Table des matières



COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE MODIFIANT LA DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Jeudi 29 mars 2001

- Présidence de M. Gérard Gouzes, président. La commission a tout d'abordconstitué son bureau et désigné :

--  M. Gérard Gouzes, député, président ;

--  M. Jacques Larché, sénateur, vice-président.

La commission a ensuite désigné M. Bernard Roman, député, et M. Christian Bonnet, sénateur, respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.

Avant que la commission mixte paritaire ne procède à l'examen des dispositions restant en discussion, souhaitant faire une déclaration préalable, M. Jacques Larché, vice-président, a indiqué que les sénateurs avaient pris acte de la décision de l'Assemblée nationale de convoquer une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Il a précisé, toutefois, qu'ils n'avaient répondu à cette invitation que par simple courtoisie. Il a considéré, en effet, que cette proposition de loi, telle qu'elle ressortait de la première lecture, était à ce stade relative au Sénat, compte tenu des modifications apportées au texte initial, et qu'elle devait, en conséquence, être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées, en application de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution. Il a, ensuite, précisé que cette interprétation ne conférait pas au Sénat une sorte de droit de veto, qui lui permettrait, le cas échéant, de faire obstacle à l'adoption de tout texte organique, dès lors que le Gouvernement pouvait s'opposer à l'adoption d'amendements en usant de la procédure dite du « vote bloqué » prévue par l'article 44, alinéa 3, de la Constitution. Il a rappelé, à cet égard, que le précédent garde des sceaux, Mme Elisabeth Guigou, avait déjà recouru à cette procédure devant le Sénat. Constatant que cette procédure n'avait pas été ici mise en oeuvre à l'occasion de la première lecture, il a considéré qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier les raisons de ce choix, mais simplement d'en tirer les conséquences en demandant que cette proposition de loi fasse désormais l'objet d'un examen en deuxième lecture avant toute réunion d'une commission mixte paritaire. Il a indiqué qu'en toute hypothèse, cette loi, comme toutes les lois organiques, ne pourrait être promulguée qu'après déclaration par le Conseil constitutionnel de sa conformité avec la Constitution. Il a rappelé que celui-ci portait une attention particulière au respect des procédures d'adoption des lois organiques et, dans ce contexte, il a réaffirmé solennellement qu'il contestait le bien-fondé de la réunion d'une commission mixte paritaire à ce stade de la navette. Il a conclu son propos en précisant qu'il revenait au Gouvernement d'inscrire la proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale puis du Sénat, pour une deuxième lecture et d'utiliser, le cas échéant, la procédure de vote bloqué pour faire en sorte que la proposition de loi ne soit pas relative au Sénat à l'issue de cette deuxième lecture s'il souhaitait réunir la commission mixte paritaire.

M. Gérard Gouzes, président, a rappelé que, conformément aux prérogatives qu'il tient de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement avait provoqué la réunion de cette commission mixte paritaire, dont l'objet porte effectivement sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

M. Bernard Roman, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a jugé légitime que M. Jacques Larché exprime son analyse constitutionnelle et a pris acte du fait que celui-ci considérait que la réunion qui se tenait était une « commission mixte paritaire virtuelle ». Il a constaté que le président de la commission des lois du Sénat venait, lui-même, d'admettre, du moins implicitement, que le Sénat, par la simple introduction d'un amendement le concernant, dans un projet ou une proposition de loi organique, pouvait s'accorder le pouvoir de faire obstacle à son adoption. Tout en reconnaissant que le Gouvernement avait la faculté de s'opposer à cette manoeuvre en recourant à la procédure du vote bloqué pour empêcher l'adoption d'un tel amendement - la mise en oeuvre de cette faculté par la précédente garde des sceaux, rappelée par M. Jacques Larché, ayant d'ailleurs été fort peu appréciée par les sénateurs -, il a cependant estimé que l'on ne pouvait subordonner le pouvoir constitutionnel du Gouvernement de convoquer une commission mixte paritaire à l'exercice par celui-ci d'une autre de ses prérogatives, en l'espèce le recours au vote bloqué.

