Mercredi 17 mai 2000
Jeudi 18 mai 2000
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
Mercredi 17 mai 2000
- Présidence de M. Jacques Larché, président.
La commission mixte paritaire a tout d'abord procédé à la nomination de son bureau, qui a été ainsi constitué :
-- M. Jacques Larché, sénateur, président ;
-- M. Bernard Roman, député, vice-président.
La commission a ensuite désigné Mme Nicole Feidt, député,etM. Luc Dejoie, sénateur, rapporteurs respectivement pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.
Elle a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a tout d'abord rappelé que la navette avait permis d'aboutir à un accord sur de nombreux points, seuls quatorze articles restant en discussion à l'issue des deux lectures dans chaque assemblée.
Elle a estimé qu'un rapprochement entre les points de vue des deux assemblées était sans doute possible sur un certain nombre de sujets, tels que les ventes aux enchères par Internet, les garanties de prix, les avances, le Conseil des ventes, les sanctions pénales applicables aux ressortissants européens qui ne respecteraient pas les dispositions de la loi, les experts agréés et le droit de reproduction.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a toutefois souligné qu'il serait sans doute plus délicat de trouver un accord sur la question de l'indemnisation des commissaires-priseurs. Elle a, en effet, précisé que, si elle était prête à se rapprocher de la position du Sénat sur la période de référence retenue pour l'évaluation de la valeur des offices, un désaccord persistait tant sur le fondement de l'indemnisation - qui selon elle résidait dans une rupture d'égalité devant les charges publiques et non dans une expropriation - que sur le calcul de l'indemnité, le système proposé par le Sénat lui paraissant constituer une prime à l'inertie économique et risquer de retarder l'indemnisation. Elle a donc souhaité que la discussion au sein de la commission mixte paritaire s'engage sur cette question.
En conclusion de cet exposé préliminaire, elle a estimé qu'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur ce texte serait le bienvenu, les professionnels étant impatients de voir aboutir cette réforme pour pouvoir s'adapter, dans les meilleurs délais, à la restructuration du marché.
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a estimé que le problème essentiel était de savoir comment serait calculée l'indemnité versée aux commissaires-priseurs, après avoir néanmoins rappelé qu'une jurisprudence constante permettait d'affirmer qu'il s'agissait bien d'une expropriation, au moins partielle. Il a expliqué que le Sénat, tout en acceptant l'éventualité d'une indemnisation forfaitaire fixée à 50 % de la valeur de l'office, avait prévu la possibilité pour un commissaire-priseur de demander à être indemnisé sur la base du préjudice réellement subi, ce qui permettait de pallier le risque d'inconstitutionnalité lié au caractère arbitraire de la fixation de l'indemnité à 50 % de la valeur de l'office.
M. Yann Gaillard a rappelé qu'il avait présenté, au nom de la commission des finances du Sénat, dont il était le rapporteur pour avis, un amendement identique à celui proposé par M. Luc Dejoie au nom de la commission des lois sur le calcul de l'indemnité. Il a estimé qu'un accord devrait pouvoir être obtenu si l'on retenait le principe d'une indemnisation forfaitaire fixée à 50 % de la valeur de l'office, sous réserve d'offrir à un commissaire-priseur la possibilité d'obtenir une indemnisation supérieure s'il apportait la preuve d'un préjudice plus important.
Constatant qu'un accord se dessinait sur le principe d'une indemnisation fixée à 50 % de la valeur de l'office, sous réserve de l'existence d'une " soupape ", M. Jacques Larché, président, s'est demandé pourquoi un commissaire-priseur ne pourrait pas s'adresser directement au juge s'il souhaitait obtenir une indemnisation supérieure à l'indemnisation forfaitaire.
Après avoir rappelé qu'un accord pouvait être trouvé sur la période de référence retenue à l'article 36 pour calculer la valeur de l'office, M. Bernard Roman, vice-président, a fait part de ses réserves à l'égard de l'interrogation de M. Jacques Larché, soulignant que le juge pourrait en tout état de cause être saisi en appel des décisions de la commission d'indemnisation. Faisant valoir la nécessité de respecter l'enveloppe budgétaire prévue, il a insisté sur le fait que le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoyait la possibilité, pour la commission d'indemnisation, de réévaluer de 15 % le montant de l'indemnité en fonction de la situation particulière de l'office et de son titulaire.
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a alors souligné que le dispositif proposé par le Sénat à l'article 37 ne serait pas nécessairement plus coûteux, relevant par ailleurs que les crédits budgétaires prévus n'avaient pas un caractère limitatif, mais provisionnel.
M. Pierre Lellouche a souhaité que la réforme puisse aboutir le plus rapidement possible, faisant observer que le projet de loi avait déjà pris cinq ou six ans de retard par rapport à la réalité du marché de l'art. Il a estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale pour l'article 37 serait très probablement déclaré inconstitutionnel s'il était soumis au Conseil constitutionnel, mais a néanmoins indiqué qu'il préférait qu'un accord soit trouvé en commission mixte paritaire, afin que le texte trouve une issue rapide. Il a cependant exprimé la crainte que l'indemnisation prévue par l'Assemblée nationale ne permette pas la survie économique de l'activité de certains commissaires-priseurs, tout en relevant que la procédure envisagée par M. Jacques Larché risquerait de retarder leur indemnisation.
M. Jacques Larché, président, a indiqué qu'il partageait ce souci d'un aboutissement rapide de la réforme. Il a en effet déploré que les oeuvres d'art françaises soient de plus en plus fréquemment vendues à l'étranger.
M. Jérôme Lambert a lui aussi espéré que la commission mixte paritaire puisse trouver un accord, afin que la réforme soit mise en oeuvre dans un délai rapide. Rappelant que l'indemnisation constituait le point central des dispositions restant en discussion, il a souligné que celle-ci devait être juste, précisant que le Gouvernement avait déterminé l'enveloppe budgétaire dans ce but. A cet égard, il a estimé qu'une plus grande souplesse dans la modulation de l'indemnité permettrait d'indemniser de manière équitable le préjudice subi dans certains cas exceptionnels, sans pour autant nécessiter une enveloppe budgétaire plus importante.
M. Jacques Larché, président, a alors suggéré que l'on prévoie la possibilité d'augmenter ou de diminuer le montant de l'indemnité sur la base du préjudice démontré par l'intéressé, sans fixer une limitation de 15 % pour cette modulation.
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a approuvé cette proposition, soulignant le caractère arbitraire d'une limitation de 15 %.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a estimé que la modulation de plus ou moins 15 % du montant de l'indemnité prévue par le texte de l'Assemblée nationale permettait d'assurer une souplesse suffisante.
M. Jérôme Lambert a estimé que la proposition formulée par MM. Jacques Larché et Luc Dejoie ne comportait pas de risque de dérapage financier, puisqu'il appartiendrait à la commission d'indemnisation - dont la composition présenterait des garanties - de moduler l'indemnité.
M. Bernard Roman, vice-président, a alors indiqué que la position exprimée par M. Jérôme Lambert n'était pas celle de la majorité de l'Assemblée nationale. Considérant qu'il n'était pas possible de légiférer en faisant abstraction des contingences budgétaires, même s'il était exact que les crédits budgétaires prévus pour l'indemnisation des commissaires-priseurs étaient des crédits provisionnels, il a constaté que le principe d'une indemnisation fixée à 50 % de la valeur de l'office, avec une " soupape ", étant accepté, il restait à trouver un accord sur le niveau maximum de cette " soupape ".
M. Jean-Jacques Hyest s'est déclaré favorable au dispositif adopté par le Sénat, soulignant que la grande majorité des commissaires-priseurs choisiraient une indemnisation forfaitaire mais que pour ceux qui ne pourraient pas l'accepter, la limitation à 15 % de la modulation de l'indemnité présentait un caractère arbitraire, sans précédent s'agissant de l'indemnisation d'officiers ministériels dont la charge était supprimée.
M. Yann Gaillard a proposé de fixer la limitation de la modulation à un niveau plus élevé, voire de la supprimer, soulignant de nouveau qu'il n'y avait pas de risque de dérapage budgétaire.
Rappelant qu'elle avait accepté de retenir les cinq dernières années comme période de référence pour le calcul de la valeur des offices - ce qui était plus favorable aux commissaires-priseurs que la période de référence adoptée par l'Assemblée nationale -, Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a proposé que la limitation de la modulation de l'indemnité soit fixée à 20 %.
M. Bernard Roman, vice-président, a souligné que cette proposition montrait, de la part de l'Assemblée nationale, une volonté d'aboutir à un accord.
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a estimé insuffisante la proposition de Mme Nicole Feidt.
M. Jacques Larché, président, a alors suggéré que l'indemnité puisse être modulée de plus ou moins 20 %, sous réserve d'une possibilité pour la commission d'indemnisation de dépasser cette limitation sur décision motivée.
A l'issue d'une suspension de séance, après les interventions de MM. Jacques Larché, président, Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat et Jean-Jacques Hyest, la commission mixte paritaire a adopté l'article 37 dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de la fixation à 20 % du montant maximum de la modulation de l'indemnité susceptible d'être décidée par la commission d'indemnisation.
A l'article 2 bis, M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a fait observer que la définition des ventes aux enchères publiques, insérée par l'Assemblée nationale à cet article, n'était pas satisfaisante, car elle permettrait à une personne qui vendrait aux enchères un bien lui appartenant, et donc n'agirait pas en tant que mandataire du propriétaire de ce bien, d'échapper à la réglementation des ventes aux enchères publiques prévue par le projet de loi.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a expliqué que l'Assemblée nationale avait souhaité distinguer, s'agissant des ventes aux enchères sur Internet, les véritables ventes aux enchères publiques effectuées en qualité de mandataire du propriétaire du bien proposé à la vente et donnant lieu à adjudication, soumises à la réglementation prévue par le projet de loi, des opérations de courtage aux enchères consistant en une simple mise en contact du vendeur et de l'acheteur, qui resteraient libres de conclure ou non la vente.
M. Jérôme Lambert a suggéré, pour éviter toute ambiguïté, de limiter la portée de la définition des ventes aux enchères publiques proposée par l'Assemblée nationale à l'article 2 bis aux seules ventes réalisées à distance par voie électronique.
M. Jacques Larché, président, a approuvé cette proposition, rappelant que l'article 2 bis avait justement pour finalité de régler le problème des ventes réalisées par voie électronique. Il a, par ailleurs, fait observer que le texte adopté par le Sénat à cet article avait le mérite de la simplicité.
M. Jean-Jacques Hyest a approuvé ce point de vue.
M. Bernard Roman, vice-président, a cependant estimé que le texte adopté par le Sénat à l'article 2 bis, en instituant une réglementation trop lourde, risquait de susciter un détournement des ventes aux enchères sur Internet vers l'étranger.
A l'issue d'une seconde suspension de séance, la commission mixte paritaire a adopté une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 2 bis précisant que le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique pour l'adjuger au mieux disant des enchérisseurs, constituait une vente aux enchères publiques soumise aux dispositions de la présente loi.
Elle a ensuite adopté les deuxième et troisième alinéas de cet article dans le texte de l'Assemblée nationale, sous réserve d'une modification rédactionnelle suggérée par M. Patrice Gélard.
Puis la commission mixte paritaire a examiné l'article 11, qui tend à permettre à une société de ventes volontaires aux enchères publiques de garantir au vendeur un prix d'adjudication minimal du bien proposé à la vente.
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a fait observer que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale, prévoyant l'obligation pour la société de souscrire une assurance garantissant le remboursement de la différence entre le montant garanti et le prix d'adjudication si le montant du prix garanti n'était pas atteint lors de la vente aux enchères, ne réglait pas clairement le cas du bien qui ne pouvait être adjugé en l'absence d'enchères.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a indiqué que, dans cette éventualité, la garantie ne jouerait pas et que le vendeur resterait alors propriétaire de son bien.
M. Jacques Larché, président, a considéré qu'il appartiendrait aux sociétés de ventes de prendre leurs responsabilités en consentant des garanties de prix dans un contexte de libre concurrence et de décider elles-mêmes de prendre ou non une assurance. Il a, en outre, relevé que le terme de " défaillance " (de la société) figurant dans le texte de l'Assemblée nationale risquait de donner lieu à des contentieux. En conséquence, il a proposé de retenir le texte adopté par le Sénat.
