Projet de loi Lutte contre la vie chère dans les outre-mer
commission des affaires économiques
N°COM-61
20 octobre 2025
(1ère lecture)
(n° 870 )
AMENDEMENT
Rejeté |
présenté par
Mme BÉLIM, MM. LUREL et OMAR OILI, Mme ARTIGALAS, MM. KANNER, BOUAD, CARDON, MÉRILLOU, MICHAU, MONTAUGÉ, PLA, REDON-SARRAZY, STANZIONE, TISSOT
et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 9
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 22 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est ainsi complété :
Le bénéfice des aides économiques accordées par l'État ou les collectivités territoriales dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, qu'elles revêtent la forme de crédits d'impôt, de défiscalisation, de réductions de cotisations sociales, de subventions directes ou d'avantages fiscaux de quelque nature que ce soit, est subordonné au respect de l'obligation de publication des comptes sociaux conformément au droit qui s'applique à l'entreprise bénéficiaire.
Sont notamment visés par cette disposition :
« 1° Les dispositifs de défiscalisation applicables aux investissements productifs en Outre-mer ;
« 2° Les aides aux entreprises relevant de la loi de finances relative à l'économie des Outre-mer ;
« 3° Les exonérations de cotisations patronales ou de charges sociales ;
« 4° Les subventions d'investissement ou de fonctionnement ;
« 5° Toute autre aide financière publique, directe ou indirecte.
L'entreprise bénéficiaire doit justifier, au moment de la demande et chaque année du versement de l'aide, qu'elle s'acquitte de l'obligation de publication de ses comptes. Cette justification doit être apportée auprès de l'autorité publique qui octroie l'aide.
Le non-respect de cette obligation de publication ou la falsification des comptes produits est constitutif d'une violation des conditions d'octroi de l'aide et justifie le remboursement total ou partiel des aides versées, sans préjudice des sanctions prévues par le droit pénal.
« V. – Un arrêté du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des finances précise les modalités d'application du présent article, notamment les délais de production des justificatifs et les seuils de chiffre d'affaires au-dessus desquels l'obligation de publication s'impose. »
Objet
Le présent amendement vise à renforcer la transparence financière et la responsabilité des entreprises bénéficiant d'aides publiques dans les Outre-mer en subordonnant l'accès à ces aides au respect de l'obligation de publication des comptes sociaux.
Il vient renforcer l'obligation de transparence comptable des entreprises figurant à l’article 9 du projet de loi, reprenant les dispositions de l'article premier de la Ppl portée par le groupe SER et adoptée le 5 mars 2025 au Sénat.
L'amendement s'applique à l'ensemble des aides économiques, notamment :
● Défiscalisation LODEOM et autres dispositifs de défiscalisation des investissements productifs ;
● Réductions ou exonérations de cotisations sociales ;
● Crédits d'impôt spécifiques aux Outre-mer ;
● Subventions d'investissement ou de fonctionnement ;
● Avantages fiscaux indirects.
Les aides économiques accordées aux entreprises par l'État et les collectivités représentent des ressources publiques substantielles, prélevées sur les finances publiques ultramarines ou nationales. Il est légitime que la collectivité exige en contrepartie une transparence financière minimale de la part de ses bénéficiaires.
À La Réunion comme dans d'autres Outre-mer, certaines entreprises bénéficiaires d'aides économiques refusent ou contournent l'obligation de publication de leurs comptes sociaux, ce qui empêche l'évaluation du besoin d'aide. Sans comptes certifiés, il est impossible de vérifier que l'entreprise justifie réellement une aide. Cela favorise l'opacité et les abus. La non-publication permet de cacher les bénéfices réels, les structures de groupe, les flux financiers vers des tiers, les rémunérations excessives de dirigeants. Cela crée une iniquité car les TPE-PME, respectueuses de leurs obligations comptables, voient leurs concurrents bénéficier d'avantages publics tout en échappant au contrôle. Cela fragilise les finances publiques car l'État aide des entreprises sans pouvoir vérifier si l'aide était justifiée ou si elle a atteint son objectif.
Cette disposition s'inscrit ainsi dans la continuité de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (dite « loi LME »), qui renforce les obligations de publication des comptes, de l’article 223-1 et suivants du Code de commerce, établissant les obligations de dépôt des comptes sociaux et de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à l'égalité réelle Outre-mer (dite « loi Lurel »), qui prévoyait le droit pour les préfets d'exiger communication des comptes des entreprises bénéficiant d'une aide économique (article 149). Enfin, elle s’inscrit dans le prolongement des directives comptables européennes 2013/34/UE, imposant la publication des comptes pour les entreprises dépassant certains seuils.
Cette proposition consolide et élargit un droit déjà reconnu par la loi Lurel en en faisant une condition préalable et continue d'accès aux aides.
L'amendement ne remet pas en cause les aides justifiées : toute entreprise respectant ses obligations légales de publication pourra continuer à en bénéficier. Seules les entreprises refusant la transparence élémentaire en seront exclues.
Un arrêté ministériel pourra prévoir des seuils ou des exceptions justifiées par des considérations de secret commercial ou de sécurité, dans le respect de la proportionnalité.