Mercredi 31 mars 2021

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (nouvelle lecture) - Examen des amendements de séance

M. Alain Milon, rapporteur. - Je vous propose une motion n°  18 tendant à opposer la question préalable. Si nous la votons, les amendements déposés, qui sont tous intéressants, deviendront cependant sans objet. Voici les motivations de cette motion :

« Considérant, d'une part, que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur plusieurs articles de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, des points de désaccord importants subsistent sur des aspects aussi décisifs que le refus par l'Assemblée nationale d'une territorialisation de l'offre de soins hospitaliers plus attentive à l'expression des besoins directs des acteurs locaux de santé ou encore sa réticence à reconnaître à la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques la qualité d'organe représentatif des personnels paramédicaux de l'hôpital ;

« Considérant, d'autre part, les problèmes réels que soulève l'article 8 bis introduit en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, qui charge la commission des affaires sociales du Sénat d'une mission difficilement réalisable de recensement exhaustif de l'ensemble des établissements publics de santé et de désignation, sur des critères non définis, du sénateur qui pourra siéger au conseil de surveillance de leur établissement principal, cette dernière notion ne renvoyant par ailleurs à aucune réalité juridique déterminée ;

« Considérant également qu'aucune disposition du droit en vigueur ne s'opposant à ce qu'un parlementaire sollicite du président du conseil de surveillance d'un établissement public de santé sis dans sa circonscription, quel qu'il soit, le droit de siéger, ponctuellement ou non, audit conseil de surveillance, le Sénat s'engage à proposer la suppression du présent article 8 bis à la faveur d'un prochain véhicule législatif ;

« Considérant enfin les doutes que continuent d'inspirer au Sénat, malgré l'intention louable qui a présidé à sa rédaction, l'article 10 sur la lutte contre le recours abusif à l'intérim médical et les risques élevés de contentieux que suppose un transfert au comptable public du contrôle de légalité d'une dépense d'intérim déjà engagée par l'établissement ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. »

Mme Michelle Meunier. - Bernard Jomier a déjà dit, lors de notre précédente réunion, que nous voterions cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. Olivier Henno. - C'est Élisabeth Doineau qui interviendra en discussion générale ; nous voterons également cette motion.

Mme Colette Mélot. - Nous nous abstiendrons, comme nous avons l'habitude de le faire sur les questions préalables. Bien que favorables aux orientations de la commission - nous avons voté pour l'adoption du rapport d'Alain Milon -, nous souhaitons poursuivre la discussion de ce texte.

Mme Laurence Cohen. - Je me permets un petit clin d'oeil, comme l'a fait Cathy Apourceau-Poly la semaine dernière, en rappelant que nous avions nous-mêmes déposé, en première lecture de ce texte, une motion tendant à opposer la question préalable, qui n'avait pas été adoptée.

Nous voterons sans états d'âme cette motion ; non seulement cette proposition de loi ne saurait améliorer la situation de notre système de santé, mais l'Assemblée nationale a encore aggravé les choses.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Le groupe écologiste votera lui aussi cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous n'attendions pas grand-chose d'une éventuelle amélioration de cette PPL, qui manque d'ambition et comporte même des articles très dangereux. Sur l'accès direct aux orthophonistes, la méthode utilisée est tout simplement scandaleuse : la position de la rapporteure de l'Assemblée nationale a été « retournée » au dernier moment par le Gouvernement sans motif explicite, et le travail parlementaire est foulé aux pieds.

M. Stéphane Artano. - Comme l'a déjà dit ma collègue Véronique Guillotin, nous comprenons les raisons qui poussent la commission à déposer cette motion. Nous sommes traditionnellement défavorables aux questions préalables, mais, dans le cas présent, nous nous abstiendrons.

M. Martin Lévrier. - Notre souhait est invariablement que le débat ait lieu dans l'hémicycle ; nous voterons contre la motion.

La motion n° 18 est adoptée. En conséquence, la commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi. En conséquence, elle émet un avis défavorable à l'ensemble des amendements, qui deviendraient sans objet en cas d'adoption de la motion par le Sénat.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er bis AA (supprimé)

Mme COHEN

2

Assimilation des infirmiers anesthésistes à des infirmiers de pratique avancée

Défavorable

M. Alain MARC

11

Assimilation des infirmiers anesthésistes à des infirmiers de pratique avancée

Défavorable

Mme PONCET MONGE

14

Assimilation des infirmiers anesthésistes à des infirmiers de pratique avancée

Défavorable

Article 1er bis A

M. LONGEOT

1 rect.

Suppression d'article

Défavorable

Mme COHEN

3

Suppression d'article

Défavorable

Mme PONCET MONGE

15

Suppression d'article

Défavorable

M. RIETMANN

20

Suppression d'article

Défavorable

Chapitre II : L'évolution des professions de sage-femme et de certains auxiliaires médicaux

M. CHASSEING

13

Ajout de la profession de pharmacien dans l'intitulé

Défavorable

Article 2 octies

Mme MICOULEAU

21

Condition de la prescription d'aides techniques par les ergothérapeutes

Défavorable

Article 2 nonies

Mme COHEN

4

Accès direct aux soins d'orthophonie

Défavorable

Mme PONCET MONGE

16

Accès direct aux soins d'orthophonie

Défavorable

M. Jean-Michel ARNAUD

17

Accès direct aux soins d'orthophonie

Défavorable

Article 5

Mme COHEN

5

Suppression des pôles d'activité

Défavorable

Mme COHEN

6

Renforcement des chefs de service

Défavorable

Article 7 bis A (supprimé)

Mme COHEN

7

Moratoire sur la fermeture d'établissements

Défavorable

Mme COHEN

8

Lutte contre le harcèlement visant les étudiants en médecine

Défavorable

Article 9

Mme COHEN

9

Composition du directoire

Défavorable

Article 9 ter A (supprimé)

M. MENONVILLE

12

Composition du conseil de surveillance

Défavorable

Article 10

Mme COHEN

10

Suppression de l'article

Défavorable

Article 11 ter

Mme MICOULEAU

19

Rétablissement de l'article

Défavorable

Communications diverses

Mme Catherine Deroche, présidente. - Avant de passer à l'audition de M. Fatome, je voudrais vous faire un bref compte rendu des décisions du bureau de la commission.

Plusieurs missions d'information ont été ou vont être lancées sur la psychiatrie, sur la situation des soins palliatifs, à la demande de Corinne Imbert, sur l'accès précoce à l'innovation - nous souhaitions faire un point sur ce sujet avant le conseil stratégique des industries de santé (CSIS) qui aura lieu en juillet. Nous avons également désigné, la semaine dernière, Catherine Procaccia rapporteure sur la responsabilité civile des personnels médicaux.

En attendant la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, nous n'avons pas de texte à examiner immédiatement ; nous verrons si des textes sont déposés dans le cadre des espaces réservés des groupes. Je vous propose de faire dès la rentrée un point sur les anesthésistes-réanimateurs.

Nous souhaitons procéder à des auditions plénières sur la démocratie sanitaire, et aborder en particulier le sujet des visites de proches en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - le président Larcher m'a sollicitée en ce sens.

Nous devions faire un déplacement à Mayotte ; il est évident que nous n'irons pas au mois d'avril, mais nous tâcherons d'organiser une visioconférence avec Dominique Voynet.

Beaucoup de nos collègues sont occupés par les missions communes d'information : celle que préside Bernard Jomier sur l'évaluation des effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement, mais également les missions sur la politique en faveur de l'égalité des chances et de l'émancipation de la jeunesse, dont la rapporteure est Monique Lubin, sur les conditions de la vie étudiante en France et sur la lutte contre la précarisation et la paupérisation d'une partie des Français, présidée par Annie Le Houérou et dont la rapporteure est Frédérique Puissat. Je citerai également le groupe de travail commun avec la commission des lois sur les mineurs non accompagnés ; nous avons désigné Laurent Burgoa et Xavier Iacovelli rapporteurs pour la commission des affaires sociales.

M. René-Paul Savary. - Un mot sur la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) : nous travaillons sur les réserves des différentes caisses de retraite, sur la fraude sociale, avec Jean-Marie Vanlerenberghe, sur les conséquences de la non-réactualisation des plafonds de la sécurité sociale (PSS), qui servent dans le calcul d'un certain nombre de prestations, avec Alain Milon et Élisabeth Doineau, sur le handicap, avec Philippe Mouiller.

Affections de longue durée - Audition de M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous entendons ce matin en visioconférence M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), sur les affections de longue durée (ALD).

Je salue les commissaires qui assistent à cette réunion à distance.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Cette audition est issue d'une demande de nos collègues Élisabeth Doineau et Véronique Guillotin, qui souhaitaient que notre commission travaille sur la question de l'endométriose, pathologie longtemps méconnue et négligée, aujourd'hui mieux connue, même si les professionnels de santé doivent y être davantage sensibilisés. Les associations qui travaillent à une meilleure prise en charge de cette maladie demandent notamment qu'elle soit reconnue comme affection de longue durée. Nous verrons avec vous ce que cela signifie concrètement, alors que certaines voix s'élèvent pour demander la même chose pour le covid « long ».