M. Yann Gaillard a approuvé cette proposition, soulignant que la possibilité donnée aux sociétés de ventes de consentir des garanties de prix s'inscrivait dans le cadre d'une libéralisation des ventes aux enchères, et qu'il convenait d'éviter un excès de réglementation pour permettre aux professionnels français d'affronter la concurrence de Sotheby's ou de Christie's.
Rappelant que les sociétés de vente ne seraient pas obligées de consentir des garanties de prix, M. Jérôme Lambert a estimé que l'obligation de souscrire une assurance constituait une protection pour le consommateur.
M. Bernard Roman, vice-président, a approuvé ce point de vue, soulignant la nécessité de protéger le consommateur des risques liés aux garanties de prix, notamment lorsqu'elles sont proposées par des sociétés de ventes n'ayant pas une grande surface financière. En outre, il a considéré que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale conduirait les sociétés de ventes à adjuger le bien dans les meilleures conditions.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, s'est déclarée opposée au texte adopté par le Sénat pour cet article parce qu'il permettrait à la société de ventes d'être déclarée adjudicataire du bien au prix garanti si le montant du prix garanti n'était pas atteint à l'issue des enchères, et par la suite de revendre ce bien. Elle a en effet souligné qu'un tel mécanisme serait en contradiction avec le principe général de l'interdiction faite aux sociétés de ventes de vendre des biens leur appartenant.
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a proposé que l'on précise qu'en cas de défaillance de la société, l'assurance s'engagerait à payer soit le prix garanti en l'absence d'adjudication, soit la différence entre le montant garanti et le prix d'adjudication. Il a, en effet, fait valoir que le vendeur qui demanderait à bénéficier d'un prix garanti souhaiterait que cette garantie puisse jouer que le bien soit ou non adjugé.
A l'issue de ce débat, la commission mixte paritaire a complété la première phrase du premier alinéa de l'article 11, adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, en précisant que le prix garanti serait versé en cas d'adjudication du bien. Elle a adopté les autres dispositions de cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté les articles 12 et 14dans le texte du Sénat.
Puis Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a proposé que la commission mixte paritaire retienne la rédaction de l'Assemblée nationale pour l'article 18 relatif à la composition du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a proposé qu'à titre de compromis, l'on retienne une composition paritaire pour le Conseil des ventes, à savoir cinq personnes qualifiées et cinq représentants des professionnels, en précisant que son président aurait voix prépondérante en cas de partage des voix.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, s'est opposée à cette proposition, considérant que le Conseil des ventes constituait une " instance d'Etat " et estimant que les représentants de l'Etat devaient donc y être majoritaires.
M. Bernard Roman, vice-président, s'est associé à la position exprimée par Mme Nicole Feidt, soulignant que le Conseil des ventes avait pour mission de faire appliquer la réglementation et non de représenter la profession.
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a néanmoins fait observer que le projet de loi avait pour objet de libéraliser l'organisation des ventes aux enchères. Par ailleurs, il a demandé comment seraient désignés les représentants des professionnels, l'Assemblée nationale n'ayant pas retenu le principe de l'élection proposé par le Sénat.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a déclaré qu'ils seraient nommés par le garde des sceaux après consultation des professionnels.
Afin de clarifier ce point, la commission mixte paritaire a précisé que le Conseil des ventes comprendrait onze membres nommés pour quatre ans par le garde des sceaux, ministre de la justice : six personnes qualifiées et cinq représentants des professionnels, dont un expert. Elle a, en outre, adopté les autres dispositions de cet article, votées dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Puis la commission mixte paritaire a adopté les articles 29 et 35 dans la rédaction de l'Assemblée nationale et l'article 36 dans la rédaction du Sénat.
L'article 37 ayant été adopté précédemment, elle a adopté l'article 41, rappelé pour coordination, dans la rédaction de l'Assemblée nationale, puis elle a examiné l'article 43 relatif à la commission nationale d'indemnisation.
M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur l'opportunité de confier au Conseil d'Etat la compétence pour examiner les recours à l'encontre des décisions de la commission d'indemnisation. Il a fait valoir, en effet, qu'il convenait de respecter les blocs de compétences attribués respectivement aux juridictions administratives et aux juridictions judiciaires, soulignant que désormais le Conseil d'Etat n'était plus un juge de plein contentieux, sauf dans des cas exceptionnels.
M. Bernard Roman, vice-président, a considéré qu'en l'espèce la compétence du Conseil d'Etat était justifiée par le fait que l'indemnisation trouvait son fondement, non dans une expropriation, mais dans une rupture d'égalité devant les charges publiques, évoquant notamment la jurisprudence "la Fleurette ".
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, a contesté cette argumentation, considérant que l'indemnisation était fondée sur une expropriation. Il a estimé que le contentieux des décisions de la commission d'indemnisation devrait être confié à la juridiction judiciaire.
Par ailleurs, M. Jacques Larché, président, a fait observer que le texte adopté par le Sénat pour l'article 43 prévoyait une composition paritaire de la commission d'indemnisation. Rappelant que pour l'indemnisation des avoués la loi avait précisé que les commissions d'indemnisation seraient composées pour moitié de représentants de la profession et pour moitié de fonctionnaires, il a proposé que la commission mixte paritaire admette le principe de la présidence de la commission d'indemnisation par un membre du Conseil d'Etat et la compétence de cette juridiction en cas de contentieux, mais qu'elle précise que la commission d'indemnisation serait composée pour moitié de représentants des professionnels et pour moitié de représentants de l'Etat.
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a souhaité que l'on laisse au décret le soin de préciser la composition de la commission d'indemnisation.
Faisant observer que celle-ci pourrait avoir besoin de s'assurer le concours de personnes autres que des représentants des professionnels ou des représentants de l'Etat, comme par exemple des experts-comptables, M. Bernard Roman, vice-président, a suggéré qu'elle soit composée pour un tiers de représentants des professionnels, pour un tiers de personnes qualifiées et pour un tiers de fonctionnaires.
M. Jérôme Lambert a fait observer que la commission pourrait s'assurer le concours d'experts, sans qu'ils participent en tant que membres à ses travaux.
A l'issue de ce débat, la commission mixte paritaire a adopté une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 43 précisant que la commission nationale d'indemnisation serait présidée par un membre du Conseil d'Etat et comprendrait, en outre, en nombre égal, des représentants des professionnels et des fonctionnaires désignés par le garde des sceaux, ministre de la justice.
Elle a adopté les trois derniers alinéas de cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Yann Gaillard qui, en sa qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances du Sénat, avait été à l'initiative de l'article 43 quinquies, ayant indiqué qu'il ne proposait pas le maintien de cet article destiné à préciser le régime fiscal des indemnités versées aux commissaires-priseurs, la commission mixte paritaire l'a supprimé.
Au sujet de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pour l'article 44 A, M. Yann Gaillard a estimé que la limitation aux seules ventes judiciaires de l'exonération du droit de reproduction bénéficiant aux catalogues des ventes aux enchères lui paraissait introduire une distorsion injustifiée entre les ventes judiciaires et les ventes volontaires. Il a proposé que le texte adopté par le Sénat à cet article soit complété, afin de préciser que les catalogues des ventes seraient exonérés du droit de reproduction des oeuvres qui supportaient le droit de suite à l'occasion de la vente aux enchères, indiquant qu'une telle rédaction recevrait l'accord de la société de recouvrement des droits de suite et de reproduction pour le compte des artistes (ADAGP).
M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, s'est associé à cette proposition.
M. Jérôme Lambert a estimé que la perception d'un droit de reproduction des oeuvres reproduites dans les catalogues risquait de menacer l'existence même de ces catalogues.
M. Jacques Larché, président, a évoqué le problème des reproductions d'oeuvres d'art figurant dans des publications telles que " la Gazette de l'Hôtel Drouot ".
Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a cependant considéré que la perception du droit de reproduction se justifiait par la nécessité de protéger les droits des artistes.
M. Bernard Roman, vice-président, a ajouté qu'une exonération du droit de reproduction en faveur des catalogues des seules ventes judiciaires se justifiait par le régime juridique tout à fait spécifique de ces ventes réalisées par des officiers ministériels.
A l'issue de ce débat, la commission mixte paritaire a adopté l'article 44 A dans le texte de l'Assemblée nationale.
Puis elle a supprimé l'article 48 bis A, par coordination avec la rédaction adoptée pour l'article 18.
Elle a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes
Jeudi 18 mai 2000
- Présidence de M. Bernard Roman, président.-
La commission mixte paritaire a tout d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :
-- M. Bernard Roman, député, président ;
-- M. Jacques Larché, sénateur, vice-président.
La commission a ensuite désigné Mme Christine Lazerges, députée, et M. Charles Jolibois, sénateur, respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.
Rappelant qu'il restait près de soixante articles en discussion, M. Bernard Roman, président, a insisté sur l'ampleur de la tâche qui incombait à la commission mixte paritaire. Il a précisé cependant que les rapporteurs des deux assemblées avaient réalisé un travail préparatoire important et a donc exprimé sa conviction qu'un texte commun devrait pouvoir être élaboré sur les dispositions restant en discussion.
Soulignant que sur nombre des articles restant en navette les divergences entre les deux assemblées étaient secondaires ou formelles, M. Charles Jolibois, rapporteur pour le Sénat, a indiqué que les principaux points en navette étaient les suivants : l'enregistrement sonore des gardes à vue ; la procédure d'appel en matière criminelle ; la rédaction de l'article 9-1 du code civil relatif au respect de la présomption d'innocence ; la dénomination et les pouvoirs du juge des libertés ; la question, enfin, du contrôle judiciaire susceptible d'être imposé aux avocats et du contentieux des décisions leur interdisant d'exercer leur profession. Il a exprimé le souhait que les deux assemblées parviennent à surmonter leurs divergences pour élaborer un texte commun.
Mme Christine Lazerges, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a insisté sur l'importance du projet de loi en discussion, qui opère une grande réforme de la procédure pénale. Elle a souligné l'enjeu que représentait pour les deux assemblées un texte qui renforce le principe du contradictoire dans la procédure pénale et a indiqué qu'elle souhaitait également que la commission mixte paritaire aboutisse à un texte commun.
M. Jacques Larché, vice-président, a observé qu'un texte de cette ampleur aurait d'autant plus de force qu'il serait issu d'un travail commun des deux assemblées. Il a considéré que, sur les divergences qui subsistaient, la Commission devait tout mettre en oeuvre pour trouver des compromis équilibrés.
A l'article premier (article préliminaire du code de procédure pénale), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a indiqué son attachement à des dispositions qui énoncent, en tête du code de procédure pénale, des principes juridiques issus de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Elle a proposé une nouvelle rédaction de cet article retenant le plan adopté par l'Assemblée nationale, tout en reprenant pour l'essentiel le contenu voté par le Sénat. Rappelant que le Sénat avait supprimé plusieurs paragraphes de cet article, le rapporteur pour le Sénat a jugé, cependant, que la rédaction proposée par la rapporteuse était acceptable.
M. Robert Badinter s'est interrogé sur le second alinéa du troisième paragraphe qui dispose qu'une personne suspectée ou poursuivie a le droit d'être informée de la " nature " des charges retenues contre elle. Il a jugé préférable de ne faire référence qu'aux charges elles-mêmes. M. Pierre Fauchon s'est demandé si la dernière phrase du texte proposé, qui dispose que toute personne condamnée a le droit de faire " examiner " sa condamnation, constituait une rédaction satisfaisante. M. Jacques Larché, vice-président, a émis des réserves sur l'opportunité d'insérer un article préliminaire dans le code de procédure pénale, reprenant des principes déjà énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou la Convention européenne des droits de l'homme. Après les interventions de MM. Alain Tourret et Patrick Devedjian, M. Pierre Albertini a approuvé cette volonté pédagogique d'inscrire des grands principes dans le code de procédure pénale et a considéré qu'il faudrait en tirer les conséquences dans l'ensemble du texte, notamment en ce qui concerne la présence du défenseur tout au long de la procédure pénale.
Après avoir accepté la modification proposée par M. Robert Badinter, la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a indiqué que la référence à l'examen de la condamnation était conforme à la rédaction de la Convention européenne des droits de l'homme. La commission a adopté l'article premier dans la nouvelle rédaction proposée par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale ainsi modifiée.
