Mercredi 2 novembre 2016

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30

Loi de finances pour 2017 - Audition de M. Thierry Mandon, Secrétaire d'État chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous accueillons ce matin M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour l'examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2017.

Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes heureux de vous accueillir dans le cadre de l'examen par notre commission du dernier budget du quinquennat, qui n'est, pour vous, que le deuxième dans vos fonctions actuelles. Je souhaite saisir cette occasion pour vous remercier de votre disponibilité. Depuis votre arrivée à ce poste, en juin 2015, vous avez toujours répondu présent lorsque nous avons souhaité vous entendre.

L'état d'esprit constructif dont vous avez fait preuve s'est à nouveau concrétisé, la semaine dernière, quand nous avons su créer, ensemble, une dynamique positive autour de la proposition de loi relative au master.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - Je vous remercie, madame la présidente, de me recevoir aujourd'hui. Nous partageons la conviction, j'en suis certain, que les enjeux de l'enseignement supérieur et de la recherche sont déterminants pour la puissance d'un pays. Les évolutions internationales le montrent, puisque même les pays qui consacraient déjà beaucoup de moyens à ces questions, en particulier parmi les grands pays développés, augmentent encore leurs financements. Et je crois que la compétition comme la coopération internationales se construiront, de plus en plus, autour de ces thématiques.

En effet, la capacité d'élever le niveau des qualifications de l'ensemble des couches de la population constitue évidemment une ressource clé pour l'avenir, tant pour accéder à l'emploi que pour évoluer dans le monde du travail de demain et accompagner les inévitables changements.

Qui plus est, des enjeux radicalement nouveaux apparaissent aujourd'hui dans la société : par exemple, les universités accueillent de plus en plus de retraités ou de salariés, qui entrent dans des logiques de réapprentissage ou de rattrapage de qualifications. Notre société se tourne ainsi plus nettement vers tout ce qui tourne autour de la connaissance.

Nous entrons donc dans un cycle nouveau, qui sera d'abord marqué par la nécessité d'un soutien renforcé de la puissance publique à l'enseignement supérieur et à la recherche. Ce qui veut dire, très concrètement, que tous les pays augmenteront leurs financements. Pendant un temps, certains pensaient pouvoir se replier, mais la réalité est tout autre. Partout, y compris en France, les budgets augmentent.

Le quinquennat a été marqué par un effort budgétaire réel, puisque les crédits de l'ensemble du périmètre de l'enseignement supérieur et de la recherche auront augmenté de 1,4 milliard d'euros entre 2012 et 2017, ce qui représente une somme considérable. Cette progression, dont la moitié provient de la mission que je vais vous présenter dans quelques instants, a concerné les universités à hauteur de 720 millions, la vie sociale et étudiante pour 550 millions et la recherche pour 130 millions.

Loin de moi l'idée de dire que tout est parfait et que ces sommes suffisent, mais il faut tout de même noter que, dans une période d'économies, le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche n'y a pas été soumis !

En ce qui concerne plus précisément le projet de loi de finances pour 2017, la partie de la mission consacrée à la recherche atteint 7,9 milliards d'euros, en augmentation de 281 millions par rapport à 2016, soit 3,4 %. C'est la plus forte progression depuis 2012. Pour les opérateurs de recherche, dont les crédits s'élèvent à 5,91 milliards d'euros, la progression atteint 72 millions.

Les moyens d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) sont renforcés : ils s'établiront à 673 millions d'euros en autorisations d'engagement et 609 millions en crédits de paiement, soit une progression respective de 21 % et de 9 %, ce décalage provenant de la programmation pluriannuelle des crédits. Alors que certains d'entre vous nous avaient signalé, dans le passé, que le taux de sélection des projets, qui tournait autour de 10 % en 2015, était bas, cette augmentation des moyens d'intervention de l'Agence nous permettra de passer à environ 14 % l'année prochaine, puis d'atteindre des niveaux plus proches de 20 % par la suite, ce qui constitue un ratio habituel pour ce type d'organisme. En outre, en 2016, ce taux est de 12 % grâce à une dotation exceptionnelle de 50 millions d'euros.

Par ailleurs, les crédits de la mission permettent le recrutement de 400 chercheurs, ce qui constitue une augmentation nette de 50 postes, puisqu'environ 350 d'entre eux quittent, chaque année, leurs fonctions. Nous ferons donc mieux que durant le début du quinquennat, où notre objectif était le remplacement « un pour un ».

Les moyens d'intervention du ministère augmenteront, de leur côté, de 23 millions d'euros, principalement au titre des contrats de plan État-région, dont la dotation progressera de 18 millions.

Par ailleurs, nous avons réalisé un important effort de sincérité pour les dotations liées au rayonnement international de la France. Bien souvent, ces crédits étaient insuffisants au regard des engagements que nous avions pris, par exemple pour les très grandes infrastructures ou pour les organismes de recherche spatiale, et nous avons souhaité que les prévisions budgétaires s'en rapprochent le plus proche possible.

Dernier point en ce qui concerne la recherche, je souhaite rappeler, même s'il ne fait pas partie de la mission que nous examinons, l'effort nouveau lié au troisième programme d'investissements d'avenir (PIA), dont certaines autorisations d'engagement pourront être lancées dès 2017. Un total de 750 millions d'euros pourra financer des investissements structurants pour la recherche et des programmes prioritaires, par exemple le renouvellement de grandes infrastructures ou la recherche fondamentale.