Le rapporteur pour l'Assemblée nationale a alors insisté sur le fait que la question essentielle consistait à établir clairement à quelle étape de la procédure il convenait d'apprécier si un texte organique était ou non relatif au Sénat. Il a constaté que la lettre même de l'article 46 de la Constitution apportait une réponse indiscutable à cette question, observant que cet article faisait mention des « lois organiques » et non des « projets » ou des « propositions » de loi organique. Il a donc considéré que c'était au stade de la dernière lecture, lorsque le texte est devenu définitif, qu'il convenait d'apprécier si la loi organique est ou non relative au Sénat. Il a renforcé cette argumentation textuelle en soulignant que l'article 45 de la Constitution, relatif à la navette parlementaire, faisait, au contraire, mention de « texte », sans que le terme de loi ne soit jamais employé. Il en a conclu que, tant que la navette n'était pas terminée, le texte en discussion ne pouvait, à l'évidence, être considéré comme une loi, seul le vote ultime lui conférant cette qualité. Enfin, il a souligné que cette interprétation était seule conforme à l'esprit du texte constitutionnel, l'article 46, alinéa 4, qui n'édicte d'ailleurs aucune règle de procédure, n'ayant d'autre objet que de garantir que le Sénat ne soit pas régi par des normes de valeur organique qu'il n'aurait pas votées.

M. Christian Bonnet, rapporteur pour le Sénat, a exprimé son entier accord sur l'analyse juridique formulée dans son propos introductif par M. Jacques Larché.

A l'issue d'une suspension de séance demandée par la délégation du Sénat, M. Jacques Larché, vice-président, a souligné que jamais une commission mixte paritaire ne s'était réunie pour examiner les dispositions restant en discussion d'un texte pour lequel la Constitution exigeait un vote conforme des deux assemblées, c'est-à-dire pour un projet ou une proposition de loi constitutionnelle ou un projet ou une proposition de loi organique relative au Sénat. Il a évoqué, à cet égard, l'exemple récent du projet de loi organique limitant le cumul des mandats.

Faisant valoir que la Constitution confiait l'initiative des lois au Gouvernement et aux membres du Parlement, M. Paul Girod a estimé que, puisque le texte en discussion était une proposition et non un projet de loi, l'assemblée qui n'en avait pas pris l'initiative devait avoir toute faculté de la compléter. Il a précisé que si cet exercice du droit d'amendement avait pour effet de changer la nature du texte ce n'en était qu'une conséquence ne remettant pas en cause ce droit.

M. Jacques Larché, vice-président, a observé que le fait que le texte soit d'origine parlementaire avait empêché le Sénat de demander qu'il soit soumis à référendum.

M. Pierre Fauchon a indiqué qu'il ne souscrivait pas au raisonnement tenu par le président Jacques Larché. Il a, en effet, estimé que la régularité d'un acte -en l'espèce, la réunion de la commission mixte paritaire- ne pouvait dépendre de l'existence de moyens de rétorsion - ici la faculté pour le Gouvernement de recourir au vote bloqué pour s'opposer aux amendements adoptés par le Sénat.

Tout en reconnaissant que, traditionnellement, la commission mixte paritaire ne se réunissait pas lorsqu'un vote conforme des deux assemblées était exigé, M. Bernard Roman, rapporteur pour l'Assemblée nationale, s'est interrogé sur le fondement constitutionnel de cette pratique. En tout état de cause, il a considéré que la proposition de loi organique soumise à la commission mixte paritaire ne relevait pas de cette catégorie. Par ailleurs, il a estimé que l'on ne pouvait mettre sur le même plan le droit d'initiative primaire en matière législative, exercé par l'Assemblée nationale avec le dépôt de la présente proposition de loi, et le vote par le Sénat d'amendements n'ayant d'autre objet que de modifier la nature du texte en discussion. Il a enfin souligné que les amendements votés par les sénateurs sortaient, à l'évidence, du cadre du texte initial et a observé, en conséquence, que s'ils étaient définitivement adoptés, ils seraient, sans nul doute, annulés par le Conseil constitutionnel sur le fondement qu'ils sont sans lien avec la proposition de loi organique.