A l'article 2 D A (fouilles des personnes placées en garde à vue), après avoir rappelé que le Sénat avait supprimé cet article, le rapporteur pour le Sénat a proposé un texte de compromis prévoyant que les investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue ne pourraient être réalisées que par un médecin. M. Jacques Floch s'est interrogé sur l'application de cette disposition dans les prisons. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a regretté que cette nouvelle rédaction ne reprenne pas les dispositions de l'Assemblée nationale sur les autres conditions de la garde à vue. Le rapporteur pour le Sénat a fait observer que l'article préliminaire adopté précédemment répondait à cette exigence.
Regrettant cependant que ce texte ne comporte pas de référence précise aux conditions matérielles de la garde à vue, M. Pierre Albertini a considéré que pour améliorer leur déroulement, il serait nécessaire de rappeler le respect de la dignité humaine, qui inclut notamment le droit d'être alimenté. Mme Frédérique Bredin ayant approuvé ces propos et jugé que le texte de l'Assemblée nationale était plus précis, M. Jacques Larché, vice-président, a, au contraire, considéré que l'article préliminaire du code de procédure pénale répondait à ces objections. Le rapporteur pour le Sénat a souligné que, pour être normative, une référence aux temps de repos devrait préciser leur durée. Il a ajouté que l'article préliminaire avait une portée générale, qui serait affaiblie par une reprise, dans chaque article du code de procédure pénale, des principes qu'il énonçait. Après que la rapporteuse pour l'Assemblée nationale eut rappelé que les deux assemblées avaient déjà adopté dans les mêmes termes une disposition prévoyant que les heures d'alimentation étaient mentionnées dans les procès-verbaux d'audition de garde à vue, la commission a adopté l'article 2 DA dans la nouvelle rédaction proposée par le rapporteur pour le Sénat.
A l'article 2 D (présence de l'avocat à la dixième heure de la garde à vue), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a proposé que la commission retienne la rédaction de l'Assemblée nationale. Le rapporteur pour le Sénat s'est déclaré prêt à accepter cette proposition. M. Alain Tourret a cependant indiqué qu'il jugeait souhaitable que l'avocat soit présent tout au long de la garde à vue et que le dossier de la procédure lui soit transmis. Après que la commission eut adopté les premier et deuxième paragraphes de l'article 2 D dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, M. Bernard Roman, président, a proposé que le débat sur l'enregistrement des interrogatoires conduits durant une garde à vue et celui concernant la présence d'un avocat soient joints.
La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a rappelé que, après avoir adopté, en première lecture, une disposition prévoyant l'enregistrement sonore des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue, l'Assemblée nationale l'avait étendue, à l'unanimité, en deuxième lecture, aux majeurs. Après avoir indiqué que le Sénat avait rejeté ces dispositions, elle a précisé que, lors d'une mission conduite depuis lors au Royaume-Uni avec Mme Frédérique Bredin, MM. Charles Jolibois, rapporteur pour le Sénat, et Pierre Fauchon, elle avait constaté l'attachement des forces de police à la pratique de l'enregistrement des gardes à vue, malgré les difficultés rencontrées lors de sa mise en place en 1984. Elle a proposé de retenir, à titre expérimental, le principe d'un enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue et d'envisager ultérieurement son extension aux majeurs.
Tout en insistant sur la difficulté de comparer les procédures pénales britannique et française, le rapporteur pour le Sénat a indiqué que l'expérience britannique montrait que l'enregistrement des interrogatoires était tout à la fois réalisable et d'un coût raisonnable. Il a jugé que l'enregistrement des interrogatoires de mineurs placés en garde à vue était cohérent avec celui des auditions de mineurs victimes d'infractions sexuelles et a estimé que l'enregistrement audiovisuel offrirait davantage de garanties. S'interrogeant sur l'usage de ces enregistrements lors des audiences, il a rappelé qu'il avait présenté, lors de la deuxième lecture devant le Sénat, un amendement précisant qu'ils ne pourraient être écoutés qu'en cas de contestation du procès-verbal d'interrogatoire par la personne intéressée.
M. Jacques Larché, vice-président, a indiqué que la disposition votée par le Sénat prévoyant la présence d'un avocat à l'issue de la dixième heure de garde à vue avait été adoptée pour compenser la suppression de l'enregistrement sonore des interrogatoires. Tout en considérant que la présence constante d'un avocat au cours des interrogatoires serait la meilleure des solutions et rendrait inutile tout enregistrement, il a admis les difficultés de mise en oeuvre d'une telle mesure.
Après avoir rappelé que l'idée d'un enregistrement des interrogatoires revenait à M. Pierre Albertini, Mme Frédérique Bredin a également estimé que la présence d'un avocat ayant accès au dossier apporterait la garantie la plus efficace aux droits des personnes placées en garde à vue. Cependant, compte tenu des difficultés de mise en oeuvre d'une telle mesure, elle a considéré que l'enregistrement des interrogatoires pourrait constituer un élément de contrôle adapté, objectif et insusceptible de gêner le déroulement de la garde à vue. Soulignant qu'au Royaume-Uni l'enregistrement des interrogatoires avait permis une amélioration de la qualité des investigations, elle a souhaité qu'il puisse être utilisé en cas de contestation de la conformité des procès-verbaux ou des conditions de déroulement de la garde à vue, sur décision du juge et à la demande des parties. Elle a jugé nécessaire qu'il soit étendu à toutes les personnes gardées à vue, dès lors que les postes de garde à vue seraient équipés à cette fin, estimant qu'il serait contestable de réserver ce droit aux seuls mineurs. Elle a, enfin, proposé que l'enregistrement ne puisse être utilisé qu'avant l'audience par le juge d'instruction ou, en cas de comparution immédiate, par le juge des libertés compétent en matière de détention provisoire.
Faisant observer que la garde à vue pouvait constituer pour celui qui en fait l'objet un véritable choc psychologique, M. Alain Tourret a regretté que le projet de loi, tel qu'il a été adopté par le Sénat, tout en prévoyant la présence de l'avocat à quatre reprises lors de la garde à vue, ne franchisse pas un pas supplémentaire pour l'autoriser à assister à tous les interrogatoires et à prendre connaissance du dossier. Récusant les arguments avancés contre cette proposition, il a estimé que la querelle entre procédures accusatoire et inquisitoire n'était pas pertinente et a ajouté que le coût d'une telle mesure ne serait guère plus élevé que celui du dispositif voté par le Sénat. Contestant l'idée selon laquelle l'isolement de la personne interrogée faciliterait la manifestation de la vérité, il a jugé, en outre, qu'il n'était pas admissible de la soumettre à une telle pression. Il a ensuite précisé que, d'après les barreaux, les avocats devraient pouvoir facilement faire face à cette charge nouvelle à Paris et y seraient également prêts en province, les seules difficultés susceptibles d'apparaître résultant des gardes à vue en milieu rural. Enfin, il a considéré que ce dispositif, en alignant la procédure de garde à vue sur celle suivie devant le juge d'instruction, ne susciterait donc pas de réticences chez les policiers, contrairement aux enregistrements, considérés comme une marque de suspicion à leur encontre.
M. Robert Badinter a souligné que, dans ce débat, il convenait de prendre en considération les droits des personnes placées en garde à vue, le crédit qui doit s'attacher aux dépositions, l'irritation des policiers face à la suspicion sur les conditions de déroulement de la garde à vue et les impératifs du juge qui se prononce sur la foi des procès-verbaux. Il a estimé que la présence d'un avocat lors de la garde à vue permettrait, tout à la fois, d'apaiser le justiciable, de dissiper les soupçons pesant sur la police et d'éviter certains incidents lors de l'audience. Cependant, il n'a pas jugé souhaitable que l'avocat obtienne communication du dossier, observant que l'interrogatoire durant la garde à vue ne devait pas se transformer en " pré-instruction ", la personne n'étant ni mise en examen, ni témoin assisté. Il a considéré que les avocats, déjà présents dans les locaux de garde à vue, pourraient assumer cette charge nouvelle sans difficultés, à condition toutefois que l'interrogatoire ne soit pas assimilé à celui conduit par le juge d'instruction. Constatant que tout progrès se heurte aux habitudes, M. Robert Badinter a cependant jugé que la présence d'un avocat lors des interrogatoires de garde à vue constituerait un pas décisif dans la protection des justiciables et a donc proposé à la commission mixte paritaire d'adopter un amendement en ce sens. Par ailleurs, il a estimé, si la solution de l'enregistrement devait être retenue, qu'il devrait être audiovisuel et applicable à tous, émettant des doutes sur la constitutionnalité d'un dispositif qui serait limité aux mineurs. Il s'est, en outre, interrogé sur les sanctions qui pourraient résulter de l'absence d'enregistrement ou d'un enregistrement défectueux.
La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a contesté le fait que l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des seuls mineurs placés en garde à vue puisse être considéré comme une rupture d'égalité contraire à la Constitution. Elle a observé que le droit existant offrait déjà nombre d'exemples de distinctions entre les personnes selon qu'elles sont âgées de plus ou de moins de dix-huit ans, en particulier en ce qui concerne la durée de la garde à vue ou la présence d'un avocat. Elle a précisé que, si le Conseil constitutionnel ne s'était encore jamais prononcé sur cette question, ce régime particulier pour les mineurs avait néanmoins été avalisé par la chambre criminelle de la Cour de cassation et par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg.
M. Pierre Albertini a dénoncé la virulence des propos qui ont parfois été tenus contre l'enregistrement sonore des gardes à vue, après le vote de cette réforme par l'Assemblée nationale. Il a rappelé que ce droit existait déjà dans cinq pays de l'Union européenne et a considéré que ses détracteurs ressentaient surtout une peur du changement que le législateur ne devait en aucun cas partager. Il a jugé que l'enregistrement audiovisuel, ou à défaut sonore, des interrogatoires serait une avancée importante, tout en déclarant que la présence d'un avocat à partir de la dixième heure des gardes à vue représenterait un progrès encore plus considérable.
M. Pierre Fauchon s'est prononcé en faveur de la présence de l'avocat pendant les interrogatoires. Il a précisé que l'amendement qu'il avait déposé dans ce sens au Sénat n'avait pas donné lieu à un vote en raison de l'adoption du dispositif prévoyant un entretien avec l'avocat à l'issue de la dixième heure. Il a donc considéré que le Sénat n'avait pas formellement rejeté sa proposition. En ce qui concerne l'exemple britannique, souvent cité en matière d'enregistrement sonore des interrogatoires, il a observé que, s'il avait pu constater que cette solution donnait satisfaction dans les commissariats du centre de Londres, il n'était pas certain que les résultats soient aussi positifs dans les villes de province ou dans les banlieues anglaises. Il a admis qu'il revenait à la commission mixte paritaire de concilier deux exigences apparemment contradictoires, que sont le respect des droits de l'homme et la préservation de l'efficacité des enquêtes de police, surtout dans un pays comme la France où la délinquance est en progression. Mais il a souligné, approuvant en cela les propos de M. Robert Badinter, que la présence de l'avocat ne signifiait pas pour autant que celui-ci disposerait de toutes les prérogatives qui lui sont offertes durant l'instruction. Il a observé, en particulier, qu'au stade des gardes à vue, l'avocat ne pourrait pas avoir accès au dossier du prévenu ni poser des questions. Il a considéré, en conséquence, qu'il ne s'agissait que d'instituer un " témoin muet ", qui ne saurait faire obstacle au bon déroulement des gardes à vue. Il a insisté sur le fait que, si le principe d'un simple enregistrement des interrogatoires devait finalement être retenu, il serait à tout le moins nécessaire d'opter en faveur de la technique audiovisuelle. A cet égard, il a admis que des raisons tactiques pouvaient plaider en faveur de l'ouverture de ce droit aux seuls mineurs, du moins dans un premier temps, mais a néanmoins jugé préférable de le reconnaître dès à présent à l'ensemble des justiciables. Il a enfin présenté une proposition de rédaction permettant aux personnes gardées à vue de demander à être interrogées en présence d'un avocat.