J'en profite pour vous dire que nous essayons, lorsque nous construisons le budget, de consacrer la moitié de l'effort à la recherche fondamentale. En outre, à la suite du rapport commandé à Suzanne Berger sur les relations entre les laboratoires et les entreprises, nous avons modifié certains dispositifs qui facilitent le passage du fondamental aux applications.

J'en viens à la partie de la mission qui concerne l'enseignement supérieur.

Vous le savez, la France, comme d'autres pays, s'est fixé l'objectif d'augmenter le taux des personnes diplômées de l'enseignement supérieur, en le portant à 60 % d'une classe d'âge d'ici à 2025. Cette évolution est indispensable face à la véritable révolution que connaît l'emploi aujourd'hui même si elle ne sous-entend évidemment pas que l'absence d'un tel diplôme est un échec. Qui plus est, nous développons les possibilités, pour les salariés qui ne sont pas diplômés, d'intégrer l'université avec des parcours adaptés, afin d'obtenir des niveaux de licence, voire de master. On peut donc tout à fait réussir sa vie et faire un travail de qualité sans être diplômé de l'enseignement supérieur.

Cet objectif de 60 % a naturellement des conséquences, en particulier financières. Les universités françaises ont été confrontées, depuis quelques années, à des progressions sensibles du nombre d'étudiants, de l'ordre de 40 000 par an. Cela représente l'équivalent de deux ou trois universités nouvelles chaque année ! Pour la première fois, en 2017, nous accompagnons financièrement cette pression démographique, en isolant une enveloppe de 100 millions d'euros qui sera attribuée aux universités accueillant, sur une période de référence de trois ans, plus d'étudiants.

Par ailleurs, comme depuis le début du quinquennat, le budget 2017 comprend le financement de 1 000 postes dans l'enseignement supérieur, ce qui nous permettra d'atteindre notre objectif de 5 000 postes créés sur cette période.

Les universités bénéficieront également d'une dotation de 13 millions d'euros supplémentaires pour compenser, à l'euro près, l'exonération des droits d'inscription pour les étudiants boursiers.

Au total, nous fournissons donc un effort budgétaire important en faveur de l'enseignement supérieur. Il inclut la prise en compte intégrale des besoins liés à la revalorisation du point d'indice, ainsi que ceux relatifs aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations, ce que la fonction publique appelle le PPCR.

Conséquence du choix de démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur et de ne pas augmenter les droits d'inscription, la puissance publique doit effectivement mettre plus d'argent et faire des efforts pour accompagner les personnes issues de catégories sociales moins favorisées.

C'est pourquoi, outre le maintien des droits d'inscription, que je viens de mentionner, et celui du coût du restaurant universitaire, nous produisons un effort sur la question de la vie étudiante : 85 millions d'euros permettront, par exemple, de financer le passage d'étudiants boursiers de l'échelon 0 à l'échelon 0 bis ; 92 millions sont aussi inscrits pour financer l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE), ce qui permettra d'accompagner environ 77 000 jeunes diplômés pendant quatre mois, sous réserve qu'ils se livrent à une recherche active d'emploi ; enfin, les CROUS seront financés à hauteur de 58 millions.

Cette exigence d'accompagnement social implique également deux conséquences, plus qualitatives que strictement budgétaires.

D'une part, l'innovation pédagogique : l'augmentation du nombre d'étudiants entraîne une plus grande diversité de situations et nécessite un meilleur accompagnement et la mise en place de parcours différenciés. C'est pourquoi 250 millions d'euros sont prévus dans le PIA 3 pour l'innovation pédagogique.

D'autre part, l'actualisation de l'accès aux masters et aux doctorats. Je saisis l'occasion pour vous remercier du travail que nous avons, ensemble, réalisé sur la proposition de loi, que le Sénat a largement adoptée la semaine dernière. Je signale aussi, même si on en a moins parlé, la transformation de l'examen préparatoire à la profession d'avocat, qui est passé de régional - avec des taux de succès très variables - à national. Je crois donc que nous avons, en peu de temps, fait un effort important sur la qualité de l'organisation des enseignements.

Au total, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche que je vous présente connaît la plus forte progression depuis l'année 2000, hormis l'année du passage à l'autonomie des universités.

Certes, la Nation n'est pas quitte des investissements importants qu'elle doit faire dans ce domaine. J'ai d'ailleurs demandé à la commission préparatoire du Livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche de réfléchir à un exercice de programmation pluriannuelle et d'envisager les différents scénarios possibles pour les prochaines années. Il nous faut de toute manière procéder cette année à l'évaluation de la loi de juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui prévoit l'adoption d'une stratégie nationale de l'enseignement supérieur et d'une autre pour la recherche ; cette évaluation nous permettra de nous projeter dans l'avenir et de mesurer les moyens nécessaires.

Enfin, je saisis l'occasion qui m'est donnée par la présentation du projet de loi de finances pour vous dire quelques mots sur d'autres sujets. Sur l'immobilier, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions éventuelles, mais sachez que nous avançons. Sur le plan « Sciences humaines et sociales » annoncé le 4 juillet 2016, diverses mesures seront présentées dans les prochaines semaines. Par ailleurs, nous soutenons les universités dans les transformations nécessaires vers le monde numérique et nous présenterons prochainement un deuxième train de mesures de simplification de l'enseignement supérieur.

Bref, vous le voyez, nous réformons jusqu'au terme de ce quinquennat !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Monsieur Carrère, vous souhaitez faire une remarque liminaire ?