M. Jacques Larché, vice-président, a indiqué que, ayant constaté que l'Assemblée nationale ne se ralliait pas à son analyse, la majorité des sénateurs, rejointe par les députés présents issus de l'opposition, ne participerait pas à une telle commission mixte paritaire.

M. Gérard Gouzes, président, a considéré que le moment semblait venu de constater l'échec de la commission mixte paritaire.

M. Jacques Larché, vice-président, a estimé qu'il convenait de constater, non pas l'échec de la commission mixte paritaire, mais l'existence d'un désaccord sur la procédure suivie.

M. Dominique Bussereau a exprimé son accord avec cette interprétation, observant que la commission mixte paritaire n'était pas passée au troisième point de son ordre du jour, c'est-à-dire à l'examen des dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique.

M. Bernard Roman, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a considéré qu'il n'était pas nécessaire de procéder à l'examen des dispositions restant en discussion pour constater l'échec évident de la commission mixte paritaire. Il a estimé que le seul fait que la majorité sénatoriale conteste la légitimité de sa réunion ne saurait faire obstacle à l'exercice par le Gouvernement des prérogatives qu'il tient de l'article 45 de la Constitution. La commission mixte paritaire ayant été convoquée, à l'initiative de ce dernier, il a jugé qu'il convenait de constater qu'elle ne pouvait parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique. Il a ajouté que, en tout état de cause, le rapport de la commission mixte paritaire rendrait compte des opinions exprimées par chacun des intervenants.

Observant qu'au-delà des seules questions de forme et de procédure, il existait un désaccord de fond sur les dispositions de la proposition de loi organique, M. Gérard Gouzes, président, a jugé que la commission mixte paritaire ne pouvait qu'aboutir à un échec.

M. Jacques Larché, vice-président, a indiqué, à nouveau, qu'il n'y avait pas lieu de constater cet échec, mais de prendre acte du refus des membres de la majorité sénatoriale de participer à la présente réunion, qui, faute de débat sur les dispositions restant en discussion, ne saurait tenir lieu de commission mixte paritaire.

Prenant acte de la volonté des représentants de la majorité sénatoriale de ne pas participer aux travaux de la commission mixte paritaire, M. Gérard Gouzes, président, a constaté que celle-ci ne pouvait, en conséquence, parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGEE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI RELATIF À L'INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET À LA CONTRACEPTION

Mercredi 4 avril 2001

- Présidence de M. Jean Delaneau, président - La commission a d'abord procédé à la désignation de son bureau. Elle a nommé :

M. Jean Delaneau, sénateur, président ;

M. Jean Le Garrec, député, vice-président ;

M. Francis Giraud, sénateur, rapporteur pour le Sénat  ;

Mme Martine Lignières-Cassou, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.

M. Jean Delaneau, président, a regretté la déclaration d'urgence dont le Gouvernement, d'emblée, avait assorti la discussion de ce projet de loi. Un tel sujet aurait nécessité, à l'évidence, réflexion et concertation entre les deux assemblées.

Il a considéré que le déroulement normal de la navette parlementaire aurait peut-être pu permettre d'aboutir à des dispositions communes sur certains points.

M. Jean Le Garrec, vice-président, a estimé qu'une telle hypothèse était pour le moins aléatoire, tant apparaissaient fortes les divergences sur le fond.

M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat, a présenté les principales modifications apportées au projet de loi par le Sénat en première lecture.

