreux bouchons surviennent chaque matin aux portes de Paris, polluant la vie et l'environnement des habitants, notamment du territoire de l'Oise, d'où 100 000 personnes rallient quotidiennement les abords de la capitale. Comment le Grand Paris améliorera-t-il la vie des habitants des collectivités périphériques ?

M. Philippe Yvin. - Je ne saurais me prononcer sur l'avenir du financement des transports, en dehors du champ de la SGP. Les enveloppes pour les CPER seront arrêtées à l'issue des travaux du Gouvernement sur le budget triennal 2015-2017, à la fin mars ou en avril. Le financement de la SGP est indépendant des financements nationaux relatifs aux transports. Elle bénéficie de ressources propres, destinées à être prolongées après la mise en service des lignes. Elle pourra accéder aux fonds d'épargne de la Caisse des dépôts, qui pratique des taux plus avantageux et courent sur une durée plus longue que les prêts offerts par les marchés, qui ne vont guère au-delà de vingt ans. La Banque européenne d'investissement pourrait également fournir des crédits à la SGP, comme elle l'a fait pour certaines régions.

L'optimisation a été obtenue sur le projet initial de manière coordonnée entre tous les acteurs du projet. Le principal facteur en est la réduction de 10 % de la taille des trains qui seront mis en service, qui a été validée par le Conseil d'État : 108 mètres et 54 mètres au lieu de 120 et 60. En 2014, la taxe sur les bureaux produira 350 millions d'euros. Le modèle financier n'intègre pas l'évolution du volume : il s'agit d'une estimation prudente. Le taux de vacance s'élève à 7 % en Ile-de-France, ce qui n'est pas si considérable : le besoin de remplacement des bureaux anciens est important. Notre modèle dépend de l'indice du coût de la construction, pas de l'évolution des volumes.

La ministre en charge du Grand Paris a indiqué que la question environnementale figurait parmi les trois grandes orientations qu'elle souhaitait voir mises en avant. La question des déblais reste à approfondir : quel cheminement ? Les conventions avec la SNCF et le Port autonome de Paris doivent être précisées. Certains départements ont réclamé des moratoires sur l'accueil de ces déblais. Les députés m'ont fait remarquer qu'il fallait aussi songer au recyclage.

La consommation en énergie électrique des nouveaux trains sera minimisée. La SGP s'efforce d'optimiser la consommation d'électricité pendant les chantiers.

Le numérique comprend deux dimensions, liées à l'exploitation du réseau, d'une part, et à sa mise à disposition, de l'autre. Ainsi, la RATP s'efforce de tirer parti du numérique pour accroître la sécurité de son réseau de transport. Nous avons engagé un gros travail sur les gares sous l'impulsion de notre conseil stratégique : nous les concevons désormais comme des quartiers à part entière, où l'usager pourra récupérer les courses qu'il aura commandées sur internet. Des usages éducatifs seront aussi développés.

La SGP n'a pas vocation à devenir un aménageur. Elle doit intervenir en collaboration très étroite avec les maires : la plupart des gares sont concernées par les CDT. Je ne me prononcerai pas sur la multiplicité des opérateurs. Après le vote de la loi sur les métropoles, l'Ile-de-France restera un cas à part : les métropoles de province bénéficieront d'un système plus intégré. Le système mis en place en Ile-de-France depuis 2006 a produit des résultats importants : les collectivités franciliennes ont considérablement augmenté leur participation au financement des transports collectifs grâce à la constitution du STIF.

Oui, Monsieur Teston, le « Charles-de-Gaulle Express » repart pour une phase d'étude. Vous avez raison : le modèle économique de ce projet n'est pas facile à bâtir, en l'absence de ressource spécifique. La SGP n'a pas vocation à intégrer cette ligne directe entre l'aéroport CDG et la gare de l'Est. Le tarif annoncé, de 20 à 25 euros par trajet, est voisin de celui qui est pratiqué pour les liaisons entre les aéroports des grandes capitales européennes et leurs centres villes.

L'interconnexion Sud, inscrite au plan « Mobilité 21 », dépend de RFF et non de la SGP. Elle complètera néanmoins le prolongement de la ligne 14, jusqu'à Orly, au terminus de la ligne 18, et desservira le plateau de Saclay. C'est un noeud important, très favorable aux voyageurs de province. Il pourrait, selon les financements disponibles, se voir ajouter une connexion à Sénart. Il en va de même pour la liaison Roissy-Picardie, chère au président Rome. Outre l'accès aux TGV à Roissy, celle-ci améliorera la desserte du centre de l'Ile-de-France depuis l'Oise. De même, Monsieur Revet, il existe un volet interrégional des contrats de plan spécifique à la vallée de la Seine, piloté par M. François Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine.

