Projet de loi Création d'une taxe sur les services numériques

Direction de la Séance

N°21

20 mai 2019

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 497 , 496 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 1ER BIS A

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Supprimer cet article.

Objet

Le Gouvernement ne partage pas l’analyse qui a été faite par la Commission des finances du Sénat au regard de la réglementation européenne en matière d'aides d’État et, partant, sur le fait que la sécurité juridique de la taxe sur les services numériques (TSN) ne serait pas assurée.

Tout d'abord, l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) interdit les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines productions », c’est-à-dire les aides sélectives.

L’appréciation de la sélectivité d’une mesure fiscale nécessite, dans un premier temps, d’identifier la règle fiscale de droit commun, appelée « système de référence », puis, dans un deuxième temps, de déterminer si la mesure en cause y déroge au motif qu’elle introduit des différenciations entre des opérateurs qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable.

Toutefois, la qualification d’aide d’État est écartée si l’État membre concerné parvient, dans un troisième temps, à démontrer que cette différenciation résulte précisément de la nature ou de l’économie du système de référence dans lequel elle s’inscrit.

Au cas particulier, le système de référence est déterminé par les dispositions de l'article 1er du présent projet de loi qui précisent, d'une part, que seuls sont taxés les services fournis par les entreprises dont le chiffre d’affaires mondial annuel issu des services numériques excède 750 millions d’euros et, d'autre part, que, parmi ces 750 millions d’euros, au moins 25 millions d’euros doivent correspondre à un chiffre d’affaires rattaché à la France au sens des règles de territorialité prévues par la TSN.

Au regard du système de référence ainsi défini, le dispositif conduit donc à placer hors du champ de la taxe les entreprises dont le chiffre d'affaires se situe en deçà de ces seuils d'assujettissement.

Ce dispositif ne peut être qualifié d’aide d’État, dès lors qu'il ne constitue pas une dérogation au système de référence dans la mesure où les différenciations résultant de l’existence de ces seuils d’assujettissement en fonction du chiffre d’affaires s'appliquent à des entreprises qui ne se trouvent pas dans une situation factuelle et juridique comparable au regard des objectifs poursuivis par le système de référence.

L'instauration de ces seuils résulte de la nature même du système de référence et se justifie par la nécessité tant d'exclure les petites entreprises, afin que les coûts liés aux retraitements de chiffre d’affaires nécessités par la mise en œuvre de la taxe ne soient pas disproportionnés par rapport au montant de la taxe à acquitter, que de limiter l’application de la taxe aux entreprises ayant une empreinte numérique significative (palliant ainsi l’existence de barrières spécifiques à l’entrée sur le marché national ainsi que les effets de réseaux décrits dans l'étude d'impact).

Cette analyse a été retenue par le Conseil d’État, dans son avis n° 396878 relatif au présent projet de loi, qui a considéré que « les entreprises entrant dans le champ d'application de la taxe ne sont pas dans une situation objectivement comparable à celles qui en sont exclues en raison de leur taille, compte tenu du modèle économique spécifique sur lequel leur activité repose ».

Telle a d’ailleurs été également l’analyse du Tribunal de l’Union européenne dans un arrêt récent concernant une taxe progressive sur le chiffre d’affaires dans le secteur du commerce de détail en Pologne (arrêt du 16 mai 2019, affaires T-836/16 et T-624/17). Au point 92 de cet arrêt, le Tribunal juge ainsi que, « s’agissant d’un impôt sur le chiffre d’affaires, un critère de modulation prenant la forme d’une taxation progressive à partir d’un certain seuil, même élevé, qui peut correspondre au souhait de ne taxer l’activité d’une entreprise que lorsque cette activité atteint une importance certaine n’implique pas, à lui seul, l’existence d’un avantage sélectif ». Le seuil d’assujettissement prévu pour la TSN, dont la Commission des finances estime qu’il justifierait un encadrement au regard du droit des aides d’Etat, constitue précisément l’un de ces « dispositifs de modulation, pouvant aller jusqu’à des exonérations » découlant de la nature de l’impôt qui n’a pas pour effet de conduire à l’octroi d’avantages sélectifs (point 89 de cet arrêt).

Par conséquent, l'instauration de seuils de chiffre d'affaires pour l'entrée dans le champ d'application de la taxe sur les services numériques n'est pas constitutive d'une aide d’État et, à ce titre, la taxe ne nécessite pas d'être notifiée à la Commission européenne.

Dans ces conditions, la remise du rapport prévu à l’article 1er bis A est inutile et cet article doit être supprimé.