M. Patrick Devedjian s'est également prononcé en faveur de la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue. Il a jugé que les réserves qui se manifestent à l'encontre de cette mesure étaient révélatrices du climat de méfiance qui perdure dans notre pays depuis que les avocats ont obtenu, en 1897, le droit d'être présents dans les cabinets d'instruction. Il a observé que l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue, s'il pouvait apparaître comme un progrès du droit des justiciables, risquait, en fait, de retarder la véritable réforme que serait cette présence des avocats durant l'intégralité des gardes à vue. Il a observé que celle-ci serait pourtant un moyen d'assurer de manière concomitante le respect des droits de la défense et des règles de procédure. En ce qui concerne sa mise en oeuvre, il a considéré qu'il revenait au législateur d'ouvrir un droit aux justiciables, à charge pour les différents intervenants de le traduire dans les faits. Il a observé, à cet égard, que tant le Barreau de Paris que la Conférence des bâtonniers considéraient qu'ils avaient les moyens de faire face à cette charge nouvelle. Après avoir observé que le taux d'élucidation des infractions n'était que de 28 % en France et que cette difficulté de la police à arrêter les délinquants constituait le véritable problème auquel notre pays est confronté, il a jugé possible et nécessaire de faire progresser de façon parallèle les moyens d'investigation et les droits de la défense.
M. Jacques Floch a souligné la complexité de ce débat qui a suscité de multiples réactions, tant de la part des avocats que des policiers. Observant que la loi devait permettre à chacun de faire son métier, il a estimé qu'il revenait à la commission mixte paritaire de retenir des mesures susceptibles de renforcer la protection des personnes gardées à vue, mais qui n'apparaissaient pas, pour autant, mettre en doute les qualités de ceux qui ont la charge de les interroger. En ce qui concerne la présence des avocats au cours des gardes à vue, il a considéré qu'il pourrait s'agir d'un progrès, sous réserve que cette réforme n'aboutisse pas à une dichotomie de la justice en fonction de la richesse ou de la notoriété des prévenus et que son coût ne soit pas excessif pour l'Etat. Dans le cas contraire, il a jugé préférable de retenir le principe d'un enregistrement audiovisuel.
Mme Frédérique Bredin a constaté que tous les membres de la commission mixte paritaire poursuivaient le même objectif d'introduction d'un témoin, humain ou matériel, au cours des gardes à vue. Elle a jugé, cependant, qu'introduire une différence, en matière d'enregistrement audiovisuel, entre les personnes mineures et majeures, soulèverait des difficultés constitutionnelles.
M. André Gerin a également souhaité qu'un compromis puisse être trouvé en ce qui concerne les droits de la défense. Il a admis que les policiers avaient parfois affaire à des délinquants endurcis, cette réalité devant être prise en compte en ce qui concerne les conditions de leur interrogatoire, tout en attirant l'attention des membres de la commission sur le danger d'une " criminalisation de la misère ".
M. Robert Badinter a observé que le problème de l'inégalité en matière d'accès aux droits de la défense était malheureusement structurel, ne serait-ce qu'en raison de la possibilité pour les justiciables de choisir leur avocat. Il a contesté, en revanche, le fait que la présence d'un avocat dès la première heure des gardes à vue puisse être de nature à renforcer cette inégalité, dès lors que son rôle se limiterait à celui d'un simple témoin.
M. Robert Bret a considéré que, s'il était nécessaire de renforcer les droits de la défense, cette orientation ne saurait aboutir à un changement de la procédure pénale qui, à travers la question de la présence de l'avocat au cours des interrogatoires, pourrait engager la France sur la voie d'une justice à deux vitesses, à l'image de la pratique des pays anglo-saxons. Rappelant que la commission mixte paritaire avait à rechercher un texte à partir des dispositifs adoptés par les deux assemblées, il a souhaité qu'elle se prononce uniquement sur l'enregistrement des gardes à vue et sur l'étendue du champ d'application de cette réforme, qu'il a souhaitée la plus large possible.
M. Bernard Roman, président, a souligné l'importance de cette question, qui pouvait justifier, dans une certaine mesure, que la commission mixte paritaire revienne sur des débats ayant déjà eu lieu devant l'une ou l'autre des deux assemblées à l'occasion des précédentes lectures du projet de loi. Il a souhaité, toutefois, qu'elle parvienne à une solution acceptable pour tous, observant, à cet égard, que toutes les propositions en discussion représenteraient un progrès par rapport au droit existant et au texte initial du projet de loi présenté par le Gouvernement.
Le rapporteur pour le Sénat a jugé satisfaisante la rédaction proposée par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale. Il a considéré que l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des personnes mineures était une solution mesurée et acceptable.
La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a considéré que reconnaître aux avocats le droit d'assister à l'intégralité des gardes à vue ne tiendrait pas compte des difficultés pratiques que soulève déjà la possibilité qui leur a été offerte d'être présent à la vingtième heure. Elle a estimé que l'expérience justifiait le choix d'une autre méthode et a souhaité que soit confirmé le principe d'un enregistrement audiovisuel limité aux mineurs, tout en admettant que cette réforme puisse être étendue à l'ensemble des justiciables à l'issue d'un délai qui pourrait être fixé entre une et trois années.
Après avoir observé que la véritable novation introduite par ce projet de loi résidait dans la création d'une procédure d'appel des jugements des cours d'assises, M. Jacques Larché, vice-président, a rappelé que la présence de l'avocat durant toute la durée de la garde à vue n'avait été approuvée par aucune des deux assemblées et a souhaité que la commission mixte paritaire ne se prononce que sur les dispositions ayant fait l'objet d'un vote favorable au cours des précédentes étapes de la procédure parlementaire.
A l'issue d'une suspension de séance, M. Charles Jolibois, rapporteur pour le Sénat, a souhaité que la commission mixte paritaire ne se prononce pas sur une question nouvelle au regard des dispositions adoptées par l'une ou l'autre des deux assemblées.
Mme Christine Lazerges, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a approuvé cette position. S'agissant de l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue, elle a proposé qu'il soit précisé, à l'occasion de l'examen de l'article 39 du projet de loi, que cette réforme entrera en vigueur au bout d'un an pour les mineurs et de deux ans pour les majeurs.
M. Claude Goasguen a estimé que le principe de la présence de l'avocat au cours des interrogatoires ne constituait pas une question nouvelle, puisqu'il est intrinsèquement lié à la problématique de la garde à vue, qu'il a effectivement été débattu à l'Assemblée nationale et au Sénat et qu'il pourrait être de nature à rapprocher les points de vue qui s'expriment au sein de la commission mixte paritaire. Il a souhaité que celle-ci se prononce d'abord sur le principe d'une présence de l'avocat avant d'examiner la question de l'enregistrement audiovisuel, qui pourrait être considéré comme une solution de repli.
Mme Frédérique Bredin a préconisé, au contraire, un vote préalable sur le principe de l'enregistrement audiovisuel.
M. Robert Badinter a estimé que si la présence de l'avocat et l'enregistrement des interrogatoires pouvaient être considérés comme des solutions complémentaires et non alternatives, l'ordre de leur examen n'avait pas d'importance.
La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a déclaré qu'il s'agissait effectivement de solutions complémentaires.
La commission a rejeté la proposition de M. Pierre Fauchon tendant à introduire le droit pour toute personne gardée à vue de demander à être interrogée en présence d'un avocat. Corrélativement, elle a adopté l'article 2 D dans sa rédaction issue de la deuxième lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale, excluant ainsi la présence de l'avocat à l'issue de la dixième heure.
Puis elle a adopté l'article 2 ter dans une rédaction issue de la proposition de la rapporteuse pour l'Assemblée nationale tendant à établir le principe d'un enregistrement audiovisuel des interrogatoires des seuls mineurs placés en garde à vue, cet enregistrement ne pouvant être visionné qu'avant l'audience du jugement.
Elle a ensuite abordé l'article 2 bis A et a été saisie d'une proposition de Mme Frédérique Bredin tendant à généraliser le principe de l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue. Mme Frédérique Bredin a considéré qu'il convenait d'approuver dès à présent cette orientation, quitte à déterminer sa date d'entrée en vigueur en tenant compte des difficultés pratiques suscitées, pour les services de police, par sa mise en oeuvre.
A l'issue d'une suspension de séance, la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a proposé que la question de la généralisation à tous les justiciables de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires durant les gardes à vue soit réservée jusqu'à l'examen de l'article 39 du projet de loi. M. Jacques Larché, vice-président, a accepté cette proposition, tout en indiquant qu'en tout état de cause, il s'opposerait à cette généralisation. En conséquence, le vote sur l'article 2 bisA a été réservé.
La commission a adopté les articles 2 quater A (fixation d'un délai en matière d'enquête préliminaire - information du procureur en cas d'identification d'un suspect), 2 quater B (nouveau) (application immédiate des décisions prises par la chambre d'accusation en matière disciplinaire), 2 quater(participation de l'inspection générale des services judiciaires aux enquêtes administratives concernant les officiers de police judiciaire) dans la rédaction votée par le Sénat. Pour coordination, la commission a supprimé le paragraphe II de l'article 3(désignation de l'avocat pour la première comparution), qui avait été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées.
A l'article 3 bis (caractère des indices permettant la mise en examen), le rapporteur pour le Sénat a indiqué que la Haute assemblée avait souhaité que la mise en examen ne puisse intervenir qu'en présence d'indices graves ou concordants à l'encontre de la personne intéressée. Observant que l'Assemblée nationale avait ajouté l'adjectif " précis ", il a jugé que le texte serait ainsi moins protecteur de la présomption d'innocence, puisque les critères de précision, de gravité et de concomitance étant alternatifs, la mise en examen serait possible en présence de simples indices précis. Il a souligné que la notion d'indices graves ou concordants était déjà précisée par la jurisprudence et a donc estimé souhaitable de s'en tenir à ces termes. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale s'est déclarée convaincue par les arguments du rapporteur pour le Sénat, exprimant sa préférence pour le dispositif le plus protecteur possible des droits des personnes.
Considérant que la rédaction proposée ne convenait pas, M. Patrick Devedjian a jugé qu'il était préférable de s'en tenir à celle retenue à l'article 105 du code de procédure pénale, qui prévoit que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi doivent être mises en examen. M. Pierre Fauchon a estimé que si un indice était grave ou concordant, il était, par définition, précis. M. Robert Badinter a, quant à lui, jugé qu'il conviendrait d'harmoniser la rédaction de l'article 80-1 du code de procédure pénale avec celle de l'article 105. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a précisé que la mise en examen, obligatoire lorsqu'il existe des indices graves et concordants, devrait être facultative lorsque ces indices sont graves ou concordants, afin de laisser une place au statut de témoin assisté à côté de celui de mis en examen, conformément à l'objet même du projet de loi qui entend introduire une gradation entre ces statuts. M. Pierre Albertini a approuvé la volonté de privilégier le statut de témoin assisté dans le cadre de la réforme. A l'issue de cette discussion, la commission a adopté l'article 3 bis dans le texte du Sénat.
Puis la commission a supprimé l'article 3 ter A (caractère des indices rendant obligatoire la mise en examen) et adopté l'article 3 ter (procédure préalable à l'interrogatoire de première comparution) dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Après avoir réservé l'examen de l'article 4 ter A, elle a supprimé, par coordination, les articles 4 ter et 4 quater A (interrogatoire de première comparution). Puis la commission a adopté, dans le texte du Sénat, les articles 5 ter A (conséquence de la nullité de la mise en examen), 6 bis (sanction du refus de comparaître des témoins), 7 (témoin assisté), sous réserve d'une coordination avec l'article 3 bis, ainsi que l'article 8 (appel d'une ordonnance de non lieu devant la chambre de l'instruction) par coordination. Elle a ensuite adopté l'article 8 bis dans la rédaction de l'Assemblée nationale (membres du Gouvernement entendus comme témoins).
Aux articles 9 bis A et 9 ter AA (suite donnée aux dénonciations anonymes), un débat s'est engagé après que la rapporteuse pour l'Assemblée nationale eut proposé leur suppression. Le rapporteur pour le Sénat a également indiqué qu'à titre personnel, il n'avait pas été favorable à ce dispositif. Mme Frédérique Bredin s'est, au contraire, prononcée en faveur de ces articles interdisant de donner suite à des dénonciations anonymes, exprimant le souhait qu'ils contribuent à mettre fin à une pratique honteuse, trop répandue dans notre pays. Elle a estimé que des exceptions devaient cependant être prévues, notamment en ce qui concerne le blanchiment des capitaux. M. Pierre Fauchon a considéré qu'il ne fallait pas aborder la question des dénonciations anonymes d'un point de vue moral mais plutôt rechercher si les faits dénoncés étaient ou non dépourvus de réalité. Il a rappelé qu'il existait de nombreux cas dans lesquels la dénonciation anonyme était le seul moyen de faire respecter la loi, prenant, en particulier, l'exemple des salariés dans certaines entreprises. Il s'est donc déclaré hostile à un dispositif général d'interdiction des dénonciations anonymes.
