Mercredi 20 mars 2024

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Audition de M. Jean-Dominique Senard, président du conseil d'administration de Renault

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui devant la commission des affaires économiques M. Jean-Dominique Senard, président du conseil d'administration de Renault.

Fleuron de l'industrie française, symbole national, Renault vit actuellement, comme les autres constructeurs automobiles français et européens, de très profondes mutations, les plus importantes sûrement depuis les débuts de l'automobile.

C'est d'abord, bien sûr, la transition écologique, avec la double exigence, pour le secteur automobile, de réduire l'impact environnemental de l'ensemble de ses activités de production et de distribution, mais aussi et surtout d'adapter son offre aux exigences environnementales et aux nouvelles formes de mobilité. Alors que l'Union européenne a décidé d'accélérer ces mutations en interdisant dès 2035 la vente de véhicules thermiques neufs, Renault a envoyé, ces derniers mois, des signaux ambigus. Le directeur général de Renault, Luca de Meo, a ainsi réclamé une règlementation européenne « technologiquement neutre » pour atteindre l'objectif « zéro émission », tout en plaidant, au dernier salon de l'automobile à Genève, pour un « Airbus de la petite voiture électrique ». Pas plus tard qu'en début de semaine, il demandait, dans une lettre ouverte, la révision du calendrier européen sur les normes d'émissions.

Vous-même vous êtes à plusieurs reprises montré sceptique sur la course au « tout électrique ». Aussi je vous demanderai très clairement : croyez-vous à la voiture électrique ? Ou pensez-vous qu'il existe d'autres voies que le « tout électrique » pour arriver au « zéro émission », qui devraient être davantage explorées et soutenues ?

Les constructeurs français et européens ont-ils les moyens d'être compétitifs dans l'électrique, face aux Tesla et autres BYD, et à quelles conditions ? Faut-il continuer à soutenir la demande et, si oui, à quel prix ? Comment se mettre en ordre de bataille pour sécuriser les approvisionnements, notamment en métaux rares, et ne pas dépendre du bon vouloir de nos concurrents, et notamment de la Chine, dont les véhicules ont commencé à inonder notre marché ? De manière plus générale, comment l'industrie automobile européenne peut-elle s'organiser pour riposter ? Est-il nécessaire aussi, comme se prépare à le faire l'Union européenne, de mobiliser les instruments de défense commerciale, face à nos concurrents chinois largement subventionnés ?

L'autre grande mutation pour l'industrie automobile, c'est le numérique. Votre nouvelle filiale consacrée à l'électrique, Ampere, entend aussi être pionnière dans le « Software Defined Vehicule », ce véhicule dont les fonctionnalités logicielles seraient mises à jour pendant toute sa durée de vie, un peu comme nos smartphones. Quelle est votre stratégie dans ce domaine ? Comment l'intégration du numérique modifie-t-elle les besoins en compétences de l'industrie automobile ? Comment reconfigure-t-elle vos relations avec vos partenaires, en amont et en aval, sous-traitants ou concessionnaires - je pense notamment à la bataille pour l'accès aux données ?

Plus largement, comment doit, selon vous, évoluer l'industrie automobile pour affronter ces défis ?

Arrivé à la tête de Renault il y a cinq ans, vous avez rationalisé l'Alliance avec Nissan et réorganisé l'architecture du groupe. Quelles sont désormais vos stratégies de partenariats - qu'ils soient sectoriels ou géographiques - avec Nissan, mais aussi avec les autres constructeurs, ou encore avec les acteurs du numérique ?

Comment doit évoluer l'outil industriel pour réduire les coûts et gagner en agilité ? Faut-il conserver des chaînes de production mixtes ou opter pour le tout thermique ou le tout électrique ? Faut-il, comme le fait Tesla, réduire le nombre de pièces dans chaque véhicule, au risque de perdre, notamment, en réparabilité ?

L'industrie automobile est à la croisée des chemins et nous sommes très heureux de pouvoir entendre votre analyse sur l'avenir de ce secteur, vous qui avant d'être à la tête de Renault, avez présidé aussi aux destinées de Michelin pendant plus de dix ans.

Enfin, parce que je sais que vous menez aussi une réflexion stimulante sur l'avenir de l'industrie et que vous êtes un patron « engagé », je vous demanderai, de manière plus générale, comment vous percevez l'avenir de l'industrie dans notre pays, sa capacité à générer de la valeur, mais aussi du lien social.

M. Jean-Dominique Senard, président du conseil d'administration de Renault. - Je suis très honoré et ravi d'être avec vous aujourd'hui, alors que notre industrie est effectivement à la croisée d'un certain nombre de chemins et de révolutions qui se cumulent.

Ma dernière audition par votre commission, il y a quatre ou cinq ans, s'inscrivait dans un contexte difficile pour le groupe Renault, pour l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi et pour moi-même. Aujourd'hui, les perspectives sont plus exaltantes.

Depuis 2019, le groupe Renault a connu un redressement spectaculaire. Avec l'arrivée d'un directeur général et d'une équipe extrêmement solides, déployant une stratégie faisant l'unanimité, le groupe Renault est en train de retrouver le rang qu'il mérite.

À mon arrivée à la tête du groupe, j'étais préoccupé par la faible utilisation de ses usines françaises. On me suggérait même de réfléchir à la fermeture de l'usine de Flins, ce que je ne voyais pas d'un oeil favorable. L'urgence était d'abord de rétablir les comptes du groupe, avec un processus similaire à conduire chez Nissan, dont le groupe possédait 44 % du capital économique. Il s'est agi ensuite de rajuster la capacité productive du groupe. En pleine crise du Covid-19, cela n'a pas été simple. Nous y sommes néanmoins parvenus, en nous attachant à éviter toute souffrance sociale. Le groupe s'est ainsi mobilisé avec une force et une passion que je respecte et admire.

Avec Luca de Meo, nous avons ensuite impulsé une stratégie parfaitement robuste, s'appuyant sur une gouvernance transparente et efficace. Cette dernière est un élément fondamental pour l'avenir du groupe et sa pérennité.

Nous avons mis en place un modèle unique, visant à capter les nouvelles chaînes de valeur. Nous sommes donc prêts aujourd'hui à faire face aux défis qui se présentent à nous, dont nous sommes conscients de l'ampleur.

De fait, les révolutions en cours sont nombreuses. La prise en compte de la dimension environnementale, qui n'a jamais été absente de l'activité de Renault, connaît aujourd'hui une accélération. Cette accélération entraine une révolution dans les motorisations et les chaînes de motricité. Une révolution digitale s'opère également. Enfin, nous faisons face à une quatrième révolution, celle des usages, car la mobilité évolue. Ces révolutions nous posent de nombreux défis, mais représentent également d'immenses opportunités, nous poussant vers une logique de services à la mobilité.

Dans ce contexte, nous avons décidé, avec Luca de Meo, que la France serait le terrain privilégié de l'accomplissement des progrès du groupe, notamment dans le domaine électrique. J'avais déjà fait ce pari de la France chez Michelin. Nous ne travaillons que pour l'incertain, comme disait Pascal. Cependant, nous sommes déterminés à réussir.

Nous visons une capacité de production, en France, de l'ordre d'un million de véhicules électriques à l'horizon 2030-2031. Les nouveaux modèles que nous avons prévu de faire sortir de nos chaînes sont prêts et nous ferons tout pour que nos usines soient compétitives, avec des capacités utilisées au maximum.

Parmi nos nouveaux véhicules, vous avez découvert la nouvelle Megane électrique, la nouvelle Scenic (récemment désignée voiture de l'année), nos nouveaux modèles hybrides que sont la nouvelle Espace et l'Austral, etc. Nous allons sortir pas moins de dix véhicules nouveaux cette année, tant sous la marque Renault que sous la marque Dacia. À ce jour, tous reçoivent un accueil extraordinaire. Il en sera certainement de même pour la nouvelle Renault 5, qui suscite une attente qui nous surprend nous-mêmes par son intensité. Ces véhicules nous permettront de mettre en oeuvre notre stratégie.

Notre filiale Ampere sera implantée en France, sur des sites majeurs du nord du territoire tels que Douai, Maubeuge et Cléon. Cette transformation est en train de s'opérer, avec des embauches associées. Je n'ai donc aucune inquiétude sur le fait que Renault sera présent pour valoriser la présence française. Il s'agit pour moi d'une fierté.

L'usine de Flins a également retrouvé une nouvelle jeunesse, alors qu'elle devait fermer. Elle est en train de devenir la plus belle usine européenne d'économie circulaire. Nous allons y remettre en état des véhicules d'occasion. Nous allons y recycler des batteries. Nous allons également y mettre en oeuvre notre stratégie vis-à-vis de l'hydrogène, pour produire de l'hydrogène vert et des piles à combustible - nos futurs Master devant être équipés d'une motricité à l'hydrogène. Le site de Flins emploie aujourd'hui 1 800 personnes et nous avons pris l'engagement qu'il en emploierait 3 000 à l'horizon 2030.

Notre souhait est également de faire de la marque Alpine une force pour le groupe. Cette marque est déjà une fierté nationale. Avec de nouveaux modèles tous électriques, elle constituera la marque premium du groupe.

La période que nous venons de traverser nous a permis de repositionner correctement les marques du groupe que sont Renault, Alpine et Dacia, pour éviter tout risque de chevauchement entre ces différentes marques et renforcer leur visibilité.

