Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE-K) publiée le 28/03/2024

Mme Michelle Gréaume appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la réforme des diplômes d'État de danse envisagée dans la proposition de loi n° 1149 de deux députées, visant à élargir les esthétiques de danse concernées par la loi n° 89 468 du 10 juillet 1989 relative à l'enseignement de la danse.
Parmi les disciplines nommées et concernées dans cette proposition de loi figure la danse hip hop, mouvement emblématique des cultures urbaines et populaires, au sein duquel des inquiétudes importantes émergent.
Sous prétexte d'apporter une garantie de sécurité et de qualité aux élèves et à leurs parents, ce texte prévoit d'imposer un cadre rigide à une pratique, la danse hip hop, dont l'identité est spécifiquement liée à une autodidaxie et une transmission horizontale, loin des standards académiques. Aucune étude attestant de la mauvaise qualité des enseignements ou de la survenance d'accidents et de blessures physiques supérieure à la moyenne n'a démontré la nécessité de sanctionner l'absence de diplôme des professeurs actuels de hip hop.
Ainsi, ces derniers, ayant aujourd'hui construit leur légitimité professionnelle en interne, reconnus par leurs pairs et leurs élèves, devraient se conformer à un cadre totalement en opposition avec la philosophie et l'histoire de ce mouvement qui s'est toujours organisé de manière autonome et basé sur un système de transmission qui lui est propre.
En outre, cette réglementation participerait à exclure celles et ceux qui en ont été les pionniers et ont contribué à l'implantation et au rayonnement de cette culture : la mise en place du diplôme obligatoire instaurerait une forme de sélection sociale, compte tenu du coût de la formation et de sa durée, notamment. Sans compter la pénurie de professeurs que cela pourrait provoquer, ceux ci étant soumis à une formation de 3 ans avant de pouvoir pratiquer.
La culture hip hop est attachée aux valeurs de l'éducation populaire. Elle a permis le rayonnement des danses populaires françaises à l'international, l'accessibilité à toutes et tous à la créativité et à l'expression de soi dans l'espace public, quel que soit le milieu social ou culturel. Il est à craindre que le fait de placer la pratique sous le coup d'une loi contraignante ne fera que participer à sa gentrification et sa désappropriation.
C'est la raison pour laquelle elle lui demande quelle alternative elle peut mettre en place pour préserver la danse hip hop du cadrage légal qui la vise, afin de laisser cet art autonome s'exprimer dans un cadre moins contraignant.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 13/06/2024

La proposition de loi n° 1149 visant à professionnaliser l'enseignement de la danse en tenant compte de la diversité des pratiques a pour objectif de faire évoluer les disciplines chorégraphiques qui le souhaiteront par la structuration de leur filière d'enseignement et de valoriser les parcours professionnels des artistes-enseignants par l'acquisition d'un diplôme d'État. La limitation du champ d'application sera clairement inscrite dans la loi afin de clarifier la portée du dispositif de diplomation et de préciser que seules seront concernées par ces dispositions les esthétiques figurant dans le décret. La proposition de loi n'impose pas l'obtention d'un diplôme d'État de manière indéterminée. Le texte présenté, à l'instar de celui de 1989, ne s'applique pas au secteur de l'animation dès lors qu'il n'exerce pas une activité d'enseignement. Les animateurs ont une activité et un statut spécifiques ne relevant pas de l'enseignement artistique. De nombreux animateurs travaillent dans le secteur associatif : maisons des jeunes et de la culture (MJC), maisons de quartier, foyers de jeunes travailleurs, associations d'éducation populaire (foyers ruraux …), en milieu périscolaire, structures de loisirs, centres culturels, auprès des personnes âgées, des personnes en situation de handicaps, de publics en difficulté. Les diplômes de l'animation sont dans l'ensemble délivrés par les ministères de la santé et de la jeunesse et des sports, à l'instar du BAPAAT (brevet d'aptitude professionnel d'assistant animateur technicien de la jeunesse et des sports), du BPJEPS (brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport) ou du BAFA (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur). La proposition de loi se rapporte à l'activité d'enseignement de la danse dans le champ de l'enseignement artistique. Cette activité consiste en la transmission de compétences techniques, artistiques et stylistiques dans le domaine chorégraphique, inscrites dans une progression d'acquisitions conformément à un programme pédagogique. Le dispositif du diplôme d'État de professeur de danse marque le point d'aboutissement d'un cursus d'enseignement structuré. Ce dernier ne concerne pas ni ne limite l'autodidaxie et la transmission horizontale au sein de la communauté hip hop. La mise en place du diplôme d'État n'instaure aucune forme de sélection sociale. Le coût moyen de la formation au diplôme d'État de professeur de danse varie entre 500 euros dans un centre public subventionné et 8 000 euros en centre privé. Des prises en charge sont possibles. Les aides diffèrent selon le statut du candidat : demandeur d'emploi (antenne France Travail) ; jeune issu du milieu scolaire ou étudiant (possibilité d'obtenir une bourse CROUS en fonction des revenus fiscaux) ; intermittent du spectacle ou salariés en CDD / CDI (possibilité d'une prise en charge par l'Opérateur de Compétences - OPCO). Concernant la situation des professionnels actuellement en exercice, l'institution d'une mesure transitoire a été prévue afin de permettre à ceux qui ont enseigné la danse de pouvoir prétendre au titre de professeur de danse par le biais de la dispense. Cette procédure simplifiée vise à reconnaître les parcours et les compétences des pédagogues afin de leur permettre de dispenser l'enseignement de leur esthétique au même titre que les futurs diplômés. L'actuel prérequis de pratique pédagogique conduite auprès de publics diversifiés, notamment en termes d'âge et de niveau technique, et équivalant à au moins cinq ans à temps plein (soit 3 600 heures) au cours des dix années précédant la demande de dispense sera ajusté en fonction des spécificités des esthétiques entrantes. En termes d'employabilité, l'enjeu de la proposition de loi est de mettre à niveau un diplôme et une profession. Si la loi est votée, la protection du titre de professeur de danse sera maintenue et élargie. Un nombre plus important de professionnels pourra obtenir le diplôme d'État. Ces derniers auront ainsi l'opportunité d'entrer dans une dynamique de carrière ouverte sur le privé comme sur le public. L'intégration dans la fonction publique territoriale sera envisageable en tant qu'assistant territorial d'enseignement artistique (ATEA), cadre d'emploi au sein des conservatoires. Il sera également possible d'exercer au sein de l'enseignement supérieur en fonction des parcours. Les ressortissants étrangers venant travailler en France pourront, s'ils le souhaitent, s'inscrire dans le droit commun des démarches simplifiées existantes, notamment les dispenses ou équivalences, partielles ou totales. L'évolution du cadre législatif est fortement attendue par un grand nombre de professionnels. Les réflexions et travaux ont débuté dès 2012 au sein de la commission consultative paritaire du spectacle vivant (CPC SV) et toutes les organisations soulignent désormais l'urgence d'élargir le bénéfice du diplôme à de nouvelles esthétiques chorégraphiques au-delà des danses classique, contemporaine et jazz déjà concernées, tout en renforçant le contrôle des exigences de sécurité et de santé publique afin de garantir l'intégrité physique de tous les pratiquants.

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