Proposition de loi Accueil et information des personnes retenues
commission des lois
N°COM-2
30 avril 2025
(1ère lecture)
(n° 472 )
AMENDEMENT
présenté par
Mmes NARASSIGUIN et de LA GONTRIE, MM. DURAIN, BOURGI et CHAILLOU, Mme HARRIBEY, M. KERROUCHE, Mme LINKENHELD, M. ROIRON
et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
ARTICLE UNIQUE
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Supprimer cet article.
Objet
Cet amendement du groupe socialiste, écologiste et républicain vise à supprimer l'article unique de cette proposition de loi en raison des nombreuses approximations, erreurs et contresens sur lesquels elle repose.
1. L'auteure de cette proposition de loi affirme ainsi que « les circonstances dans lesquelles les associations exercent leur rôle actuel ne sont pas sans soulever des interrogations concernant la neutralité du soutien qu'elles apportent » et « qu'une partie de celles titulaires des marchés correspondants déploie parfois un discours difficilement incompatible avec l'idée même du renvoi de personnes en situation irrégulière ». De tels propos constituent une grave remise en cause de la liberté d'expression qui va de pair avec la liberté d'association. Par ailleurs, ces accusations ne sont à aucun moment étayé et, dans l'étude d'impact, il n'est pas fait état d'un quelconque manquement des associations dans l'exercice des missions qui leurs sont confiées au sein des centres de rétention administrative.
2. L'auteure sous-entend par ailleurs que ces associations participeraient à entraver la politique de lutte contre l'immigration illégale par un mouvement volontaire systématique de massification des recours. Il est tout à fait inadmissible de jeter la suspicion sur les actions menées par ces associations, a fortiori sans apporter aucun élément attestant d'une quelconque corrélation entre l'action des associations et le nombre de recours. La massification du contentieux administratif en droit des étrangers n'est que la traduction de la massification de la politique d’éloignement menée depuis plusieurs années qui consiste à multiplier les délivrances de décisions d'éloignement et à placer des étrangers en rétention pour des durées toujours plus longues. Si en 2023, 44% des personnes placées en centre de rétention administrative ont été libérées par le juge des libertés et de la détention, ce n'est pas du fait des associations mais en raison de l'illégalité des conditions d'interpellation ou de procédure d'éloignement. La Cour des comptes, dans son enquête de décembre 2024 réalisée à la demande du président de la commission des finances du Sénat sur « Les missions, le financement et le contrôle par l’État des associations intervenant au titre de la politique d'immigration et d'intégration » affirme que « la progression du contentieux ne paraît pas décorrélée de celle des flux », écartant ainsi l'hypothèse selon laquelle la massification du contentieux reposerait sur les actions des associations.
Jusqu'à preuve du contraire, ces associations exercent les missions qui leur sont confiées conformément au cahier des clauses techniques particulières du marché public conclu entre elles et l’État, auquel elles rendent compte régulièrement. Concrètement, chaque association rend compte au responsable du centre de rétention et à la DGEF de la réalisation de ses prestations sous forme de comptes rendus d’exécution et de compte rendu final en fin de marché. Contrairement à ce que l'auteure de la proposition de loi voudrait faire dire à la Cour des comptes, cette dernière, dans sa même enquête, affirme que « les associations remplissent effectivement leurs missions d’assistance juridique, qui ont notamment pour conséquence le dépôt de recours devant les tribunaux ». Ainsi, à aucun moment la Cour des comptes ne remet en cause ni même ne s'interroge sur l'opportunité de confier ses missions à d'autres acteurs que les associations.
Outre l'expertise dont elles font preuve, ces associations offrent deux garanties essentielles qu'aucun autre acteur ne pourrait garantir.
En premier lieu une garantie d'indépendance. Le Conseil d'Etat, dans une décision du 16 novembre 2009, a jugé que l'Etat ne peut conclure une convention qu'avec des personnes morales présentant des garanties d'indépendance et de compétences suffisantes. Cette garantie d'indépendance est une exigence légale, et sa remise en cause porterait de toute évidence une atteinte directe à l'exercice effectif des droits des personnes retenues. Il serait pour le moins baroque qu'au prétexte d'un manque d'impartialité des associations, leurs missions soient confiées à un établissement public administratif de l'Etat (article L121-1 ceseda) placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur (article R121-1 Ceseda).
En second lieu, une garantie de présence effectif. Dans le cadre du marché public, le prestataire doit prévoir une présence humaine correspondant à un nombre forfaitaire d’heures/hommes par semaine défini (et une permanence téléphonique le week-end et les jours fériés et des jours d’absence limités), ce que seules les associations peuvent assumer. Si les missions d'accueil, d’information et de soutien devaient être exercer par d'autres acteurs que ces associations, il ne fait pas de doute que cela ne pourrait se faire à moyens constants.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe socialiste, écologiste et république condamne fermement l'éviction des associations des centres de rétention administrative qui repose, non sur une étude solide et documentée des actions qu'elles exercent - et pour cause -, mais sur des biais politiques évidents. Par ailleurs, l'alternative proposée par l'auteure, de toute évidence improvisée, soulève d'importantes difficultés juridiques, pratiques et budgétaires.