M. Jean-Louis Carrère. - Oui, madame la présidente. Est-il utile de prolonger cet intéressant exercice, si la majorité sénatoriale a décidé de ne pas examiner le budget de la Nation ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Avez-vous des nouvelles à nous annoncer à ce sujet ? Après avoir entendu le secrétaire d'État nous présenter la mission budgétaire dont il est le responsable, je donne maintenant la parole à M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de notre commission pour les crédits « Enseignement supérieur » de la mission.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis sur les crédits de l'enseignement supérieur. - Monsieur le secrétaire d'État, nous nous rencontrons régulièrement et vous avez déjà répondu à un certain nombre de mes interrogations. Je n'évoquerai donc pas la question du glissement vieillesse-technicité, celle des postes qui sont parfois gelés dans les universités pour équilibrer les budgets ou les difficultés pour trouver des vacataires.

Les crédits budgétaires de l'enseignement supérieur sont globalement en hausse sur le quinquennat qui s'achève. Je vous en donne acte. Cependant, une faible augmentation des subventions publiques ne permettra pas de faire face à la hausse des effectifs étudiants que nous connaissons : ils seront 3,3 millions dans dix ans contre 2,5 millions aujourd'hui.

J'ai quatre questions principales à vous poser.

Tout d'abord et en comptant sur votre habituelle liberté de parole, monsieur le secrétaire d'État, comment voyez-vous le financement de l'enseignement supérieur français pour les dix prochaines années ? Vous semble-t-il raisonnable d'affirmer que l'État pourra mettre sur la table, chaque année, un milliard d'euros supplémentaire, en sachant que 90 % des recettes proviennent aujourd'hui de l'État et que la France connaît un certain retard en ce qui concerne les partenariats qui peuvent être noués en la matière ? Vous le savez, l'Allemagne et nombre de pays asiatiques ont beaucoup avancé sur ces questions.

Deuxièmement, vous connaissez mon opinion sur le nécessaire changement de modèle économique. Je plaide pour une hausse modérée des frais d'inscription, à hauteur d'une centaine d'euros. Appliquée à 1,5 million d'étudiants inscrits à l'université, hors Instituts universitaires de technologie (IUT), avec un taux de boursiers de 40 %, cette hausse représente près de 100 millions d'euros supplémentaires chaque année, ce qui n'est pas négligeable. Certains proposent de n'augmenter les frais d'inscription qu'en master ou en doctorat. Qu'en pensez-vous ? Que proposez-vous à la place, si vous rejetez ces idées ?

Troisièmement, j'attire votre attention sur le potentiel de l'enseignement supérieur privé à but non lucratif, c'est-à-dire les établissements qui sont aujourd'hui labellisés établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG). Ce sont des aiguillons stimulants. Ils regroupent 3 % des étudiants, sont souples et présentent d'excellents taux de réussite, de l'ordre de 80 %. Ils coûtent à l'État beaucoup moins cher que l'enseignement supérieur public : 772 euros par étudiant contre près de 10 000 euros.

Le secteur a été maltraité depuis 2012, puisque ses subventions ont diminué de 17 %. Rapportée au nombre d'étudiants accueillis, la baisse de l'engagement de l'État a été de l'ordre de 35 % ! Il ne s'agit pas de substituer ces écoles aux universités, mais de mieux traiter des acteurs qui concourent à la diversité, à la richesse et à la qualité de notre système. Je sais que vous n'êtes pas sectaire. C'est pourquoi je ne comprends pas pourquoi ces établissements ont été aussi mal traités lors de ce quinquennat. Pour relever les défis auxquels nous faisons face, nous avons besoin de tout le monde.

Durant nos auditions, j'ai rencontré le directeur de l'institut polytechnique de Beauvais, qui nous a parlé d'un projet d'école vétérinaire privée à but non lucratif. C'est un secteur où la France manque de professionnels, alors même que nombre de jeunes vont étudier à l'étranger...

Quatrièmement, le dernier budget de ce quinquennat affiche une soudaine hausse des crédits pour faire face à l'augmentation des effectifs. Il prévoit le gel des frais d'inscription, de la cotisation d'assurance maladie et du tarif de restauration des Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) et il inclut les conséquences du dégel du point d'indice des personnels de la fonction publique. Permettez-moi de voir, dans tout cela, une série de cadeaux à visée électorale, dont vos successeurs trouveront l'addition sévère !

Toutefois, je souhaite vous rendre hommage. Nous avons apprécié votre franchise et l'authenticité de votre engagement en faveur de l'enseignement supérieur. Vous avez pesé sur les arbitrages et vous avez été un très bon ministre : soyez-en remercié !

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche. - Bien évidemment, je reprends à mon compte les dernières observations, très positives, de mon collègue...

Par le passé, j'ai été rapporteur pour avis des crédits liés à l'enseignement supérieur ; je suis donc très attentive à la mise en oeuvre de la loi de 2013, dont j'ai été par ailleurs le rapporteur au Sénat. Je rejoins les remarques de Jacques Grosperrin sur les établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG).

J'en viens maintenant à la partie de la mission qui est consacrée à la recherche. Ce secteur a particulièrement bénéficié de votre attention et des arbitrages budgétaires, notamment au travers des programmes d'investissements d'avenir, qui représentent 50 % de l'enveloppe globale. À ce sujet cependant, le mode de gestion des PIA permet-il effectivement au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de peser sur les décisions qui sont prises ?

Par ailleurs, Philippe Maystadt a conduit une évaluation des PIA 1 et 2, qui a mis en avant une analyse critique des consortiums de valorisation thématique. Quel financement voyez-vous pour ces organismes à l'avenir ? Quelle peut être leur influence réelle sur l'évolution des pratiques d'enseignement et sur l'accélération du rapprochement entre les milieux académiques et économiques ?