Il a indiqué que le Sénat avait fondé sa position sur le constat d'un triple échec : le nombre d'IVG n'a pas significativement diminué depuis 1975, notre pays ne s'est pas doté d'une véritable politique d'information sur la sexualité et la contraception, notre pays ne s'est pas davantage donné les moyens d'appliquer correctement la loi Veil.

Fort de ce constat, le Sénat avait estimé que le projet de loi du Gouvernement constituait une fuite en avant et que l'allongement du délai légal ne constituait pas une réponse adaptée à la situation des quelque 5.000 femmes qui, chaque année, sont contraintes de se rendre à l'étranger pour obtenir une IVG dans des pays où le terme légal est plus éloigné.

En effet, seule la moitié des femmes concernées, 2.000 à 3.000 selon les estimations les plus fiables, serait susceptible de bénéficier de ces deux semaines supplémentaires. L'autre moitié dépassait de toute façon le délai de douze semaines de grossesse. Qu'adviendrait-il de ces femmes enceintes ? Le projet de loi restait muet sur ce point.

Outre qu'il n'apportait aucune solution au problème évoqué, l'allongement du délai comportait un certain nombre de risques qui étaient loin d'être négligeables.

M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat, a souligné que l'intervention devenait plus difficile tant d'un point de vue technique que psychologique entre la dixième et la douzième semaine de grossesse. Deux semaines supplémentaires changeaient la nature de l'acte médical : elles impliquaient un effort considérable de formation et la mise en place de moyens techniques garantissant la sécurité des interventions.

L'allongement du délai risquait en outre de dégrader encore le fonctionnement quotidien du service public. Il était probable que l'accès à l'IVG resterait toujours aussi difficile pour certaines femmes et il était à craindre que ces difficultés soient encore accrues.

En définitive, l'allongement du délai légal revenait à déplacer les frontières de l'échec.

M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat, a souligné que, donnant la priorité à l'impératif de santé publique, le Sénat avait donc fait le choix de s'opposer à l'allongement du délai légal et de formuler parallèlement un certain nombre de propositions de nature à apporter une solution effective aux difficultés rencontrées.

Le Sénat avait tout d'abord souhaité que l'on se dote des moyens d'appliquer correctement les lois existantes. Si ces moyens en personnels formés et disponibles, en structures proches et accessibles, avaient pu être dégagés ou pouvaient l'être aujourd'hui, le projet de loi perdrait sa raison d'être dans ses dispositions essentielles.

De même était-il également de la responsabilité du Gouvernement de définir une politique ambitieuse d'éducation responsable à la sexualité et d'information sur la contraception, qui mobilise autant le corps enseignant que le corps médical et ouvre le dialogue au sein des familles.

M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat, a indiqué que cette position de principe avait conduit le Sénat à insérer dans le texte un article additionnel 1er A qui prévoyait que la réduction du nombre des IVG était une priorité de santé publique et que le Gouvernement mettrait en oeuvre, à cette fin, les moyens nécessaires à la conduite d'une véritable politique d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception.

Tout en proposant de maintenir, dans les articles 1er, 2 et 5, le délai légal de l'IVG à dix semaines de grossesse, le Sénat avait souhaité apporter une réponse à la détresse des femmes qui dépassent le délai légal en permettant la prise en charge des situations les plus douloureuses dans le cadre de l'interruption médicale de grossesse.

Ainsi, à l'article 8, le Sénat avait précisé, dans les conditions d'accès à l'interruption médicale de grossesse, que la référence à la santé de la femme incluait sa santé psychique. Cet ajout permettrait la prise en charge des situations les plus douloureuses, qui constituent souvent l'essentiel des cas de dépassement de délais.

A l'article 3 bis, le Sénat avait rétabli le contenu du dossier-guide, tel qu'il était prévu par la loi Veil. Contrairement à ce que semblait croire la majorité de l'Assemblée nationale, ces éléments n'avaient pas pour vocation de dissuader la femme de recourir à l'IVG mais simplement de s'assurer qu'elle prenait sa décision en toute connaissance de cause et en disposant de l'information la plus complète possible.

