Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026

Direction de la Séance

N°I-1811 rect. bis

26 novembre 2025

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 139 , 143, 144)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

MM. LONGEOT et COURTIAL, Mme AESCHLIMANN, M. de NICOLAY, Mme JACQUEMET, MM. KHALIFÉ et DHERSIN, Mme SOLLOGOUB, M. BACCI, Mme JACQUES et MM. FARGEOT, Stéphane DEMILLY, CANÉVET et DUFFOURG


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 11

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un chapitre ainsi rédigé :

« ...

« Crédit d’impôt en faveur des investissements et dépenses de fonctionnement liés aux opérations de captage, de transport et de stockage géologique du dioxyde de carbone

« Art. 244 quater.... I. - Les entreprises industrielles imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 septdecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses d’investissement mentionnées au III du présent article, autres que les dépenses de remplacement, engagées pour la réalisation d’opérations de captage, de transport et de stockage géologique du dioxyde de carbone émis par une ou plusieurs de leurs installations industrielles, sous réserve de remplir les conditions cumulatives suivantes :

« 1° Les entreprises ne sont pas, à la date de clôture du dernier exercice précédant la délivrance de l’agrément mentionné au VI, des entreprises en difficulté au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ;

« 2° Les entreprises respectent, au titre de chacun des exercices au titre desquels le crédit d’impôt est imputé en application du V du présent article, leurs obligations fiscales et sociales et l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels selon les modalités prévues aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce ;

« 3° Les entreprises n’ont pas procédé, au cours des deux exercices précédant l’exercice de dépôt de la demande de l’agrément mentionné au VI du présent article, à un transfert vers le territoire national d’activités identiques ou similaires à celles mentionnées au II, d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

« 4° Les entreprises ne procèdent pas, au cours des quinze exercices suivant l’exercice de mise en service de la ou des installations ayant bénéficié du crédit d’impôt, à leur transfert hors du territoire national ;

« 5° Les entreprises exploitent les dépenses réalisées dans le cadre du II pendant au moins quinze ans en France à compter de leur mise en service ;

« 6° Les entreprises exploitent les dépenses éligibles dans le cadre d’une activité ayant obtenu les autorisations requises par la législation environnementale, de manière conforme à cette législation ;

« 7° Les dépenses sont engagées par des entreprises pour leurs installations soumises au système d’échange européen des quotas, localisées sur le territoire national et produisant des biens soumis au règlement (UE) 2023/956 établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

« II. - A. - Les opérations mentionnées au premier alinéa du I doivent conduire à une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre et ne doivent pas simplement entraîner le déplacement des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel concerné vers le secteur de l’énergie ou d’un site industriel à un autre.

Les dépenses engagées doivent permettre de prévenir des émissions directes de gaz à effet de serre, compte tenu de l’ensemble de la chaîne de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CSC) ou de captage et d’utilisation du dioxyde de carbone (CUC).

« B. - Les opérations doivent concerner l’un ou l’autre des deux cas suivants :

a) L’installation d’un équipement de captage du carbone en vue de son stockage géologique permanent au moyen d’une chaîne de captage et de stockage du carbone sur des sites autorisés conformément à la directive 2009/31/CE ; ou,

b) L’installation d’un équipement de captage du dioxyde de carbone, dans la mesure où le dioxyde de carbone capté dès l’utilisation de cet équipement :

i) est utilisé de façon à être lié chimiquement, de manière permanente, à un produit, de sorte qu’il ne pénètre pas dans l’atmosphère dans des conditions normales d’utilisation, y compris toute activité normale ayant lieu après la fin de vie du produit ; ou

ii) est utilisé en vue de la production de carburants de synthèse.

« C. - Sous réserve du respect des conditions prévues aux A et B du II, les opérations peuvent également porter sur des dépenses dans des infrastructures auxiliaires nécessaires au transport et aux opérations logistiques du dioxyde de carbone capté, à condition que :

« a) ces infrastructures se trouvent sur le site où sont réalisés les opération de captage de carbone et soient dimensionnées en fonction des besoins de l’investissement ; ou,

« b) ces infrastructures permettent uniquement de relier ce site à une infrastructure ouverte soumise aux règles en matière d’accès de tiers fixées par le cadre juridique applicable.