Mon optimisme se renforce à chacune de mes visites d'un site du groupe. Je reviens du Maroc. J'étais récemment à Batilly, à Dieppe, etc. Je m'efforce ainsi de passer beaucoup de temps auprès des équipes, non seulement pour parler de l'avenir du groupe, mais aussi pour aborder les perspectives sociales. Comme vous le savez, j'ai travaillé sur la question du rôle de l'entreprise, j'ai remis l'année dernière au Gouvernement, dans le prolongement des Assises du travail, un rapport intitulé « Reconsidérer le travail ». J'ai également publié récemment dans un grand journal national une tribune autour de la question de la responsabilité. Je m'efforce de partager ces réflexions au sein du groupe Renault, car j'ai toujours considéré que Renault représentait un modèle social en France et ne devait pas perdre son leadership en la matière.

Les révolutions que nous vivons appellent également un effort considérable de formation. Il nous faut former, chez Renault, près de 40 000 personnes dans un délai relativement court. Nous en avons déjà formé entre 12 000 et 15 000 au sein de nos universités Renault, installées à Flins et Cléon. Ces universités sont associées aux universités régionales et s'appuient sur des aides des pouvoirs publics. Elles dispensent des formations approfondies, qui permettent de véritablement changer de métier, et donc d'être employable dans les nouveaux métiers et contextes du groupe.

Au plan financier, vous aurez noté que, partant d'une situation extrêmement difficile il y a cinq ans, le groupe est parvenu à opérer un redressement, pour atteindre des résultats historiques. Cette capacité à générer de la trésorerie est aujourd'hui essentielle pour financer nos investissements d'avenir et mettre en oeuvre notre stratégie.

Du reste, notre environnement concurrentiel est effectivement très dense, avec des enjeux géopolitiques. Je pourrai notamment revenir sur la concurrence chinoise et la manière dont nous l'appréhendons.

Au-delà d'Alpine, d'Ampere et de Mobilize (marque que nous avons créée pour positionner Renault dans le monde des services à la mobilité), nous avons aussi décidé de conserver et de capitaliser sur notre immense connaissance technologique des moteurs thermiques et hybrides. Nous avons investi pendant des années dans des instruments de haute qualité autour de ces motorisations. Nous bénéficions à cet égard d'une reconnaissance internationale. Nous avons donc décidé de maintenir cette activité, considérant que le thermique décarboné aura encore une place significative dans les prochaines décennies. Nous avons pour cela créé l'entité Horse, en partenariat avec le groupe chinois Geely. Ce partenariat nous apporte une complémentarité à la fois géographique et technologique. Nous comptons sur cette entité unique au monde pour assurer une présence du groupe Renault dans le monde entier dans les années à venir.

Nous portons par ailleurs, en interne, une dynamique globale d'innovation. Nous ne pourrons plus jamais être seul dans notre environnement industriel. J'avais déjà fait ce constat chez Michelin. Nous sommes donc appelés à créer des écosystèmes, avec des partenariats intelligents. Autour de la dimension logicielle, représentant désormais près de 35 % de la valeur des véhicules, nous avons déjà créé autour de nous une « Software République », associant un certain nombre d'acteurs majeurs tels que Dassault Systèmes, STMicroelectronics, Orange, JCDecaux, etc. Nous travaillons ainsi sur la mobilité du futur, autour des aides à la conduite notamment, augurant d'une plus grande sécurité et d'une meilleure protection des conducteurs. Nous aurons ainsi à nous appuyer sur des partenaires privilégiés dans tous les domaines, qu'il s'agisse de l'économie circulaire, de l'électrique, du thermique ou des services à la mobilité.

Cette logique d'écosystèmes a vocation à accélérer notre développement et à renforcer notre solidarité avec de grandes entreprises françaises internationales. En parallèle, nous apportons notre contribution à la réindustrialisation du pays, en recréant en France une activité industrielle forte, génératrice de nouveaux emplois.

Notre contexte demeure très volatile, avec la question environnementale, mais aussi avec des enjeux géopolitiques jouant un rôle de plus en plus important dans les équilibres industriels mondiaux. Jusqu'à présent, nous y faisons face. Si vous le souhaitez, je pourrai développer la manière dont nous percevons ces défis et comment nous entendons les relever.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ces propos engagés et passionnés, qui nous rendent fiers de ce que représente le groupe Renault dans notre pays.

M. Alain Cadec. - Monsieur le président, quel est votre sentiment vis-à-vis de la fin du moteur thermique en 2035 votée par le Parlement européen ? Est-ce raisonnable ou non ? Cette trajectoire est-elle tenable ? Dans ce contexte, allez-vous tout de même continuer à travailler sur le thermique, pour développer des moteurs beaucoup moins émetteurs de CO2 et de particules ?

M. Daniel Fargeot. - Renault connaît actuellement quelques tensions sur les approvisionnements. Quelles sont-elles et quelles en sont les causes ?

Qu'en est-il par ailleurs de vos relations avec le Canada ? Quelle est votre position sur ce marché, aussi bien à l'export qu'à l'import, pour votre approvisionnement en métaux rares notamment ?

Enfin, quelle est aujourd'hui votre position stratégique vis-à-vis des BRICS, pour la vente et la production de véhicules, en Inde notamment ?

M. Yannick Jadot. - Vous avez évoqué les doutes de votre groupe quant à l'électrification complète du parc automobile. Le contexte évolue. Une dérogation à l'accord sur la fin des moteurs thermiques à l'horizon 2035, vis-à-vis des carburants alternatifs, a été portée par un parti politique allemand, pour défendre les intérêts de Porsche. Donald Trump, dans sa campagne électorale, remet lui aussi en cause l'électrification des véhicules.

Le groupe Stellantis a, lui, annoncé qu'il produirait 100 % de véhicules électriques pour le marché européen dès 2030, en avance sur la règlementation européenne.

Dans ce contexte, n'avez-vous pas l'impression de prendre le mauvais train en matière de compétitivité, en demeurant dans le camp conservateur vis-à-vis de la transition de l'automobile et en continuant à « jouer » avec les Chinois, y compris sur les questions de dumping en matière de véhicules électriques ?

M. Jean-Dominique Senard. - Vis-à-vis de l'arrêt des moteurs thermiques, les constructeurs automobiles français ont souhaité pouvoir bénéficier, pour les moteurs hybrides, d'un délai supplémentaire à 2040. Cet argument n'a toutefois pas été entendu. Quoi qu'il en soit, le rôle du monde politique est de prendre des décisions et de définir des règlementations. Notre rôle est ensuite de les mettre en application.

Cela étant, cette décision d'interdire les moteurs thermiques en 2035, a été prise dans un contexte douloureux pour l'industrie automobile, à Bruxelles, et a été marquée par une forme de déni de notre capacité d'innovation. Cette décision a de surcroît été prise en l'absence de réelle analyse d'impact. Tout le monde a ensuite fait semblant de découvrir que nous avions une problématique de ressources nécessaires pour alimenter les usines de batteries que nous sommes en train de mettre en place en France et en Europe - l'Europe étant dépourvue d'un accès significatif aux ressources minières nécessaires à la fabrication des batteries (lithium, nickel, manganèse, cobalt, cuivre, graphite, terres rares, etc.).

L'industrie automobile se retrouve ainsi devant des défis majeurs qui ont été mal anticipés - sans que l'on puisse par ailleurs reprocher à la Chine d'avoir capté une part significative de l'exploitation minière dans le monde et de dominer également 70 à 75 % de l'industrie de la transformation des métaux nécessaires à la production d'énergie électrique.

Il nous faut aujourd'hui regarder les choses en face. Ce constat est apparu après la décision prise par le Parlement européen.

Dans la foulée, il est également apparu que l'électrification de la mobilité en Europe et la décarbonation de l'industrie allaient nécessiter de pouvoir répondre à une demande d'énergie électrique considérable. Nous nous retrouvons donc face à des enjeux de capacité de production d'électricité et de prix de l'électricité.

Dans le cadre de cette équation complexe, notre devoir est de trouver les chemins pour mettre en oeuvre les règlementations fixées. Et nous allons le faire. En 2030, la totalité de la production de Renault en Europe sera électrique, y compris pour la marque Alpine. Je ne partage donc pas l'analyse qui nous placerait dans le camp conservateur vis-à-vis de la transition écologique. Je ne crois pas qu'il existe aujourd'hui, en France, une seule entreprise du secteur de l'automobile qui investisse autant autour de cette question.

Nous serons donc prêts et nous le serons en avance. Pour autant, encore faudra-t-il que les défis que je viens d'évoquer, ayant trait à la sécurisation des approvisionnements en matériaux et à l'accès à l'énergie, puissent être résolus. Nous ne pourrons pas le faire seuls. A cet égard, j'aurais souhaité que la décision de Bruxelles n'impose pas le choix de la technologie pour atteindre la neutralité technologique. Quoi qu'il en soit, pour garantir l'accès aux matériaux, il nous faudra travailler ensemble, avec le monde politique et le secteur public, pour porter une véritable diplomatie des métaux. Pour l'accès à l'énergie, nous pourrons nous appuyer sur le parc nucléaire, appelé à représenter une force pour la décarbonation de nos activités et l'alimentation de nos usages avec une énergie décarbonée. L'enjeu sera toutefois de veiller à ce que le coût de cette énergie soit à la hauteur des enjeux de compétitivité. Nous nous chargerons de la dimension technologique. Néanmoins, nous aurons aussi besoin de vous pour relever ces défis à l'horizon 2035.

En parallèle, nous avons effectivement fait le choix de conserver et de valoriser notre savoir-faire vis-à-vis des moteurs thermiques et hybrides. Nos derniers moteurs hybrides sont extrêmement au point. Si le monde entier en était équipé, la problématique de la pollution émise par la mobilité serait bien atténuée. Nous avons derrière nous 120 ans de recherche technologique qu'on ne saurait ignorer. En réalité, l'ensemble de l'industrie française de la mobilité travaille à sa décarbonation depuis des décennies. Il est donc injuste de nous considérer comme les mauvais élèves. On observe aujourd'hui une accélération de la prise en compte de ce sujet. Cependant, nous n'en n'avons jamais été absents.