Pour les mêmes raisons, le Sénat avait souhaité maintenir, à l'article 4, le caractère obligatoire de l'entretien social préalable à l'IVG, supprimé par l'Assemblée nationale. Rendre cet entretien facultatif aboutirait à ce qu'un bon nombre de femmes n'en bénéficient pas, surtout celles pour lesquelles il pourrait être le plus utile.

S'agissant de la difficile question de l'accès des mineures à l'IVG, prévu par l'article 6 du projet de loi, le Sénat avait souhaité que cette possibilité soit entourée de garanties. Il n'était pas envisageable, en effet, que la mineure puisse être livrée à elle-même ou qu'elle soit, comme le proposait le projet de loi, simplement " accompagnée " par une personne de son choix qui pourrait être n'importe qui.

Le Sénat avait par conséquent souhaité que cette personne ne se limite pas à accompagner cette mineure, concept qui n'a aucune signification juridique, mais l'assiste, par référence aux dispositions du code civil qui prévoient, dans certaines situations, l'assistance d'un mineur par une personne adulte.

En outre, le Sénat avait prévu que cet adulte référent serait soit un membre majeur de la famille de la mineure, soit une personne qualifiée, c'est-à-dire compétente et formée à ce type de mission (conseillère conjugale, assistante sociale, psychologue...).

Aux articles 11 et 11 bis, s'interrogeant sur la finalité du tour de passe-passe consistant à transférer certaines dispositions du code pénal vers le code de la santé publique, le Sénat avait rétabli dans le code pénal les dispositions qui y figuraient.

A l'article 12, il avait adopté une nouvelle rédaction de l'article L. 2221-1 du code de la santé publique afin de protéger la femme enceinte contre toute forme de pression destinée à la contraindre à une interruption de grossesse.

A l'article 16 bis, le Sénat avait porté de trois à cinq le nombre minimum des séances annuelles d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception dans les collèges et lycées, et étendu ces séances aux écoles primaires. Il avait prévu que des réunions associant les parents d'élèves seraient organisées pour définir des actions menées conjointement. Il avait également créé un Conseil supérieur de l'éducation sexuelle destiné à remplacer le Conseil supérieur de l'information sexuelle, aujourd'hui en coma dépassé.

M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat, a indiqué que le Sénat avait également introduit, à l'initiative du groupe communiste républicain et citoyen, un article additionnel 16 ter prévoyant qu'une information et une éducation à la sexualité seraient dispensées dans toutes les structures accueillant des personnes handicapées.

A l'article 17, le Sénat avait réaffirmé la nécessité d'un suivi médical de la contraception hormonale. L'obligation de prescription permettait un bilan et un suivi médical de la femme et un dépistage précoce de certaines pathologies. Le dialogue entre le médecin et la femme était indispensable pour assurer une bonne compréhension et un bon usage d'une contraception efficace ; il assurait en outre le choix d'une contraception adaptée à la situation de chaque femme.

Le Sénat avait également souhaité encadrer la pratique de la stérilisation à visée contraceptive afin de protéger la santé des personnes et d'éviter que des excès ne puissent être commis.

A l'article 19, il n'avait autorisé la stérilisation à visée contraceptive que dans trois cas : si la personne est âgée de trente-cinq ans au moins, ou à un âge tel que le produit de cet âge par le nombre d'enfants mis au monde donne un résultat supérieur à 100, ou lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement. La personne devait en outre être informée du caractère généralement définitif de cette opération et le délai de réflexion avait été porté à quatre mois, à l'initiative du groupe socialiste.

A l'article 20, s'agissant de la stérilisation des majeurs sous tutelle, le Sénat avait prévu qu'elle ne pourrait être pratiquée qu'à la demande des parents ou du représentant légal de la personne concernée et que si la personne concernée est apte à exprimer sa volonté, son consentement devait être systématiquement recherché.

