En mai 1981, François Mitterrand est élu président de la
République. Les élections législatives de juin donnent à
l'assemblée nationale une majorité de gauche, en opposition avec
celle qui siège alors au Sénat. Alain Poher prêche la
modération dans l'accueil des textes proposés par le nouveau
gouvernement : " le rejet pur et simple est un aveu d'échec
; seule la proposition, même si elle n'est pas retenue en
définitive, démontre la qualité du travail parlementaire".
Mais les divergences entre les deux chambre sont telles que le
compromis devient très vite difficile.
Entre 1981 et 1986 presque trente
pour cent des textes sont adoptés par décision définitive des
députés. En 1984, le Sénat parvient, en utilisant les armes que
lui donne la Constitution, à faire reculer le gouvernement sur un
projet relatif à l'enseignement privé, la "loi
Savary", qui soulève de vives protestations dans l'opinion.
Plus généralement, le recours aux moyens de procédure, à la
temporisation, deviennent pratique courante au Sénat. Avec les
élections de mars 1986, qui donnent à nouveau la même couleur
politique aux deux chambres, les relations du Sénat avec le
gouvernement reviennent à plus de sérénité. Disposant d'une
courte majorité au Palais-Bourbon, le nouveau Premier ministre,
Jacques Chirac, s'appuie largement sur la Chambre Haute.
Dés l'ouverture de la première
session, il se rend devant les sénateurs et demandera
systématiquement l'approbation du Sénat sur les déclarations de
politique générale de son gouvernement.
En 1988, après la réélection de François Mitterrand à la
présidence de la République, le Sénat joue à nouveau un rôle
de contre pouvoir. En 1990 un sondage réalisé à la demande
d'Alain Poher par la SOFRES, montre que l'image de la Haute
Assemblée n'a pas souffert, au contraire, de cette évolution.
Une majorité de Français (62%) estime que le fait que la
majorité sénatoriale ne corresponde pas à la majorité de
l'Assemblée nationale est "une bonne chose, cela fait
contrepoids et évite que tous les pouvoirs soient entre les mains
du même camp".
L'institution sénatoriale, estime
alors Alain Poher, paraît "bien enracinée dans notre vie
publique".
En 1993, s'ouvre la seconde cohabitation : quatre-vingt-quatre
pour cent des sièges de l'Assemblée nationale sont détenus par
la coalition UDF-RPR. cette modification des rapports de force
profite au Sénat qui, selon l'expression de René Monory,
"retrouve sa voix " et " une influence et un poids
qu'il n'avait pas eus depuis un certain temps". Le
bicamérisme redevient égalitaire, l'apport du Sénat en matière
constitutionnelle et législative est reconnu. Parallèlement,
l'élection en 1992 de René Monory, sénateur de Vienne à la
présidence du Sénat est venue donner un nouvel élan à la
modernisation de la Chambre Haute.
Le Sénat sort de sa traditionnelle
discrétion pour entrer de plain-pied sur la scène médiatique.
Les travaux des commissions sont de plus en plus diffusés. Le
Sénat s'ouvre à l'international et s'engage dans une démarche
de réflexion prospective systématique. L'instauration, en août
1995, de la session parlementaire unique lui permet d'organiser
plus rationnellement ses travaux. Le Sénat d'aujourd'hui s'est
ainsi donné les moyens d'affronter les nouveaux défis qui
l'attendent. |