Rappelant avec quelle difficulté ce dispositif avait été adopté par le Sénat, M. Jacques Larché, vice-président, a indiqué qu'il partageait le point de vue de Mme Frédérique Bredin. Exprimant également sa répulsion pour la pratique des dénonciations anonymes, M. Arnaud Montebourg a constaté cependant qu'il n'existait pas en France de statut organisant la protection du témoin de faits illicites. Il a observé, par ailleurs, qu'en droit, la dénonciation anonyme n'était pas suffisante, des investigations supplémentaires étant nécessaires, et a ajouté que l'administration fiscale fondait l'essentiel de son travail sur les dénonciations. Il a donc jugé que remettre en cause cette pratique sans mettre en place un statut de témoin risquait de priver les autorités administratives ou judiciaires de sources d'informations qui leur sont nécessaires pour appliquer la loi.
M. Patrick Devedjian a mis en garde ses collègues contre une rédaction qui permettrait de se dénoncer anonymement pour arrêter toute poursuite à son encontre. M. Pierre Albertini a exprimé ses réserves sur le texte du Sénat, observant que, dans certains cas, la dénonciation était le seul moyen de détecter des infractions, tout en jugeant que la pratique de l'administration fiscale était parfois sujette à caution. Constatant que l'Etat organisait la dénonciation anonyme, par exemple en mettant en place des numéros verts, M. Jacques Floch a estimé que cette pratique était cependant moralement répréhensible.
M. Robert Badinter a observé que les personnes qui pratiquaient la dénonciation anonyme y étaient parfois contraintes par peur des représailles, notamment en matière de criminalité organisée. Jugeant, en dehors de ces cas, cette pratique éminemment condamnable, il a cependant souligné que la question essentielle était la suite donnée à de telles dénonciations, rien n'imposant à un commissaire ou un procureur de les prendre en compte. Considérant qu'il ne fallait pas, en la matière, s'en tenir à une position idéaliste, Mme Dinah Derycke a insisté sur le fait que les dénonciations anonymes étaient la seule échappatoire permettant à certains salariés de faire respecter leurs droits dans l'entreprise. Elle a regretté l'absence de statut ou de protection pour les témoins susceptibles de subir des représailles. M. Bruno Le Roux a observé que ces deux articles, en soulevant des difficultés concrètes, pourraient imposer qu'une réflexion soit engagée sur l'institution d'un statut de témoin. A l'issue de cette discussion, la commission a supprimé les articles 9 bis A et 9 terAA.
Puis elle a adopté les articles 9 ter A (contenu des procès-verbaux d'interrogatoire) et 9 quater (ordre des interventions lors de l'audience d'appel) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 9 octies (perquisitions dans les cabinets d'avocats), un débat s'est engagé sur la dénomination du juge, qualifié par l'Assemblée nationale de " juge de la détention provisoire " et par le Sénat de " juge des libertés ". La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a estimé que le terme adopté par l'Assemblée nationale pouvait paraître trop restrictif, alors que celui voté par le Sénat semblait inapproprié, dès lors que tous les magistrats ont pour mission la défense des libertés. Elle a suggéré, à titre d'alternative, la dénomination de juge des mesures de contrainte ou de juge du contrôle de l'enquête et de l'instruction. Le rapporteur pour le Sénat a considéré que le nom de " juge des libertés " était le plus adapté aux nouvelles fonctions attribuées à ce magistrat, soulignant d'ailleurs qu'il reprenait les suggestions formulées par Mme Mireille Delmas-Marty dans le rapport de la commission " Justice pénale et droits de l'homme ". Convenant qu'effectivement tous les juges avaient pour mission de protéger les libertés, il a cependant souligné que le magistrat décidant ou non du placement en détention provisoire en était, à l'évidence, plus particulièrement chargé.
Rappelant que l'appellation de juge des libertés retenue dans les avant-projets avait ensuite été écartée au bénéfice de celle de juge de la détention, M. Alain Tourret a cependant exprimé sa préférence pour la première. M. Robert Badinter a estimé que le terme de " juge du contrôle de l'enquête et de l'instruction ", ne recouvrait pas précisément le champ des fonctions de ce magistrat. Jugeant que le terme de " juge de la détention ", par trop péjoratif, ne pouvait être retenu, il s'est déclaré favorable à la proposition du Sénat qui s'inscrit délibérément dans le cadre de la Constitution faisant de l'autorité judiciaire la gardienne des libertés individuelles.
Soulignant que c'était à la suite des protestations des organisations de magistrats fondées sur le fait que tous les juges protégeaient les libertés que l'appellation de juge de la détention provisoire avait été préférée à celle de juge des libertés, M. Jacques Floch a considéré que les quelques remous que susciterait le retour à cette première expression s'apaiseraient rapidement. M. Jacques Larché, vice-président, a constaté que si l'appellation proposée par le Sénat était retenue, le " juge des libertés " figurerait parmi les mesures emblématiques du projet de loi. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a alors suggéré l'appellation de juge des libertés et de la détention. La commission a adopté l'article 9 octies en retenant cette proposition.
A l'article 9 nonies (contrôle judiciaire des avocats), le rapporteur pour le Sénat a souligné que le texte adopté par l'Assemblée nationale, donnant compétence au président du tribunal de grande instance pour prononcer à l'égard d'un avocat une interdiction professionnelle dans le cadre d'un contrôle judiciaire, était contraire à l'usage selon lequel un avocat ne peut être jugé par le tribunal au sein duquel il exerce. Il a plaidé pour le texte du Sénat, qui prévoit que le cas est soumis au conseil de l'ordre en première instance, puis à la Cour d'appel. Il a, en effet, estimé que cette solution contribuerait à responsabiliser la profession, qui couperait d'elle-même les mauvais sarments. Il a enfin observé que l'avocat, auxiliaire de justice, ne pouvait être jugé par le tribunal dont il fait partie. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a fait observer que le champ des dispositions en cause, portant sur l'interdiction d'exercer la profession, était donc limité. Convenant qu'une procédure spécifique était souhaitable pour tenir compte du statut particulier des avocats, elle a cependant estimé qu'elle devait demeurer judiciaire
Remarquant que le dispositif ne s'appliquerait qu'à de très rares cas, M. Robert Badinter a insisté sur le fait que le principe selon lequel l'ordre des avocats était " maître du tableau ", sous le contrôle d'une autorité judiciaire, était historiquement consacré. Il a indiqué qu'il ne s'agissait donc pas là d'octroyer aux avocats un privilège, mais de tenir compte de leur participation au service public de la justice. Observant que l'interdiction d'exercice de la profession constituait en fait une mesure disciplinaire, il a, en conséquence, jugé légitime qu'il appartienne au conseil de l'ordre de la prononcer, sous réserve d'un éventuel recours devant la Cour d'appel. Après avoir rappelé que, sous le régime de Vichy, Joseph Barthélémy, garde des sceaux, avait dû retirer le projet qu'il avait conçu de confier aux autorités judiciaires l'admission à la profession d'avocat, devant l'émotion suscitée par un tel texte au sein de la profession, il a également évoqué la décision du Conseil constitutionnel des 19 et 20 janvier 1981 sur la loi dite " Sécurité et libertés ", qui a censuré une disposition portant atteinte à l'exercice de la profession d'avocat. En conclusion, il a jugé que la mesure adoptée par l'Assemblée, malvenue et inutile, heurtait de front les droits de la défense.
M. Pierre Fauchon a insisté sur le rôle central de l'avocat dans la procédure pénale et souligné que la fonction de défenseur revêtait un caractère quasiment sacré. C'est pourquoi il a souhaité que le texte du Sénat soit retenu. M. Bernard Roman, président, s'est déclaré réservé sur le fait que les avocats puissent ne pas être soumis aux mêmes règles que les autres citoyens, même si les cas d'interdiction sont très rares. Rappelant que la procédure spéciale réservée aux avocats, qui n'existait pas avant 1993, ne revêtait pas un caractère immémorial, la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a observé que les magistrats étaient jugés par d'autres magistrats dans le cadre d'une instance normale et non au sein d'une formation disciplinaire.
M. Arnaud Montebourg a souligné que toutes les activités des avocats ne ressortissaient pas aux droits de la défense. Il a, en outre, fait observer que pour apporter une protection complète aux avocats, il conviendrait également de régler le cas de la détention provisoire, qui n'est pas visé par l'article en discussion. Relevant que, pendant la Seconde guerre mondiale, l'ordre des avocats de Paris ne s'était pas conduit de façon exemplaire, il a émis des réserves sur la saisine du conseil de l'ordre et suggéré qu'une telle procédure soit réservée aux cas dans lesquels le juge susceptible de prononcer l'interdiction professionnelle instruit une affaire dans laquelle l'avocat en cause exerce un rôle de défense. M. Pierre Albertini a souhaité, à l'inverse, que l'on permette à l'ordre des avocats de prendre ses responsabilités de manière systématique. A l'issue de ce débat, la commission a adopté l'article 9 nonies dans la rédaction du Sénat.
La commission a adopté l'article 10 B (suppression de l'obligation de présence d'au moins un juge d'instruction dans chaque tribunal de grande instance) dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
A l'article 10 (création d'un juge de la détention provisoire), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a jugé préférable que les décisions de mise en liberté ne soient pas motivées tout en indiquant qu'elle était néanmoins prête à se rallier au texte du Sénat. La commission a adopté cet article dans la rédaction du Sénat.
A l'article 10 bis AA (exercice des pouvoirs du président par le juge des libertés et de la détention), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a indiqué qu'elle était favorable au texte adopté par le Sénat à condition que le délai d'entrée en vigueur de cette mesure soit porté à deux ans. Le rapporteur pour le Sénat ayant donné son accord pour que cette modification soit intégrée à l'article 39, la commission a adopté cet article dans la rédaction du Sénat.
La commission a adopté l'article 10 bis A (organismes participant au respect des obligations du contrôle judiciaire) dans la rédaction du Sénat et a supprimé l'article 10 bis B (protection judiciaire de la jeunesse).
La commission a adopté les articles 10 ter (procédure avant la décision en matière de détention provisoire), 12 (conséquence d'une requalification en matière de détention provisoire), 13 (mise en liberté d'office ou sur demande du procureur) et 14 (demande de mise en liberté par la personne ou son avocat), en retenant la dénomination de " juge des libertés et de la détention ".
A l'article 15 (conditions de la détention provisoire), le rapporteur du Sénat a indiqué qu'il subsistait un point de divergence entre les deux assemblées portant sur la possibilité de prolonger la détention provisoire en raison d'un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public. Il a précisé que le Sénat avait adopté un texte permettant de motiver la prolongation de la détention provisoire par ce motif dès lors que la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement alors que l'Assemblée nationale avait souhaité exclure cette possibilité sauf en matière criminelle. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a présenté un amendement prévoyant que ce motif ne pourrait justifier la prolongation de la détention provisoire en dehors des cas de crimes ou de délits passibles d'une peine correctionnelle supérieure ou égale à dix ans d'emprisonnement. Elle a, par ailleurs, relevé que le Sénat avait supprimé la disposition introduite par l'Assemblée nationale tendant à exclure le placement en détention provisoire des parents d'enfants de moins de dix ans.
M. Alain Tourret a rappelé que cette disposition avait été adoptée, à son initiative, à l'unanimité par l'Assemblée nationale. M. Charles Jolibois, rapporteur pour le Sénat, a déclaré qu'il présenterait un amendement à l'article 17 bis A subordonnant le placement en détention provisoire des parents d'enfants de moins de dix ans à la consultation préalable des services socio-éducatifs. Considérant que cette proposition était en retrait par rapport au texte voté par l'Assemblée nationale, M. Alain Tourret a indiqué qu'il s'y rallierait néanmoins. La commission a adopté cet article dans la rédaction du Sénat amendée par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale.