Enfin, le Sénat avait inséré un article additionnel 9 bis, présenté par M. Claude Huriet, qui constituait une réponse à l'arrêt " Perruche " de la Cour de Cassation et qui prévoyait que nul n'est recevable à demander une indemnisation du seul fait de sa naissance.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure pour l'Assemblée nationale, a considéré que l'Assemblée nationale et le Sénat se retrouvaient sur une nécessité -celle de la prévention- et sur la volonté d'améliorer les conditions d'accès à l'IVG.

Elle a souligné que subsistait une divergence majeure sur l'allongement du délai légal pour bénéficier d'une IVG. Elle a indiqué qu'elle ne partageait pas l'analyse formulée par le rapporteur du Sénat et que ce que le Sénat avait qualifié de " fuite en avant " était, pour l'Assemblée nationale, un véritable progrès pour les femmes.

Relevant que notre pays se caractérisait par des délais très courts pour accéder à l'IVG, au regard notamment de la situation prévalant dans d'autres pays européens, elle a estimé que les risques d'un allongement du délai pour la santé des femmes n'étaient pas avérés, comme en témoignait le rapport de l'ANAES.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure pour l'Assemblée nationale, a souligné que l'Assemblée nationale avait choisi de laisser à la femme l'entière responsabilité de la décision éventuelle de mettre fin à sa grossesse. Elle a constaté que les articles les plus importants du projet de loi avaient été soit supprimés, soit dénaturés par le Sénat, et qu'elle proposerait par conséquent, s'agissant notamment des premiers articles du texte, de rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

Elle a conclu en regrettant que le Sénat n'ait pas reconnu l'avancée que représentait ce texte pour la maîtrise par les femmes de leur fécondité.

M. Claude Huriet, sénateur, a regretté que la rapporteure de l'Assemblée nationale n'ait pas mentionné les conclusions du rapport du Professeur Israël Nisand sur l'IVG en France.

Il a expliqué qu'il avait pris l'initiative d'envoyer un questionnaire à 219 centres d'IVG, sur les 761 que compte notre pays, afin de connaître le sentiment des praticiens de l'IVG sur un éventuel allongement du délai légal.

Il a souligné que les 138 réponses qu'il avait d'ores et déjà reçues témoignaient des interrogations et des réserves qu'inspirait à ceux qui aujourd'hui pratiquaient les IVG le passage à douze semaines de grossesse. Il a indiqué que deux tiers des centres d'IVG ayant répondu au questionnaire déclaraient qu'ils ne pratiqueraient pas d'IVG au-delà de dix semaines de grossesse.

Il a considéré qu'une navette parlementaire aurait permis une réflexion plus approfondie sur ce texte et aurait, par exemple, donné le temps de vérifier les enseignements de cette enquête.

M. Claude Huriet, sénateur, a cité les propos du Professeur Nisand dans son rapport, pour qui " même si la nuance peut paraître dérisoire aux profanes, les médecins qui se trouvent contraints de réaliser ces gestes ne souhaitent pas dépasser ce délai de douze semaines d'aménorrhée. Près d'un tiers des demandes d'IVG hors délai sont prises en charge en France au bénéfice du doute sur l'âge gestationnel. La notion du risque médical augmenté avec l'âge gestationnel, mais aussi la complexité du geste, sans compter les situations détestables où " cela se passe mal " font que la plupart des médecins sont même franchement hostiles à une modification du délai légal ".

Après avoir regretté que le Gouvernement ait déclaré l'urgence sur un sujet de société, M. Patrick Delnatte, député, a rappelé que l'opposition n'avait pas voté ce texte à l'Assemblée nationale. Il a jugé que les débats du Sénat avaient été très enrichissants.