En dehors de l'Europe, le moteur thermique est appelé à continuer à vivre dans des zones géographiques considérables. Alors que Renault est à même de proposer au monde des solutions de décarbonation parmi les plus fortes, pourquoi devrions-nous abandonner ce marché à d'autres ?

L'entité Horse, regroupant les activités thermiques de Renault et du groupe Geely, a par ailleurs vocation à s'intéresser aussi, en partenariat avec des acteurs tels que le pétrolier Aramco, à la question des carburants alternatifs. Le développement de ces carburants alternatifs suscite un certain scepticisme. Cependant, je suis convaincu qu'il existera, d'ici quelques années, des e-fuels reposant sur l'hydrogène vert et la capture de carbone, qui permettront de neutraliser les émissions des véhicules. Si cela se produit, les moteurs thermiques, nouveaux et anciens, y seront éligibles. Ceci ne résoudra pas toutes les problématiques, vis-à-vis des particules notamment, mais pourrait réduire drastiquement les émissions mondiales de CO2, ce qui nous soulagerait, dans la course à la décarbonation.

J'ajouterai que nous ne saurions aborder la question de la décarbonation à travers le seul prisme des émissions individuelles du véhicule. Renault promeut aujourd'hui une prise en compte des émissions globales de carbone, incluant celles nécessaires à l'extraction et à la transformation des métaux et celles liées à la production, à l'usage et à la fin de vie de l'ensemble des instruments de mobilité. Dans le cadre européen, nous sommes soumis aux normes CAFE, très précises et ambitieuses, avec des sanctions très sévères en cas de non-respect. Cependant, ces normes ne couvrent pas la totalité des émissions de carbone de la mobilité.

Quoi qu'il en soit, cela n'enlève rien à la détermination du groupe Renault. Nous travaillons sur les alternatives à l'électrification, sans que cela traduise un retrait face à l'évolution, pour permettre au contraire une accélération de l'histoire.

Si nous devions par ailleurs un jour faire face à un contexte géopolitique empêchant notre production de batteries, que ferions-nous en l'absence d'alternatives pour garantir la mobilité européenne ? La Chine, qui raffine 93 % du graphite mondial, a déjà évoqué la possibilité de restreindre l'accès à ce matériau. Elle a déjà restreint l'accès, en juin 2023, au gallium et au germanium, nécessaires à la fabrication de certains outils digitaux. Face à de tels risques, la position de Renault apparait la plus raisonnable, pour assurer l'avenir de ses salariés et plus largement de la mobilité en Europe.

Au Canada, notre présence sur le plan commercial est aujourd'hui quasi inexistante. Le Canada pourrait néanmoins représenter un environnement géopolitique stable et sûr pour développer de nouveaux canaux d'approvisionnement en matériaux. Si les circonstances le permettent, nous y serions favorables, le cas échéant en attendant de pouvoir y développer une présence commerciale plus affirmée.

En Inde, l'alliance dispose déjà d'une usine et d'un centre de recherche très en pointe, dans le domaine de l'intelligence artificielle notamment. Nous y serons la semaine prochaine et nous annoncerons des développements destinés à donner un nouveau souffle aux productions de Renault et Nissan dans ce pays. Le marché indien est sans doute l'un des plus compétitifs au monde. Il serait néanmoins inimaginable que nous en soyons absents à l'avenir.

Mme Sylviane Noël. - La règlementation CAFE, effective pour les ventes de véhicules depuis 2020, impose aux constructeurs automobiles de respecter, pour 100 % de leur flotte, un seuil d'émissions de CO2 inférieur ou égal à 95 g/km. Quelle est la position de Renault vis-à-vis de l'évolution de cette exigence à hauteur de 60 g/km à l'horizon 2030 ?

Le développement accéléré de la motorisation électrique appelle par ailleurs une réduction importante du nombre de pièces mécaniques au sein des véhicules, ainsi qu'une réduction de la demande de véhicules. Dans ce contexte, le groupe Renault a prévu une réduction de 50 % de son panel de fournisseurs. Comment envisagez-vous l'évolution de votre relation stratégique avec la sous-traitance industrielle et mécanicienne ?

M. Jean-Claude Tissot. - Renault investit et développe des usines autour des technologies nécessaires à la production de véhicules électriques. Pourtant, le Directeur général de Renault, dans une récente interview donnée au Monde, a semblé peu optimiste quant à la capacité du groupe à rattraper la puissance industrielle chinoise dans ce domaine. Partagez-vous ce constat ? À quel horizon pensez-vous pouvoir réaliser une part importante des véhicules électriques Renault avec des batteries produites en France ?

Pour ce qui est de l'emploi, vous avez indiqué dispenser des formations longues. Cependant, la production d'un véhicule électrique nécessite moins de salariés. Il y a 4 ou 5 ans, la réalisation d'un moteur thermique nécessitait sept salariés, contre un pour un moteur électrique. Quel sera l'impact réel du développement de la voiture électrique sur l'emploi dans votre secteur d'activité ?

Quel sera également l'impact pour le groupe Renault des nouvelles règles relatives au devoir de vigilance adoptées en fin de semaine dernière au niveau européen, pour ses approvisionnements en terres rares notamment ?

M. Serge Mérillou. - Il semblerait que les moteurs thermiques soient appelés à conserver une vie après 2035. Le cas échéant, sur quels segments (camions, tracteurs ou autres) ?

Pour ce qui est du véhicule électrique, quelle pourrait être l'incidence des évolutions à moyen et long termes du prix de l'électricité sur la rentabilité de votre modèle ? Qu'en est-il également de l'équipement du territoire en matière de stations de recharge, qui ne paraît pas suivre l'évolution du nombre de véhicules électriques ? Où en est-on du développement de la batterie « idéale », rechargeable à une vitesse équivalente à celle d'un plein de carburant ? Quelle est la place de l'intelligence artificielle dans vos recherches ? Enfin, comment envisagez-vous la formation des agences et des concessionnaires du groupe pour permettre l'entretien et la réparation des véhicules électriques ?

M. Jean-Dominique Senard. - Les normes CAFE ont le mérite d'exister et d'encourager une anticipation des investissements à réaliser pour veiller à leur respect. Leur non-respect entraine des sanctions très sévères, que nous ne saurions envisager. Il nous faut donc anticiper pour y répondre.

Du reste, l'État a fait le choix de subventionner l'achat des véhicules électriques, car ceux-ci demeurent coûteux, en raison du coût des matériaux utilisés pour la fabrication des batteries et de la recherche nécessaire au développement des logiciels associés. Tant que le coût de ces véhicules n'aura pas été réduit de façon substantielle, ce soutien public demeurera indispensable. À défaut, nous serons dans l'incapacité de les commercialiser. Nous ne pourrons donc pas les produire et respecter les normes CAFE.

Le gouvernement allemand a décidé de supprimer brutalement toutes les subventions pour l'acquisition d'un véhicule électrique. Cela s'est traduit par une chute des ventes en Allemagne, ce qui a des conséquences pour tous les constructeurs automobiles ayant accès à ce marché. Cela a des conséquences sur nos productions et sur notre capacité à répondre aux normes CAFE.

Ceci met en évidence la nécessité de s'adapter aux circonstances pour répondre aux défis auxquels nous faisons face. À cet égard, le monde politique est appelé à faire preuve de pragmatisme, en considérant l'ensemble des paramètres.

Quoi qu'il en soit, en l'état actuel des choses, nous sommes sur le bon chemin pour respecter les normes CAFE.

Le groupe Tesla a été évoqué. Il s'agit d'un constructeur remarquable - s'appuyant, au passage, sur les technologies Michelin. Il a su apporter une innovation dans la motricité, reposant sur une technologie électronique centralisée permettant une mise à jour en permanence. Nous nous employons aujourd'hui à produire aussi bien, voire mieux. Tel est le sens de la création d'Ampere. Cela étant, la question demeurera celle du coût. Tesla fabrique aujourd'hui énormément de voitures en Chine, pour les importer en Europe, à l'instar des constructeurs chinois. Cela représente pour nous un défi concurrentiel, mais que nous sommes décidés à relever.

Pour ce qui est des batteries, nous mettons en place des usines dans le nord, en partenariat avec un acteur chinois, mais aussi avec la start-up française Verkor (dont nous allons accompagner le développement, en cohérence avec notre pari de la France). Ces batteries ne seront pas totalement identiques à celles fournies aujourd'hui par le monde chinois, qui domine le secteur et le dominera encore longtemps. L'enjeu serait de faire en sorte qu'elles intègrent des technologies nouvelles, qui nous seront propres, pour être plus légères, plus faciles à charger et plus performantes en termes de distance parcourue.

Au-delà du recyclage des batteries ordinaires, que nous mettons en oeuvre à Flins, mais qui demandera du temps pour être opérationnel, le souhait serait ainsi d'avancer vers la batterie du futur. Nissan est déjà en avance dans le développement de la batterie dite « sèche », reposant sur des polymères ou des céramiques. D'autres recherches portent sur de nouveaux types de chimie, pour envisager une batterie au sodium notamment. Nous mobilisons également l'IA, dont l'un des grands spécialistes mondiaux, Luc Julia, co-fondateur de Siri, est directeur de la recherche du groupe. Ouvrir ainsi un nouveau cycle industriel autour des batteries nous permettrait de contourner une partie des défis que j'ai évoqués précédemment.

Du reste, il nous faut aussi accélérer le développement du recyclage, ne serait-ce que pour rompre avec l'absurdité que constitue aujourd'hui le broyage des batteries en fin de vie - la black mass ainsi générée étant ensuite renvoyée en Chine pour être traitée et, in fine, nous être revendue sous forme de matériaux. Nous allons pour cela construire, à Flins, avec des partenaires, une industrie complète de recyclage des batteries.