Plusieurs projets prioritaires seront inscrits dans les CPER. M. Duron continue ses travaux. Il y aura au moins une ligne nouvelle entre Nanterre et Mantes-la-Jolie, qui desserrera l'étau de Saint-Lazare et entraînera aussi une amélioration de la gare de Rouen.

M. Raymond Vall, président. - Quid de l'appel à manifestation et à l'imagination ?

M. Philippe Yvin. - Il est en cours. Le numérique est un sujet qui me passionne et sur lequel le président Rome a beaucoup travaillé. Je vous donnerai de plus amples informations sur cette initiative exemplaire lorsqu'elle aura atteint son terme et que j'aurai pris mes fonctions.

Mme Hélène Masson-Maret. - Nous vous reverrons avec plaisir !

M. Raymond Vall, président. - Comme nous l'avons fait avec M. Guyot...

Mme Hélène Masson-Maret. - Je n'inférais aucune comparaison...

M. Raymond Vall, président. - Moi non plus : les projets sont tellement importants qu'ils justifient plusieurs auditions.

M. Louis Nègre. - Vous ne m'avez pas répondu sur la plus-value des lignes nouvelles. En Angleterre, elle a été très élevée.

M. Philippe Yvin. - L'idée d'une taxation directe a été écartée en loi de finances. C'est l'impact socio-économique des activités et des emplois créés, estimés, en hypothèse basse, à 100 000 emplois indirects, en plus des 10 000 emplois du chantier, qui sera déterminant.

M. Raymond Vall, président. - Merci de ces explications. Nous serons certainement amenés à vous réentendre au fur et à mesure de l'avancement du projet.

Questions diverses

M. Raymond Vall, président. - Je voudrais aborder trois sujets : les dernières réunions du bureau de la commission, la réforme du Règlement et la proposition de loi récemment déposée sur le maïs génétiquement modifié.

La semaine dernière, nous avons rencontré le bureau de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Nos échanges, très intéressants, ont montré que, dans les deux assemblées, nous sommes confrontés à des problèmes identiques, alors même que la commission du palais Bourbon est installée depuis un peu plus longtemps que nous. Nous avons parfois du mal à imposer la thématique du développement durable, pourtant au coeur de nombreuses réflexions, sur le changement climatique, l'énergie, le développement des territoires et dans la perspective du sommet de Paris de 2015. Nous avons décidé de joindre nos efforts au sein de nos institutions respectives. Nous souhaitons en particulier obtenir davantage de moyens.

À notre demande, le bureau de la commission rencontrera le président du Sénat mercredi prochain. Nous aborderons ces mêmes sujets avec lui et notamment la manière dont le Sénat pourrait se mobiliser dans le cadre de la préparation de la Conférence de Paris sur le climat de 2015.

Deuxième information : j'ai été entendu il y a quelques jours par le Questeur Anziani, rapporteur pour la commission des lois de la proposition de résolution modifiant le Règlement du Sénat sur la participation des sénateurs en commission. Cette réforme est, il me semble, l'occasion pour notre commission de proposer un accroissement de ses effectifs : comme la commission des Affaires économiques, nous n'avons que 39 membres, alors que d'autres commissions en ont plus d'une cinquantaine.

M. Charles Revet. - Quelle modification du Règlement est envisagée ?

M. Raymond Vall, président. - Des dispositions relatives aux absences figurent dans notre Règlement mais ne sont pas appliquées. Il est proposé qu'au-delà de trois absences non justifiées une retenue soit effectuée sur l'indemnité parlementaire...

M. Charles Revet. - Tout à fait d'accord. Mais quid des nombreuses réunions simultanées ?

M. Raymond Vall, président. - Il s'agirait seulement de prendre en compte les réunions hebdomadaires des commissions qui se tiennent le mercredi matin.

Mme Hélène Masson-Maret. - Le groupe UMP s'est réuni à ce sujet. Sur les effectifs, un certain flou prévaut. Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul...

M. Raymond Vall, président. - Il existe de grandes disparités entre les commissions...

M. Rémy Pointereau. - Tout dépend des compétences. La commission des affaires économiques ayant deux fois plus de compétences que nous, il serait normal qu'elle dispose d'un effectif supérieur. Si nos effectifs augmentent, nos compétences doivent s'accroître.

M. Raymond Vall, président. - Un rééquilibrage est en effet nécessaire. La commission des affaires économiques a le même effectif que nous, pour plus de compétences.

Mme Hélène Masson-Maret. - Je m'interroge : comment répartir équitablement les effectifs ? Faut-il à nouveau réunir nos deux commissions ? Simple question !