A l'article 16 (durée de la détention provisoire en matière correctionnelle), Mme Christine Lazerges, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a rappelé que la France avait fait l'objet de plusieurs condamnations devant la Cour européenne des droits de l'homme du fait des durées excessives de la détention provisoire dans notre pays et souligné que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale prévoyait des délais butoirs plus protecteurs que ceux adoptés par le Sénat pour les prévenus. M. Alain Tourret a fait observer que cette disposition faisait suite à une proposition de loi encadrant la durée maximale de la détention provisoire, adoptée, à son initiative, en première lecture, par l'Assemblée nationale. Le rapporteur pour le Sénat ayant indiqué qu'il se ralliait au texte de l'Assemblée nationale, la commission a adopté cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de la dénomination du juge des libertés et de la détention.
Après avoir adopté l'article 17 (durée de la détention provisoire en matière criminelle) dans le texte de l'Assemblée nationale, la Commission a adopté, sur proposition du rapporteur du Sénat, un amendement donnant à l'article 17 bis Aune nouvelle rédaction tendant à prévoir la consultation obligatoire des services socio-éducatifs avant le placement en détention provisoire des parents d'enfants de moins de dix ans.
A l'article 18 bis A (placement sous surveillance électronique), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a présenté un amendement au texte du Sénat afin que le juge des libertés et de la détention prenne en considération la situation familiale de l'intéressé pour décider, le cas échéant, d'ordonner le placement sous surveillance électronique au lieu du placement en détention provisoire. La commission a adopté cet article ainsi modifié.
A l'article 18 ter (référé-liberté), la commission a été saisie d'un amendement du rapporteur pour le Sénat donnant au premier paragraphe de cet article une nouvelle rédaction pour prévoir que la personne formant un recours dans le cadre de la procédure de référé-liberté peut demander que celui-ci soit directement examiné par la chambre de l'instruction. La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de l'amendement du rapporteur pour le Sénat.
A l'article 18 quinquies (comparution immédiate), la commission a été saisie d'un amendement de la rapporteuse pour l'Assemblée nationale qui, tout en maintenant à un mois la durée maximale de la détention provisoire, améliore la rédaction du texte adopté par l'Assemblée nationale. M. Patrick Devedjian a considéré que ce délai pouvait présenter des inconvénients en matière d'organisation de la défense et qu'il était préférable de prévoir qu'à la demande du prévenu, la détention provisoire puisse être prolongée d'un mois afin d'éviter que les juridictions n'accélèrent la comparution des prévenus pour éviter leur libération et ne lèsent ainsi leur défense. M. Bernard Roman, président, a estimé qu'il serait paradoxal que la limitation de la durée de la détention provisoire dans le cadre de la comparution immédiate puisse se retourner contre les prévenus. Le rapporteur pour le Sénat a déclaré qu'il était favorable à l'amendement de la rapporteuse pour l'Assemblée à condition que le délai d'un mois puisse être prolongé à la demande du prévenu. La commission a adopté cet article modifié en ce sens.
A l'article 19 bis (commission de suivi de la détention provisoire), le rapporteur pour le Sénat a considéré que le dispositif introduit par l'Assemblée nationale était de nature réglementaire et qu'il n'était pas véritablement utile. M. Alain Tourret, au contraire, a estimé qu'il était actuellement impossible d'obtenir des statistiques fiables en matière de détention provisoire et jugé qu'il était indispensable de créer une commission de suivi recensant toutes les informations utiles dans ce domaine. M. Pierre Fauchon a également regretté l'absence de données en la matière et a jugé que le dispositif proposé par l'Assemblée était tout à fait utile. La commission a adopté cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
La commission a adopté l'article 20 (possibilité d'interroger le procureur sur la suite donnée à une enquête) dans la rédaction du Sénat tenant compte de la nouvelle dénomination retenue pour le juge des libertés et de la détention.
A l'article 21 (durée de l'information), la commission a été saisie d'un amendement du rapporteur pour le Sénat permettant à la partie civile, au témoin assisté, ainsi qu'à la personne mise en examen de demander la clôture de l'instruction et de contester, le cas échéant, le refus de clôture auprès du président de la chambre de l'instruction. La commission a adopté l'article 21 dans le texte du Sénat, modifié par l'amendement ainsi proposé.
La commission a adopté un amendement du rapporteur pour le Sénat modifiant l'article 4 ter A, précédemment réservé, afin de fixer respectivement à un an et dix-huit mois le délai permettant de demander la clôture de l'information judiciaire en matière correctionnelle et criminelle.
A l'article 21 bis AA (violation du code des marchés publics), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a jugé inacceptable le dispositif introduit par le Sénat tendant à exclure les poursuites pénales en cas de violation non intentionnelle du code des marchés publics. Elle a estimé qu'il était indispensable qu'une information judiciaire ait lieu pour savoir s'il y avait ou non infraction et a, par ailleurs, déclaré que cette disposition relevait davantage du texte sur les délits non intentionnels que d'un projet de loi modifiant le code de procédure pénale.
M. Jacques Larché, vice-président, a jugé que cette disposition était justifiée par la complexité des règles du code des marchés publics et la difficulté que rencontraient de nombreux maires à les appliquer. Le rapporteur pour le Sénat a estimé que ces difficultés étaient accrues dans les petites communes, qui ne disposent pas de services susceptibles d'assister les maires. M. Bernard Roman, président, a considéré que la prudence était requise sur ce sujet dès lors que certaines violations du code des marchés publics présentent réellement un caractère délictueux. Il a estimé qu'en tout état de cause, la proposition de loi sur les délits non intentionnels constituait un meilleur cadre pour débattre de cette question que le présent projet de loi.
M. Robert Badinter a également jugé que cette disposition n'avait pas sa place dans un texte modifiant la procédure pénale. Souscrivant à ce propos, M. Pierre Albertini a estimé que le problème de l'intentionnalité n'était pas limité aux violations du code des marchés publics, et jugé qu'il fallait donc le résoudre dans un autre cadre. M. Alain Tourret et le rapporteur pour le Sénat ayant également fait observer que l'article introduit par le Sénat n'avait pas sa place au sein de ce projet de loi, la commission l'a supprimé.
Après que Mme Frédérique Bredin eut indiqué que l'information régulière des victimes par le juge d'instruction constituait une avancée importante, la commission a adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale l'article 21 ter (information de la partie civile sur l'avancement de l'instruction).
La commission a adopté l'article 21 quinquies (délai pour qu'une affaire soit audiencée en matière criminelle) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 21 sexies (audiencement), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a déclaré que la longueur excessive des délais d'audiencement s'expliquait souvent par l'absence de dialogue entre magistrats du siège et magistrats du parquet. Aussi, a-t-elle souhaité qu'une commission composée des magistrats du siège et du parquet se réunisse pour déterminer les dates d'audiencement. Le rapporteur pour le Sénat a indiqué qu'il craignait que le dispositif de l'Assemblée nationale ne soit trop lourd en termes d'organisation et a donc souhaité que la composition prévisionnelle des audiences pénales soit déterminée, non par une commission, mais par le président du tribunal et le procureur. La commission a accepté cette proposition et adopté l'article 21 sexies dans la rédaction de l'Assemblée nationale ainsi modifiée.
A l'article 21 octies (composition de la cour d'assises), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a indiqué qu'elle jugeait nécessaire que la composition de la cour d'assises de premier ressort et de celle statuant en appel soit différente. Rappelant que l'Assemblée avait proposé que la première soit composée de sept jurés et la seconde de neuf, elle a suggéré, pour tenir compte de l'objection du Sénat qui ne souhaitait pas diminuer le nombre actuel des jurés en premier ressort, de porter respectivement ces nombres à neuf et onze. Elle a, en revanche, estimé que la disposition, adoptée par le Sénat, prévoyant que le président de la cour d'assises compétente en appel est obligatoirement un président de chambre de la cour d'appel n'était pas opportune, cette disposition pouvant conduire des magistrats n'étant pas spécialisés en droit pénal à présider des audiences de cour d'assises.
Le rapporteur pour le Sénat a estimé qu'en abaissant à sept le nombre de jurés en première instance, le texte voté par l'Assemblée nationale modifiait l'équilibre du jury, augmentant l'influence des magistrats professionnels qui demeureraient au nombre de trois. Il a, dans le même temps, considéré que l'objection de la rapporteuse pour l'Assemblée nationale sur la présidence de la cour d'assises statuant en appel était justifiée. M. Patrick Devedjian a également estimé souhaitable que le nombre des jurés non professionnels en première instance soit supérieur à sept ; il a fait observer qu'il serait nécessaire de modifier en conséquence le quorum requis pour délibérer.
M. Jacques Larché, vice-président, a fait part de ses réserves sur le poids des magistrats professionnels au sein des jurys de cour d'assises. M. Patrice Gélard a indiqué sa préférence pour un jury de douze membres pour la cour d'assises statuant en appel. Rappelant qu'il n'était pas un partisan des peines lourdes, M. Alain Tourret a regretté la révérence portée au jury populaire, estimant qu'il prononçait des peines souvent trop sévères. Il a, par ailleurs, jugé qu'en cas de modification du nombre des jurés, il serait nécessaire de revoir la majorité requise pour se prononcer sur la culpabilité.
Evoquant son expérience du jury de dix personnes, M. Robert Badinter a indiqué qu'il était caractérisé par la forte influence des magistrats professionnels. Il a, par ailleurs, estimé qu'il était logique que la cour d'assises statuant en appel soit dotée d'un jury plus nombreux que la juridiction de première instance. A cet égard, il a fait part de sa préférence pour un jury de douze membres, soulignant le caractère symbolique de ce nombre et rappelant qu'il avait été retenu pour les jurys institués au cours de la Révolution française. Il a, en définitive, estimé que la proportion de neuf jurés populaires pour trois magistrats en première instance et de douze pour trois en appel était la formule la plus satisfaisante.
Mme Christine Lazerges, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a exprimé sa crainte que l'augmentation du nombre des jurés n'alourdisse la prise de décision et ne rende plus difficile la présidence du jury. Après les interventions de M. Bernard Roman, président, et de M. Jacques Larché, vice-président, la commission a décidé de porter à neuf le nombre de jurés de la cour d'assises statuant en premier ressort et à douze leur nombre en appel et a adopté l'amendement de la rapporteuse pour l'Assemblée nationale ainsi modifié.
La commission a, en conséquence de ses décisions antérieures, supprimé l'article 21 nonies AA (présidence de la cour d'assises statuant en appel).
A l'article 21 nonies B (recours contre les décisions rendues par la cour d'assises), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a proposé à la commission de donner une nouvelle rédaction à l'article 380-2 du code de procédure pénale, afin de conférer la faculté d'appel à l'accusé, au ministère public en cas d'appel de l'accusé de la décision sur l'action publique, à la personne civilement responsable et à la partie civile quant à leurs intérêts civils, ainsi qu'aux administrations publiques, dans les cas où elles exercent l'action publique, en cas d'appel de l'accusé ou du parquet de la décision sur l'action publique.
M. Charles Jolibois, rapporteur pour le Sénat, et M. Patrick Devedjian se sont prononcés pour un droit d'appel sans restriction en faveur du parquet au nom du principe de l'égalité des armes. Estimant que la fonction première de l'appel était de donner une seconde chance au condamné, point de vue partagé par M. Alain Tourret et Mme Frédérique Bredin, M. Pierre Fauchon a souhaité que le ministère public ne puisse pas, en tout cas, faire appel à la suite d'un acquittement. En réponse à M. Jacques Larché, vice-président, qui s'est inquiété de l'hypothèse où, dans une affaire impliquant plusieurs accusés, seul l'un d'entre eux ferait appel, M. Alain Tourret a estimé que l'appel incident du procureur devait viser l'ensemble des accusés et M. Patrick Devedjian a précisé qu'il serait absurde que seul l'accusé ayant fait appel soit acquitté.