« D. - Les opérations visées au premier alinéa du I peuvent être réalisées par l’entreprise bénéficiaire elle-même ou bien être confiées, en tout ou partie, à une ou des entreprises prestataires.

« E. - Pour que les opérations soient mises en œuvre en temps utile et permettent de réaliser les réductions des émissions de gaz à effet de serre ou les économies d’énergie escomptées, les dépenses devront répondre aux conditions suivantes :

« a) Les dépenses financées au moyen du crédit d’impôt prévu par le présent article entrent en service dans un délai de soixante mois à compter de la date de délivrance de l’agrément prévu au VI du présent article ; et

« b) Les dépenses financées au moyen du crédit d’impôt prévu par le présent article doivent permettre de réduire les émissions directes de gaz à effet de serre correspondant à au moins 80 % des réductions ou des économies prévues.

« III. - A. - L’assiette du crédit d’impôt est constituée par les dépenses engagées, dans le cadre du plan de dépenses soumis à l’agrément prévu au VI, qui entrent dans la détermination du résultat imposable, correspondant aux dépenses suivantes :

« 1° Les dépenses d’investissement engagées pour l’acquisition, l’installation et la mise en service de tout équipement, directement ou indirectement, nécessaire au captage, au transport et au stockage géologique du dioxyde de carbone, ou son utilisation conformément au II du présent article ;

« 2° Les dépenses de fonctionnement nécessaires à l’exploitation des installations de captage, à l’accès aux infrastructures logistiques et à l’accès aux infrastructures de stockage géologique du dioxyde de carbone, y compris les coûts énergétiques, de maintenance et de surveillance, notamment :

« - toute opération nécessaire au captage du dioxyde de carbone réalisées directement par l’entreprise bénéficiaire ou confiées à un prestataire ;

« - toute opération nécessaire au conditionnement du dioxyde de carbone capté en vue de son transport par tout moyen terrestre ou maritime réalisées directement par l’entreprise bénéficiaire ou confiées à un prestataire ;

« - toute opération logistique terrestre ou maritime indispensable à l’acheminement du dioxyde de carbone capté vers le lieu de son injection en formation géologique souterraine, réalisée directement par l’entreprise bénéficiaire ou confiées à un prestataire ;

« - toute opération nécessaire à l’injection en formation géologique souterraine réalisée conformément à la directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil, réalisées directement par l’entreprise bénéficiaire ou confiées à un prestataire.

« 3° Toute dépense d’investissement ou de fonctionnement dont l’entreprise justifie le lien direct avec la réalisation d’opérations visées au II du présent article. Sont exclues les dépenses d’étude préalable à la décision finale d’investissement.

« B. - L’assiette du crédit d’impôt mentionné au premier alinéa du I est déduite :

« - Du coût d’achat des quotas via le système d’échange des quotas européens qui aurait été induit, en l’absence des opérations définies au II et concernant la ou les installations sur lesquelles sont réalisées les opérations décrites au même II ;

« - Des aides publiques reçues au titre des dépenses visées au point A du III ;

« - Des recettes générées par la cession des quotas perçus à titre gratuit sur la ou les installations concernées.

« IV. - Le crédit d’impôt est égal à 100 % des dépenses déterminées dans les conditions du II du présent article et dans la limite de 250 millions d’euros au titre de chaque exercice.

« Le crédit d’impôt peut être cumulé avec une autre aide d’État, dans les conditions du droit en vigueur au sein de l’Union européenne.

« V. – Le crédit d’impôt s’applique par fractions au titre des exercices ou des années au cours desquels les dépenses du plan de dépenses agréé conformément au VI sont engagées.

« Chaque fraction du crédit d’impôt est imputée sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel ces dépenses sont engagées. Pour les entreprises qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés, quelle que soit la date de clôture des exercices et quelle que soit leur durée, la fraction du crédit d’impôt est calculée par référence aux dépenses engagées au cours de la dernière année civile écoulée.

« Si le montant de la fraction du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de l’année ou de l’exercice, l’excédent est restitué. L’excédent de la fraction du crédit d’impôt constitue au profit de l’entreprise une créance sur l’État d’un montant égal.