Nous avons souhaité partir de cet exemple pour faire un point sur les affections de longue durée, leurs critères, ce qu'elles recouvrent, ce qu'elles signifient en termes de prise en charge et la part qu'elles prennent dans notre système d'assurance maladie. Les ALD ont aussi un impact significatif sur le reste à charge des assurés sociaux. Des besoins d'évolution ont-ils été identifiés sur ce sujet ?

Plus largement, et alors que notre actualité est très nourrie par les développements d'une maladie infectieuse, le covid-19, cette audition nous donne l'occasion d'évoquer la prise en charge des pathologies chroniques. En quoi le financement pourrait-il évoluer, en ville, avec une tarification au parcours, comme cela commence à être envisagé à l'hôpital pour le diabète ? Comment l'assurance maladie pourrait-elle identifier les bénéfices de l'activité physique et envisager de la financer par les éventuels gains ainsi identifiés ? Je pose cette question dans la continuité de la table ronde que nous avons organisée avec la commission de la culture sur le sport-santé.

Voilà nos principales interrogations, qui portent donc sur un pan très significatif des prises en charge de l'assurance maladie. Je ne doute pas que les questions seront nombreuses et que leurs auteurs s'autoriseront quelques incursions dans d'autres domaines, même si j'invite les commissaires à rester autant que possible dans le cadre de notre sujet du jour.

M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie. - Il s'agit de sujets d'ampleur, qui suscitent beaucoup de questions.

Quelques rappels brefs sur le dispositif des ALD : une pathologie peut être reconnue en ALD si elle nécessite un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Depuis la loi du 13 août 2004, cette reconnaissance est formalisée par l'inscription sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), qui joue un rôle central pour veiller à l'actualisation de la liste et formuler des recommandations sur le périmètre des actes et des prestations nécessaires à la prise en charge de ces ALD.

Sur les quinze dernières années, les évolutions de cette liste ont été relativement modestes. L'une des évolutions les plus importantes date de 2011 : sur la base d'avis de la Haute Autorité de santé la jugeant davantage comme un facteur de risques que comme une pathologie avérée justifiant des traitements longs et coûteux, l'hypertension artérielle sévère a été retirée de la liste.

Le système fonctionne selon trois niveaux : vous pouvez être pris en charge à 100 % si votre pathologie est inscrite sur la fameuse liste dite « ALD 30 », mais également si l'affection dont vous souffrez est « hors liste » ou « ALD 31 », c'est-à-dire est une forme grave, évolutive ou invalidante, d'une maladie qui ne figure pas sur la liste des ALD 30, et nécessite un traitement prolongé d'une durée prévisible supérieure à six mois et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Quant à la liste des ALD 32, elle regroupe plusieurs affections qui peuvent entraîner un état pathologique invalidant nécessitant des soins continus d'une durée prévisible supérieure à six mois. C'est donc une logique par types de pathologies qui prévaut, avec les ALD 30, complétée par un filet de rattrapage, ALD 31 et 32, permettant d'aller au-delà de la liste normée.

Ce mécanisme est avant tout médico-administratif : le suivi des ALD n'épuise pas celui des pathologies chroniques dans leur ensemble. C'est la raison laquelle l'assurance maladie dresse depuis plusieurs années, dans son rapport annuel « Charges et produits », une cartographie des pathologies chroniques qui nous renseigne pour chacune sur la consommation de soins, les effectifs, le coût des traitements. Nous savons par exemple qu'en 2019 il y avait 4,1 millions de malades cardiovasculaires et 2,2 millions de maladies psychiatriques traitées, y compris hors ALD. C'est pour nous un point d'appui extrêmement utile pour apprécier la réalité de l'évolution de ces pathologies.

Ce dispositif des ALD est central dans la prise en charge des patients. Si l'assurance maladie garantit aujourd'hui un niveau très élevé de couverture de santé, globalement stable voire en légère amélioration - le reste à charge diminue progressivement année après année -, ces chiffres dissimulent un effet de structure lié à la part croissante des patients en ALD pris en charge à 100 % dans le périmètre de soins. Les facteurs déterminants de la croissance des dépenses sont l'évolution des effectifs et celle du coût moyen du traitement par patient, ce qui justifie des actions de gestion du risque, de prévention, d'accompagnement des patients, d'une part, et, d'autre part, de réorganisation des soins, par l'innovation notamment.

Le dispositif des ALD est également un dispositif de solidarité et de limitation du reste à charge pour les personnes bénéficiaires. Pour ce qui concerne les patients de plus de 65 ans, par exemple, la dépense moyenne est trois fois supérieure pour les assurés qui sont en ALD par rapport à ceux qui ne le sont pas ; le reste à charge est pourtant identique. Le bouclier fonctionne donc extrêmement bien. La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) vient de publier, en octobre 2020, une étude qui montre combien le dispositif des ALD permet de faire face à l'augmentation significative des dépenses individuelles liées à une pathologie chronique. Il reste des dépenses de santé qui ne sont pas couvertes par les ALD ; ce bouclier a donc ses limites - nous pensons bien sûr aux soins dentaires, aux dépenses d'optique et aux aides auditives. Le « 100 % santé », dont le déploiement est achevé depuis le début de l'année 2021, constitue le corollaire du dispositif de solidarité que représentent les ALD. Il va permettre d'améliorer le taux de couverture de ces soins.

Le dispositif a aussi évolué, ces dernières années, du point de vue de sa gestion, dans le sens de la simplification et de la lisibilité pour les professionnels comme pour les assurés. Jusqu'en 2016, un contrôle a priori était systématiquement effectué par le service médical, quelle que soit la pathologie. Pour un certain nombre de pathologies, nous sommes passés à une logique de déclaration simplifiée : si vous avez un cancer, une hépatite C, un diabète, les critères sont évidents et l'instruction du dossier inutile. On a donc scindé en deux la liste des ALD, entre celles qui nécessitent toujours un contrôle a priori et celles qui peuvent donner lieu à un régime déclaratif. Ce mouvement de simplification s'est accompagné d'une dématérialisation du protocole de soins. Ce nouveau modèle est en place depuis 2016, la logique retenue étant analogue à celle qu'a mise en oeuvre le Gouvernement dans le domaine du handicap.

Quelques éléments sur l'endométriose et le covid long.

Un certain nombre de patientes atteintes d'endométriose voient d'ores et déjà leur pathologie reconnue au titre de la liste ALD 31, ce qui permet une prise en charge dans ce cadre. En 2018, 4 592 femmes bénéficiaient d'une ALD 31 pour endométriose, pour un montant remboursé moyen par personne de 7 591 euros. En 2020, sur 3 227 demandes d'ALD hors liste pour endométriose, 1 874 avis favorables ont été émis, soit un peu moins de 60 %. Autrement dit, le filet de sécurité de l'ALD 31 fonctionne d'ores et déjà sans reconnaissance de l'endométriose dans la liste des ALD 30.

Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, avait lancé en 2019 les premiers éléments d'un plan d'action sur la prise en charge de l'endométriose ; le ministre Olivier Véran vient d'annoncer la préparation d'une stratégie nationale contre l'endométriose, à laquelle nous serons évidemment associés.

Il est utile de distinguer deux sujets : celui du parcours de soins des femmes atteintes d'endométriose, qui nous semble prioritaire, et celui de la prise en charge à 100 %. Nous constatons une forme d'errance médicale pour les patientes concernées, dont la prise en charge est parfois chaotique. Il faut donc structurer des parcours de soins adaptés, comme nous le faisons pour le diabète ou pour l'insuffisance respiratoire chronique. Pour ce qui est de la prise en charge à 100 %, il y va avant tout d'une appréciation médicale et scientifique qui relève de la Haute Autorité de santé. Il n'y a en tout cas pas de corrélation évidente entre la qualité du parcours et la prise en charge à 100 %. Je précise également que la HAS a inscrit dans son programme de travail l'élaboration d'un guide de parcours pour les personnes atteintes d'endométriose afin de limiter les risques d'errance thérapeutique.

Pour ce qui est du covid long, sa caractérisation scientifique est encore incertaine. Il est indispensable de disposer de davantage de recul pour observer des cohortes de patients suffisamment fournies. Ce covid long peut recouvrir beaucoup de symptômes et de pathologies. Certaines pathologies liées au covid-19 remplissent les critères d'admission dans la liste des ALD ; certaines pathologies chroniques préexistantes peuvent être aggravées par le covid-19. Dans ces deux cas, le mécanisme classique est automatiquement actionné. Il faut mentionner également le cas de pathologies qui, sans être directement imputables au covid-19, pourraient être liées à sa prise en charge et basculer en ALD.

Il faut, nous semble-t-il, prolonger les travaux déjà réalisés pour essayer de mieux comprendre les troubles liés au covid long et de mieux identifier les soins rendus nécessaires par ces troubles. L'assurance maladie sera loin d'être la seule à agir et à décider en la matière ; les décisions seront prises sur la base d'un texte réglementaire après analyse et avis de la Haute Autorité de santé.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous prie d'excuser l'absence d'Élisabeth Doineau, qui avait sollicité cette audition, mais est retenue dans son département pour un motif impérieux.

Vous avez déjà répondu en grande partie aux questions qu'elle souhaitait vous poser. Vous avez précisé que la CNAM était associée aux travaux d'élaboration de la nouvelle stratégie nationale contre l'endométriose annoncée par le ministre Véran le 12 mars dernier ; vous avez évoqué également le parcours de soins, la question de la détection précoce de la pathologie chez les jeunes filles et celle de la prise en charge en ALD 31 - je note néanmoins que les chiffres sont bas au regard des données dont nous disposons sur le nombre de femmes concernées.