Des mesures ont été prises pour mieux valoriser les résultats des recherches, mais le système reste compliqué pour les entreprises, en raison de la multiplicité des structures. Les entreprises qui ont bénéficié de ces dispositifs s'en portent très bien et retrouvent une certaine dynamique, mais tout cela n'est pas encore généralisé sur l'ensemble du territoire. Comment comptez-vous avancer sur ces questions ? Il me semble que les différents organismes de transfert participent grandement à l'évolution de la formation des jeunes chercheurs et à leur implication dans le milieu économique. Cette démarche, que nous avons souhaitée lors de l'examen de la loi, doit-elle être amplifiée ? Des correctifs doivent-ils être apportés pour la stimuler ?

Nous avons auditionné plusieurs organismes de recherche, qui ont insisté sur l'importance de l'implication de la France dans les grandes infrastructures internationales de recherche. La France y tient sa place, mais quelle est la stratégie du Gouvernement en la matière ? Je pense en particulier à la question des équipements informatiques, car l'accélération des capacités de calcul et le développement du data mining permettent le développement de pratiques transdisciplinaires. On m'a par exemple parlé de travaux en cours entre le commissariat à l'énergie atomique et l'INSERM, Institut national de la santé et de la recherche médicale, et entre l'Institut français du pétrole et des énergies renouvelables et des laboratoires de climatologie.

Des passerelles apparaissent donc, mais doivent être renforcées, alors même que la double tutelle ne constitue pas toujours une facilité et que certains ministères puissants continuent de défendre un certain cloisonnement... Pensez-vous qu'une intervention particulière de votre ministère, par exemple au travers du conseil stratégique de la recherche, permettrait d'encourager cette transdisciplinarité ?

Pouvez-vous aussi me donner des informations sur les réunions et l'organisation de ce nouveau conseil stratégique de la recherche ?

L'initiative d'excellence, IDEX, du plateau de Saclay est un peu l'illustration de ce sujet, car son avenir est fragilisé par la position de certaines structures, qui sont soutenues en cela par leur ministère de tutelle. Un sursis a certes été accordé, mais peut-on accepter une nouvelle configuration ?

Enfin, j'ai aussi senti des tensions, au cours des auditions que j'ai menées, entre l'Agence nationale de la recherche et certains instituts, tensions qui dépassent la seule question du taux de succès aux appels à projets. Elles concernent, au fond, les rôles respectifs de chacun dans la politique de la recherche en France. Comment voyez-vous ce paysage institutionnel ? Le rôle des différents acteurs vous paraît-il bien compris et admis ? Le contrôle budgétaire et le fort recours aux appels à projets ne sont-ils pas de nature à décourager certains ?

Dernier point, l'INSERM, qui est très sollicité en raison de la qualité de ses travaux, m'a fait part de ses difficultés à assumer les obligations qui lui sont confiées par les différents plans nationaux.

Voilà les principales questions que je souhaitais poser pour préparer mon rapport pour avis. Même si le processus budgétaire ne va pas à son terme au Sénat, le dialogue avec le ministre compétent est toujours intéressant dans notre travail d'analyse et de contrôle.

M. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances. - J'ai été tout à fait satisfait d'entendre le secrétaire d'État dire qu'il allait se livrer à un exercice, intéressant, de projection pluriannuelle et de programmation. J'imagine, même si cela n'a pas été dit, qu'un tel exercice doit déboucher sur une loi de programmation des moyens humains et financiers pour les cinq ou dix années à venir.

Je rappelle qu'en 2000 la stratégie de Lisbonne a fixé un objectif de 3 % du PIB pour les dépenses de recherche et d'innovation : l'Allemagne vient d'atteindre cet objectif, la France est tout juste au-dessus de 2,25 %, alors que nous avions le même niveau il y a quinze ans. Si la France reste une grande nation et dans le peloton de tête, elle risque toutefois de décrocher...

Le conseil économique, social et environnemental a d'ailleurs publié une étude qui révèle que les dépenses de recherche et d'innovation des entreprises françaises ont progressé de 28 % depuis 2005, tandis que celles des entreprises européennes augmentaient de 66 %.

Un effort considérable a été réalisé, au cours des dernières années, pour maintenir la recherche française à un niveau élevé de compétitivité, mais cet objectif n'est pas suffisant. Il faut en effet que les entreprises produisent aussi un effort important. Or, en dépit du crédit d'impôt recherche, les dépenses de recherche stagnent dans les entreprises. De nouveaux dispositifs ne peuvent-ils pas être imaginés pour que les entreprises soient, elles aussi, dans le peloton de tête de la recherche en Europe ?

Ensuite, les crédits de l'Agence nationale de la recherche progressent en 2017 afin de rattraper les baisses des années précédentes. Je prends acte de cet effort sensible, mais je ne peux m'empêcher de penser à la situation de son homologue allemande, dont le budget atteint 2 milliards d'euros contre 675 millions pour l'ANR. Ne pourrait-on envisager un effort supplémentaire pour permettre de mieux financer la recherche fondamentale ?

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - En ce qui concerne l'évolution des crédits des opérateurs du programme 172, est-elle uniquement justifiée par le financement de mesures salariales ? Quelles mesures avez-vous prises ou entendez-vous prendre pour répondre aux difficultés que rencontrent certains opérateurs ? La forte hausse du budget de l'ANR doit-elle être interprétée comme un changement d'orientation dans la politique du Gouvernement en faveur des appels à projets, à l'encontre des orientations prises en début de mandat ?