La transformation de notre industrie soulève par ailleurs des enjeux considérables en termes de formation. De fait, le passage du thermique à l'électrique est appelé à modifier sensiblement la densité d'emplois nécessaire à la fabrication des véhicules. Il nous faut donc nous préoccuper des personnes concernées. La décision de supprimer le diesel, dont je ne discuterai pas le fond mais la forme, a été prise brutalement, sans analyse d'impact, ce qui a mis en danger des dizaines de milliers d'emplois en France. Le groupe Renault continue de suivre les conséquences de ce traumatisme pour le tissu industriel français. L'enjeu serait de ne pas reproduire cette souffrance sociale dans le cadre de la transformation que nous sommes en train de vivre. Pour prévenir ce risque, nous mettons tout en oeuvre pour que les personnes concernées puissent changer de métier. Nous ne devons laisser personne sur le bord de la route. Nous ne l'avons jamais fait et nous ne changerons pas d'approche. Dans cette optique, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des volumes d'embauches, pour transférer un certain nombre de nos personnels vers des emplois durables, dans nos futures usines de batteries notamment.

Vis-à-vis des agents et concessionnaires, nous avons également un programme de mise à niveau.

Les sous-traitants français, quant à eux, font partie intégrante de notre paysage depuis des générations. Notre devoir est donc de les accompagner aussi dans la transformation que nous vivons aujourd'hui. Nous sommes très exigeants vis-à-vis d'eux, face aux défis qui sont les nôtres. Nous avons sans doute des progrès à faire dans la relation avec eux. Pour autant, nous devons tout faire pour qu'ils nous accompagnent et nous aident, car nous ne pourrons jamais fonctionner seuls. La sous-traitance, de son côté, ne pourrait fonctionner sans nous. Nous sommes donc totalement solidaires.

Dans le nord de la France, sur nos sites appelés à être dédiés à l'électrique, nous avons tout fait pour qu'au moins 75 % de nos fournisseurs se situent dans un rayon de 300 kilomètres. Nous avons ainsi conscience de l'importance des écosystèmes territoriaux et de notre tissu industriel en province.

Je continue par ailleurs de plaider en faveur de la création, en France, de zones franches, dans lesquelles un certain nombre de privilèges fiscaux et sociaux pourraient être octroyés, pendant quelques années, aux industriels et à leurs sous-traitants. Certes, un tel dispositif représenterait un coût pour l'État. Néanmoins, ce coût pourrait être largement compensé par les recettes fiscales issues des emplois créés dans ces zones, à travers la TVA par exemple. D'autres pays l'ont fait, en Europe de l'Est et au Royaume-Uni notamment, et ont ainsi bénéficié d'un accélérateur d'industries. Ceci pourrait résoudre une immense partie des problèmes de la réindustrialisation en France.

En tout état de cause, vis-à-vis de nos fournisseurs, la direction des achats du groupe est extrêmement attentive. Nous surveillons leurs vulnérabilités avec une sensibilité que vous n'imaginez sans doute pas.

M. Patrick Chaize. - Où en est-on du véhicule autonome ? Y a-t-il des blocages techniques ou règlementaires ? Quelles sont aujourd'hui les perspectives ?

M. Fabien Gay. - Au sujet de la réindustrialisation, la crise climatique que nous vivons nous impose de revoir complètement nos manières de produire et de consommer. Il nous faut davantage produire local pour consommer local. Certes, un certain nombre de Renault sont produites en France : l'Alpine à Dieppe, le Kangoo à Maubeuge, le Traffic à Sandouville, etc. Cependant, on observe aussi des contradictions. La Clio 5, qui est aujourd'hui le véhicule le plus vendu en France, est désormais produite en Turquie et en Slovénie. Il serait aberrant de tout produire en France. Nous n'allons pas produire en France pour exporter au Brésil, par exemple. Cela étant, quelle est aujourd'hui votre vision à 10 ou 15 ans ? Quelle production en France, pour quels types de véhicules et avec quel rôle pour la sous-traitance ?

Vis-à-vis de la sous-traitance, le constat est que nous ne produisons aujourd'hui quasiment plus de culasses en France. Le seul client des Fonderies du Poitou, employant plus de 600 salariés, était Renault. Aujourd'hui, cette production nécessaire a été délocalisée en Espagne, ce qui pose également la question de la préservation des savoir-faire français.

Se pose également la question des salaires, alors que nous vivons une période politique et sociale complexe pour les travailleurs et travailleuses, avec une inflation extrêmement forte. Je ne commenterai pas la nouvelle rémunération de Luca de Meo, publiée hier dans Les Échos. Je suis néanmoins partisan, comme lui, d'une échelle de salaires au sein des entreprises - lui-même ayant évoqué une échelle de 1 à 40. Ma préoccupation porte sur les salaires des salariés du groupe Renault. Ceux-ci ont bénéficié, cette année, d'une augmentation à hauteur de 4 %. Vous me direz qu'il s'agit d'un effort. Cependant, ces salariés subissent une inflation à hauteur de 10 %. L'ambition du groupe Renault est de produire des véhicules et de créer des débouchés. Toutefois, si un certain nombre de travailleurs et de travailleuses ne peuvent pas acheter les véhicules ainsi produits, l'équation risque d'être difficile à résoudre. Quelle est donc votre vision de l'augmentation des salaires au sein du groupe sur le moyen terme ?

M. Daniel Salmon. - La Renault 5 GTL de 1980 pesait 775 kilos. La nouvelle Renault 5 électrique devrait quant à elle peser 1 450 kilos. Ce surpoids est lié en grande partie à la batterie et à la sûreté (qui s'est bien améliorée). Cependant, cela pose question. La nouvelle Renault 5 a également gagné 40 centimètres en longueur, 25 centimètres en largeur et 10 centimètres en hauteur. Tout cela a un coût matière et un coût environnemental - un véhicule plus lourd nécessitant des pneus plus larges, émettant davantage de particules.

Le directeur général de Renault a par ailleurs pointé la nécessité d'investir dans le segment des petites citadines. Cependant, ne faudrait-il pas également considérer le segment des véhicules destinés aux mobilités pendulaires, ces mobilités quotidiennes sur des distances courtes effectuées en l'absence d'alternative par les transports en commun ? Il conviendrait de s'emparer de ce segment, avec des véhicules légers et peu coûteux.

Enfin, comment faire face au dumping chinois, reposant sur des subventions évaluées entre 110 et 160 milliards d'euros, et instaurant une concurrence très déloyale ?

M. Jean-Dominique Senard. - La technologie pour les véhicules autonomes existe. Cependant, la mise en oeuvre de ces véhicules soulève encore des questions. Un véhicule totalement autonome demeure complexe à faire fonctionner dans un environnement incertain. Les expériences récentes ont provoqué quelques drames. Je pense qu'il y aura bientôt des véhicules autonomes. Certains ont déjà été déployés dans des environnements maitrisés (circuit territorial restreint, enceinte d'un hôpital ou d'une usine, etc.). Nous progressons par ailleurs dans le niveau d'autonomie des véhicules, avec des outils d'aide à la conduite de plus en plus perfectionnés, améliorant la sécurité. Certains permettent déjà un stationnement autonome. Nissan est en avance dans ce domaine. J'ai pu ainsi tester un véhicule autonome de niveau 2 ou 3 assez impressionnant. À l'avenir, nous pourrions aussi imaginer des trains de camions circulant sur une file réservée. Le « Software Defined Vehicule » constituera également une étape supplémentaire vers l'autonomisation des véhicules. Nous progressons donc. Cependant, une généralisation du véhicule autonome ne me semble pas pouvoir être envisagée avant de longues années.

La décarbonation de l'industrie constitue effectivement une opportunité formidable de réindustrialiser la France. C'est ce que nous faisons en développant nos capacités dans le nord de la France. Cependant, deux règles fondamentales nécessiteront pour cela d'être respectées. La première sera de permettre aux industriels de bénéficier d'une énergie, électrique notamment, à la fois abondante et abordable. La seconde sera de pouvoir maitriser la totalité des chaînes technologiques des industries permettant la décarbonation.

La réindustrialisation du pays et la décarbonation que nous appelons tous de nos voeux vont faire appel à des quantités considérables d'électricité décarbonée. La question sera également celle du prix de cette électricité. Il y a là un enjeu de compétitivité majeur pour la France et pour l'Europe, bien que la France dispose d'une énergie décarbonée. La compétitivité est un élément clé de la réindustrialisation. Or le constat est qu'aujourd'hui, l'énergie est trois fois plus chère en Europe qu'aux États-Unis. Indépendamment des subventions, il ne faut donc pas s'étonner du décrochage de l'industrie européenne par rapport à l'industrie américaine, ni des investissements massifs se dirigeant depuis l'Europe vers les États-Unis. Il nous faudra prendre ce sujet à bras-le-corps.

Pour ce qui est de la maitrise des chaînes technologiques, dans le secteur de l'automobile, l'enjeu sera notamment de couvrir aussi la fabrication des batteries, avec les étapes d'approvisionnement en amont. Nous avons du pain sur la planche pour y arriver.

Nous conservons par ailleurs, en France, une problématique de compétitivité du travail. Nos impôts de production et notre coût du travail sont ce qu'ils sont. S'agissant des impôts de production, une direction a été prise pour rééquilibrer un écart par rapport au reste de l'Europe et en particulier par rapport à l'Allemagne. Notre coût du travail, quant à lui, demeure l'un des plus élevés en Europe - certains de nos voisins, dont l'Espagne, ayant, de ce point de vue, une compétitivité plus forte.