Mme Michelle Meunier. - Je n'ai pas bien compris ce que vous avez dit sur le reste à charge ; je voudrais donc vous entendre de nouveau. La part croissante du reste à charge est problématique pour certains malades en ALD. France Assos Santé note que le reste à charge est parfois insupportable pour un budget familial mensuel. Est-il encore possible de le limiter ?

Par ailleurs, n'y aurait-il pas des efforts à faire, en matière de prévention et d'information, afin de faciliter la reprise du travail pour les personnes atteintes d'une ALD ? Même avec des adaptations, le retour en milieu professionnel n'est évident ni pour le malade ni pour ses collègues.

Mme Véronique Guillotin. - Seule une petite partie des patientes atteintes d'endométriose voient leur pathologie reconnue comme ALD 31 ; des critères précis sont-ils déjà posés ?

Une question très pratico-pratique : en tant que médecin coordonnateur d'Ehpad, j'ai été confrontée au problème majeur des soins dentaires qui, malgré leur importance pour la santé et la qualité de vie, n'entrent pas dans la typologie des ALD ; les remboursements de transport, notamment, semblent impossibles. Y a-t-il là un trou dans la raquette que l'on pourrait réparer ?

Mme Laurence Cohen. - Ma collègue Michelle Meunier vous ayant interrogé sur le reste à charge, je poserai deux questions.

J'ai été confrontée, en tant qu'orthophoniste, à la difficulté de « cadrer » les soins couverts par la prise en charge liée à l'ALD, et alertée sur ce sujet par plusieurs médecins généralistes, dont certains ont même été sanctionnés par la sécurité sociale. Il arrive en effet que les patients bénéficiant d'une prise en charge pour l'ALD dont ils sont atteints souffrent de maux dont il est bien difficile de savoir s'ils sont indépendants de leur affection de longue durée. Or, lorsque les médecins élargissent trop le champ de l'ALD, ils sont rappelés à l'ordre par la sécurité sociale ; j'ai moi-même été confrontée à ce problème avec des enfants en ALD souffrant de troubles du langage.

Pour ce qui est du covid long, j'aimerais que vous nous en disiez un petit peu plus. Aujourd'hui, les personnes qui souffrent d'un covid long sont-elles prises en charge en ALD, ou avez-vous besoin d'un peu plus de temps pour délimiter le cadre d'une éventuelle prise en charge ?

M. René-Paul Savary. - Quelle est la part des ALD dans la masse globale des dépenses d'assurance maladie ?

Où en êtes-vous sur le dossier médical partagé (DMP) ? Le carnet de vaccination électronique est-il officiellement déployé ?

Pour ce qui concerne le covid long, des thérapies nouvelles telles que la cryothérapie pourraient-elles être prises en charge par l'assurance maladie ?

M. Thomas Fatome. - Je reviens, madame Meunier, sur le reste à charge : les dépenses de santé d'une personne en ALD âgée de plus de 65 ans sont trois fois supérieures à celles d'une personne de la même tranche d'âge qui n'est pas en ALD - c'est normal. Le remboursement au titre de l'ALD permet que le reste à charge de ce patient soit en moyenne identique à celui du patient qui n'est pas en ALD. Le système fonctionne donc très bien : il neutralise le surplus de dépenses, qui est considérable - je signale au passage que pour les moins de 65 ans, ce rapport est de 1 à 7, avec un résultat comparable.

Un certain nombre de soins exposent néanmoins à un reste à charge. D'où le lien avec le « 100 % santé » : la conjonction de l'assurance maladie obligatoire et de l'assurance maladie complémentaire, assortie - c'est le coeur du 100 % santé - de tarifs régulés négociés avec les professionnels de santé, devrait permettre de limiter le reste à charge subi, y compris en ALD - je pense aux prothèses auditives. Nous sommes encore en phase de montée en charge : la dernière étape date du 1er janvier 2021. Mais le dispositif français de couverture des frais de santé, ALD et 100 % santé, auquel il faut ajouter la complémentaire santé solidaire destinée aux personnes précaires, compte parmi les plus performants au monde. Je vous renvoie sur ce point à une très bonne publication de la Drees datant de novembre 2020.

Vous m'avez interrogé sur l'accompagnement des personnes en ALD qui reprennent le travail ; cette question fait partie de nos priorités d'action via des programmes de prévention de la désinsertion professionnelle, c'est-à-dire de l'arrêt de travail long. Ces programmes exigent une coordination entre médecin-conseil de l'assurance maladie, médecin traitant, médecin du travail, dans le respect du secret médical ; l'accompagnement individuel permet d'éviter les risques que vous décrivez.

Sur le partage d'informations avec les collègues, il faut rester prudent, l'ALD étant couverte par le secret médical.

Madame Guillotin, une personne souffrant d'endométriose et ayant besoin dans la durée de soins importants et coûteux pourra faire une demande d'ALD 31. Ce système fonctionne très bien ; encore faut-il que les critères soient remplis. L'endométriose étant associée à des symptômes qui peuvent être très invalidants, la prise en charge à 100 % existe déjà dans certains cas sans inscription sur la liste des ALD 30. Plusieurs milliers de personnes en bénéficient chaque année.

Quant aux dépenses de transport liées à des soins dentaires pour des résidents d'Ehpad, elles ne sont prises en charge, en principe, que si les soins sont liés à l'ALD. Je suis à votre disposition pour en parler plus précisément.

Madame Cohen, vous me demandez si le dispositif des ALD est assez lisible et si la couverture est assez complète. Douze millions de personnes étant concernées, j'ai tendance à penser que l'appropriation du système par les patients et par les professionnels de santé est satisfaisante - c'est d'ailleurs ce que montrent nos indicateurs de suivi. Les critères sont accessibles sur ameli et amelipro. Nous avons fait des efforts de simplification du dispositif, et la démarche est désormais simple pour les professionnels de santé : en quelques clics, on peut générer un protocole de soins électronique et une déclaration simplifiée.

Je reviens, avec beaucoup de prudence, sur le covid long : ce que nous appelons « covid long » peut prendre de nombreux visages. On parle de fatigue importante, de perte de mémoire, de céphalées récurrentes, de douleurs musculaires, etc. Cet ensemble de manifestations symptomatiques justifie-t-il des soins importants à des coûts élevés ? Mon sentiment, à l'heure actuelle, est qu'il est trop tôt pour dire s'il nécessite une inscription en ALD - quoi qu'il en soit, c'est d'abord du côté de la Haute Autorité de santé que cette démarche doit se construire.

Monsieur Savary, les ALD représentent 60 % des dépenses de l'assurance maladie pour 12 millions de personnes, soit 18 % de la population. Cela montre la concentration des dépenses de l'assurance maladie.

Vous m'interrogez sur le dossier médical partagé (DMP). Nous en avons un peu moins de 10 millions ouverts. L'intégration au DMP du carnet de vaccination est prévue pour le second semestre 2021. Et s'agissant de la cryothérapie, celle-ci n'est pas actuellement pas prise en charge par l'assurance maladie. Pour cela, il faudrait une évaluation, une reconnaissance par la Haute Autorité de santé (HAS), une admission au remboursement, mais ce n'est pas le cas à ce stade.

M. René-Paul Savary. - Ma question portait sur l'avenir : une réflexion est-elle menée sur ce sujet ?

Mme Catherine Deroche, présidente. - La question était plus de savoir s'il y avait des réflexions sur le sujet. Nous savons déjà que la cryothérapie n'est pas prise en charge. Actuellement, la cryothérapie semblerait peut-être avoir un effet sur l'anosmie ou l'agueusie dans les covids longs. Laurence Cohen voudrait repréciser sa question, car elle doit être moyennement satisfaite de la réponse.

Mme Laurence Cohen. - J'ai sans doute dû mal formuler ma question car votre réponse ne correspond pas à mes interrogations. Je ne parlais pas la visibilité du système ou la lisibilité par les professionnels. Comme vous le disiez, c'est un dispositif qui existe depuis très longtemps, donc les professionnels anciens le connaissent, et les nouveaux s'adaptent.

Je vais donc reformuler.

Quand un patient est pris en charge en ALD pour une pathologie, cela entraîne des conséquences comme des dégradations de la santé, y compris des effets secondaires de certains traitements. Cela induit des visites chez le médecin pour d'autres pathologies, qui ne rentrent pas obligatoirement dans celle qui est encadrée par l'ALD, mais en sont pourtant totalement dépendantes. Quand le médecin traitant élargit en considérant que c'est un trouble direct ou indirect dû à la pathologie initiale codifiée en ALD, à ce moment-là, il se fait rappeler à l'ordre, car ce n'est pas dans le cadre de l'ALD.

Je voulais savoir si vous aviez évolué de ce point de vue-là, ou si vous restiez plutôt stricts. Certains médecins m'ont en effet alertée après avoir été sanctionnés.