Il a souligné que tout le monde était d'accord sur le constat de l'échec que constituait le nombre élevé d'IVG et les carences des politiques de prévention et qu'il n'avait jamais été question de revenir sur la possibilité offerte aux femmes d'accéder à l'IVG. Il a jugé que le dispositif adopté par le Sénat était pragmatique et de nature à apporter une réelle solution aux problèmes soulevés. Il a déclaré que l'opposition se retrouvait totalement dans ce dispositif.

M. Guy Fischer, sénateur, a considéré que la majorité sénatoriale avait élaboré un contre-projet, certes cohérent, mais dont le groupe communiste républicain et citoyen ne partageait pas les principes. Il a souligné que son groupe avait toujours été favorable à ce que les femmes puissent disposer du droit à maîtriser leur fécondité et que le projet de loi allait dans le sens d'un plus grand respect et d'une plus grande liberté des femmes.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, députée, a remercié le Sénat du travail qu'il avait accompli sur ce texte. Elle a regretté la déclaration d'urgence qui privait les deux assemblées du dialogue nécessaire à l'élaboration d'une loi positive au service des femmes en détresse.

Elle a jugé infiniment regrettable le choix d'allonger le délai légal de l'IVG et a considéré que la proposition du Sénat de prendre en charge, dans le cadre de l'interruption de grossesse pour motif médical, les femmes dépassant le délai de dix semaines de grossesse était intéressante. Elle s'est demandé s'il n'aurait pas été nécessaire d'étendre cette possibilité au motif psychosocial afin de ne pas exclure du dispositif un certain nombre de femmes. Elle s'est interrogée sur la portée réelle de la création par le Sénat d'un Conseil supérieur de l'éducation sexuelle dans la mesure où existait déjà un Conseil supérieur de l'information sexuelle dont l'activité était, il est vrai, particulièrement limitée.

Elle a considéré, en outre, que l'adoption d'un cadre légal pour la stérilisation des personnes handicapées était probablement prématurée et aurait justifié une réflexion plus approfondie.

M. Bernard Perrut, député, a estimé que le projet de loi ne résolvait en rien les difficultés des femmes qui dépassaient le terme du délai légal. Il s'est félicité de l'initiative prise par le sénateur Claude Huriet de consulter les établissements qui pratiquaient aujourd'hui les IVG et a souligné le manque cruel de moyens dont souffraient souvent ces structures.

Après avoir mentionné le problème que pouvait soulever l'interférence entre le délai pour le diagnostic prénatal et le délai de l'IVG, il a fait part des réticences du corps médical à l'égard d'un éventuel prolongement du délai. Il a jugé que le Sénat avait apporté au texte un certain nombre d'améliorations, notamment en rétablissant le caractère obligatoire de l'entretien préalable et le contenu du dossier-guide remis à la femme. Il a considéré, à cet égard, que l'IVG ne pouvait être une fin en soi et que certaines femmes, mieux informées et mieux aidées, pouvaient décider finalement de garder leur enfant.

Il s'est félicité de la position adoptée par le Sénat sur la question de l'accompagnement des mineures en soulignant que l'IVG n'était pas un acte anodin et qu'il convenait par conséquent de mettre en place un dispositif qui aille au-delà d'un simple accompagnement.

Mme Muguette Jacquaint, députée, a jugé que l'urgence était justifiée par la détresse que connaissaient actuellement de nombreuses femmes ayant dépassé le délai légal. Elle s'est dite convaincue de la nécessité de moderniser la loi Veil et a jugé que ce n'était pas aux médecins de décider à la place des femmes si elles voulaient un enfant ou non.

Mme Danielle Bousquet, députée, a estimé que ce projet de loi était bon et a jugé, par conséquent, que la majorité sénatoriale se rallierait peut-être dans quelques années à ce texte comme elle se ralliait aujourd'hui à la loi Veil de 1975.

Elle a souligné que l'Assemblée nationale et le Sénat reflétaient deux positions antagonistes : l'une considérant que l'IVG était un droit des femmes et du ressort de leur seule responsabilité, l'autre qu'il s'agissait d'une simple possibilité concédée aux femmes. Elle a jugé que les femmes n'avaient pas à justifier de l'exercice de ce droit que constituait l'IVG.