Effectivement, nous fabriquons aujourd'hui des véhicules en Turquie. Cette implantation très dynamique nous permet d'être compétitifs en Europe - la Clio étant aujourd'hui un des véhicules les plus vendus en Europe, car elle demeure relativement abordable. C'est cette dynamique qui nous permettra également, à terme, d'autres marchés.

Nous ne réussirons la réindustrialisation du pays que si nous travaillons ensemble autour des enjeux que je viens d'évoquer. Nous ferons notre part, en maximisant l'occupation de nos usines. Cependant, la compétitivité de nos sites ne sera pas complètement entre nos mains. Je pense que vous l'avez compris.

La productivité française est également un sujet complexe, qui mériterait une réflexion politique globale, couvrant différents aspects parmi lesquels : la quantité et la durée du travail, l'impact temporaire de la croissance du nombre d'apprentis sur la productivité, les arrêts maladie, etc. J'ajouterai que le déficit de productivité de la France résulte sans doute, en grande partie, d'une forme de démotivation des personnes. J'en ai été le témoin lors de la production d'un rapport sur le travail l'année dernière. J'ai constaté, en France, un déficit très net de respect, d'écoute et de reconnaissance des travailleurs. Ceci soulève un enjeu essentiel de responsabilisation, qui serait trop long à aborder dans le cadre de cette audition.

Vis-à-vis des salaires, nous sommes parfaitement conscients de la situation que traverse notre pays. Le groupe Renault fait ce qu'il a à faire en la matière. Nos accords sociaux sont négociés dans un climat serein. L'année dernière, nous avons procédé à des augmentations très significatives, sous des formes très intelligentes saluées par toutes les organisations syndicales car reposant aussi sur des bénéfices sociaux. Cette année, avec une inflation anticipée à un niveau moindre, nous avons augmenté les salaires de 4,5 %.

Le partage de la valeur sera également un sujet central pour l'avenir. J'ai beaucoup travaillé sur les notions de participation et d'intéressement. À cet égard, Renault a distribué cette année, en France, un intéressement record, allant jusqu'à un à deux mois de salaire, ce qui n'est pas totalement négligeable. Les résultats de l'entreprise profitent ainsi à tous.

Nous accélérons par ailleurs dans le développement de notre actionnariat salarié. Celui-ci est déjà supérieur à 5 % et nous avons pour objectif de le porter le plus rapidement possible à 10 %. Cela représente un coût significatif pour l'entreprise, compte tenu des contraintes règlementaires et fiscales. Nous sommes néanmoins décidés à le faire, car cela participe aussi au partage de la valeur.

Je pense que nous avons, en France, un système d'intéressement et de participation unique au monde, dont la création est à mettre au crédit du général de Gaulle. Je regrette cependant que nous n'utilisions pas davantage cet outil de partage de la valeur.

De fait, le poids des véhicules a considérablement évolué. Cependant, la responsabilité n'en revient pas tant aux constructeurs automobiles qu'à l'évolution des attentes et des normes en matière de sécurité. Ces contraintes vertueuses augmentent le poids des véhicules. Alors que nous allons vers l'électrification, le poids des batteries est également un enjeu essentiel, sur lequel nous travaillons. Dans une Renault 5, le poids des batteries sera de près de 400 kilos.

J'en profite pour vous signaler l'émergence d'une nouvelle catégorie de batteries, dite LFP (pour lithium-fer-phosphate). Ces batteries, aujourd'hui beaucoup utilisées par les constructeurs chinois car moins coûteuses, risquent d'équiper nos véhicules à l'avenir. Elles sont toutefois moins performantes.

Quant aux technologies permettant d'envisager d'autres usages en termes de batteries, elles s'avèrent plus lourdes. Il y aura donc un équilibre à trouver. La décarbonation appellera ainsi des choix industriels complexes.

Il convient par ailleurs de garder à l'esprit qu'un véhicule hybride plus performant en termes de décarbonation peut être plus lourd que son équivalent à essence, ne serait-ce qu'à cause des batteries. Ceci soulève d'autres interrogations, alors que le poids tend à être utilisé comme facteur discriminant pour réguler la circulation des véhicules.

Sur les fonderies et les sous-traitants au sens large, j'évoquerai à nouveau la fin du diesel. L'industrie des sous-traitants a été considérablement affectée par cette décision, aux conséquences n'ayant pas été suffisamment anticipées. À cet égard, Renault continue à faire son devoir social. Nous avons proposé des solutions pour les Fonderies du Poitou, qui ont été refusées par les représentants locaux. Désormais, les Fonderies du Poitou n'existent plus, ce qui est d'une grande tristesse. La reconversion des personnes est néanmoins, lorsqu'elle est réussie, une consolation. Les Fonderies de Bretagne, quant à elles, existent toujours, avec le soutien de Renault. À l'avenir, l'enjeu serait de ne pas laisser une telle situation se reproduire. C'est pour cela que nous mettons l'accent sur la formation et la conversion des métiers.

M. Daniel Gremillet. - En vous entendant, j'ai le sentiment que l'ambition de Renault est d'imaginer la mobilité pour l'ensemble des Français, quel que soit leur niveau de revenus. Je vous en félicite car c'est essentiel pour notre pays. Cependant, aurez-vous cette capacité, car la lutte promet d'être terrible autour de tous les modèles, s'agissant notamment des modèles accessibles aux populations aux revenus modestes ou en difficulté ?

L'énergie sera par ailleurs déterminante pour réindustrialiser la France, avec des enjeux en termes de volumes et de prix. Alors que le débat parlementaire traine un peu en France autour des objectifs de production énergétique sur notre territoire, quel est pour vous le pas de temps ? Certains pays, y compris au sein de l'Union européenne, ont déjà adopté une stratégie très offensive vis-à-vis du prix de l'énergie.

À quand une capacité de distance nettement supérieure pour le véhicule électrique ? Est-on près d'aboutir ou non ?

Qu'en est-il par ailleurs de l'hydrogène, au-delà de l'e-fuel ? L'hydrogène pourrait-il nous permettre d'être moins fragiles et moins dépendants du tout électrique ?

Avez-vous également un avis sur la motorisation future des poids lourds ? Sera-t-elle électrique, à l'hydrogène ou encore à gaz ?

Enfin, je souhaiterais vous féliciter à nouveau pour le succès d'Alpine. De fait, le sport automobile est un laboratoire, pour la sécurité, l'énergie, etc. Comment expliquez-vous le succès formidable de l'Alpine circuit et de l'Alpine rallye ? Et comment expliquez-vous les difficultés d'Alpine en F1 ? Cela traduit-il un choix fait par le groupe ?

Mme Anne-Catherine Loisier. - Merci pour vos propos empreints de pragmatisme et de préoccupations citoyennes.

Sur le volet digital, autour des logiciels de navigation et des systèmes embarqués, avez-vous également développé des partenariats avec des acteurs tels que Google ou Microsoft ?

Qu'en est-il par ailleurs des expériences de prise de contrôle à distance des véhicules ? S'agit-il encore d'une fiction ?

Dans votre effort de formation aux nouvelles technologies, quelle stratégie développez-vous en direction des emplois séniors ?

Enfin, vous avez évoqué des enjeux liés au lean manufacturing, à la réduction du gaspillage et au recyclage des batteries. Comment évaluez-vous aujourd'hui les gains de compétitivité en devenir autour de ces sujets ?

M. Pierre Cuypers. - J'ai apprécié votre position et votre vision très claire concernant le maintien du moteur thermique. Il est évident que nous en aurons toujours besoin. À cet égard, je pense aussi aux énergies renouvelables et aux biocarburants. Cette solution, déjà utilisée aujourd'hui, ne mériterait-elle pas d'être développée ?

Où en êtes-vous également par rapport au gaz ? Quant à l'hydrogène, peut-on y croire et dans quels délais ?

Je rejoins par ailleurs la question posée sur l'énergie de demain pour les poids lourds.

Enfin, j'ai pu constater que de nombreux taxis à Paris étaient des véhicules Toyota. Comment se fait-il qu'en France, Renault ne soit pas davantage présent sur ce créneau commercial important ?

M. Jean-Dominique Senard. - Notre ambition est effectivement de permettre, en Europe, un accès à des véhicules abordables. Nous nous efforçons pour cela de réduire nos coûts de fabrication, avec comme objectif de les réduire de 40 % dans les quelques années à venir. Des travaux considérables sont ainsi menés au sein d'Ampere, autour de la conception des véhicules notamment. Nous avons déjà abaissé le point mort de l'entreprise de 40 à 50 % au cours des 5 dernières années et nous poursuivons cet effort.

Les petits véhicules recouvrent par ailleurs des enjeux importants, pour la circulation citadine notamment. Dans son adresse aux députés européens, Luca de Meo a souligné que l'objectif ne devrait pas être de sortir la voiture des villes, mais d'y faire circuler des voitures à la taille adaptée et au sommet des technologies de décarbonation. Pour relever ce défi dans le contexte de compétitivité que j'ai évoqué précédemment et produire ces véhicules au bon niveau de coût, nous appelons de nos voeux la mise en oeuvre d'une politique européenne et d'accords de partenariats entre les constructeurs automobiles européens.

Le coût de l'énergie est effectivement un sujet majeur. Dans la stratégie de décarbonation du gouvernement français, le scénario central prévoit de réduire la consommation d'énergie en France, aujourd'hui de l'ordre de 1 740 TWh, à hauteur de 1 050 TWh à l'horizon 2050, soit une réduction de 40 %. Or d'ici à 2050, la croissance de l'économie française sera très consommatrice en énergie, ce qui accentuera l'effort à produire. Dans les 1 050 TWh visés à l'horizon 2050, la part de l'énergie électrique devrait être de l'ordre de 600 TWh, par rapport à un potentiel avoisinant aujourd'hui les 470 TWh. Pour y arriver, il nous faudra prolonger la vie de nos centrales nucléaires d'environ 20 ans. Il nous faudra probablement quatorze EPR. Il nous faudra également multiplier par cinq les éoliennes terrestres et maritimes et par 20 les capacités de production d'énergie solaire, tout en espérant que les capacités de production hydroélectrique demeureront stables. Ce défi considérable devra nous mobiliser tous, avec en point de mire la question du coût de l'énergie.