M. Thomas Fatome. - Nous sommes attentifs, car responsables et comptables, y compris devant la Cour des comptes, de la bonne gestion de ce dispositif. Des critères bien définis permettent d'identifier l'ensemble des actes et des prestations pris en charge à 100 % liés à la pathologie. Ensuite il appartient au médecin traitant, et éventuellement, s'il y a discussion, en lien avec le médecin conseil, de déterminer si oui ou non on est dans des soins en rapport avec l'ALD. Je pense que vous connaissez le fameux ordonnancier bi-zone qui existe depuis Philippe Seguin en 1986. Nous voyons, dans nos bases de données, plutôt le phénomène inverse. Il est assez probable que nous remboursions à 100 % une part de traitements, notamment médicamenteux, voire d'actes, dont les liens avec la pathologie en ALD sont assez incertains. Il peut tout à fait y avoir des cas où le phénomène que vous décrivez existe, mais au niveau global de l'ensemble des assurés, on observe plutôt des prises en charge en ALD faiblement liées à la pathologie, parce qu'il peut arriver que le médecin ne prescrive pas exactement dans la bonne partie de l'ordonnancier bi-zone.

Ensuite, un dialogue doit avoir lieu entre le médecin traitant et le médecin conseil, s'il y a discussion sur l'existence ou non d'un rapport avec la pathologie. Nous essayons d'appliquer les règles avec discernement. J'ai décrit l'approche du service médical depuis plusieurs années : il cherche plutôt à simplifier la vie des médecins et ne pas demander trop de paperasse inutile aux gens, mais aussi, c'est vrai, à être vigilant sur le périmètre de prise en charge à 100 %.

Sur la cryothérapie, nous n'avons pas été saisis jusqu'à présent de demande de prise en charge. Si c'est le cas, le jour où nous serons saisis, nous instruirons le dossier en lien avec les autorités qui évaluent l'apport de ces dispositions. Chaque année nous admettons le remboursement des actes dès lors qu'ils remplissent un service médical approprié et jugé efficace par les autorités sanitaires.

Mme Corinne Imbert. - Chaque année la Cour des comptes remet un rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. En 2016, elle a fait quelques remarques sur ces ALD. Au-delà du fait qu'elle affirmait que les dépenses liées aux ALD apparaissaient comme un enjeu prioritaire - ce qu'il faut remettre dans le contexte d'alors bien différent du contexte pandémique actuel - elle constatait aussi des disparités territoriales majeures dans les coûts individuels des traitements de certaines ALD. La Cour des comptes, à l'époque, avait fait quatre recommandations, dont l'une avait été intégrée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Je voulais savoir si la CNAM avait pris en compte ces recommandations de la Cour des comptes et, même si vous êtes en responsabilité depuis assez peu de temps, ce que vous en pensiez.

Sur l'une des recommandations, il a été instauré une rémunération forfaitaire pour le parcours de soins, pour la prise en charge hospitalière de patients dans deux pathologies chroniques : le diabète et l'insuffisance rénale. Cette extension de la rémunération forfaitaire aux soins de ville devait suivre. Où en sont les réflexions à ce sujet ?

Autre question : les ALD concernent, pour à peu près la moitié des assurés, des personnes qui ont plus de 65 ans. Compte tenu de la démographie de notre pays, quelles sont les projections de l'Assurance maladie sur l'évolution de ces dépenses ? Avez-vous des prévisions sur ce sujet ?

J'aimerais aussi que vous me rassuriez. Vous avez évoqué le 100 % santé pour la prise en charge de soins qui aujourd'hui ne le sont pas dans le cadre d'une ALD. Vous avez souligné la bonne prise en charge dans notre pays pour les patients. Est-ce qu'à un moment donné, compte tenu de ce que 95 % des patients ont une assurance complémentaire, il pourrait être imaginé de réviser la liste des ALD et de la réduire en raison de l'existence du 100 % santé ? Je ne fais pas de scénario catastrophe : j'ai juste besoin d'être rassurée sur ce point. Puisqu'on parle de 100 % santé je ne voudrais pas qu'on revienne en arrière.

Enfin, la commission des affaires sociales a consacré fin janvier des tables rondes au sport-santé et aux dispositifs d'activité physique adaptés et introduits par le législateur en 2016. Que pensez-vous d'élargir le dispositif du sport par ordonnance jusqu'à le réserver aux patients en ALD aux personnes atteintes d'une maladie chronique et présentant des facteurs de risque ? Je vous remercie.

Mme Victoire Jasmin. - J'ai deux questions. La première concerne la mise en place, par la HAS, d'un guide pour éviter l'errance thérapeutique. Serait-il possible que figure dans ce guide, afin d'uniformiser les pratiques, un volet d'information pour les employeurs ? Je crois que ce serait intéressant. On voit de grandes disparités dans le monde du travail par rapport à la situation des femmes. Je crois que, pour une meilleure connaissance de ces pathologies, comme l'endométriose, il serait utile que les employeurs soient mieux informés, conduisant de fait à une meilleure compréhension de cette situation.

Concernant les covids longs, pour la plupart des personnes victimes, on constate que les comorbidités amplifient les complications. Pour les personnes qui ont ces pathologies, certaines sont déjà en ALD. Comment pourraient se faire les liens ? Comment envisagez-vous de prendre en compte, dans ces cas-là, les situations, selon que l'affection est distincte, ou dans la continuité des autres pathologies clairement identifiées ?

Mme Pascale Gruny. - J'ai deux questions. La première porte sur le covid long. Mes collègues en ont déjà parlé. Je voudrais savoir si la réponse - pour savoir s'il y a une prise en charge ALD - sera en temps long ? Les réponses sont attendues par les patients. Les vaccins sont sortis plus rapidement que d'habitude : pourra-t-on apporter une réponse rapide ?

Ma seconde question est relative à des situations auxquelles j'ai été confrontée en tant que DRH. Les mi-temps thérapeutiques, pour les personnes atteintes d'un cancer, prennent fin sans prendre en compte l'avis du médecin traitant et du patient. La personne revient à temps complet dans l'entreprise et produit des arrêts de travail réguliers en raison de sa fatigue. Ne faudrait-il pas que cette personne continue à bénéficier d'un mi-temps thérapeutique? Il y a aussi une partie psychologique importante pour ces personnes, que l'on place dans une situation compliquée par rapport à leur employeur. Si celui-ci n'est pas bienveillant, cela se termine par un licenciement. Peut-on donc avoir un peu plus de bienveillance au niveau de la Sécurité sociale par rapport à ces personnes, pour lesquelles le travail est aussi un médicament ?

Mme Jocelyne Guidez. - J'ai deux petites questions. Selon le panorama de la santé 2019 de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la prévalence des maladies chroniques et des troubles de la santé mentale augmente, notamment chez les jeunes. J'aimerais savoir comment vous comptez anticiper cette hausse potentielle des dépenses liées à la prise en charge des soins en rapport avec des ALD.

Ensuite, vingt-sept chefs d'État ont signé une tribune parue dans Le Monde lundi 29 mars pour élaborer un traité international sur les pandémies. La CNAM a-t-elle été associée à ce projet ?

Mme Chantal Deseyne. - Monsieur le directeur, je voulais revenir sur un sujet que vous n'avez pas évoqué et qui a été introduit par ma collègue Corinne Imbert. Il concerne l'intérêt de la pratique physique et sportive dans le cadre des ALD. Travaillez-vous sur cette thématique ? Avez-vous déjà des éléments à nous communiquer ? Avez-vous mis en place des outils pour mesurer l'impact sur les dépenses de santé d'une pratique sportive ? Je reprends la question que posait Corinne Imbert : quelle pourrait être la prise en charge au niveau de l'assurance maladie ?

Mme Annick Jacquemet. - Monsieur le directeur, j'ai une question à vous poser, qui n'est pas, à première vue, en relation avec les ALD.

Avant d'être sénatrice, j'étais première vice-présidente du département du Doubs en charge des solidarités. Nous avons travaillé, pendant trois ou quatre ans, à la mise en place de réhabilitations et de recyclages de matériel d'aide pour les personnes dépendantes ou les personnes handicapées. Nous avons travaillé avec des ressourceries et des structures d'insertion. La filière, après beaucoup de difficultés, est opérationnelle. On commence à pouvoir remettre en circuit tout ce matériel rénové. On se heurte toutefois à sa non-prise en charge par la caisse d'assurance maladie, par rapport à du matériel neuf. La réglementation pourrait-elle évoluer par rapport à ce matériel ?

Mme Catherine Deroche, présidente. - Une question « hors ALD » : je me suis entretenue récemment avec le directeur régional de la caisse d'assurance maladie des Pays de la Loire, avec qui nous travaillons très bien. Il a évoqué une expérimentation dans la région consistant à retracer la chaîne de contamination auprès des patients testés positifs. Je croyais que c'était fait depuis des mois. Pourrez-vous nous donner quelques informations par rapport aux covids détectés positifs et aux conseils donnés en termes d'isolement ?

M. Thomas Fatome. - Pour commencer, Madame la sénatrice Imbert, je voudrais vous rassurer sur le fait que le 100 % santé est une vraie marche en avant et pas un début de marche arrière. C'est un vrai plus, qui s'ajoute au dispositif des ALD, et qui répond à une limite de notre couverture collective des frais de santé sur certains soins (dentaire, optique, audio, prothèse). Il n'est nullement dans les intentions de l'assurance maladie et, je pense pouvoir le dire, du Gouvernement d'utiliser ce dispositif pour conduire à un désengagement de l'assurance maladie obligatoire.