La déclinaison opérationnelle de la stratégie nationale de recherche sera-t-elle décrite dans des documents prospectifs généraux, comprenant un chiffrage des moyens financiers et humains nécessaires et identifiant clairement les organismes chargés des différentes missions plutôt que de les répartir dans les contrats d'objectifs et de moyens des opérateurs, beaucoup moins visibles ?

Quel est l'avenir de la répartition des compétences et des financements en matière de recherche et d'innovation entre l'État et les régions ? Les documents budgétaires précisent que 205,8 millions d'euros ont finalement été contractualisés dans le cadre des contrats de plan 2015-2020. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez bataillé en faveur de cette dotation. Pourtant, comment expliquer la différence avec la précédente génération des contrats, durant laquelle elle s'élevait à 368 millions ?

Ne faut-il pas mettre en cohérence le financement des contrats de plan, qui tentent d'opérer un rééquilibrage entre les régions, avec les autres instruments de soutien basés sur des appels à projets, qui mettent en concurrence, de leur côté, les territoires ? Serait-il possible d'obtenir un tableau retraçant l'état d'avancement des contrats de plan en matière de recherche et d'innovation ?

Il est d'autant plus important, pour nous, de bien comprendre quels seront les moyens disponibles que nous voyons bien que les régions vont devoir s'occuper davantage des pôles de compétitivité. Nous risquons donc de subir un effet de ciseaux entre la baisse des contrats de plan et l'arrivée de ces pôles dans le champ des compétences régionales.

Enfin, toujours en ce qui concerne l'aménagement du territoire, quel avenir voyez-vous pour les sites qui n'ont pas été sélectionnés dans le programme d'investissements d'avenir ? Quels moyens de droit commun pouvons-nous utiliser dans cette situation ? En particulier pour mobiliser les fonds européens ?

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour l'écoute dont vous avez su faire preuve durant vos fonctions.

Mme Corinne Bouchoux. - Le secrétaire d'État a annoncé un certain nombre de mesures qui vont dans le bon sens. Il faut savoir le dire. Et je souhaite vous remercier, de manière générale, pour votre réactivité et pour les réponses argumentées que vous nous fournissez. Je peux vous dire que ce n'est pas le cas dans tous les ministères. Cela permet un dialogue plus serein.

Je souhaite vous interroger sur la place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ESPE, dans les universités. Comment la proposition de loi relative au master que nous avons votée la semaine dernière va-t-elle se traduire pour elles ? Cela pose la question du calendrier des concours et celle du redéploiement de certains moyens.

Valérie Létard a posé la question cruciale du maillage territorial. Alors que des objectifs ont été fixés en termes de nombre de docteurs, il est très important que les villes de taille moyenne disposent aussi d'universités dynamiques. Comment comptez-vous afficher cette préoccupation ?

Enfin, en ce qui concerne les programmes de recherche en général, comment faire en sorte que les ambitions soient partagées sur tout le territoire, et pas uniquement sur quelques grands sites ? Dans l'Ouest ou dans le Nord, nous avons aussi droit à une aide structurante pour les années à venir.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Monsieur le secrétaire d'État, je partage pleinement l'ambition que vous avez affichée. Pour autant, comme vous le dites vous-même, la nation n'est pas quitte ! On ne peut que se féliciter que vous annonciez des crédits en augmentation, mais nous devons rester vigilants quand on voit l'exécution budgétaire de certaines années passées... Sommes-nous réellement au niveau de ce qu'il faudrait faire ?

Rien n'a été dit de la précarité au sein de la mission dont vous avez la charge, phénomène qui est pourtant très important : on assiste en effet à une disparition de postes de titulaires au profit d'une explosion du nombre de contractuels. Comment comptez-vous agir à ce sujet ?

La dépense fiscale relative au crédit d'impôt recherche, dont vous n'avez pas non plus parlé, progresse cette année. Personnellement, je n'ai pas diabolisé ce dispositif, on ne peut pas le supprimer, mais il faut être attentif à qui en est bénéficiaire. Les petites entreprises, par exemple, en ont vraiment besoin.

Par ailleurs, j'ai été, à plusieurs reprises, interpellée sur la lenteur du processus d'octroi des bourses. Ne faudrait-il pas envisager une date fixe pour leur attribution et leur versement ?

Enfin, je vous indique que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé une proposition de résolution européenne sur la question du financement de l'enseignement supérieur, afin de sortir ce type de dépenses publiques du calcul des déficits. Cela contribuerait à nous mettre au niveau des besoins.

M. Jean-Léonce Dupont. - Je m'associe aux mots prononcés par plusieurs collègues à votre endroit, monsieur le secrétaire d'État, et je dois dire que je n'ai pas été insensible à ce qu'on pourrait appeler votre indiscipline intellectuelle par rapport à d'autres responsables politiques, y compris certaines de vos tutelles...

Pour autant, nous arrivons au terme du quinquennat et, nécessairement, à l'heure des bilans, et je me pose un certain nombre de questions.

Sur le logement étudiant, l'objectif fixé par le Président de la République était assez ambitieux ; il s'agissait de la construction de 42 500 logements supplémentaires. Il me semble que nous allons tout juste en dépasser la moitié, puisque 20 545 ont été effectivement livrés... Comment expliquez-vous ce décalage ? L'ambition était-elle trop forte ? Y-a-t-il d'autres raisons qui expliquent ce différentiel ?