Nous croyons beaucoup à l'hydrogène. J'avais déjà laissé se développer au sein de Michelin une pile à combustible, désormais gérée par Symbio. Avec Luca de Meo, nous avons décidé que le groupe Renault devait être présent dans cette industrie. À Flins, nous avons l'ambition de développer des activités autour de l'ensemble de la chaîne de l'hydrogène : production d'hydrogène vert, avec un électrolyseur déjà opérationnel, construction de piles à combustible (en partenariat avec Plug Power), fabrication de stations de recharge et production de véhicules à l'hydrogène (dont le futur Master). Pour poursuivre cette ambition, il nous faudra trouver les moyens de produire de l'hydrogène vert à un coût raisonnable. Cela n'est pas encore gagné. Cependant, nous avons la conviction qu'en 2030, pour les véhicules utilitaires notamment, une part significative du marché sera porté par l'hydrogène.

Nous espérons également un grand développement de l'hydrogène pour les poids lourds. Si nécessaire, nous serons ravis de fournir des éléments aux constructeurs. Pour en savoir davantage, je vous inviterai à les solliciter.

Luca de Meo, qui est un grand fan de F1, a affiché, dès son arrivée, la volonté de redynamiser la marque Alpine. J'avais pour ma part le souci de la production à Dieppe, pour passer à une autre échelle. Luca de Meo a alors suggéré de positionner Alpine en F1, pour accroître la renommée de la marque. Dorénavant, nous devons faire en sorte que le véhicule fonctionne bien et que les équipes soient efficaces, pour que nous puissions gagner des podiums. Tout le monde l'espère dans le groupe. Nous en avons déjà gagné quelques-uns ces dernières années, mais pas suffisamment. Nous sommes décidés à faire qu'Alpine soit au sommet des podiums le plus vite possible. Alors que la notoriété d'Alpine s'est accrue brutalement, l'usine de Dieppe, avec le modèle sportif actuel, a déjà doublé voire triplé sa production en quatre ans. Les nouveaux modèles Alpine qui vont arriver sont magnifiques. Il s'agira des plus belles voitures françaises. Elles constitueront une gamme premium, dont nous n'aurons pas à rougir face à celles de nos grands concurrents premiums européens. Si nous arrivons à cela, notamment grâce à la technologie de la F1, nous aurons gagné notre pari.

Pour ce qui est du digital, nous nous sommes dotés d'une véritable armée de compétences. Nous nous appuyons notamment sur un groupe de spécialistes venus d'Intel. Au total, près de 900 collaborateurs suivent aujourd'hui les sujets ayant trait au digital au sein du groupe, à Sophia Antipolis, à Toulouse ou au Technocentre. Nous produisons ainsi des logiciels en interne, sur la base de partenariats, au sein de la Software République que j'évoquais précédemment.

De fait, le digital est fondamental. Stratégiquement, les Chinois ont mené un travail extraordinaire en la matière. Leurs véhicules sont aujourd'hui dotés de systèmes digitaux et de connectivité remarquables. Comme je l'anticipais lors de ma précédente audition devant votre commission il y a cinq ans, les véhicules chinois sont aujourd'hui au point technologiquement et ils sont beaucoup moins chers pour les raisons que nous savons. J'avais alors prédit un « tsunami » de véhicules chinois. Aujourd'hui, c'est exactement ce qui est en train de se produire. Il nous faut donc être compétitifs.

Parmi nos partenaires dans le domaine du digital, on retrouve effectivement Google. Nous avons depuis longtemps un partenariat avec Google, qui est extraordinairement sécurisé. Sans ce partenariat, nous ne serions pas capables de gagner les parts de marché que nous gagnons aujourd'hui, que ce soit avec l'Austral, l'Espace, la R5 ou encore la Clio. Tous ces véhicules sont dotés d'un système d'entretien pour le conducteur et d'un niveau de connectivité vis-à-vis de l'extérieur exceptionnels. Je crois que nous sommes parmi les meilleurs au monde dans ce domaine. Sans notre partenariat avec Google, nous n'en serions pas là.

Nous sécurisons également nos approvisionnements en semi-conducteurs. À cet égard, nous avons été confrontés à un énorme problème pendant la crise du Covid. Nous avons dû mettre à l'arrêt plus de la moitié de nos usines. Pour prévenir ce risque, nous créons des partenariats avec des partenaires sûrs tels que Qualcomm. Certes, ces partenaires ne sont pas français. Néanmoins, ils nous garantissent la capacité de produire en France des véhicules français.

Dans le cadre de ces partenariats, la cybersécurité est par ailleurs au coeur de nos préoccupations. Il n'existe pas de risque zéro en la matière. Nous faisons néanmoins tout pour nous en approcher.

Le sujet des séniors, quant à lui, n'est pas nouveau en France. Je ne prétendrai pas pouvoir résoudre la totalité de l'équation. Ce sujet a toutefois été abordé dans le rapport découlant des Assises du travail de 2023. Dans le cadre de ce rapport, nous avons souligné que le maintien des séniors au travail, le cas échéant dans un cadre un peu différent (tutorat, travail aménagé, etc.), pourrait représenter un coût pour les entreprises, mais que ce coût, s'il était accompagné par l'État, pourrait être largement compensé par une diminution sensible des problématiques de santé chroniques touchant les séniors à compter de leur départ à la retraite. Dans le cadre d'une politique publique globale pour les séniors, des économies considérables pourraient ainsi être réalisées dans le domaine de la santé. Votre aide sera précieuse pour explorer ce sujet.

Vis-à-vis des biocarburants, il convient de garder à l'esprit qu'une règlementation européenne uniquement focalisée sur le pot d'échappement n'apporterait pas un avantage aux moteurs à biocarburant. Du reste, aujourd'hui, on retrouve déjà 10 % d'éthanol dans l'essence E10 et personne ne s'en plaint. Les biocarburants soulèvent par ailleurs une question d'équilibre entre la partie agricole et la partie industrielle.

Cela étant, nous avons mené des expériences fortes autour des carburants alternatifs. Dacia produit aujourd'hui des véhicules au GNL, qui marchent très bien et ont un apport significatif en termes de décarbonation. Nous sommes ainsi très ouverts à toutes sortes de nouveaux dispositifs. L'équation n'est cependant pas si simple. Je pourrai vous apporter des éléments complémentaires sur ce point.

Vis-à-vis des taxis, il nous faut respecter la concurrence. Toyota a été un constructeur pionnier dans le domaine de l'hybride. Il a tenu fermement cette position et produit encore aujourd'hui des véhicules remarquables. Nous avons cependant des modèles d'Austral et d'Espace qui pourraient séduire les taxis.

Mme Amel Gacquerre. - Votre filiale Ampere, dédiée au développement du véhicule électrique et implantée dans les Hauts-de-France, fait face à de nombreux défis, dont celui du recrutement. Je ne reviendrai pas sur le sujet de la formation que vous avez déjà abordé. Je souhaiterais en revanche que vous apportiez des précisions sur vos objectifs quantitatifs en matière de recrutement. Vous annoncé près de 40 000 recrutements, dont 20 000 au sein de vos gigafactories. Comment comptez-vous mettre en oeuvre cette stratégie ? Comment répondre à ce besoin de main-d'oeuvre ?

À cet égard, qui dit emplois dit logements. Il s'agit d'un aussi d'un élément d'attractivité. Êtes-vous engagés sur le sujet ? Avez-vous des projets d'investissement dans le logement de vos salariés et de vos futurs salariés ?

M. Jean-Marc Boyer. - Merci pour votre message de réalité et de lucidité. Les Auvergnats sont particulièrement fiers de l'héritage de vos années chez Michelin. Vous avez contribué au redressement de l'entreprise et à la sauvegarde de milliers d'emplois.

Vis-à-vis des ZFE, le Gouvernement envisagerait de reculer. Les villes de Paris, Lyon et Reims pourraient ainsi être les seules à conserver, dans les délais prévus, les critères retenus. Les autres villes du territoire bénéficieraient quant à elles d'un délai supplémentaire et pourraient appliquer des critères moins sévères. Alors que vous visez une production tout électrique à l'horizon 2030 et que vous avez évoqué une stratégie vis-à-vis du moteur thermique décarboné, une telle décision pourrait-elle modifier votre trajectoire ?

En matière de formation, envisagez-vous de mettre en oeuvre un dispositif similaire à celui que vous avez mis en oeuvre à Clermont-Ferrand, baptisé Hall 32 ?

Enfin, la nouvelle Renault 5 sera-t-elle uniquement électrique ou envisagez-vous de pouvoir l'équiper aussi d'un moteur thermique décarboné ? L'Alpine, quant à elle, conservera-t-elle un moteur thermique ?

M. Philippe Grosvalet. - Il y a plus de 10 ans, j'avais lancé un grand débat dans mon département sur la route du futur. Il a très vite été question de la voiture du futur, mais aussi des usages du futur. Un grand spécialiste nous avait alors dit que la voiture du futur serait électrique, connectée, autonome et partagée. Nous progressons aujourd'hui dans cette voie. Cependant, qu'en est-il de la dimension du partage des véhicules, à la ville comme à la campagne ?

M. Jean-Dominique Senard. - Nous avons effectivement un programme d'embauches conséquent, avec près de 4 000 emplois au sein des usines de batteries, 700 emplois dans les usines du nord (à Douai notamment), des emplois à Flins, etc. Nous sommes dans cette perspective, ce qui est extraordinairement heureux. Cela n'est cependant pas facile, car il nous faut embaucher et former.

