M. Yves Daudigny, Président, et M. Pierre Ouzoulias, membre du groupe d’amitié France Croatie, ont reçu le mardi 30 janvier, au Palais du Luxembourg, les ambassadeurs de France en Croatie M. Philippe Meunier et Mme Corinne Meunier.

M. Yves Daudigny, Président, a indiqué que le groupe d’amitié sénatorial était en cours de renouvellement. Il s’est réjoui de pouvoir s’entretenir avec les ambassadeurs de France en Croatie à l’occasion de leur passage à Paris, et les a interrogés sur cette double nomination qui suscite intérêt et curiosité.

M. Philippe Meunier, ambassadeur de France, a expliqué comment fonctionnait le système à deux ambassadeurs : Mme Corinne Meunier et lui-même avaient été nommés conjointement ambassadeurs de France en Croatie ; mais, pour qu’il n’y eut qu’un seul chef de poste, ils exerçaient leurs fonctions alternativement tous les six mois. C’est à lui que revenait d’assurer ces fonctions au cours du premier semestre 2018. Cette formule, nouvelle il est vrai, apportait une illustration concrète de l’engagement de la diplomatie française en faveur de la parité. Les autorités croates avaient accepté de façon positive le principe de cette rotation, qu’ils ont perçue comme une marque de confiance. Cette innovation a suscité l’intérêt de la communauté diplomatique en poste à Zagreb.

En réponse à la question de M. Yves Daudigny, Président, M. Philippe Meunier a ensuite brossé un tableau de la situation politique en Croatie. Les soupçons de corruption pesant sur le vice-premier ministre, M. Karmarko, ont entrainé le dépôt d’une motion de censure dont l’adoption par le Sabor a entrainé la chute du gouvernement dirigé par le premier ministre T. Oreskovic. Le parlement ayant décidé de se dissoudre, de nouvelles élections ont alors été organisées. Elles ont été remportées par le HDZ, le parti au pouvoir, sur un mandat clairement européen. M. Plenkovic, le nouveau dirigeant du parti, a été élu premier ministre. Il s’agit de la personnalité politique qui connait le mieux l’Union européenne. Après une première coalition avec le MOST, son ancien allié, il s’en est détourné pour conclure une nouvelle alliance avec un parti de Centre gauche, le HNS. Le gouvernement est largement constitué de personnalités issues du HDZ, mais comporte aussi des ministres issus de la société civile, dont certains sont très marqués par leur expérience européenne. Ce gouvernement ne dispose que d’une faible majorité, obtenue entre autres grâce au soutien des députés représentant les minorités. Le MOST a essuyé des revers aux dernières élections régionales et locales, mais conserve une solide implantation dans certaines régions. Il défend des positions conservatrices sur les sujets de société mais se montre ouvert sur les questions d’environnement.

M. Philippe Meunier a ensuite abordé les perspectives européennes. Il a indiqué que la forte émigration de Croates en Allemagne avait contribué à familiariser la population avec la construction et la monnaie européennes. L’existence d’une forte émigration croate en Allemagne facilite la capacité de la population à se projeter dans l’euro et dans la réalité européenne. L’entrée dans l’Union européenne a été pour la Croatie l’occasion d’un bond en avant, et la prochaine étape serait l’entrée dans la zone euro. Si l’on assiste à une montée en puissance de l’utilisation des fonds européens, la consommation des Fonds structurels, qui représente une enveloppe de 11 milliards d’euros, reste encore insuffisante.

Les départs de jeunes croates vers l’Allemagne, l’Australie, l’Irlande et le Canada restent importants et provoquent une diminution de la population, ce qui constitue un véritable problème démographique. L’entrée dans l’Union européenne a pu paraître encourager dans un premier temps ce phénomène, mais les investissements devraient permettre une croissance économique, actuellement de 2,9 ou 3 % par an, et, en créant des emplois, de freiner ce mouvement. Globalement, le déficit budgétaire est contenu et le chômage diminue. Des réformes structurelles sont indispensables, en particulier dans le domaine de l’Education. Une réforme du droit du travail permettant une plus grande mobilité est aussi envisagée et les réformes engagées en France sont suivies avec beaucoup d’attention. Le premier ministre est décidé à les engager mais doit compter avec la frange la plus extrème  de son parti ainsi qu’avec l’Eglise catholique qui, si elle est un gage de cohésion sociale, n’est pas un facteur de progression.

En réponse à M. Yves Daudigny, Président, qui l’interrogeait sur les relations de la Croatie avec ses voisins, il a évoqué le caractère inabouti de la réconciliation avec la Serbie, et le contentieux territorial, incluant la baie de Piran, avec la Slovénie qui perdure malgré une décision arbitrale dont la Croatie ne reconnait pas la légitimité.

Evoquant la relation avec la France, M. Philippe Meunier a estimé que la diplomatie française, naguère encore marquée par un tropisme pro-serbe avait fait l’objet d’un rééquilibrage favorable à la Croatie, même si les relations bilatérales méritaient d’être plus nourries, et pas seulement en marge des sommets européens. Il a rappelé que quelques 500 000 touristes français se rendaient chaque année en Croatie.

En conclusion, Mme Corinne Meunier, ambassadrice de France, a estimé qu’il y avait en Croatie une forte attente à l’égard de la France et qu’il était nécessaire que les deux pays se connaissent mieux, car la Croatie ne se limite pas à la côte dalmate. Les traumatismes de l’histoire, qui alimentent encore des débats mémoriels, tendent à s’éloigner, et la Croatie a porté au pouvoir une nouvelle génération de dirigeants ouvertement pro-européens, ce qui n’est pas si fréquent en Europe orientale, et qui sont à la recherche de nouvelles voies pour promouvoir une société plus ouverte.

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