Vous m'avez interrogé sur les conséquences tirées du rapport de la Cour des comptes de 2016. Je précise que nous avons engagé, sur cette base, un pilotage plus adapté de la gestion des ALD, en essayant de différencier entre des ALD à déclaration simplifiée, qui bénéficient d'un accord de principe du contrôle du service médical après rédaction de protocole de soin par le médecin, et des ALD à déclaration argumentée, qui reposent sur le maintien d'un contrôle a priori du service médical. Par ce dispositif, qui se déploie depuis 2016, nous avons mieux ciblé notre intervention et mieux régulé l'entrée en ALD, en étant sur une logique simplifiée pour ce qui est « évident » en termes de pathologie, et avec une démarche a priori pour des services du contrôle médical. Nous pensons que ce dispositif, même si nous avons peu de recul depuis son déploiement, est pleinement en place. Je précise par ailleurs que le dispositif à déclaration simplifiée repose sur un mécanisme de contrôle a posteriori pour s'assurer de la présence des critères médicaux d'admission et d'adéquation des prestations accordées en exonération du ticket modérateur. Près de huit ALD font l'objet d'un contrôle six mois après la date de réception du protocole de soin simplifié, qui permet de vérifier que les critères sont réunis. Les résultats de ces contrôles à six mois montrent qu'il n'y a pas de dérive dans le dispositif et que dans 90 % des cas, les critères initialement réunis sont bien présents.

Vous m'avez interrogé sur le forfait médecin traitant. Il participe d'une logique de diversification de la rémunération des médecins, notamment des médecins traitants, et de reconnaissance de leur investissement dans la prise en charge des patients en ALD. De ce point de vue, il me semble que la rémunération est adaptée à ce qui est demandé au médecin traitant, à savoir faire les démarches administratives pour l'ALD et prendre en charge ce patient chronique. Je ne crois pas à des risques de dérives, conduisant à ce que les médecins fassent plus d'entrées en ALD ou moins de sortie. Nous n'observons pas cela. Ce forfait me semble pleinement justifié.

Vous m'avez aussi interrogé sur les projections. Nous les faisons chaque année dans le cadre du rapport « Charges et produits », qui pose un diagnostic sur la photographie des pathologies chroniques et sur les projections. Les dernières portaient sur la période 2018-2023 et montraient la poursuite de la croissance des pathologies chroniques dans notre pays, notamment sous l'effet des maladies cardiovasculaires, du diabète et des maladies psychiatriques, qui constituent les groupes de pathologie les plus importants dans les projections. Ce sont ces ALD qui contribuent à une grande part de la dynamique de dépenses d'assurance maladie actuelle et à venir.

Vous m'avez interrogé sur les sujets de sport-santé. L'assurance maladie considère en effet que l'activité physique est un élément qui participe de l'état de santé des individus et de son amélioration. Nous nous inscrivons pleinement dans la stratégie nationale sport-santé présentée par le ministre des solidarités et de la santé et la ministre des sports pour la période 2019-2024, et notamment pour mettre en oeuvre ce que nous déployons depuis 2019, avec les expérimentations dans le cadre de l'article 51. Celui-ci nous permet de mettre en place différents dispositifs de prise en charge, de rémunération et d'organisation dérogatoires au droit commun. Treize projets intégrant l'activité physique adaptée sont aujourd'hui déployés, et seize autres sont en cours d'instruction. Nous construisons, avec différents partenaires - associatifs, professionnels de santé, offreurs de soins, organismes complémentaires - des programmes d'intégration des activités physiques adaptées et de leur prise en charge par l'assurance maladie dans le cadre d'accompagnement d'assurés. Les programmes liés à l'obésité sont assez nombreux, et nous menons aussi des programmes liés au diabète. Ces dispositifs sont en cours. Ils font l'objet de programmes d'évaluation au fur et à mesure de leur déploiement. Nous pourrons partager leurs résultats. Il nous semble, pour l'assurance maladie, très important d'inscrire cette logique d'activité physique adaptée dans des protocoles de prise en charge et des modèles de soutenabilité convaincants et efficaces.

Une autre question m'a été posée sur l'information des employeurs sur l'endométriose. Je crois que c'était Mme Jasmin. Nous considérons que les entreprises sont aussi des lieux de prévention et d'accompagnement sur les thèmes liés à la santé au travail. Nous menons des travaux avec les entreprises sur les sujets de prévention des arrêts de travail, des campagnes sur la lombalgie notamment, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé avec les employeurs, et diffusé avec eux beaucoup d'informations. Pourquoi, en effet, ne pas le faire sur d'autres pathologies, comme l'endométriose, dès lors que cela répond à un besoin et que nous trouvons les moyens de diffuser cette information de façon efficace ?

Madame la sénatrice Guidez, vous m'avez interrogé sur le traité mondial sur la pandémie. Si je peux me permettre, avec beaucoup d'intérêt, de modestie, pour cette démarche très prometteuse, l'assurance maladie pourra en être un acteur si son intervention est justifiée. S'agissant des problématiques de santé mentale, je me permets de souligner à nouveau à quel point les travaux du rapport annuel « Charges et produits » sont une source de données très intéressante et importante sur ces sujets-là. Aujourd'hui, nous pouvons enregistrer dans nos bases plus de 2 millions de personnes derrière la pathologie chronique « Maladie psychiatrique », plus de 4,9 millions qui ont des traitements psychotropes, et une dépense autour de la santé mentale qui dépasse 30 milliards d'euros. Ce sont des enjeux majeurs qui vont aller en grandissant. Ils nous ont amenés à développer depuis 2018 une expérimentation permettant la prise en charge de soins de psychologues par l'intermédiaire des médecins traitants généralistes dans quatre départements. Elle a des résultats qualitatifs très intéressants en termes de retours des professionnels de santé. Nous avons engagé cette année à son sujet une évaluation plus scientifique pour envisager sa généralisation. Nous travaillons également beaucoup avec les universités, les associations étudiantes, le monde de la santé et de la jeunesse, pour accompagner, notamment dans cette période difficile, tous les acteurs qui agissent auprès des jeunes. Nous avons fait la promotion, vis-à-vis des professionnels de santé, du chèque psy mis en place par la ministre Frédérique Vidal, nous soutenons les plateformes d'écoute téléphonique qui existent auprès des étudiants et des jeunes pour prévenir les risques en termes de santé mentale, voire de suicide. Nous sommes un acteur sur ces sujets-là, même si nous mesurons bien l'ampleur du défi lié au Covid et à ses conséquences.

Vous m'avez interrogé, Madame la sénatrice Jacquemet, sur la prise en charge de certaines aides techniques. Je serai à votre disposition pour un échange bilatéral pour mieux mesurer le sujet. Nous travaillons avec le ministère de la santé, avec les équipes de Sophie Cluzel, sur la simplification et l'amélioration du dispositif de prise en charge des aides techniques, sur la base d'un rapport remis l'année dernière au Gouvernement par Philippe Denormandie. Il y a sans doute des voies de simplification et de meilleure coordination entre ce qui est pris en charge dans le cadre de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de ce qui relève de la nomenclature des dispositifs médicaux remboursés par l'assurance maladie.

J'ai oublié de répondre à la question sur le mi-temps thérapeutique. Cela rejoint totalement ce que j'évoquais sur la prévention de la désinsertion professionnelle. Cela fait partie des outils qui doivent être mobilisés par le médecin traitant, en lien avec le médecin conseil. Nous essayons d'être dans une posture d'accompagnement du développement de cette pratique qui permet un retour au travail, parfois anticipé, et qui permet d'éviter des risques de « décrochage ».

Je termine sur la question que vous me posiez, Madame la présidente, sur l'expérimentation du tracing. Deux mots pour préciser les choses. Il est bien évident que l'Assurance maladie et les ARS n'ont pas attendu cette expérimentation pour mettre en place le tracing des clusters. Lorsque nous interrogeons une personne, nous mesurons si, depuis qu'il a été contagieux, il a participé éventuellement à un événement : une fête familiale, un repas professionnel sans masque, bref une situation dans laquelle il peut y avoir un risque de cluster. Depuis de longs mois, nous menons cette enquête sanitaire et le tracing. En Côte-d'Or et en Loire-Atlantique, nous allons plus loin et nous remontons dans le temps. Nous regardons non pas ce qui s'est passé depuis que la personne est contagieuse, mais nous essayons de regarder en amont et identifier là où la personne a été contaminée. Admettons qu'elle est contagieuse depuis le mardi, on regarde déjà ce qu'elle a fait depuis le mardi et s'il y a eu des clusters. Avec cette expérimentation, on regarde la semaine précédente, si elle a été à un endroit où elle estime pouvoir avoir été contaminée. C'est ce qu'on appelle le « retro-tracing », qui est un tracing en amont. On pourra partager les résultats, mais c'est un dispositif qui complète le tracing que nous faisons depuis un peu moins d'un an.

M. Alain Milon. - Merci beaucoup Monsieur Fatome pour l'ensemble des propositions que vous venez de nous faire, qui ne peuvent que nous faire plaisir. Quand je regarde le côté financier des choses, on s'aperçoit qu'on fait actuellement une campagne de vaccination prise en charge intégralement par l'assurance maladie. Il est bien dommage que les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) ne participent pas à cette campagne. En 2020, le déficit de la Sécurité sociale était considérable, en 2021 il sera encore plus important. Comment envisagez-vous l'avenir financier de la CNAM ?