M. Raymond Vall, président. - Il est normal que vous vous interrogiez sur le juste équilibre. Notre commission s'est constituée à partir d'une division en deux de la commission des affaires économiques. Celle-ci a gardé dix compétences, quand nous en avons reçu quatre. Ce fut une décision rapide, prise dans un cadre politique et non en vertu d'une réflexion prospective sur les thèmes qu'il nous incombe de traiter au fond, dont l'importance ne cesse de croître. D'où l'intérêt de cette proposition de modification du Règlement du Sénat, qui pose la question de l'appartenance des sénateurs à chaque commission. Nos collègues députés sont confrontés à la même problématique.

M. Yves Rome. - J'ai rejoint cette commission en raison de l'importance que j'attache à la révolution numérique, qui tient une place de choix dans l'action et le débat publics. Je plaide pour un rééquilibrage, afin d'éviter toute tutelle, plus ou moins déguisée, d'une commission sur une autre : pour nécessaire qu'une telle tutelle ait pu paraître au début, elle n'est plus de mise aujourd'hui. Une répartition plus équitable des compétences s'impose.

M. Louis Nègre. - Équitable est le mot juste.

Mme Esther Sittler. - Oui.

Mme Hélène Masson-Maret. - Absolument !

M. Raymond Vall, président. - Nous allons trouver une solution.

Je suggère aussi que nous réfléchissions à une modification de l'intitulé de notre commission, trop long et compliqué : commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, compétente en matière d'impact environnemental des politiques énergétiques. Il convient d'en trouver un plus simple et aisément identifiable.

M. Rémy Pointereau. - N'est-ce pas le même qu'à l'Assemblée nationale ?

M. Raymond Vall, président. - A l'Assemblée, elle s'intitule commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Compte tenu de l'enjeu croissant du changement climatique et de l'énergie, ne faut-il pas les inclure dans notre intitulé ? Je lance un appel à votre imagination ! Nous ferons le point la semaine prochaine.

M. Charles Revet. - Autre question : ne pourrions-nous pas nous rapprocher de la Cour des comptes, pour accéder à des informations qu'il nous est parfois difficile d'obtenir, comme nous l'avons constaté à propos de la proposition de loi relative aux sociétés d'autoroute ? Cela nous éviterait de dépendre d'une technostructure qui s'ingénie parfois à nous empêcher de mener les réflexions de fond qui nous incombent.

M. Raymond Vall, président. - Procédons par étapes : commençons par revendiquer plus de moyens.

M. Charles Revet. - D'accord.

M. Vincent Capo-Canellas. - Je salue votre démarche. Pourquoi ne traitons-nous pas de l'énergie, ni de la politique de la ville, difficilement détachable de l'aménagement du territoire, lequel fait pleinement partie de nos compétences ?

M. Jean-Jacques Filleul. - Oui pour l'énergie. Le logement, que nous avons abordé avec les députés, est aussi lié à la ville et à l'aménagement du territoire. Revendiquons avec force une extension de nos compétences !

M. Louis Nègre. - Très bien !

Mme Hélène Masson-Maret. - Dans ma ville, nous avons nommé, lors de mon deuxième mandat, une adjointe au développement durable qui s'est petit à petit arrogé tous les secteurs...

M. Yves Rome. - Preuve qu'il s'agit d'un domaine transversal !

M. Raymond Vall, président. - Il est vrai qu'au tout début de l'existence de notre commission, une certaine prudence a prévalu dans l'attribution de ses compétences. Grâce à votre implication, grâce au sérieux de nos travaux, nous pouvons légitimement demander qu'elles soient complétées.

J'en viens à mon troisième point : la proposition de loi d'Alain Fauconnier sur l'interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810, déposée il y a quelques jours, dont nous n'avons pu - matériellement - nous saisir pour avis, qui a déjà été rapportée en commission des affaires économiques et vient en séance dès lundi 17 février.

Je tiens à ce que figure au compte rendu notre préoccupation sur ce sujet, qui concerne l'environnement, la protection de la biodiversité, la santé environnementale, compétences de notre commission. Nous sommes là à la limite d'une indifférence à son égard qui n'est pas acceptable.

M. Jean Bizet. - Je m'exprimerai en séance au nom de mon groupe.

M. Raymond Vall, président. - Vous pourrez dénoncer cet état de fait.

M. Charles Revet. - Pourquoi ne pas nous saisir ?

M. Raymond Vall, président. - D'ici lundi ?

M. Jean Bizet. - Il eût été souhaitable que nous fussions saisis. Mais ce texte est illégal, puisque cela ne relève pas de la compétence des États-membres. De surcroît, il est examiné en urgence.

M. Raymond Vall, président. - C'est en effet un sujet d'actualité.