Projet de loi Bioéthique

Direction de la Séance

N°301

20 janvier 2020

(1ère lecture)

(n° 238 , 237 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 4 BIS

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Rédiger ainsi cet article :

L’article 47 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »

Objet

L’amendement proposé rappelle que c’est au regard des règles françaises applicables qu’il convient d’apprécier « la réalité » visée à l’article 47 du code civil. En matière de filiation, s’agissant de la maternité, la réalité, au sens de la loi française (article 325 du code civil), est celle de l’accouchement.

Il permet de rétablir l’équilibre antérieur dégagé par la jurisprudence de la Cour de cassation avant son revirement du18 décembre 2019 tout en optant pour une rédaction suffisamment générale et conforme aux engagements internationaux de la France.

Dans ses arrêts du 18 décembre 2019 sur la transcription des actes de l'état civil étranger établis à la suite d'une gestation pour autrui (GPA), la Cour de cassation a modifié son interprétation de l'article 47 du code civil sur l’admissibilité des actes de l'état civil étrangers. Elle juge désormais que l'appréciation de la conformité à la "réalité" d'un acte de l'état civil étranger s'apprécie au regard des critères de la loi nationale étrangère et non de ceux de la loi française.

Cette solution est source de difficultés car elle soustrait les GPA faites à l'étranger au contrôle du juge français, en particulier le contrôle de l'intérêt de l'enfant et de l’absence de trafic d’enfant puisqu'il n'est plus nécessaire de prévoir une adoption pour reconnaître le lien de filiation.

L’amendement adopté par la commission spéciale du Sénat a pour objectif de résoudre cette difficulté en créant un nouvel article 47-1 du code civil interdisant  la transcription sur les registres d’état civil français d’un acte ou jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une convention de gestation pour autrui à l’égard des deux parents en même temps, tout en autorisant la transcription partielle à l’égard d’un parent et la possibilité d’établir un lien de filiation à l’égard du parent d’intention par la voie de l’adoption si les conditions sont réunies. Sa rédaction pose néanmoins des difficultés importantes.

En premier lieu, un tel texte, qui interdit toute transcription d’un jugement de l’état civil étranger « établissant la filiation d’un enfant né à l’issue d’une convention de gestation pour le compte d’autrui en ce qu’il mentionne comme mère une femme autre que celle qui a accouché ou lorsqu'il mentionne deux pères », rendrait impossible la  transcription d’un jugement d’adoption, pourtant valablement prononcé à l’étranger, pour un enfant né de GPA alors que cette transcription est aujourd’hui acceptée en droit français. Il serait inopportun de revenir sur l’acceptation des transcriptions des jugements d’adoption qui ont impliqué un contrôle judiciaire de l’intérêt de l’enfant. 

En outre, cet amendement maintiendrait la France en difficulté compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme dans toutes les situations où l'adoption par le parent d'intention reste impossible, notamment lorsque les parents ne sont pas mariés. En effet, la CEDH a jugé que le lien de filiation doit pouvoir être établi à l'égard du parent d'intention. La Cour de cassation a jugé le 4 octobre 2019, qu’ « en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée » c’est-à-dire lorsque l’adoption n’est pas possible, le lien de filiation doit être établi par la transcription du lien de filiation à l'égard du parent d'intention.

Enfin, l’introduction de dispositions spécifiques réglementant une situation particulière (les conventions de gestation pour autrui) dans un chapitre relatif aux dispositions générales applicables à l’ensemble des actes de l’état civil et pourrait être une source d’incohérence et d’illisibilité.

Il paraît utile d’opter pour une formule moins spécifique qui pourra viser d’autres situations au-delà de la question de la transcription à l’égard du parent d’intention en matière de GPA. La rédaction proposée permet de s’opposer à des transcriptions qui seraient contraires aux règles françaises pour d’autres raisons. On peut penser par exemple aux actes de naissance incluant plus de deux parents hors les hypothèses d’adoption.