Réuni le mercredi 13 juillet 2022, sous la présidence de M. Daniel SALMON (Écologiste - Solidarité et territoires – Ille-et-Vilaine), président, le groupe d’amitié France – Népal s’est entretenu avec Mme Françoise POMMARET, Consul honoraire de France au Bhoutan.Réuni le mercredi 13 juillet 2022, sous la présidence de M. Daniel SALMON (Écologiste - Solidarité et territoires – Ille-et-Vilaine), président, le groupe d’amitié France – Népal s’est entretenu avec Mme Françoise POMMARET, Consul honoraire de France au Bhoutan.

Ont également participé à la réunion : Mmes Anne-Catherine LOISIER (Union centriste – Côte-d’Or) et Évelyne PERROT (Union centriste – Aube).

Mme Françoise POMMARET a fait observer qu’en 40 ans, le Bhoutan avait beaucoup changé. Le pays est enclavé entre l’Inde et la Chine, deux puissances démographiques dotées d’armées redoutables. Le Bhoutan ne cherche donc pas particulièrement à développer ses capacités militaires, d’autant plus que son relief, fait de très hautes montagnes et de gorges profondes, très différent de celui du Népal, ne serait pas propice à un conflit classique ; en revanche, une guérilla serait possible, comme ce fut le cas en 1865 lorsque les Bhoutanais tinrent tête aux Britanniques.

Mme Françoise POMMARET a indiqué que la gestion du changement climatique constituait la préoccupation majeure des autorités et de la population bhoutanaises. Ce phénomène est en effet désormais très visible dans le pays, avec des pluies violentes, l’élévation des températures, la fonte des glaciers ou encore l’apparition de moustiques à 2 500 m d’altitude (contre 1 500 m auparavant). En particulier, des lacs glaciaires provoquent fréquemment des crues subites qui font beaucoup de dégâts, y compris parfois en emportant des monuments historiques. En réponse, les autorités ont mis en place un système d’alerte par SMS et relais de sirènes tous les 15 km. Toutefois, le Bhoutan est l’un des rares pays au monde à présenter un bilan carbone négatif. De gros efforts sont réalisés pour préserver la biodiversité exceptionnelle du pays, dont 72 % du territoire est couvert par la forêt. Le Bhoutan a interdit l’alpinisme, considéré comme source de pollution majeure, depuis 1982 ; en revanche, le trekking y est pratiqué. La population est très sensibilisée aux enjeux de préservation de la biodiversité pour des raisons historiques et culturelles tenant à des croyances prébouddhiques liées à la nature.

En réponse à une question de Mme Anne-Catherine LOISIER, Mme Françoise POMMARET a indiqué que les forêts bhoutanaises étaient exploitées, mais de façon prudente et très contrôlée. Par ailleurs, la corruption est peu développée au Bhoutan, ce qui facilite la lutte contre le trafic de bois.

Répondant à Mme Évelyne PERROT, Mme Françoise POMMARET a indiqué que le chauffage à biomasse (déchets ménagers et petite méthanisation) était assez répandu dans le pays.

Elle a insisté sur la grande cohésion sociale et écologique dont faisait preuve le Bhoutan, où il n’existe pas de castes ni de discriminations fondées sur la race ou la religion. La population hindoue, d’origine népalaise, connaît certes les castes, mais les tribunaux sont régulièrement saisis de cas de discriminations, qu’ils condamnent sur le fondement de la Constitution. Par ailleurs, la situation des femmes est enviable par rapport à d’autres pays de la région ; leurs droits sociaux sont affirmés et respectés, et plusieurs aspects de la culture bhoutanaise relèvent d’un système matriarcal, par exemple l’absence de dot et le fait que les terres sont dans une grande partie du pays héritées par les femmes, ce qui conduit les hommes à vivre dans leur belle-famille. Les Bhoutanaises sont d’ailleurs impliquées dans le monde du travail, et les grosses fortunes professionnelles sont surtout féminines. En revanche, elles sont peu présentes en politique – les femmes représentent 17 % des parlementaires –, mais les affaires et la propriété foncière sont plus valorisées socialement que la politique.

Mme Françoise POMMARET a fait observer qu’Internet était très développé au Bhoutan, le pays ayant beaucoup investi dans les moyens de communications (infrastructures routières et téléphonie mobile) dès les années 1990, notamment grâce à une importante aide au développement, multilatérale et bilatérale ; aujourd’hui, tous les Bhoutanais ont un smartphone doté d’applications de messagerie, et la 4G couvre tout le pays, et même la 5G depuis deux mois à Thimphou. Le réseau social Facebook est aussi très utilisé, y compris pour la communication des autorités publiques, et les responsables politiques y sont fréquemment interpellés ou sollicités directement par les citoyens, ce qui contribue à la démocratie participative.