Evoquant l'égalité des droits des parties au procès pénal, M. Robert Badinter a considéré que le ministère public devait disposer de la même faculté d'appel que l'accusé, sauf en cas d'acquittement pour des raisons évidentes d'humanité. M. Patrice Gélard a considéré qu'il était souhaitable que le ministère public puisse faire appel d'une décision lui paraissant trop sévère pour l'accusé, MM. Patrick Devedjian et Alain Tourret considérant qu'en pareille hypothèse l'accusé userait vraisemblablement de sa faculté d'appel. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale ayant retiré sa proposition d'ouvrir au ministère public la faculté d'appeler uniquement en cas d'appel de l'accusé de la décision sur l'action publique, la commission a adopté l'article 21 nonies B dans la rédaction du Sénat.
Elle a également adopté les articles 21 nonies (ordonnance de mise en accusation) et 21 decies A (transformation de la chambre d'accusation en chambre d'appel de l'instruction) dans le texte du Sénat.
La commission a adopté l'article 21 decies (mandat de dépôt décerné par une cour d'assises) dans le texte de l'Assemblée nationale, modifié par un amendement de la rapporteuse pour l'Assemblée nationale précisant que la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, ordonner la prolongation des effets de l'ordonnance de prise de corps pour une durée de six mois.
La commission a adopté l'article 21 undecies (amende civile en cas de constitution de partie civile ou de citation directe abusives) dans la rédaction du Sénat.
La commission a adopté l'article 21 terdecies(révision après une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme) dans le texte du Sénat, sous réserve de deux modifications introduites à l'initiative de la rapporteuse pour l'Assemblée nationale, l'une apportant une précision rédactionnelle au troisième alinéa de l'article 626-4 du code de procédure pénale et, l'autre, précisant à l'article 626-5 que la suspension de l'exécution de la condamnation peut également être prononcée à l'occasion de la procédure de réexamen par la Cour de cassation. M. Alain Tourret s'est inquiété des conséquences de cette disposition dans l'hypothèse où la Cour européenne des droits de l'homme estimerait que M. Maurice Papon n'a pas eu droit à un procès équitable du fait de son refus de se constituer prisonnier préalablement à l'examen de son pourvoi en cassation. M. Robert Badinter a précisé que seul le pourvoi serait alors réexaminé par la Cour de cassation.
A l'article 22 AA (suppression des peines de prison en matière de délits de presse) un débat s'est engagé sur un amendement présenté par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale tendant compléter le texte introduit par le Sénat afin de supprimer les peines d'emprisonnement encourues pour les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sauf pour les délits à caractère raciste et en cas de récidive des délits prévus par les articles 26, 30, 31, 32 (1er alinéa), 33 (1er et 2ème alinéas), 36 et 37, lorsque l'infraction est commise contre la même victime. En réponse à une interrogation de M. Jacques Larché, vice-président, la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a confirmé que la suppression proposée englobait les atteintes et offenses au chef de l'Etat, sauf récidive. Après avoir rappelé que les peines d'emprisonnement prévues par la loi de 1881 n'étaient plus prononcées depuis longtemps, M. Robert Badinter a estimé que la dérogation introduite en cas de récidive revenait à conserver le principe d'un emprisonnement pour délit de presse, ce qui n'était pas acceptable. M. Bernard Roman, président, a convenu que ces peines prévues au siècle dernier étaient, en effet, désuètes dans la pratique comme dans l'esprit, ajoutant qu'aucun chef de l'Etat, notamment, n'avait réclamé leur application ces dernières années. Toutefois, il a souligné que certains pays non démocratiques y voyaient une justification, la France étant présentée comme le pays des droits de l'homme, pour condamner des journalistes à des peines d'emprisonnement. Soutenue par M. Patrick Devedjian, la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a alors proposé de supprimer le dernier paragraphe de son amendement tendant à préserver la possibilité de prononcer une peine d'emprisonnement de six mois en cas de récidive.
Favorable à cette suppression pour les délits commis par des journalistes, M. Patrice Gélard a souhaité qu'elle ne s'étende pas aux délits dits de presse mais n'étant pas le fait de journalistes, tels que la distribution répétées de tracts offensants. M. Robert Badinter a alors proposé de compléter les dispositions du code pénal relatives au harcèlement téléphonique par un article traitant du harcèlement par voie d'écrits. Rappelant que c'est au Sénat que revenait l'initiative d'avoir introduit dans le projet des dispositions supprimant les peines d'emprisonnement encourues pour certains délits de presse, M. Jacques Larché, vice-président, a observé que la suppression de l'ensemble des peines d'emprisonnement n'avait été décidée par aucune des deux assemblées au cours de la navette. Estimant que la législation française se devait d'être exemplaire sur le plan de la liberté de la presse, sauf à servir d'alibi à des pays n'hésitant pas à emprisonner des journalistes qui ne font que leur métier, Mme Frédérique Bredin a vivement souhaité que la possibilité théorique de condamner des journalistes à des peines d'emprisonnement soit supprimée sans exception aucune. Après suppression du dernier paragraphe maintenant une peine d'emprisonnement en cas de récidive, la commission a adopté l'amendement rectifié de la rapporteuse pour l'Assemblée nationale donnant une nouvelle rédaction à l'article 22 AA.
Abordant l'article 22 A (actions aux fins de faire cesser une atteinte à la présomption d'innocence), la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a proposé de retenir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, sous réserve toutefois d'élargir la liste des personnes pouvant demander l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué aux personnes entendues comme simple témoin.
M. Robert Badinter a souligné que la rédaction de l'Assemblée nationale aurait pour effet paradoxal d'ouvrir un droit de rectification aux personnes mises en examen ou citées comme témoins et d'en écarter les personnes mises en cause alors même qu'elles sont totalement étrangères à l'affaire. Rappelant que la rédaction adoptée aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale avait suscité une grande émotion dans la presse, Mme Frédérique Bredin a demandé une suspension de séance pour faire le point sur les différentes rédactions proposées.
Après une suspension de séance, M. Bernard Roman, président, a observé que deux questions majeures restaient en discussion, la première, à l'article 22 A, concernant les atteintes à la présomption d'innocence par voie de presse, la seconde, à l'article 2 bis A, relative à l'enregistrement des gardes à vue. Il a proposé que la commission aborde en premier lieu le second point.
Mme Christine Lazerges, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a jugé que la proposition d'enregistrement audiovisuel pour l'ensemble des gardes à vue d'ici la fin de la législature était extrêmement ambitieuse, ajoutant qu'un délai de trois ans pour généraliser l'enregistrement lui paraissait plus réaliste. Elle a estimé qu'un tel délai permettrait éventuellement de procéder à une évaluation et une modification du texte en temps voulu. Rappelant que la discussion de l'article 2 bisA concernant l'extension de l'enregistrement à toutes les gardes à vue ainsi que celle de l'article 39 sur le délai d'application de la mesure, avaient été réservées, Mme Frédérique Bredin a observé qu'un accord avait néanmoins été constaté pour que cet enregistrement ne puisse être utilisé que devant le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention et non à l'audience. Elle s'est déclarée favorable à la proposition de la rapporteuse prévoyant l'extension de l'enregistrement de la garde à vue aux majeurs dans un délai de trois ans.
M. Patrice Gélard s'est interrogé sur les conséquences que pourrait avoir un enregistrement défectueux et s'est notamment demandé si cela pourrait être une cause d'annulation de la procédure. Un débat s'est ensuite engagé sur cette question, la rapporteuse pour l'Assemblée nationale ainsi que M. Claude Goasguen faisant valoir qu'aucune nullité n'était explicitement prévue dans les textes proposés. M. Alain Tourret a considéré, pour sa part, que le défaut d'enregistrement devrait inévitablement emporter la nullité de l'ensemble de la procédure.
M. Jacques Larché, suppléant le rapporteur pour le Sénat, a tenu à préciser que la formulation proposée par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale généralisant, de manière automatique, à plus ou moins long terme, l'enregistrement des gardes à vue ne serait pas acceptable pour les sénateurs. Il a indiqué qu'il souhaitait que soit retenu le principe d'un rapport du Gouvernement, faisant le bilan de l'expérimentation sur les mineurs et proposant, le cas échéant, l'extension aux majeurs, déposé dans un délai de cinq ans, mais a suggéré, à titre de compromis, que ce délai de dépôt soit réduit à trois ans. Il a jugé qu'il était, en effet, indispensable d'évaluer très précisément la portée d'une telle mesure.
Rappelant que l'Assemblée nationale avait déjà consenti d'importantes concessions en retenant le principe d'un enregistrement audiovisuel et non sonore, en interdisant son utilisation lors de l'audience et en reportant l'entrée en application de la mesure d'un an pour les mineurs et de trois ans pour les adultes, Mme Frédérique Bredin a émis le souhait que, de leur côté, les sénateurs s'engagent plus avant dans l'affirmation du principe de l'enregistrement, en acceptant qu'il soit inscrit explicitement dans la loi. Après avoir regretté que les parlementaires n'aient pas retenu, pour assurer son bon déroulement, la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue, M. Robert Badinter s'est déclaré, à tout le moins, favorable à une affirmation ferme du principe de l'enregistrement dans la loi, quitte à prévoir un délai pour son entrée en application.
Evoquant l'article 2 ter concernant les mineurs, M. Jacques Larché a souligné qu'en adoptant cet article, les sénateurs avaient fait preuve d'un esprit constructif à l'égard du principe même de l'enregistrement. Il a proposé une version alternative à l'amendement de la rapporteuse, prévoyant que le Gouvernement déposera, dans un délai de deux ans, un rapport précisant les conditions d'extension de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires aux majeurs. Estimant qu'il serait regrettable que la réunion de la commission mixte paritaire échoue sur ce point, alors même que les propositions faites, tant par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale que par M. Jacques Larché, avaient en commun de laisser au Parlement la maîtrise réelle de l'extension de l'enregistrement des gardes à vue, M. Bernard Roman, président, a souligné que la divergence ne portait, en fait, que sur le caractère automatique ou non de cette extension.
M. Patrice Gélard a regretté qu'il n'y ait pas eu d'étude sur l'impact financier d'une telle mesure, ni sur ses modalités de mise en oeuvre et ses conséquences sur la procédure pénale. Considérant que le délai de trois ans prévu par l'Assemblée nationale pour la généralisation de l'enregistrement était irréaliste, il a estimé que la loi sur la présomption d'innocence devait être, à cet égard, une loi de transition. Il s'est donc déclaré favorable à une expérimentation prudente du dispositif d'enregistrement limité aux seuls interrogatoires des mineurs.
Avouant sa perplexité sur le débat en cours, M. Pierre Albertini a rappelé que, en première lecture, ayant présenté un amendement prévoyant la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, ce n'est qu'à titre de repli qu'il avait proposé l'enregistrement sonore des interrogatoires. Exprimant sa satisfaction que cette dernière solution ait été retenue, à l'unanimité, en seconde lecture, à l'Assemblée nationale, il a, cependant, regretté que la commission mixte paritaire ait rejeté le principe de la présence permanente de l'avocat et s'est inquiété qu'elle puisse faire de même pour l'enregistrement des gardes à vue. Il a tenu à mettre en garde la commission contre une rédaction qui ferait référence à la publication d'un rapport, soulignant que rien ne garantissait qu'il serait suivi d'effet. S'agissant de mesures votées par le Parlement et qui restent sans suite, il a évoqué l'exemple du suivi socio-judiciaire pour les délinquants sexuels qui n'est toujours pas entré en application. Il a donc plaidé pour un engagement ferme du législateur vers une procédure qui rééquilibrerait les droits au profit de la défense.
Rappelant que certaines réformes qui paraissaient souhaitables aux parlementaires pouvaient être très mal perçues sur le terrain, notamment par les personnes chargées de les appliquer, M. Pierre Fauchon, s'est déclaré favorable à un dispositif progressif, limité dans un premier temps aux interrogatoires des mineurs, qui serait logiquement étendu par la suite à l'ensemble des interrogatoires. Indiquant qu'il ne partageait pas le pessimisme de M. Pierre Albertini sur le devenir des rapports remis au Parlement, il a donc invité les parlementaires à suivre la suggestion de M. Jacques Larché. Exprimant sa compréhension sur le souhait des députés de rendre le texte plus incitatif, M. Jacques Larché a proposé une rédaction qui enjoindrait au Gouvernement le dépôt, non d'un rapport, mais d'un projet de loi prévoyant l'extension de l'enregistrement des interrogatoires aux majeurs dans un délai de trois ans.
