Projet de loi Prévention d'actes de terrorisme et renseignement

Direction de la Séance

N°5

17 juin 2021

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 695 , 694 , 685, 690)


Exception d'irrecevabilité

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Motion présentée par

Mme BENBASSA, MM. GONTARD, BENARROCHE, DANTEC, DOSSUS, FERNIQUE et LABBÉ, Mme de MARCO, M. PARIGI, Mme PONCET MONGE, M. SALMON, Mme TAILLÉ-POLIAN

et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires


TENDANT À OPPOSER L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

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En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement adopté par la commission des lois le 16 juin 2021 (n° 695).

Objet

La présente motion propose de déclarer irrecevable le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, en raison des risques d’irrecevabilités constitutionnelles de certaines de ses dispositions et des atteintes à la liberté d’aller et venir, au secret des correspondances, au secret professionnel, à la vie privée et familiale qu’il risque de faire peser sur nos concitoyens. 

En premier lieu, le projet de loi reprend dans son article 5 des dispositions déjà censurées. La proposition de loi n° 2020-1023 du 10 août 2020 “ Mesures de sûreté” a fait l’objet d’une large censure du Conseil constitutionnel dans sa décision n°2020-805 DC du 7 août 2020, au motif que la mesure de sûreté n’était pas adaptée et proportionnée à l’objectif de prévention poursuivi et contrevenait à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale. Il n’est donc pas concevable que le Parlement introduise dans un projet de loi une mesure précédemment jugée attentatoire aux libertés individuelles et écartée par le Conseil constitutionnel.

En second lieu, la pérennisation des dispositions de la loi SILT prévue aux articles 1 à 4 du projet de loi mène à l'introduction de mesures liberticides exorbitantes du droit commun, telles que la perquisition administrative, l’assignation à résidence, les périmètres de protection. La multiplication des états d'urgence, la prorogation de ces mesures puis leur pérennisation ont pour effet de limiter nos libertés publiques individuelles, sous couvert des impératifs de sécurité des concitoyens.Le recours intensif à des procédures administratives - jugées plus rapides que les procédures judiciaires - doit nous alerter, en ce qu’elles contournent le contrôle du juge judiciaire, garant des libertés individuelles conformément à l’article 66 de la Constitution.

En troisième lieu, la surveillance généralisée des URL prévue à l’article 13 et 14 porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ; pourtant reconnue comme principe à valeur constitutionnelle depuis la décision n°99-416 DC du Conseil constitutionnel. La CNIL estime en effet que le recueil des URL est susceptible de faire apparaître des informations relatives au contenu des éléments consultés ou aux correspondances échangées. Sur l’ensemble des dispositifs qui concernent le déploiement des mesures de renseignement, une procédure de validation a été instituée, sans aucun caractère contraignant, effectuée par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Le Premier Ministre peut ainsi toujours déroger à l’avis de cette Commission, ce qui nous semble problématique. La préservation d’un strict équilibre entre la sécurité publique, la protection des intérêts fondamentaux de la Nation et le respect de la vie privée nécessite des garanties et le contrôle par une autorité indépendante du pouvoir politique.

Enfin, les restrictions à l'accès aux archives contreviennent au droit d’accès aux documents administratifs, pourtant consacré par la décision n° 2020-834 du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. La défense nationale ne peut être une justification à l'entrave du travail des chercheurs.



La majorité sénatoriale, dans le cadre de la Loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, avait déjà tenté de réécrire les dispositifs les plus liberticides. Cela n'a pas empêché leur censure par le Conseil constitutionnel. De tels procédés illustrent la seule intention d’affichage politique de ces lois sécuritaires, en dépit de toute réflexion sur leur validité juridique.



NB :En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant les orateurs des groupes.