Sur le plan institutionnel, Mme Françoise POMMARET a indiqué que, depuis la nouvelle Constitution de 2008, le Roi s’est retiré de la conduite de la politique nationale, mais reste vénéré. La monarchie est un facteur de changement : c’est le père du Roi actuel qui avait initié les évolutions vers la démocratie. Le parlement est bicaméral ; les partis politiques, aux positions assez proches, sont dirigés par des personnalités influentes. Les dernières élections législatives, en 2018, qui s’étaient déroulées entièrement par voie électronique (sauf les votes postaux), s’étaient bien passées. Depuis l’introduction de la démocratie, les élections ont donné lieu systématiquement à une alternance politique. Le Bhoutan présente cette originalité d’être un pays à la fois traditionnel, sur le plan religieux notamment, et progressiste.

Mme Françoise POMMARET a fait observer que la situation géopolitique du Bhoutan était complexe. Dans ce contexte, le pays a fait le choix de s’allier avec l’Inde qui est, et de loin, son premier partenaire commercial et pourvoyeur d’aide bilatérale. Même si la relation qu’entretiennent les deux pays est parfois soumise à des tensions, l’Inde assurerait la sécurité du Bhoutan en cas de conflit, car le Bhoutan est un état tampon. Les relations diplomatiques avec la Chine sont inexistantes – la frontière entre les deux pays est d’ailleurs fermée –, de même qu’avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, dont la France ; obtenir un poste de consul honoraire de France au Bhoutan a été un effort de longue haleine. Le pays recherche en permanence l’équilibre dans ses relations diplomatiques, mais la pression chinoise est de plus en plus forte. Le Bhoutan entretient de très bonnes relations avec les autres pays voisins, le Bangladesh et le Népal.

En réponse à une question de Mme Évelyne PERROT, Mme Françoise POMMARET a indiqué qu’à partir des années 1960, le Bhoutan avait axé sa politique de développement sur la gratuité de la santé et de l’éducation. Le système éducatif, dont la modernisation avait été confiée en 1965 à un jésuite canadien, est mixte et entièrement gratuit (sauf l’achat de l’uniforme) jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire, mais n’est pas obligatoire – même si la quasi-totalité des enfants bhoutanais sont désormais scolarisés. La scolarité en internat est très développée pour des raisons pratiques. L’enseignement supérieur comporte deux branches : des instituts techniques professionnels et les douze facultés, sous la tutelle de la Royal University of Bhutan, réparties dans le pays. L’entrée à l’université est conditionnée à la réussite d’un concours sélectif ; l’enseignement est alors gratuit, sinon la famille paie des études privées ou à l’étranger. À la fin des études supérieures, beaucoup d’étudiants passent le concours d’accès à la fonction publique qui reste perçue comme la voie professionnelle d’excellence – les médecins, par exemple, sont aussi fonctionnaires. Le Bhoutan connaît une massification de l’enseignement supérieur qui se traduit par une élévation du niveau général d’éducation, mais aussi par un refus des jeunes générations de travailler à la campagne ou dans des métiers manuels, entraînant un chômage des jeunes croissant. Depuis quelques années, les autorités cherchent donc à revaloriser les métiers techniques et manuels. La pandémie de Covid-19 a eu des conséquences fortes et immédiates sur le secteur touristique, amenant le Roi à instaurer une allocation chômage, dont le niveau est modique ; elle a aussi conduit à un retour au travail de la terre.

Répondant à Mme Anne-Catherine LOISIER, Mme Françoise POMMARET a insisté sur l’importance des ressources hydro-électriques, dont 80 % sont vendus à l’Inde. En revanche, le pays est pauvre en minerais. Le tourisme, de haut de gamme, était une source de devises jusqu’à la pandémie. Le pays ne connaît pas la grande pauvreté. Il reçoit beaucoup d’aide internationale, investie surtout dans la construction d’infrastructures (écoles et télécommunications). Nombre de pays sont rassurés par sa stabilité et attirés par le niveau de formation de ses habitants, dont beaucoup sont désormais anglophones. La dette publique a sensiblement augmenté du fait de la crise sanitaire, passant de 90 % à 120 % du PIB, le Roi ayant fixé l’objectif d’assurer la cohésion sociale du pays pendant la pandémie. Toutefois, le Bhoutan devrait accéder, l’année prochaine, au statut de pays à revenus intermédiaires.

En réponde à des questions de M. Daniel SALMON, président, Mme Françoise POMMARET a indiqué que le taux de natalité avait beaucoup baissé au cours des dernières décennies, s’établissant désormais à 1,8 enfant par femme. Le Bhoutan n’est pas un pays de migrations. Les étrangers n’ont par ailleurs pas le droit d’y acheter des terres ; ils peuvent détenir des titres de propriété seulement s’il s’agit d’un projet d’investissement important mené en partenariat avec un Bhoutanais

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