Deuxièmement, si je ne suis pas particulièrement fasciné par ce phénomène, le fait est que nous sommes confrontés à l'existence des classements internationaux, qui ne donnent qu'une image à un instant t. Avec toutes les réserves que nous pouvons avoir à ce sujet, il est tout de même important de regarder l'évolution de la place de nos établissements. Or, il semble que ces classements évoquent une perte de vitesse des universités françaises. Je suis sensible à cette notion de perte de vitesse. Comment l'expliquer ? Quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour améliorer cette situation ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - Plusieurs questions ont porté sur les projections financières à moyen et long terme de l'enseignement supérieur et de la recherche. Est-il raisonnable d'escompter des augmentations de financements de la part de la nation ? Devons-nous mettre en place des financements alternatifs, par exemple en demandant davantage aux étudiants eux-mêmes ?

Ma position est très claire et s'appuie notamment sur les conclusions de l'OCDE, qui estime qu'un diplômé français rapporte 70 000 euros nets à la nation sur l'ensemble de sa carrière professionnelle. Le « retour sur investissement » est plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE et ce solde nettement positif justifie pleinement que la nation fasse cet investissement.

Cela pose d'ailleurs la question de la caractérisation de ces dépenses au niveau européen. Faut-il changer les règles qui les classent en dépenses de fonctionnement, ce qui pèse sur le déficit, plutôt qu'en investissement ? Personnellement, j'y suis favorable, mais la décision relève des 28 États membres, qui seront peut-être 27 prochainement...

En tout cas, il revient bien à la nation de financer ce type de dépenses de manière durable. Je suis persuadé que la puissance française repose largement sur la qualité de son enseignement supérieur et de sa recherche. Pensez aux satellites que nous lançons, à l'arme nucléaire, aux réflexions sur le climat dans nos laboratoires, aux attributions de prix Nobel, à notre système de santé qui se situe à la pointe, etc. !

Un nouveau cycle s'ouvre au niveau international, où le mouvement de réinvestissement dans le système est important. On le voit bien aux États-Unis ou en Grande-Bretagne.

Pour autant, nous devons réfléchir au modèle économique de nos universités et la stratégie de développement des ressources propres, qui sont aujourd'hui insuffisantes, est très importante. Nous devons par exemple travailler sur les questions de valorisation et sur la formation continue.

Le modèle doit donc évoluer, mais pas par une augmentation des droits d'inscription. Plusieurs études publiées ces dernières années montrent que, lorsqu'une augmentation des droits d'inscription est annoncée, le taux de scolarisation des couches les plus fragiles de la population baisse, comme si elles s'autocensuraient.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur privé, je rappelle que les EESPIG bénéficient désormais d'un label, qui reconnaît leur spécificité et leur apport au système. Leurs crédits ont suivi les mêmes règles de progression que les autres établissements et, en 2017, ils bénéficieront de leur part de l'augmentation du budget.

M. Grosperrin m'a aussi parlé d'un budget qui serait électoraliste... Si je vous avais proposé le même budget qu'en 2016, vous auriez - à juste titre - hurlé ! Plus qu'un signal, nous avons réussi à obtenir un effort considérable. Et quand je dis « nous », c'est une oeuvre collective, car Najat Vallaud-Belkacem m'a beaucoup soutenu dans les différentes démarches qui ont été nécessaires.

À Mme Gillot, je rappellerai d'abord que les PIA présentent l'avantage d'être extrabudgétaires, donc intangibles pour la période d'attribution. Certains crédits du PIA 1 ont été pérennisés et 700 millions d'euros sont prévus dans le PIA 3 pour soutenir ces investissements, cette enveloppe sera prochainement affectée.

Je peux aussi vous dire que la collaboration est très étroite entre le ministère et le commissariat général à l'investissement, qui est rattaché au Premier ministre. Un travail de qualité a été réalisé au sujet des outils de valorisation et pour préparer le PIA 3 ; il est clair qu'il ne peut pas y avoir deux stratégies. Bien sûr, il reste des marges de progression, en particulier pour mieux faire comprendre au jury du PIA 2 les spécificités de l'organisation du système universitaire français et ses pesanteurs institutionnelles. Nous sommes d'accord sur la destination, pas toujours sur le chemin...

En ce qui concerne la difficulté des entreprises à décrypter le système, je pourrais vous dire que, si elles voulaient bien comprendre, il leur suffirait d'embaucher des docteurs...

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour avis. - Il faut aussi que les entreprises qui utilisent les dispositifs à leur disposition en deviennent les ambassadeurs.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - Plus généralement, je saisis cette occasion pour vous dire que le ministère a lancé une application, scanR, qui constitue un outil formidable pour connaître l'état de la recherche en France.

Pour revenir au coeur de votre question - la complexité des outils -, nous avons beaucoup travaillé sur ce point et des simplifications et clarifications ont été apportées. Nous avons par exemple demandé aux sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) d'organiser leurs plateformes d'accueil des entreprises au sein des universités.

Nous avons également revu la gouvernance des SATT pour laisser plus d'espace aux universités et aux collectivités territoriales, car le ministère, qui a toute sa place dans la définition stratégique, ne doit pas s'occuper de détails de mise en oeuvre. Les SATT peuvent ainsi devenir l'outil d'une territorialisation de la politique de valorisation de la recherche. Si tous les acteurs jouent leur rôle et réfléchissent à une mise en commun de leurs instruments, nous disposerons d'un outil nouveau très important.