Elle a fait valoir que l'ANAES considérait que l'allongement du délai à douze semaines ne comportait pas de risques particuliers et nécessitait simplement l'apprentissage de techniques différentes.

Elle a considéré que la position adoptée par le Sénat sur l'accès des mineures à l'IVG, en introduisant une responsabilité pénale de l'adulte référent, revenait à fermer la porte que le projet de loi avait souhaité ouvrir.

M. Jean-Louis Lorrain, sénateur, a estimé que certaines interprétations du rapport de l'ANAES comportaient des contrevérités.

M. Jean Le Garrec, vice-président, a fait valoir que la déclaration d'urgence sur ce projet de loi résultait de la volonté du Gouvernement de répondre rapidement à un problème aigu. Il a tenu à rendre hommage au travail remarquable accompli depuis mars 2000 sur les principales dispositions de ce texte par la Délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il a estimé que la réflexion et les débats avaient été très approfondis et que l'on ne pouvait parler de précipitation sur cette réforme.

Il a estimé que des accords étaient naturellement envisageables entre les deux assemblées sur certains articles du texte, mais qu'un désaccord profond subsistait sur les dispositions essentielles que constituaient les articles premier et 2.

M. Jean Delaneau, président, a indiqué qu'il était probablement le seul dans cette commission à avoir participé à la fois aux débats de 1975, 1979 et 2001. Il a ajouté qu'il avait également participé, en tant que chirurgien, à la mise en place effective des structures nécessaires à l'IVG. Il a rappelé qu'il avait, en 1979, en tant que rapporteur à l'Assemblée nationale de la deuxième loi IVG, souligné que la question du délai légal n'était pas un problème moral mais médical.

Après avoir regretté que le travail du Sénat n'ait pas été suffisamment compris, il a estimé que l'on se trouvait aujourd'hui dans une impasse pour les femmes dépassant le délai de dix semaines et que l'on se trouverait demain dans une situation analogue pour les femmes dépassant le délai de douze semaines. Il a expliqué que le souci du Sénat avait été d'apporter une solution concrète à ce problème que ne réglait en rien le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Il a jugé intéressant le rapport de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, mais a souligné qu'il n'avait été adopté qu'avec une voix de majorité.

M. Claude Huriet, sénateur, a souhaité connaître le sort que réserverait l'Assemblée nationale à l'article additionnel 9 bis, introduit par le Sénat à la suite de l'arrêt " Perruche " de la Cour de Cassation.

M. Jean Le Garrec, vice-président, a fait valoir que l'Assemblée nationale avait débattu à deux reprises de cette délicate question. Il a indiqué que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale avait organisé une table ronde sur le sujet le jeudi 29 mars. Il a souligné que la majorité des personnes auditionnées considérait qu'il convenait de ne pas légiférer de manière prématurée et d'être très prudent, compte tenu de l'extrême complexité du sujet.

La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.

Elle a abordé l'examen de l'article premier A.

M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat, a souligné qu'il s'agissait d'un article de principe très important puisqu'il faisait de la réduction du nombre des IVG une priorité de santé publique et qu'il prévoyait que le Gouvernement mettrait en oeuvre à cette fin les moyens nécessaires à la conduite d'une véritable politique d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure pour l'Assemblée nationale, a estimé que le Sénat, avec cet article déclaratif et sans portée pratique, se trompait d'objectif et que la priorité de santé publique était avant tout la politique de prévention et d'information sur la contraception. Elle s'est dite en désaccord avec la formulation adoptée par le Sénat.

La commission mixte paritaire s'est alors prononcée sur l'article premier A dans le texte du Sénat et l'a rejeté par sept voix contre sept.

M. Jean Delaneau, président, a alors constaté que la commission mixte paritaire n'était pas en mesure d'adopter un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.