M. Thomas Fatome. - Je me permets de rebondir sur la première partie de la question. Vous l'avez indiqué : la crise a amené l'assurance maladie à prendre en charge à 100 % certains actes, comme la vaccination, les tests ou les téléconsultations. Cela a entraîné une moindre dépense pour les organismes complémentaires. Les choses ont été votées dans le cadre des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale : le Gouvernement a mis en place un dispositif de contribution des organismes complémentaires permettant de couvrir cet élément-là. Ce dispositif sera « débouclé » en 2021 pour mesurer les moindres dépenses à l'oeuvre du côté de ces organismes.

S'agissant de la question plus structurelle, si j'ai pu donner l'impression que le sujet financier était absent de nos préoccupations, ce n'est pas le cas. Ce déficit est extrêmement important. Tout le travail que nous menons, et que nous allons essayer de relancer dès lors que les circonstances sanitaires nous le permettront, ce travail de gestion du risque de l'assurance maladie, de prévention, d'accompagnement, de contractualisation, d'ajustement des tarifs, de bonne organisation des soins, de juste coût des soins à la bonne personne au bon moment avec les bonnes ressources, nous semble d'autant plus important à mener que nous sortirons de cette crise avec un fardeau très significatif. Les choses sont claires de ce point de vue là, de notre côté.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci Monsieur le directeur, pour avoir répondu à toutes ces questions. Nous en aurions eu encore beaucoup à vous poser, mais nous avons essayé de nous centrer sur l'ALD.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de loi pour la prévention en santé au travail - Audition de M. Philippe Garabiol, secrétaire général du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT)

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entamons maintenant nos travaux sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale pour la prévention en santé au travail, avec l'audition de M. Philippe Garabiol, secrétaire général du conseil d'orientation des conditions de travail (COCT).

Nous n'avons pas encore de calendrier pour l'inscription à l'ordre du jour de ce texte mais le Gouvernement a fait part de son souhait de le voir aboutir rapidement.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Le COCT est placé auprès du ministre chargé du travail. Il est chargé d'orienter la politique publique de santé au travail et d'examiner les textes de toute nature concourant directement à la mise en oeuvre de cette politique. Il comporte plusieurs formations.

Le COCT est doté d'un conseil d'orientation qui comprend les partenaires sociaux, les représentants des administrations et des organismes de prévention ainsi que des personnalités qualifiées.

Nous souhaiterions ce matin échanger avec vous, Monsieur le secrétaire général, sur le texte qui sera prochainement soumis à l'examen de notre commission.

Ce texte, déposé le 23 décembre 2020 par les députées Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean et plusieurs de leurs collègues, transpose l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu le 10 décembre 2020 par les partenaires sociaux en vue de réformer la santé au travail. Il a été adopté par l'Assemblée nationale le 17 février 2021.

La proposition de loi renforce la prévention au sein des entreprises et cherche à rapprocher santé publique et santé au travail.

Elle renforce les missions des services de santé au travail (SST), qui devront notamment mettre en place une cellule dédiée à la prévention de la désinsertion professionnelle. Elle acte la création du passeport prévention. Elle réorganise aussi la gouvernance de la santé au travail.

Comme pour toutes les transpositions d'ANI, la marge de manoeuvre du Parlement est étroite car la démocratie sociale s'est exprimée avant la démocratie politique. Il s'agit donc de faire valoir l'intérêt général tout en respectant les équilibres définis par les partenaires sociaux.

Je vais vous laisser la parole, Monsieur Garabiol, pour exposer la façon dont ce texte répond aux enjeux de ce sujet complexe sur lequel notre commission s'est penchée à l'occasion d'un rapport d'information de nos collègues Pascale Gruny et Stéphane Artano, qui sont également rapporteurs de la proposition de loi.

M. Philippe Garabiol, secrétaire général du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT). - Les partenaires sociaux se sont emparés du sujet depuis longtemps. Le fondement même de l'appréhension des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) remonte à plus d'un siècle et constitue la base de notre législation du travail.

Les partenaires sociaux se sont aussi, plus récemment, emparés du sujet de la prévention grâce aux plans santé au travail (PST). Le dernier plan consistait à passer d'une logique de réparation à une logique de prévention primaire. Des progrès ont été accomplis. Dans cette logique d'amélioration continue, à la suite de plusieurs rapports parlementaires, ils ont à nouveau travaillé sur les enjeux et la rénovation de la santé au travail.

A ce titre, le groupe permanent d'orientation (GPO) du COCT a été sollicité pour travailler sur une réforme possible. Après avoir travaillé pendant plus d'un an, nous n'avons pas abouti complétement mais le diagnostic, très simple, était posé : une pénurie de médecins du travail ; une offre de services des services de santé au travail interentreprises (SSTI) aléatoire et inégale sur le territoire ; une exclusion ou une prise en charge insatisfaisante de certains publics professionnels, notamment au regard de la prévention de la désinsertion professionnelle.

Ces éléments ont conduit les partenaires sociaux à réfléchir ensemble et, finalement, grâce aux travaux accomplis au sein du GPO, à conclure l'ANI du 9 décembre, qui cherche à répondre à un ensemble de problématiques afin d'améliorer le service rendu, d'offrir une égalité de traitement aux entreprises, quelles que soient leur taille et leur localisation, mais aussi de tendre vers un plus grand universalisme de la santé au travail en cherchant à inclure les indépendants. Compte tenu de la pénurie objective de médecins du travail, la volonté des partenaires sociaux a été de les soutenir grâce à des médecins praticiens conseils et des infirmiers en santé au travail en pratique avancée. Les orientations de l'ANI ont donc été mûrement réfléchies et font l'objet d'un quasi consensus entre les partenaires sociaux. Elles suivent de plus un chemin de démocratie sociale exemplaire : c'est la première fois qu'une proposition de loi reprend l'intégralité des grandes orientations d'un ANI.

Mme Pascale Gruny. - Ma première question est très générale : la délégation aux entreprises du Sénat a récemment reçu certains partenaires sociaux qui estiment que la proposition de loi ne va pas suffisamment loin en matière de prévention, alors qu'il s'agissait d'un des principaux objectifs de l'ANI. Quelles sont vos observations et vos attentes sur ce point ?

L'ANI est le fruit d'une longue négociation, les partenaires sociaux ayant échoué, en 2019, à se mettre d'accord au sein du COCT. Quelles sont vos observations sur le processus qui a abouti à cet accord ?

S'agissant du renforcement de la qualité de l'offre de services des services de prévention et de santé au travail (SPST), quel est l'impact attendu de leur procédure de certification ? Comment garantir que cette certification sera suffisamment exigeante ? Le comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) devrait-il jouer un rôle dans l'élaboration du cahier des charges ? Concernant l'agrément des SPSTI, dont le principe est porté au niveau de la loi, faut-il envisager des sanctions administratives graduées en cas de manquement ? Que pensez-vous de la proposition de soumettre tout agrément pour avis au comité régional de prévention et de la santé au travail (CRPST) ?

Les nouvelles modalités de financement des SPSTI prévues par la proposition de loi vous semblent-elles de nature à améliorer le service rendu ?

La mise en place de cellules de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des SPSTI a été préconisée par plusieurs rapports et appelée de leurs voeux par les partenaires sociaux. La proposition de loi vous semble-t-elle suffisamment ambitieuse sur ce point et répond-elle aux attentes des partenaires sociaux ? Pourquoi ce dispositif ne s'appliquerait-il pas aux SPST autonomes ?

Peut-on s'attendre à ce qu'une adhésion facultative des travailleurs indépendants à un SPST produise des effets substantiels ? Faut-il aller vers une affiliation obligatoire ?

M. Philippe Garabiol. - Je vais tenter de répondre brièvement et complètement.

Concernant l'insuffisance de prévention, la proposition de loi n'est pas une fin en soi : elle sera complétée par des textes réglementaires, mais aussi par le nouveau PST (PST 4) qui inscrira les schémas d'orientation de la loi dans une traduction plus matérielle. Enfin, il y aura la réalité de terrain avec des entreprises, des préventeurs, les Direccte et les CRPST qui seront responsables de la mise en oeuvre de la prévention primaire. Celle-ci relève de la responsabilité du chef d'entreprise, mais pas uniquement : elle est d'abord un enjeu collectif. La proposition de loi ne va peut-être pas jusqu'au bout, mais ce n'est pas son rôle. Sauf si les partenaires sociaux donnent des exemples précis, j'estime donc qu'elle remplit son rôle sur ce point. Il y a une dynamique en marche pour renforcer la prévention sur le terrain et tous les acteurs y sont favorables, ce qui est exceptionnel.

L'échec du GPO a été relatif : l'ensemble des partenaires sociaux ont trouvé un grand nombre de points d'accord et nous étions tout près de conclure. L'échec reposait sur trois points : le mode de financement des SST, la question de l'apport de la médecine ambulatoire en appui de la médecine du travail et la place de la qualité de vie au travail (QVT) dans l'économie de la prévention. Sur ces points, il a fallu du temps pour rencontrer un point de consensus.

