III. DES MENACES PERSISTANTES CONDUISENT À DEMANDER UNE MESURE DE SOUTIEN À L'ARMÉNIE DANS LE CADRE DE LA FACILITÉ EUROPÉENNE POUR LA PAIX

A. DES MENACES RÉELLES

L'Arménie fait face à des menaces, persistantes de la part de l'Azerbaïdjan, croissantes de la part de la Fédération de Russie, qui voit d'un mauvais oeil le rapprochement opéré entre l'Arménie et l'Union européenne.

Les menaces émanent bien sûr toujours de l'Azerbaïdjan mais aussi de la Turquie, qui ont des vues hégémoniques sur le Caucase du Sud.

Alors que les deux pays poursuivent des négociations de paix, l'Azerbaïdjan emploie une rhétorique agressive et essaie d'imputer à l'Arménie une volonté d'escalade des tensions. Les autorités de Bakou ont ainsi accusé l'Arménie de masser des troupes à la frontière. Le 31 mars dernier, la mission civile de l'Union européenne a effectué des patrouilles pour le vérifier et a déclaré n'avoir observé aucun mouvement militaire inhabituel de la part de la partie arménienne.

La rapporteure souligne également que le Président Aliev parle régulièrement de l'Arménie comme de « l'Azerbaïdjan occidental », ce qui tend à nier purement et simplement la réalité de ce cet État.

La menace est palpable et l'Azerbaïdjan n'a pas renoncé à établir un passage traversant le sud de l'Arménie, pour assurer une continuité jusqu'à l'enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan6(*) et pouvoir ensuite rejoindre la Turquie, qui dispose d'une frontière d'à peine 10 kilomètres avec le Nakhitchevan.

Les autorités de l'Azerbaïdjan tiennent en outre des propos agressifs vis-à-vis de l'Union européenne et de certains États membres, au premier rang desquels la France, contestant de plus ouvertement les valeurs de démocratie, d'État de droit et de droits de l'homme.

Cette situation a d'ailleurs conduit le Bureau du Sénat à prendre des mesures restreignant les activités du groupe interparlementaire d'amitié avec l'Azerbaïdjan7(*), mais aussi l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à suspendre jusqu'à nouvel ordre la participation de la délégation parlementaire de l'Azerbaïdjan à ses travaux8(*), en soulignant que le pays n'a pas rempli les « engagements majeurs » découlant de son adhésion au Conseil de l'Europe il y a vingt ans.

Mais les menaces à l'encontre de l'Arménie émanent également désormais, et de plus en plus fortement, de la Fédération de Russie, qui voit d'un très mauvais oeil le rapprochement en cours entre l'Arménie et l'Union européenne, mais aussi la ratification par l'Arménie du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, dont elle est devenue le 1er février 2024 le 124ème État partie.


* 6 La République autonome du Nakhitchevan est aujourd'hui une région de l'Azerbaïdjan, sans continuité territoriale avec le reste du pays. Annexé par la Russie en 1828, le Khanat du Nakhitchevan fut inclus dans l'oblast arménien puis dans le gouvernement d'Erevan. Sous la domination soviétique, en 1921, Joseph Staline décida de rattacher le Nakhitchevan à l'Azerbaïdjan, en le dotant d'un statut de région autonome. Les Arméniens représentaient, avant la soviétisation, environ la moitié de la population de cette région, qui a été progressivement vidée de sa population arménienne. Les traces de la présence arménienne, des églises jusqu'aux tombes, ont également fait l'objet d'une politique d'effacement méthodique. Une étude de chercheurs de l'Université de Cornell (Caucasus Heritage Watch, “Silent Erasure: A Satellite Investigation of the Destruction of Armenian Cultural Heritage in Nakhchivan, Azerbaijan”), publiée en septembre 2022, a estimé que 98 % du patrimoine religieux arménien répertorié (églises, monastères et cimetières) avait été détruit entre 1997 et 2011.

* 7 Lors de sa réunion du 14 décembre 2023, le Bureau du Sénat a décidé de restreindre les activités des groupes interparlementaires d'amitié avec la Russie et la Syrie, ainsi qu'avec l'Azerbaïdjan au sein du groupe régional « France-Caucase », aux seules auditions de chercheurs, de journalistes ou d'opposants, les liens avec les ambassades, les homologues parlementaires et les autorités de ces pays étant gelés.

* 8 Résolution 2527 (2024) sur la contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de l'Azerbaïdjan, adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 24 janvier 2024.

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