« Cette créance est inaliénable et incessible, sauf dans les cas et selon les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier.

« VI. – A – Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné à l’obtention préalable d’un agrément délivré par le ministère chargé du budget, sur avis conforme de l’établissement public mentionné au I de l’article L. 131-3 du code de l’environnement, conformément aux dispositions de l’article 1649 nonies du présent code. Cet établissement public atteste que les activités exposées dans la demande d’agrément entrent dans le champ des opérations éligibles défini au II du présent article.

« B. - L’agrément est délivré lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

« 1° L’entreprise remplit les conditions cumulatives mentionnées au I ;

« 2° Le plan de dépenses s’inscrit dans le cadre d’une ou de plusieurs opérations mentionnées au II ;

« 3° L’agrément est délivré sur base d’un budget prévisionnel établi et présenté par l’entreprise.

« C. - Le non-respect des conditions mentionnées au présent article après la délivrance de l’agrément entraîne le retrait de celui-ci et la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés, dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies A.

« Toutefois, l’avantage fiscal n’est pas repris lorsque les investissements aidés sont transmis dans le cadre des opérations mentionnées aux articles 210 A ou 210 B si le bénéficiaire de la transmission s’engage à en maintenir l’exploitation dans le cadre d’une activité éligible pendant la fraction du délai minimal d’exploitation restant à courir.

« D. - La décision de délivrance ou de refus de l’agrément est rendue dans un délai de trois mois à compter du dépôt d’une demande d’agrément complète.

« VII.- Les modalités d’application du présent article, notamment les critères d’obtention de l’agrément, les modalités de calcul du crédit d’impôt, les obligations déclaratives des entreprises et les contrôles administratifs, sont précisées par un décret en Conseil d’État.

« VIII.- Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné au respect des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État. Les présentes dispositions seront notifiées à la Commission européenne aux fins d’appréciation de leur compatibilité avec les règles encadrant les aides d’État.

« IX. - A.  Le présent article s’applique aux crédits d’impôt calculés au titre de projets pour lesquels la demande d’agrément a été réalisée, conformément au point VI du présent article, avant le 31 décembre 2030.

« B. Sous réserve du C du VI, l’entreprise bénéficiaire de l’agrément peut solliciter l’application du crédit d’impôt prévu au premier alinéa du I durant quinze exercices à compter du premier exercice au cours duquel les dépenses visées au A du III ont été engagées.

« X. – Les dépenses respectent les législations et réglementations définies par la France, l’Union européenne et les conventions internationales ratifiées par la France. »

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Objet

Jusqu’à 7 % du PIB : tel est le coût de l’inaction climatique estimé par l’Autrichienne Sigrid Stagl dans son étude remise récemment au Parlement européen. La direction générale du Trésor avait déjà évalué, en avril 2025, un coût de l’inaction à concurrence de 15 points du PIB en 2050. Cela inclut des dépenses de santé publique, de prévention des risques, de renouvellement et modernisation des infrastructures de réseaux, de moyens dédiés à la protection civile ou encore l’adaptation du bâti. Xavier Timbeau, dans son rapport « Dommage et adaptation » de 2023, réalisé dans le cadre de la mission Pisany-Ferry (lancée en 2022), établissait à près de 20 milliards d’euros, pour la France, les effets sur la vie humaine de cette même inaction – en cohérence avec le rapport du JRC.

Investir aujourd’hui est donc le meilleur choix pour préserver notre industrie et lui permettre de contribuer à la création de richesse de notre pays. Les 50 sites les plus émetteurs de CO2 en France ne manquent pas d’investir pour décarboner leurs productions. Après avoir engagé de nombreux investissements, il s’agit de réunir les conditions de succès d’une filière émergente, prometteuse et dont la France peut devenir le leader mondial.