L'ANI a bénéficié de circonstances malheureusement favorables avec la crise pandémique. Il a aussi bénéficié de l'accord rencontré par les partenaires sociaux sur le télétravail. Les obstacles qui existaient en juillet 2019 ont ainsi disparu et ont permis un accord dont tout le monde se félicite.

La certification visera le mode d'exercice des SST, leur organisation mais aussi la qualité apportée par leur offre de service aux entreprises. Elle vise donc un meilleur encadrement des SST. Sur ce point, il y a un accord général, y compris des SST : l'association Présanse a déjà travaillé sur un processus de certification. Il y a un souhait de tous les acteurs de rationaliser l'offre car le constat d'une inégalité territoriale et d'une inégalité de traitement des entreprises et des salariés est partagé. L'objectif est de résorber ces inégalités.

Faut-il des sanctions ? La sanction la plus redoutable est l'absence d'agrément. Si un SST ne répond pas aux exigences de la certification, cela posera effectivement la question de son agrément. La seule sanction graduée qui serait opérationnelle serait la réduction de la durée de l'agrément, mais je ne suis pas sûr que cela soit d'une efficacité absolue. La menace de non-renouvellement de l'agrément, accompagnée d'injonctions mais aussi d'appui, devrait permettre de redresser la situation. L'objectif est de permettre au SST de trouver les solutions pour remédier à ses déficiences, éventuellement avec la coopération d'un autre SST voire une fusion.

Le CNPST souhaite participer, et participera, à l'élaboration du cahier des charges relatif à la certification en lien avec la direction générale du travail (DGT).

Il semblerait effectivement opportun que le CRPST puisse donner son avis au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) sur l'agrément. Ce serait dans la logique d'une gouvernance territoriale de la santé au travail. Cet avis ne lierait pas le Direccte. Il serait aussi souhaitable que le CRPST ait connaissance d'un ensemble d'indicateurs liés aux SPST.

S'agissant des modalités de financement, je crois qu'à partir du moment où l'on distingue clairement l'offre socle et l'offre facultative, on aboutit à une vérité des prix. Il pourra y avoir quelques différences sur l'offre socle, qui ne devraient pas être exorbitantes. Pour les services complémentaires, en revanche, il pourra y avoir des différences substantielles : nous serons sur un marché. Par suite, les entreprises pourront comparer les prix et les services et avoir des exigences. Les SST sont, sur ce point aussi, en accord avec ces distinctions. Le mode de financement retenu me semble donc favorable à l'amélioration de la qualité.

La prévention de la désinsertion professionnelle est également au coeur de cette notion de qualité. Il s'agit d'ailleurs du point d'accord le plus important au sein du GPO, à partir d'un constat partagé de relatif échec. Comme le soulignait un de ses membres, à chaque fois que quelqu'un doit partir pour un motif d'inaptitude, c'est un échec pour l'entreprise.

Or il existe des moyens d'améliorer les choses, comme la visite de mi-carrière, les vistes de pré-reprise, etc.

Les résultats en matière de lutte contre la désinsertion professionnelle seront donc un indicateur majeur de réussite de la politique de santé au travail. La proposition de loi répond aux attentes des partenaires sociaux de ce point de vue.

S'agissant des services de santé autonomes, la logique de l'ANI est de considérer qu'ils sont englobés dans les prestations de santé au travail. Les services de santé, qu'ils soient autonomes ou interentreprises, doivent répondre aux mêmes exigences. Les services de santé autonomes, qui sont un peu moins de 200, répondent de manière satisfaisante aux besoins de l'entreprise et des salariés. Mais l'objectif est bien que la politique de lutte contre la désinsertion professionnelle n'oublie personne, quelle que soit la taille de l'employeur.

Pour ce qui concerne les indépendants, nous devons tendre vers un universalisme. Au sein du GPO, les partenaires sociaux se sont montrés unanimes pour inclure les indépendants dans le dispositif de santé au travail car les carrières ne sont désormais plus linéaires d'un point de vue statutaire. Or la prévention doit naturellement concerner l'ensemble de la carrière. Des expérimentations ont déjà eu lieu en Occitanie, notamment à Montpellier, et ont donné des résultats positifs. Il serait donc souhaitable que la proposition de loi ouvre cette possibilité.

Je relève que l'U2P est d'accord sur le principe d'une extension sur une base volontaire. Un tel mécanisme non obligatoire comporterait néanmoins le risque que les autoentrepreneurs non affiliés présentent des lacunes en matière de santé au travail. Nous devrions alors conduire un travail de conviction sur le terrain auprès des plus fragiles.

M. Stéphane Artano, rapporteur. - Je relève que, pour l'examen de cette proposition de loi, le Parlement se trouve dans un cadre contraint puisque nous sommes invités à transposer dans la loi les dispositions de l'ANI. Donc, même si je me félicite du succès relatif de la démocratie sociale, je constate que le périmètre de ce texte n'est ni celui du rapport de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq ni celui que Pacale Gruny et moi-même avions suggéré.

J'aurai quatre questions.

Tout d'abord, je rejoins Pascale Gruny sur le volet « prévention primaire ». Cette proposition de loi contient une généralisation à toutes les entreprises de la définition d'un programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail, en complément du DURP. Est-ce que cela vous semble aller dans le bon sens et y a-t-il accord sur ce point entre les organisations représentatives, patronales et syndicales ?

Au sujet de l'article 2 et de l'intégration de l'organisation du travail dans le champ de l'évaluation des risques professionnels par l'employeur, toujours dans le cadre du DURP, je constate que ce point fait toujours débat aujourd'hui. Considérez-vous, comme certaines organisations, que cela va au-delà du cadre de l'ANI ? De manière plus générale, comment renforcer la lutte contre la prévention des risques psycho-sociaux au travail ?

S'agissant du décloisonnement de la médecine du travail et de son rapprochement avec la médecine de ville, quelle lecture faites-vous de la création du médecin praticien correspondant par la proposition de loi ? Qu'est-ce qui justifie le non-cumul des fonctions de médecin praticien correspondant et de médecin traitant ?

Enfin, quel bilan faites-vous de la mobilisation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS) et de Santé publique France (SpF) pour l'évaluation des liens entre les expositions professionnelles et certaines pathologies, notamment par la création ou l'actualisation de tableaux des maladies professionnelles. En particulier, les travaux de la commission dédiée du COCT s'appuient-ils sur cette expertise pour l'examen des maladies professionnelles ?

M. Philippe Garabiol. - S'agissant du caractère universel du programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail, il n'y a ni accord ni désaccord des partenaires sociaux, puisqu'ils n'en ont pas débattu. Toutefois, le dialogue social a fait émerger quelques lignes fortes : l'égalité de traitement, l'universalisme et, en termes de méthode, l'accompagnement des TPE et des PME afin d'aider ces entreprises à remplir leurs obligations. Des organismes travaillent sur ce sujet, par exemple l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), ou l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). La question est donc moins celle des objectifs que celle de la méthode. Nous ne devons pas passer brutalement d'une dynamique de concertation, créatrice de consensus, à une logique de méfiance et de répression. En tout cas, je soutiens l'inclusion d'un objectif d'universalisme de la santé au travail dans la proposition de loi.

Au sujet de l'organisation du travail, celle-ci est mentionnée à deux reprises dans l'ANI, dont une fois de manière très explicite. Elle n'est donc pas hors champ et, de fait, elle peut être un facteur de risques professionnels, notamment pour les « maux du siècle » que sont les troubles musculo-squelettiques ou les risques psycho-sociaux. La proposition ne répond sans doute pas complètement à cette problématique, mais le pourrait-elle ? La réponse se trouve, me semble-t-il, dans l'analyse des risques et dans la capacité des services de prévention et de santé au travail à faire face à ces nouveaux enjeux.

Le décloisonnement de la médecine du travail me semble salutaire, d'autant que nous manquons de médecins du travail. Ceux-ci ne sont, de mémoire, que 4 300, soit 3 600 emplois en équivalent temps plein (ETP). Il faut donc un nouveau vivier. Peut-être même que certains médecins de ville seront tentés par une réorientation vers la médecine du travail.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Attention de ne pas accentuer la désertification médicale de certains territoires !

M. Philippe Garabiol. - En tout cas, Monsieur Artano, les membres du GPO ne veulent pas que les médecins praticiens correspondants puissent être les médecins traitants des travailleurs qu'ils suivent car ils se trouveraient, dans l'entreprise, dans la même situation qu'un médecin du travail. Il ne faut pas créer de situations de potentiels conflits d'intérêts.

Enfin, sur le rôle de l'ANSéS, la commission spécialisée du COCT s'appuie bien sur ses travaux. L'élaboration du tableau des maladies professionnelles est du ressort du ministre, mais il s'appuie sur l'avis du COCT qui repose lui-même sur une analyse scientifique produite par l'ANSéS. Chacun est donc dans son rôle et le processus est, me semble-t-il, satisfaisant.

Mme Frédérique Puissat. - Partant du constat que les obligations résultant de la sédimentation de dispositions législatives successives rendaient le droit trop complexe, les réformes menées ces dernières années ont cherché à laisser davantage les partenaires sociaux définir leur propre agenda social. En parallèle, la réforme des institutions représentatives du personnel a conduit à la création de comités sociaux et économiques d'entreprises dont l'ordre du jour est particulièrement chargé.