Le logement fait clairement partie de l'équation. Sur ce sujet, alors que la politique du logement en France fait débat, nous ne pouvons agir seuls. En tant que constructeur automobile, nous ne sommes pas les plus à même de résoudre cette problématique. Les équipes d'Ampere y travaillent néanmoins localement, avec les élus et les pouvoirs publics.

En parallèle, nous nous efforçons de faciliter au maximum la mobilité des travailleurs, pour qu'ils puissent être embauchés. En pratique, la mobilité est un frein à l'emploi. Certains travailleurs refusent des emplois car ils n'ont pas accès à un véhicule et ne peuvent pas se déplacer. Dans notre pays, la voiture reste un moyen important de déplacement, de liberté et d'accès à l'emploi. Depuis pas mal de temps, la fondation du groupe Renault, que je préside, s'efforce donc, d'une part, d'accompagner le passage du permis de conduire (au travers d'associations locales) et, d'autre part, de faciliter l'achat d'un véhicule pour les personnes en difficulté (à travers le micro-crédit et des conditions favorables d'accès à la propriété, dans une optique d'accès à l'emploi).

Vis-à-vis des ZFE, l'orientation prise par le Gouvernement intègre, de façon pragmatique et raisonnable, une notion de durée. La transformation que nous vivons aujourd'hui demande un peu de temps. Nous allons nous orienter, à terme, vers des zones à très faibles émissions dans les villes françaises. À ce stade, le Gouvernement a dû constater que, dans les villes que vous avez citées, la qualité de l'air ne permettait pas de reporter le sujet, mais que, dans d'autres, les progrès réalisés permettaient de prendre le temps nécessaire. Comme vous le savez, alors que le parc automobile français vieillit, le coût des véhicules demeure très élevé. Il s'agit donc d'un fait social. Nous sommes obligés de nous adapter aux circonstances. Plus nous pourrons aider les ménages, en maintenant les aides, plus vite nous résoudrons la question.

À cet égard, j'ajouterai que les carburants alternatifs, s'ils sont neutres en termes d'émissions carbone, ne sont pas neutres en termes d'émissions de particules. Ils ne résoudront donc pas toutes les problématiques, dans les villes notamment. La solution pour la ville devrait davantage être le petit véhicule électrique abordable.

Vous avez reconnu mon obsession à l'égard du maintien de l'industrie en France et les dispositions sociales et managériales que j'ai pu prendre pour sauver des usines. Je vous en remercie. Cela a été une grande partie de vie, et cela continue à l'être.

Le tout électrique à l'horizon 2030, quant à lui, concernera bien la marque Renault. Les nouveaux modèles de la marque Alpine seront également électriques. Cependant, tout le groupe ne s'inscrira pas nécessairement dans cet objectif. La marque Dacia ne sera pas nécessairement électrique à 100 % en 2030. Il y aura une transition.

Nous progressons par ailleurs dans l'autonomie de nos véhicules électriques. La nouvelle Scenic, par exemple, qui vient d'être élue voiture de l'année, dispose d'une autonomie bien supérieure à celle de la précédente génération de véhicules électriques. La technologie que nous avons pu mettre dans les batteries, sans trop alourdir leur poids, est extraordinaire. Les pneus jouent également un rôle essentiel dans l'autonomie. Lorsque nous arriverons à une autonomie de plus de 600 kilomètres, nous aurons franchi une étape majeure. Nous n'en sommes plus très loin.

Vis-à-vis des bornes de recharge, nous avons besoin d'une articulation public-privé. De fait, les infrastructures sont une question majeure pour le développement du véhicule électrique. Aujourd'hui, nous progressons un peu plus vite dans ce domaine, mais peut-être pas encore suffisamment.

Quoi qu'il en soit, je vous proposerai de venir essayer nos dernières générations de véhicules. Je serais ainsi très heureux de vous montrer nos réalisations et de vous faire partager mon admiration.

Pour ce qui est du partage des véhicules, cela a souvent été annoncé comme la ruine de l'industrie automobile. Pourtant, pour faire de l'autopartage, il faut des véhicules. Nous n'y sommes donc pas opposés. Nous promouvons même ce service à la mobilité, à travers Mobilize.

À cet endroit, je préciserai que, si nous avons fait le choix, à Paris, de retirer de la circulation les Clio Zity en autopartage, c'est suite au constat de dégradations trop importantes. Dans les dernières périodes de cette expérience, 65 % de ces véhicules étaient en réparation pour dégradation majeure. Nous avons toutefois maintenu cette activité dans d'autres villes et en Espagne.

M. Guislain Cambier. - J'ai eu la chance de visiter votre usine Ampere ElectriCity de Maubeuge. J'y ai rencontré des équipes motivées par un développement d'avenir, avec l'arrivée de la 4L électrique. J'ai également découvert une usine d'assemblage compacte et polyvalente. Pensez-vous étendre ce modèle d'usine à d'autres sites industriels ? Dans une période de tension sur le foncier économique en France, le contexte législatif et règlementaire, avec le « ZAN », vous oblige-t-il à repenser vos sites industriels ? Met-il une pression particulière sur vos investissements ?

M. Bernard Buis. - Après la validation de la fin des moteurs thermiques à partir de 2035, Renault a annoncé, en 2020, un plan d'électrification de divers modèles. Quatre ans après, quelle part occupent ces modèles dans votre chiffre d'affaires ? Quelle est par ailleurs votre politique concernant le développement des bornes de recharge ?

M. Yves Bleunven. - Est-il raisonnable d'imaginer que, demain, vos équipes trouveront une solution pour le multimodal voiture-vélo, pour la circulation citadine notamment ? Pourra-t-on demain avoir des vélos embarqués dans des voitures citadines ? Peut-on même imaginer que des « corners vélo » se développeront dans les agences Renault ?

M. Jean-Dominique Senard. - Merci pour vos propos concernant l'usine de Maubeuge. Les commentaires que vous avez faits lors de cette visite ont été droit au coeur des équipes.

Chacune de nos usines à ses dispositions particulières. Maubeuge en est un formidable exemple. Alors que ce site soulevait des interrogations à mon arrivée au sein du groupe, nous y avons trouvé la solution. Il ne serait toutefois pas raisonnable d'envisager de développer le même modèle dans toutes les usines du groupe. Chacune a sa feuille de route, par rapport aux modèles à produire. Même avec la plus grande flexibilité, nous allons devoir conserver des plateformes spécifiques, nécessitant d'être pérennes dans le temps pour être efficaces et rentables.

Nos plateformes sont de surcroît partagées au sein de l'alliance. À Maubeuge, nous fabriquions le Citan pour Mercedes. À Douai, nous allons fabriquer la Micra pour Nissan. Cela nécessitera des plateformes stabilisées. Nous ne prévoyons donc pas de révolution dans ce domaine. Les investissements déjà réalisés seront conservés.

Vis-à-vis du foncier, les législations portées en France posent la question des obligations de compensation qui existent, et des zones concernées par le « ZAN ». Comment faire pour réindustrialiser la France sans disposer du foncier nécessaire ? À cet égard, certains élus locaux font face à des problèmes insolubles.

Dans ce contexte, il arrive que, dans le cadre de la réorganisation de nos usines, nous soyons en mesure de valoriser des terrains. Tel est le cas à Flins ou à Cléon. À Cléon, nous avons loué 25 000 m2 à Ebusco, qui va fabriquer des bus électriques pour la métropole de Rouen. Chaque fois que nous le pourrons, nous nous efforcerons ainsi de réutiliser le foncier que nous libérons. Au-delà de ce que nous pouvons ainsi faire, la régulation du foncier, à travers le « ZAN » et les compensations, reste toutefois entre vos mains.

La part de notre chiffre d'affaires liée à l'électrique a connu un important développement au cours des deux dernières années. Aujourd'hui, l'électrique représente 16 % des ventes de Renault. Cette part était inférieure à 10 % il n'y a pas si longtemps. En intégrant l'hybride, cette part atteint même près de 40 %. La suite dépendra du maintien des aides à l'achat, tant que nous n'aurons pas réussi à réduire suffisamment nos coûts. Au regard de la situation des finances publiques, il ne serait pas raisonnable de maintenir éternellement ces aides. Il nous faut néanmoins faire preuve de pragmatisme. Les Allemands ont supprimé de manière brutale leurs subventions, déséquilibrant le marché, avec le risque d'induire une forme de tassement en 2024. Paradoxalement, si le marché du véhicule électrique diminue relativement, ne serait-ce que temporairement, il nous faudra être davantage présents, avec des modèles différents, pour respecter la règlementation.

Vis-à-vis des bornes de recharge, nous étions en retard mais nous progressons. Nous avons enfin dépassé la barre des 100 000 bornes en France. Cependant, compte tenu des besoins qui se précisent, nous avons devant nous un champ considérable d'investissements dans les infrastructures, au-delà des autoroutes. Le public-privé constituera probablement la réponse à cette question.

Pour le multimodal, nos équipes sont créatives. Cependant, Renault n'est pas aujourd'hui présent dans l'industrie du vélo. Pour l'instant, les possibilités se résument à stocker des vélos pliants dans les véhicules.

M. Henri Cabanel. - Vous avez accéléré votre partenariat avec Google autour de la technologie numérique. Or cette entreprise s'est vu infliger par l'autorité de la concurrence, en 2021, une amende de 220 millions d'euros et, ce matin même, une autre amende de 250 millions d'euros. Cela pourrait-il nuire à l'image de Renault ? Par ailleurs, une dépendance à l'égard de Google ne pourrait-elle pas, à terme, fragiliser le groupe Renault ? Enfin, qu'en est-il du risque de perte de contrôle d'un véhicule électrique ?