La Cour des comptes a critiqué les consortiums de valorisation thématique et nous allons tenir des réunions pour disposer d'une lecture fine de son analyse, mais les alliances sont satisfaites du fonctionnement de ces derniers. En ce qui concerne notre stratégie relative aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR), notre priorité consiste à respecter les engagements internationaux de la France. Nous devons prévoir les crédits tels qu'ils ont été annoncés à nos partenaires, c'est un prérequis de la nécessaire confiance entre nous. En outre, vous le savez, la stratégie nationale de la recherche met l'accent sur le numérique dans le cadre de ces grandes infrastructures.

Vous avez évoqué la question de Saclay. Les différents ministères se réunissent très régulièrement pour coordonner les actions et la date butoir est fin novembre. Il ne s'agit pas de contraindre les établissements, qui ont tous leur histoire, à oublier celle-ci et à fondre leur identité dans un grand ensemble. Pour autant, l'université de Paris-Saclay doit s'organiser pour disposer d'une marque commune à l'international afin de donner à la France une vitrine d'excellence, qui rejaillira sur l'ensemble des acteurs.

M. Berson s'est interrogé sur la stagnation des dépenses privées de recherche en France et sur le crédit d'impôt recherche (CIR). Une chose me trouble : en 2012, le CIR s'élevait à 3,6 milliards d'euros, il atteint 5,8 milliards aujourd'hui, alors que la part des entreprises dans le financement de la recherche n'a pas évolué ! Si l'on regarde les comparaisons internationales, la part de la dépense publique est comparable en France - 0,83 %  - à celle de l'Allemagne, elle est même supérieure à celle du Japon et de la Grande-Bretagne. La difficulté ne vient donc pas de ce côté-là. En revanche, la dépense privée n'augmente pas, malgré des investissements massifs. C'est pourquoi je lancerai une étude indépendante sur ce sujet.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - C'est ce que j'ai proposé !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - Nous sommes donc d'accord, il faut élucider ce mystère.

Vous avez noté que les crédits de l'Agence nationale de la recherche repartent à la hausse, mais il est vrai qu'il nous faudrait atteindre le milliard d'euros. L'homologue allemande de l'ANR dispose d'un budget de 2 milliards, mais l'organisation n'est pas la même. Pour mesurer le niveau qui est nécessaire, il faut plutôt réfléchir en termes de taux de sélection des projets : 20 %, cela permet de fonctionner correctement. Et c'est ainsi qu'à terme, nous devrions atteindre un budget de 1 milliard.

Au sujet du programme 172 évoqué par Mme Létard, les crédits permettent de financer une partie des contributions aux organismes internationaux, d'ajuster la contribution aux très grandes infrastructures de recherche, de consolider les mesures liées la fonction publique, d'abonder l'enveloppe destinée à l'ANR, de maintenir le niveau de recrutement aux concours scientifiques du CNRS, d'affecter 17,4 millions de plus pour les contrats de plan État-région et de couvrir d'autres sujets particuliers. La progression ne concerne donc pas uniquement des dépenses liées à la fonction publique.

En ce qui concerne le maillage territorial, il est en effet indispensable d'aider des universités de qualité qui n'ont pas été sélectionnées comme initiative d'excellence, ou I-Site. Nous disposons, dans plusieurs villes moyennes, d'équipes universitaires et scientifiques de très bonne qualité. Dans le PIA 3, 300 millions d'euros seront consacrés à des écoles universitaires de recherche, pour permettre de mieux « mailler » le territoire. Dans le même ordre d'idées, les communautés d'universités et établissements (COMUE), qui ont connu de premières années fastidieuses, prennent maintenant leur essor et des coopérations, parfois spectaculaires, s'ébauchent.

Un maillage territorial dense est de l'intérêt de notre pays. C'est ce que montre une étude de France Stratégie d'avril 2016 sur les déterminants de la mobilité sociale en France. La facilité d'accès à l'enseignement supérieur et la proximité des établissements constituent des facteurs structurants, plus par exemple que la densité du tissu économique.

Mme Gonthier-Maurin m'a interrogé sur la question de la précarité. Durant ce quinquennat, nous avons réussi à arrêter la dégradation de la répartition de nos effectifs entre, d'une part, les fonctionnaires et les CDI, d'autre part, les autres contractuels. Désormais, nous sommes à trois quarts pour la première catégorie et un quart pour la seconde. Sachez que cette part de fonctionnaires et CDI est très élevée par rapport aux autres pays. Il reste toujours des choses à améliorer, mais le nombre de chercheurs, 9 pour 1 000 habitants, est supérieur en France à la moyenne de l'OCDE comme à celui de l'Allemagne.

Il faut aussi savoir définir la précarité avec précision. Ainsi, les contrats doctoraux sont des CDD, mais il ne s'agit pas de précarité et 53 % des docteurs sont en CDI dans les cinq ans qui suivent leur thèse.

J'ai bien entendu votre alerte, Mme Gonthier-Maurin, concernant le versement des bourses. Je n'ai pas eu la même remontée d'informations, mais je vais demander une analyse précise.

M. Dupont m'a interrogé sur le report des engagements pris dans le domaine du logement des étudiants : 42 607 places sont aujourd'hui engagées, ce qui signifie qu'elles sont soit livrées, soit en chantier. À la fin de 2016, nous atteindrons 26 840 places, soit 67 % de l'objectif.