Répondant à M. Patrice Gélard sur l'évaluation du dispositif, Mme Frédérique Bredin a précisé qu'elle était parvenue, avec le ministère de l'intérieur, à un chiffrage du dispositif de l'ordre de 40 millions de francs pour les enregistrements sonores et de 100 millions de francs pour les enregistrements audiovisuels. Elle a estimé que l'enregistrement audiovisuel présentait des garanties supérieures à l'enregistrement sonore, notamment grâce à la fiabilité du système numérique. Evoquant l'application du principe d'enregistrement en deux temps, en premier lieu pour les mineurs, puis pour les majeurs, Mme Frédérique Bredin a récusé une présentation consistant à considérer les mineurs comme les cobayes d'une expérimentation. Rappelant qu'après la proposition de M. Pierre Albertini en première lecture, l'Assemblée nationale avait adopté, à l'unanimité, en deuxième lecture, sur les propositions conjointes de MM. Pierre Albertini, Jean-Luc Warsmann et du groupe socialiste, le principe de l'enregistrement sonore de toutes les gardes à vue, elle a estimé que, les députés, en acceptant le report de l'enregistrement des majeurs, faisaient déjà une concession importante. Elle a donc jugé que la majorité sénatoriale devait prendre ses responsabilités sur un éventuel échec de la commission mixte paritaire.
Evoquant l'accord trouvé sur la dénomination du juge des libertés et de la détention, M. Robert Badinter a souhaité réitérer la même démarche de conciliation en proposant que la loi prévoie la généralisation de l'enregistrement des gardes à vue à échéance de trois ans, un rapport sur l'application de ce dispositif aux mineurs étant présenté dans un délai de deux ans. Soulignant que les parlementaires avaient étudié de manière approfondie les différentes expériences étrangères d'enregistrement des gardes à vue, M. Jacques Floch a estimé que le système français était aujourd'hui en retard par rapport à ses voisins européens. Ajoutant que la proposition faite par l'Assemblée nationale s'était inspirée de ces exemples étrangers, il a contesté les affirmations évoquant l'impréparation du texte adopté.
M. Jacques Larché a précisé qu'il n'avait jamais mis en avant l'argument financier soulevé par certains opposants à l'enregistrement, jugeant qu'il serait toujours possible, s'il s'agissait d'un progrès véritable, de dégager les crédits nécessaires. Rappelant que le Sénat faisait une concession importante en acceptant le principe de l'enregistrement, de manière quasiment immédiate pour les mineurs, et à terme pour les majeurs, il a réitéré son opposition à une rédaction qui rendrait automatique sa généralisation. Il a d'ailleurs observé qu'elle empêcherait l'étude de toute solution alternative, notamment la présence de l'avocat au cours des interrogatoires de garde à vue. Il a considéré, dès lors, qu'un rapport du Gouvernement serait préférable pour évaluer les différents choix proposés et préparer une réforme ultérieure dans les meilleures conditions. Mme Frédérique Bredin s'est déclarée favorable à la proposition émise par M. Robert Badinter, estimant qu'elle constituait un compromis acceptable. M. Bruno Le Roux a demandé une suspension de séance.
A la reprise des travaux, après une suspension de séance, Mme Christine Lazerges, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a proposé une rédaction prévoyant le dépôt d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur le bilan de la première année d'expérimentation du dispositif de l'enregistrement des interrogatoires pour les mineurs afin de déterminer les modalités de l'élargissement de cet enregistrement aux majeurs. M. Bernard Roman, président, a tenu à insister sur l'importance du débat, soulignant que, dans le souci de trouver une solution acceptable par les deux assemblées, de nombreux députés avaient dû accepter de renoncer à des convictions pourtant très fortes. Estimant que la proposition faite par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale était parfaitement convenable, M. Jacques Larché, suppléant le rapporteur pour le Sénat, a indiqué qu'il mesurait l'avancée réalisée, qui illustrait le souhait de tous les parlementaires d'aboutir à un accord sur un texte aussi important.
M. Jacques Floch a exprimé sa préférence pour une rédaction prévoyant que le rapport doit préciser, et non déterminer, les modalités de l'élargissement de l'enregistrement aux majeurs. Tout en regrettant que la commission mixte paritaire parvienne à une solution qu'elle a jugé peu satisfaisante, Mme Frédérique Bredin a estimé que le terme " préciser " soulignerait davantage l'aspect volontariste du texte proposé par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale, qu'elle a cependant considéré comme une pétition de principe. M. Claude Goasguen a annoncé qu'il s'abstiendrait sur cette nouvelle proposition.
Après avoir adopté la proposition de la rapporteuse créant un article additionnel après l'article 39 et supprimé, en conséquence, l'article 2 bis A, la commission est revenue au débat sur l'article 22 A concernant les atteintes à la présomption d'innocence par voie de presse. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale a rappelé qu'elle proposait d'élargir le droit d'obtenir rectification par voie de presse à tous les témoins ou témoins assistés cités dans une affaire. M. Jacques Larché, suppléant le rapporteur pour le Sénat, a souligné qu'une telle proposition ne permettrait pas à une personne totalement étrangère à une affaire, qui ne serait ni mise en examen, ni citée comme témoin, d'obtenir rectification auprès du juge s'il lui arrivait d'être mise en cause.
M. Robert Badinter s'est également élevé contre un dispositif qui accorderait moins de droits aux personnes étrangères à une affaire qu'à celles mises en examen. Se déclarant convaincu par les propos de M. Jacques Larché et de M. Robert Badinter, M. Alain Tourret a estimé effectivement injustifiable qu'une personne gravement mise en cause par des organes de presse se trouve dans l'impossibilité d'agir. M. Robert Badinter a ajouté que le texte du Sénat ne prévoyait pas la saisie des journaux, en cas d'une atteinte à la présomption d'innocence, mais simplement un élargissement des possibilités de rectification. M. Jacques Larché a alors proposé de réduire le délai de prescription, initialement fixé à un an, à trois mois. Acceptant finalement cette proposition, la rapporteuse pour l'Assemblée nationale a cependant observé que, s'agissant du délai de prescription de droit commun en matière d'atteinte à la présomption d'innocence, il n'était pas nécessaire de le préciser explicitement dans l'article.
M. Patrick Devedjian a observé que le dispositif prévu semblait déjà couvert par l'article 13 de la loi de 1881 sur la presse relatif au droit de réponse. Il a, en outre, estimé que la rédaction proposée, qui limite le droit de rectification aux personnes présentées comme coupables, était trop restrictive, jugeant préférable un dispositif qui s'appliquerait à toute personne présentée comme suspecte. M. Jacques Larché a observé que les dispositions existantes concernant le droit de réponse ne recouvraient pas exactement le droit de rectification prévu par le projet, qui suppose la décision d'un magistrat. Il a, de surcroît, estimé qu'actuellement le droit de réponse n'était pas totalement satisfaisant, dès lors que la presse l'assortit toujours de commentaires qui lui font perdre beaucoup de son efficacité. M. Robert Badinter a également considéré que le texte du projet, en prévoyant l'intervention d'un magistrat, avait une portée tout autre que le simple droit de réponse.
M. Pierre Fauchon a jugé préférable de mentionner expressément le délai de prescription de l'action en rectification. S'agissant de la proposition de M. Patrick Devedjian d'élargir ce droit à toute personne présentée comme suspecte, il a estimé qu'il ne faudrait pas aboutir à un dispositif trop coercitif, qui irait à l'encontre du principe de liberté de la presse. La rapporteuse pour l'Assemblée nationale s'est ralliée à la rédaction du Sénat, sous réserve de la suppression de toute mention du délai de prescription, afin que le délai de droit commun de trois mois soit applicable. La commission a adopté l'article 22 A ainsi rédigé.
La commission a adopté l'article 22 (diffusion d'une image d'une personne portant des menottes ou placée en détention provisoire) dans le texte du Sénat, de même que l'article 25 (fenêtres de publicité), sous réserve d'une coordination relative à la dénomination du juge des libertés et de la détention.
Un débat s'est ensuite engagé sur l'article 25 bis A (interdiction de publier les noms des magistrats). Mme Frédérique Bredin a jugé que cette disposition était utile pour protéger les magistrats. M. Patrick Devedjian a rappelé que la plupart des actes des magistrats étaient publics. Après que la rapporteuse pour l'Assemblée nationale eut fait valoir que cette interdiction serait totalement inefficace dans les petites villes de province, la commission a supprimé cet article.
Sur proposition de la rapporteuse pour l'Assemblée nationale et après que le rapporteur pour le Sénat eut exprimé son accord, la commission a supprimé l'article 25 bis B (abrogation de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).
La commission a adopté les articles 27 bis A (poursuites en cas d'injure ou de diffamation envers un membre du Gouvernement) , 28 quinquies, 28 sexieset 28 septies (droit pour les associations combattant les discriminations fondées sur le sexe ou les moeurs, défendant les victimes d'accidents du travail ou pour les associations départementales des maires affiliés à l'association des maires de France d'exercer les droits reconnus à la partie civile), ainsi que l'article 32 A (visite des locaux de rétention et des zones d'attente par le procureur de la République) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 32 C (libération conditionnelle des parents d'enfants de moins de dix ans), Mme Christine Lazerges, rapporteuse pour l'Assemblée nationale, a proposé une nouvelle rédaction prévoyant que la libération conditionnelle peut être accordée pour tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans, lorsque ce condamné exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez lui sa résidence habituelle. Elle a précisé que ces dispositions ne seraient pas applicables aux personnes condamnées pour un crime ou un délit commis sur un mineur.
Rappelant que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture s'inspirait du régime, d'ailleurs plus favorable, en vigueur en Italie pour les parents d'enfants de moins de dix ans, M. Alain Tourret a précisé que l'Assemblée nationale avait, en deuxième lecture, prévu que la libération conditionnelle serait obligatoire pour ces parents, sauf si le juge d'application des peines s'y opposait pour protéger les intérêts de l'enfant. M. Jacques Floch a rappelé, qu'à l'occasion du déplacement en Italie d'une délégation parlementaire à laquelle il appartenait, il s'était aperçu que les femmes étaient les principales bénéficiaires de cette mesure. Après que le rapporteur pour le Sénat eut approuvé la nouvelle rédaction proposée par la rapporteuse, la commission a adopté cet article ainsi rédigé.
La commission a adopté l'article 32 D (coordinations avec la création des services pénitentiaires d'insertion et de probation) dans le texte du Sénat, de même que l'article 32 F (juridictionnalisation des décisions du juge de l'application des peines), sous réserve d'une précision rédactionnelle proposée par le rapporteur pour le Sénat.
Elle a également adopté les articles 32 G, 32 H et 32 I (réforme de la libération conditionnelle) dans la rédaction proposée par le Sénat.
A l'article 32 J (droit de visite des sénateurs et des députés des établissements pénitentiaires et des centres de rétention), la commission a adopté le texte proposé par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale, qui apporte des modifications d'ordre rédactionnel au texte du Sénat.
La commission a adopté les articles 32 K (placement sous surveillance électronique d'un mineur non émancipé) et 33 (dispositions de coordination relatives au juge des libertés et de la détention) dans la rédaction proposée par le Sénat.
La commission a adopté l'article 37 bis (dispositions de coordination relatives au recours en matière criminelle), dans le texte du Sénat, modifié par un amendement proposé par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale afin de procéder aux coordinations rendues nécessaires par la différence de composition entre la juridiction de première instance et celle d'appel.
L'article 38 (dispositions de coordination relatives à la détention provisoire) a été adopté dans la rédaction proposée par le Sénat, sous réserve d'une coordination liée au nom du juge des libertés et de la détention.
A l'article 39 (entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi), la commission a adopté le texte du Sénat, complété par une disposition proposée par la rapporteuse pour l'Assemblée nationale, prévoyant que l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue de mineurs entrera en vigueur un an après la publication de la loi au Journal officiel. Le texte du Sénat a également été complété afin de préciser que les transferts de compétences du président du tribunal de grande instance vers le juge des libertés et de la détention, prévus par l'article 10 bis AA, seront obligatoires deux ans après la publication de la loi.
La commission a supprimé les articles 42 (visite d'établissements pénitentiaires par les parlementaires) et 43 (visite des établissements pénitentiaires par la commission départementale de sécurité).
Enfin, la commission a adopté à l'unanimité l'ensemble du texte ainsi modifié.