Dans ce contexte, est-il pertinent de confier de nouvelles responsabilités aux CSE et de définir de nouveaux thèmes de négociation obligatoire ? Cela fait-il écho à une stipulation de l'ANI ?

Je note qu'une tendance similaire est à l'oeure dans le projet de loi dit « Climat et résilience ».

M. Philippe Mouiller. - Vous vous êtes réjoui que cette proposition de loi transpose les stipulations d'un accord national interprofessionnel. Je pense toutefois qu'il aurait été utile que ce texte ne se borne pas à reprendre l'accord des partenaires sociaux mais cherche à aller plus loin, quitte à ce que le Gouvernement en prenne l'initiative. Il faudrait par exemple traiter le sujet de la pénurie de médecins du travail, qui me semble être la principale difficulté et qui ne saurait être réglée par un recours accru à la médecine de ville. Le débat doit être celui de l'attractivité de la médecine du travail.

Pouvez-vous nous éclairer sur ce que prévoit la proposition de loi en ce qui concerne l'articulation entre le dossier médical partagé et le dossier médical en santé au travail ?

En cherchant à renforcer le pilotage de la santé au travail, ce texte ne risque-t-il pas de créer des lourdeurs administratives ? Je m'interroge sur l'impact réel des dispositions de cette proposition de loi, même si elle part d'une bonne intention.

M. Olivier Henno. - En matière de santé au travail, l'accent mis sur la prévention sonne comme une évidemment une bonne chose, d'autant plus au vu des évolutions du monde du travail. Il me semble surtout qu'il faut débureaucratiser la santé au travail.

La médecine du travail en tant que spécialité médicale est-elle toujours pertinente, au vu de la complexification des problématiques de santé au travail ?

Mme Jocelyne Guidez. - Quelle est la place des aidants familiaux dans cette proposition de loi ?

M. Philippe Garabiol. - Dans le cadre de l'ANI, les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour que les entreprises s'emparent davantage de la question de la santé au travail. Il me semble que le CSE ou, lorsqu'elle existe, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est le lieu idoine pour cela. Une meilleure prise en compte de la santé au travail de tous les travailleurs répond à des enjeux éthiques mais également de performance économique.

Il ne m'appartient pas de me prononcer sur l'opportunité d'une proposition de loi par rapport à un projet de loi.

La question de la lourdeur administrative est une vraie question. Il me semble indiscutable qu'une gouvernance globale renforcée doit être mise en place. Cela passe nécessairement par la mise en place d'indicateurs et d'un reporting. Les tâches administratives n'ont pas vocation à être uniquement effectuées par les médecins du travail, fort heureusement. Au demeurant, la demande d'un meilleur encadrement, qui doit permettre de renforcer la qualité du service rendu, émane des services de santé au travail eux-mêmes.

S'agissant de la médecine du travail en tant que spécialité, je me permettrai une analogie avec la géographie, dont on a longtemps nié la qualité de discipline à part entière. La pénurie de médecins du travail est en effet un enjeu majeur. Je rappelle que la moyenne d'âge des médecins du travail est de 56 ans et que leur nombre baisse de 4 % par an. Il faut renforcer l'attractivité de cette spécialité aux yeux des étudiants en médecine. Bernard Salengro, qui est désormais président de l'INRS, a formulé des propositions à ce sujet. Il ne me semble pas que la rémunération soit un facteur si déterminant qu'on le dit parfois. En revanche, le fait que les médecins du travail ne puissent pas prescrire et n'aient pas un rôle curatif peut sans doute nuire à l'image de la spécialité aux yeux des étudiants. Il faudrait peut-être expérimenter la possibilité de prescrire dans certains cas, sans transformer le médecin du travail en médecin traitant.

La proposition de loi n'aborde pas la question des aidants familiaux. D'une manière plus globale, il faut améliorer la prise en compte des parcours professionnels à éclipse, mais cela ne relève pas uniquement de la loi.

Mme Michelle Meunier. - Ne faudrait-il pas créer une « socio-vigilance » en matière de santé au travail sur le modèle de la pharmacovigilance ?

Mme Laurence Cohen. - Je reste interrogative sur les déserts médicaux. J'y vois un paradoxe : d'un côté, vous confirmez, dès votre propos liminaire, le manque criant de médecins du travail - et nous sommes nombreux à le dénoncer au sein de la commission des affaires sociales ; de l'autre, nous avons l'impression que l'on passe, pardonnez-moi l'expression, la patate chaude aux médecins généralistes dont on manque partout, et pas seulement dans les zones rurales. En quoi cela arrangera-t-il les choses ? On ne disposera toujours pas suffisamment de médecins du travail et on confiera des missions supplémentaires à des médecins généralistes qui sont déjà en nombre insuffisant.

Je ne vois pas d'unanimité parmi les partenaires sociaux sur cet accord. La confédération générale du travail (CGT) et la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ne l'ont pas signé. Dans ses communiqués, la fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath) exprime sa colère contre cette proposition de loi, en déplorant que, sous couvert de protection des salariés, on sécurise les employeurs.

Mme Annick Jacquemet. - On voit la difficulté à mettre en place une médecine préventive du travail confrontée à un manque de médecins. Pour autant, les entreprises acquittent tous les ans des cotisations obligatoires non négligeables au titre des services de santé au travail. De quel recours disposent-elles si le service n'est pas fait ? Où va cet argent ? Les cotisations viennent alimenter des structures associatives qui n'ont pas les moyens matériels ou humains d'assurer leur service.

Ma collègue évoquait l'intégration des indépendants parmi les travailleurs suivis par les services de santé au travail : cela alourdirait la charge de travail des médecins du travail et autres professionnels de santé.

M. Philippe Garabiol. - La sociovigilance est un champ qu'il faut investiguer, car la science de la prévention en est encore à ses balbutiements. Le COCT appuie certaines recherches, et l'ANSéS et l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) s'y intéressent aussi. Il est temps désormais d'élever cette question aux échelles française et européenne. Une chaire internationale de la santé au travail devrait être prochainement créée à Bordeaux et présidée par le professeur Loïc Lerouge. Une de ces missions pourrait être d'élaborer un schéma de création de cette sociovigilance. Les membres du groupe permanent d'orientation (GPO) vont s'investir sur cette question passionnante encore en friche.

Après quelques hésitations, la CFTC a bien signé l'ANI. En revanche, la CGT ne l'a pas signé en estimant que l'accord ne répondait pas au niveau d'exigence qui était celui de la fédération. La CGT a toujours prôné la création d'une branche sur le modèle de la mutualité sociale agricole (MSA), choix qui n'a pas été retenu. Pour autant, je ne pense pas que la CGT ne participera pas aux travaux qui permettront de mettre en route ce texte, tout simplement parce qu'il y a la volonté de rendre plus opérationnelle la santé au travail. Au sein des groupes permanents régionaux d'orientation (GPRO), futurs comités régionaux de prévention et de santé au travail (CRPST), les représentants syndicaux, notamment la CGT, jouent un rôle important. Il faut donc bien distinguer l'ANI, la proposition de loi, le plan santé-travail et, enfin, la gouvernance sur le terrain.

La Fnath est effectivement très clairement opposée au projet. Je ne pense pas que la proposition de loi sécurise davantage les employeurs qu'aujourd'hui. Je ne vois pas en quoi la proposition de loi modifierait le curseur dans un sens comme dans l'autre.

Dans l'ANI, il est en effet fait mention, pour mémoire, de la dernière jurisprudence qui tend à mieux encadrer la responsabilité de l'employeur. Ce n'est pas pour autant que les employeurs s'estiment mieux protégés. En réalité, la jurisprudence a évolué et a cherché à se stabiliser. Les affaires qui alimentent la doctrine sont excessivement limitées. On peut considérer qu'un équilibre existe et qu'il satisfait l'ensemble des acteurs. Ce n'est pas un point déterminant, à mon sens, pour mettre en oeuvre une réforme de la prévention et de la santé des travailleurs.

L'enjeu des cotisations est le même que celui qui se pose quand vous êtes membre d'une copropriété. Il est normal de se demander où va l'argent. Mais, comme dans le cadre d'une copropriété, vous êtes adhérent d'une association qui doit rendre des comptes : elle dispose d'un président, d'un trésorier, d'une assemblée générale devant laquelle a obligatoirement lieu le report des comptes. Si l'ensemble des membres affiliés n'ont pas été conviés à une assemblée générale, ses décisions peuvent être remises en cause.

J'en reviens à la question des indicateurs et de la nécessité d'encadrer les services de prévention et de santé au travail. Si des dysfonctionnements majeurs sont constatés dans l'organisation des services et leurs relations avec des adhérents qui sont aussi des clients, il y a matière à réfléchir sur la certification. On peut envisager une certification sous réserve et des exigences de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et du CRPST pour une amélioration de la situation. L'existence d'indicateurs, d'un encadrement et d'un reporting permettra, à mon sens, d'obliger à se réformer les services de santé au travail qui, pour l'instant, sont déficients. L'objectif est totalement partagé, autant par les employeurs que par les représentants des salariés, pour mettre fin à des dysfonctionnements majeurs qui ne sont pas majoritaires mais qui existent.

Mme Catherine Deroche. - Nous vous remercions pour ces explications.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 20.