En ce qui concerne les classements internationaux, on ne peut que constater que l'enseignement supérieur et la recherche sont des univers exposés à la compétition internationale ; désormais, les comparaisons sont worldwide. Tous les établissements mettent en oeuvre des stratégies de développement international. On peut penser ce qu'on veut de ces classements, mais on ne peut pas faire comme s'ils n'existaient pas. La place que la France y occupe est très importante, car elle affecte l'image de notre pays. Je ne me réjouis donc pas des évolutions récentes, puisque notre position s'érode un peu. J'ai bon espoir que les structurations en cours permettent d'améliorer la situation, mais il faut aussi que les établissements connaissent les modalités d'élaboration de ces classements pour mieux répondre aux différents critères. J'ai donc lancé une mission à ce sujet, elle doit élaborer très rapidement un vade-mecum qui sera à la disposition des établissements.

Mme Colette Mélot. - Je vous remercie de votre vision réaliste des choses. J'appelle votre attention sur les difficultés des étudiants qui habitent loin des établissements d'enseignement supérieur. C'est souvent le cas en Île-de-France, notamment en grande couronne où les transports publics sont inexistants ou saturés.

Je pense naturellement à la Seine-et-Marne, à 80 kilomètres de Paris, où sont implantés deux pôles : Marne-la-Vallée et, à Melun, une antenne de Paris-II Assas. Pour les étudiants, il y a donc peu d'établissements proches et s'installer à Paris coûte cher. Le conseil départemental a des locaux importants, qui sont vacants et qui permettraient d'agrandir l'antenne de Paris-II, qui ne peut aujourd'hui accueillir tous les étudiants. Où en est le projet d'agrandissement de cette antenne, qui permettrait d'améliorer l'accès à l'enseignement supérieur ?

M. Jean-Claude Carle. - Je souhaite attirer votre attention sur ce que certains appellent parfois des « petites » universités. Malgré les efforts consentis, celle de Savoie Mont-Blanc est en situation financière difficile ; elle fait face à une augmentation continue de ses effectifs, qui est liée à l'évolution démographique du département. Or, c'est l'année 2013 qui est prise en compte pour les dotations complémentaires. L'université doit faire appel à des vacataires pour assurer les cours et il est possible qu'elle soit contrainte de fermer certaines formations, ce qui serait dommageable. Je vous transmettrai des informations complémentaires par courrier, mais toujours est-il que le président de l'université s'interroge sur la viabilité économique de son établissement, comme de ceux de taille comparable.

Mme Maryvonne Blondin. - Je salue les efforts du Gouvernement pour accompagner, dans le cadre de l'objectif d'amener 60 % d'une classe d'âge à l'enseignement supérieur, les étudiants venant de toutes les couches de la société. De ce point de vue, pouvez-vous nous indiquer où en est la consommation des crédits pour l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE) ? Comment est-elle utilisée ? Est-elle connue ?

Plus généralement, la question de l'information des étudiants sur l'ensemble des droits sociaux auxquels ils peuvent recourir est très importante.

Enfin, le budget consacré à la prévention en matière de santé est souvent le parent pauvre de l'enseignement supérieur, comme dans le secondaire d'ailleurs. Comment évoluent ces crédits ?

Dernier point, pouvez-vous nous donner des indications complémentaires au sujet des innovations pédagogiques, que vous avez vous-même évoquées tout à l'heure ?

Mme Sylvie Robert. - Ma question sera courte : où en est le projet de grande école du numérique et sur quel budget sera-t-il financé ?

Mme Françoise Cartron. - La mise en place des ESPE pose encore des difficultés qui ne se résorbent pas, comme en Gironde, et se fait de manière très diverse selon les universités. Quel est votre regard sur ce sujet et quelles sont les pistes d'amélioration ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - J'ai noté les dossiers signalés par Mme Mélot et M. Carle. Je rappelle que douze universités étaient en déficit en 2012, elles ne sont plus que six en 2015. La situation générale s'améliore donc, mais nous devons rester vigilants sur la manière dont le redressement s'est opéré.

Nous ne disposons pas encore d'un premier bilan quantitatif de l'ARPE, puisque les dossiers peuvent être déposés jusqu'à fin décembre. Je vous le communiquerai, bien évidemment.

Je rejoins la préoccupation exprimée par Mme Blondin sur l'insuffisance dans la connaissance des dispositifs sociaux. Je vais organiser des réunions avec les organisations étudiantes à ce sujet pour décortiquer le problème et identifier les moyens de mieux cibler les étudiants qui peuvent être concernés. Le budget de prévention est inclus dans les crédits globaux et le ministère des affaires sociales dispose également d'enveloppes, qui sont certainement plus importantes.

Nous sommes en train de discuter sur les critères d'attribution des crédits prévus pour les innovations pédagogiques dans le PIA 3. Cela touche des problématiques très variées : organisation du premier cycle universitaire - certaines universités ont beaucoup innové pour faire baisser le taux d'échec - ; formes nouvelles d'apprentissage, comme les MOOC ; etc.

Le projet de grande école du numérique ne relève pas de mon ministère. C'est un label lancé à l'automne 2015, qui concerne aujourd'hui 171 formations.

Au sujet des ESPE, nous avons un premier problème, la compatibilité entre la réforme du master et la formation des enseignants. C'est pour cela que nous avons prévu des exceptions, notamment pour les études qui préparent aux fonctions d'enseignant. Le problème se pose pour ceux qui échoueront au concours ; ils ont vocation à poursuivre un master différent et nous y travaillons.

Enfin, sur le fonctionnement plus général des ESPE, je vois deux pistes d'amélioration : l'association de toutes les ressources des universités et, surtout, une meilleure implication de la recherche publique française en matière d'éducation, qui est de grande qualité.

La réunion est levée à 11 heures 10.