Le captage du dioxyde de carbone (CCUS), avant qu’il ne soit mis à l’atmosphère, constitue une solution technologique pertinente pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. Le CCUS, loin d’être une solution de facilité, permet de préserver une industrie européenne souveraine, compétitive et décarbonée.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le CCUS pourrait représenter jusqu’à 15 % des réductions cumulées d’émissions nécessaires d’ici 2050. Le GIEC l’intègre comme facteur-clef de réduction des émissions résiduelles des secteurs industriels lourds. En France, l’ADEME estime que le potentiel de réduction des émissions de CO2 via le CCUS pourrait atteindre au moins 15 MtCO₂/an dont 5 MtCO₂/an dans l’industrie. Le BRGM, ayant développé historiquement une expertise technique de premier plan, souligne que le puits de carbone géologique est complémentaire aux puits terrestres et océaniques. Enfin, le Haut conseil pour le climat convient que le CCUS est pertinent s’il est réservé aux industries lourdes ayant activé les autres leviers de décarbonation possibles.

La directive européenne de 2009 encadre strictement le stockage géologique du CO₂, garantissant la sécurité environnementale par des critères rigoureux. Le projet de SNBC 3 (2024) propose une réduction des émissions industrielles manufacturières de pus 45 % entre 2015 et 2030 – en ligne avec l’objectif de neutralité carbone en 2050.

Le CCUS est identifié comme un levier incontournable pour les secteurs « hard-to-abate » tels que la cimenterie, la chimie ou la métallurgie. La France dispose de plusieurs projets pilotes industriels – certains prêts à être concrétisés. Ce dynamisme est le fruit d’une industrie innovante, soutenue par des chercheurs, des startups, une réglementation adaptée et des industriels engagés. Tous les ingrédients sont réunis pour faire de la France un leader mondial du CCUS. Le conseil national de l’industrie, dans son rapport de juillet 2024, soulignait le rôle du soutien public à l’investissement et au déploiement du CCUS en France. Un soutien réglementaire et financier pour satisfaire aussi bien les besoins des entreprises que les exigences de la société civile – pour « un développement maîtrisé […] ne devant pas occulter les autres leviers de décarbonation ».

Cependant, le coût du CCUS reste élevé. Le présent amendement propose donc la création d’un crédit d’impôt spécifiquement dédié à la concrétisation des projets de captage du CO₂ en vue de son stockage géologique et/ou de sa valorisation en France.

Ce crédit d’impôt vise à neutraliser le surcoût différentiel entre les dépenses engagées pour le CCUS et le coût de l’inaction. Il constitue un soutien à l’amorçage indispensable au leadership français dans ce domaine. Afin d’éviter tout abus, le bénéfice du crédit d’impôt « CCUS » serait subordonné à l’obtention d’un agrément délivré par l’administration fiscale, à l’image du C3IV, garantissant :

- La maîtrise des dépenses fiscales pour les finances publiques, d’une part ; et,

- La visibilité et la sécurité pour les industriels, qui doivent transformer en profondeur leurs structures de coûts pour répondre aux objectifs de décarbonation fixés par l’Accord de Paris, d’autre part.

Le calcul du crédit d’impôt prend en compte :

- les dépenses d’investissement et de fonctionnement engagées par l’entreprise exploitant un site industriel soumis au marché carbone européen ;

- le coût de restitution des quotas carbone qui aurait été dus sans CCUS ;

- la déduction des recettes éventuelles issues de la vente de quotas et des subventions perçues au titre des dépenses éligibles.

Par suite, les dépenses d’étude et d’ingénierie préalables à la décision finale d’investissement sont exclues de l’assiette pour ne cibler que les projets matures.

Enfin, le montant de dépense fiscale induite resterait limité, compte tenu du nombre restreint de projets de CCUS attendus en France. In fine, le coût net pour l’État sera d’autant plus limité que l’investissement privé est lui-même générateur de recettes fiscales à long terme – et que la France aura perçu d’ici à 2040 une part importante des revenus du marché carbone européen.

Ce crédit d’impôt traduit une ambition claire : permettre aux industries françaises ayant démontré leurs efforts de décarbonation de franchir un cap décisif en abattant leurs émissions ultimes. Il offre une opportunité aux projets pionniers d’aboutir, en rééquilibrant l’écart entre le coût de la décarbonation par rapport au coût de l’inaction. L'adoption de cet amendement donnera l'impulsion nécessaire à l’émergence d'une chaîne de valeur à haut potentiel pour une industrie forte et durable.




NB :La rectification consiste en un changement de place de l'article additionnel après l'article 19 vers l'article additionnel après l'article 11.