M. Franck Montaugé. - En réponse à l'IRA (Inflation Reduction Act) des États-Unis, l'Union européenne a pris une initiative baptisée « Net-Zero Industry Act ». Ce dispositif ne prévoit pas, à ce stade, de financements de soutien à l'industrie européenne, en particulier dans le domaine du véhicule. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Vous avez par ailleurs souligné l'importance, pour la compétitivité de votre entreprise, des prix de l'électricité. À cet égard, qu'attendez-vous de la réforme du marché européen de l'électricité ? Dans le cadre de cette réforme, les industriels souhaiteraient pouvoir bénéficier d'une visibilité sur l'évolution des prix de l'électricité et d'une stabilité de cet élément important de leurs coûts de production. Les dispositifs annoncés, s'agissant notamment des PPA, sont-ils de nature à répondre à vos attentes ?

En parallèle, qu'attendez-vous de l'État français pour accompagner vos efforts en matière de compétitivité ?

M. Lucien Stanzione. - Autour des carburants alternatifs et synthétiques, quelles sont vos échéances ? Avec quels partenaires industriels comptez-vous par ailleurs traiter la question de la distribution ?

M. Daniel Laurent. - L'an dernier, nous avons eu le plaisir de visiter le site de Flins. Nous y avons découvert la première usine européenne dédiée à l'économie circulaire. Nous savons que le marché de l'occasion fonctionne toujours bien. Votre ambition à cet égard est-elle confirmée ? Est-ce aujourd'hui une réussite ? Souhaitez-vous poursuivre dans cette voie ? Le prix des véhicules neufs demeurant élevé, l'occasion pourrait apporter une solution aux personnes à faibles revenus.

M. Jean-Dominique Senard. - Ces dernières années, l'Europe n'avait pas d'acteur mondial puissant dans le domaine du digital. Nous avons cet espoir pour l'avenir. Cependant, aujourd'hui, cela n'est pas encore une réalité. Nous avons des startups formidables en France, autour de l'IA notamment. Si cela doit générer un acteur européen à la puissance mondiale, nous serons les premiers à être à ses côtés.

Dans ce contexte, Google nous a permis d'apprendre et de comprendre comment progresser vers une maitrise du digital et de la connectivité avec le monde extérieur. Heureusement que nous avons noué ce partenariat. Grâce aux technologies apportées par Google, autour de la commande vocale et d'autres usages, nous sommes aujourd'hui capables de produire des véhicules étonnants. Google nous aide aussi en matière de cybersécurité.

Notre rapport avec Google est de surcroît bien construit. Nous ne sommes pas soumis à Google. Google est un partenaire qui nous apporte des éléments de compréhension et de développement, que nous rémunérons. Cependant, nous conservons notre indépendance dans le traitement des données. Toutes les barrières ont été prévues pour que les données des véhicules ne soient pas exploitées par Google. Nous protégeons les données qui doivent appartenir au groupe Renault. Nous procédons ainsi avec l'ensemble des acteurs, y compris français, avec lesquels nous travaillons. Il n'y a donc pas, dans notre partenariat avec Google, de danger de perte de connaissances ou de données. Ce partenariat nous a permis d'énormément progresser. Nous n'avions pas d'acteur équivalent à solliciter en Europe.

L'IRA est un exemple parfait des enjeux géopolitiques qui nous concernent aujourd'hui. Joe Biden a mis en place un dispositif très fordiste, avec d'énormes aides d'État, tout en conditionnant ces subventions et ces aides fiscales à la poursuite d'objectifs de décarbonation et à la localisation de la production future des véhicules décarbonés aux États-Unis. Du reste, la chance que les États-Unis ont, et que nous n'avons pas, est de disposer de ressources minières. Ils peuvent ainsi étaler dans le temps leur décarbonation, en développant des usines de batteries, pour les alimenter ensuite avec des métaux locaux. Les États-Unis souhaitent ainsi créer une industrie décarbonée, massivement soutenue par l'État, mais intelligemment reprise par le secteur privé. En complément, ils s'assurent qu'aucun véhicule chinois ne rentre aux États-Unis.

Face au bloc chinois et asiatique et à ce bloc de l'IRA, nous avons un déficit de politique industrielle européenne. C'est tout l'objet de la note que Luca de Meo a rendue publique hier, incitant la future mandature européenne à se pencher sérieusement sur la question. Il nous faudra notamment aborder la question des matériaux, dont la Chine et les États-Unis disposent et dont nous ne disposons pas.

M. Franck Montaugé. - Êtes-vous partie prenante des réflexions menées au niveau européen, sur les PIIEC notamment ?

M. Jean-Dominique Senard. - Nous sommes partie prenante des politiques européennes visant à sécuriser l'accès aux ressources nécessaires à la décarbonation de notre industrie.

Dans le monde d'aujourd'hui, fait de rapports de force, les seuls pôles qui connaissent aujourd'hui une croissance significative de leur industrie sont ceux bénéficiant d'une union entre l'économie, l'industrie et le politique, voire le militaire. Si les États-Unis s'intéressent à l'Australie, c'est aussi pour ses minéraux. C'est l'illustration d'une politique stratégique. Il faut donc que l'Europe s'empare de ce sujet et traite de façon commune la question de l'acquisition des ressources.

La question du prix de l'énergie devra également être traitée au niveau européen. Du reste, à cet égard, la France, si elle met en oeuvre sa politique nucléaire, va pouvoir être relativement indépendante. Si nous avions la capacité énergétique qui convient, nous serions exportateurs d'énergie, comme nous l'avons longtemps été. Heureusement, nous sommes aujourd'hui en train de reprendre notre politique nucléaire, pour reprendre notre position exportatrice.

Le prix de l'énergie dépendra de notre capacité à créer du volume d'énergie. À cet égard, j'ai déjà évoqué les investissements massifs à considérer, dans le nucléaire et les EPR notamment. Il dépendra également de notre capacité à nous déconnecter du prix du gaz.

J'ajouterai que la France a pris des dispositions très intelligentes, liant le subventionnement des véhicules électriques à des conditions assez équivalentes à celles de l'IRA. Depuis 2024, les subventions à l'achat d'un véhicule électrique sont conditionnées à une équation écologique, imposant que les pièces respectent des normes en matière de décarbonation et de localisation de leur production- ces normes étant appelées à se resserrer au fur et à mesure, pour permettre une concurrence raisonnable. Ce sujet nécessiterait d'être porté au niveau européen.

Je ne peux par ailleurs que louer la relation que le groupe Renault entretient, de manière très naturelle, avec l'État français. L'État français est un de nos actionnaires importants. Il a accompagné toutes nos stratégies et notre rebond. Il a validé toutes nos décisions. Nous entretenons ainsi une relation sans la moindre ombre avec l'APE et l'État en général. Un partenariat public-privé aussi intelligent est ce qui fait notre force.

Pour la distribution, nous nous appuyons sur notre propre réseau et sur des concessionnaires. Notre modèle demeure inchangé. Avec Luca de Meo, nous avons toutefois souhaité instaurer une relation extraordinairement fluide avec nos concessionnaires, car ce sont eux qui font notre force commerciale. Nos concessionnaires, souvent des entreprises familiales, sont d'une fidélité incroyable et portent le groupe Renault, parfois depuis des générations. Nous ne saurions donc dégrader notre relation avec eux. Cette « famille Renault » a vocation à être l'un des fers de lance de notre distribution. Nous avons discuté avec eux de notre souhait de passer d'un modèle reposant sur le volume à un modèle reposant sur la valeur. Cette évolution a nécessité quelques ajustements. Aujourd'hui, cela se passe bien et je suis plutôt heureux de la relation entre Renault et ses concessionnaires.

Pour ce qui est des véhicules d'occasion, l'usine de Flins a déjà rénové 34 000 véhicules. Les agents qui travaillent sur ces véhicules fournissent un travail extraordinaire. Dans ce cadre, nous récupérons également des pièces de la destruction des véhicules hors d'âge, ce qui s'inscrit dans une tradition assez unique et plutôt rentable de Renault. Il s'agit d'une grande fierté. Nous allons donc évidemment continuer à développer cette activité.

En conclusion, je vous remercie pour votre attention. Ces échanges sont précieux, alors que notre industrie vit un moment exceptionnel et a besoin d'être soutenue. Notre engagement pour la France, quant à lui, demeurera très fort.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci, Monsieur le président, de nous avoir consacré ce temps et d'avoir répondu à nos questions avec précision, engagement, passion et enthousiasme. Nous y sommes particulièrement sensibles. Nous avons également pris note de votre invitation à venir essayer les véhicules Renault.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 heures.

Projet de loi autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part - Examen de l'amendement de séance

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous avons adopté la semaine passée en commission l'amendement de notre rapporteur pour avis, M. Laurent Duplomb, qui proposait la suppression de l'article 1er du projet de loi sur l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada. Cet amendement a ensuite été adopté par la commission des affaires étrangères, avant que cette même commission ne rejette l'ensemble du projet de loi.

Pour cette raison, le texte qui arrivera en séance publique demain matin à partir de 10 h 30 sera le même que celui transmis par l'Assemblée nationale. Aussi, je propose que notre rapporteur pour avis M. Laurent Duplomb, dont la position n'a pas changé sur le CETA, puisse redéposer cet amendement en vue de son examen en séance publique. Le délai limite ayant été fixé à l'ouverture de la discussion générale, notre commission doit l'adopter formellement ce matin. La commission des affaires étrangères, dont le rapporteur avait également proposé la suppression de l'article 1er, s'est réunie une première fois ce matin et a déjà adopté un amendement identique.

Qui est pour ? Contre ? Abstention ?

L'amendement est adopté.

Je vous remercie.

La réunion est close à 12 h 10.