Projet de loi République numérique

Direction de la Séance

N°95 rect.

26 avril 2016

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 535 , 534 , 524, 525, 526, 528)


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

M. LELEUX, Mmes DURANTON et LOPEZ et MM. DUFAUT, BOUCHET et KAROUTCHI


ARTICLE 17

Consulter le texte de l'article ^

Alinéa 2, seconde phrase

1° Remplacer le mot :

six

par le mot :

douze

2° Remplacer le mot :

douze

par le mot :

vingt-quatre

Objet

Les délais de mise en accès gratuit étaient initialement fixés à 12 et 24 mois et ont été réduits par le Gouvernement à 6 et 12 mois à la condition d’être compensés par une « politique d’accompagnement » des éditeurs privés.

 C’est dans ces circonstances que le Premier Ministre a adressé un courrier le 23 novembre 2015 au Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, lui demandant de proposer, sous deux mois, un plan « de soutien, d’incitation et d’accélération du passage au libre accès pour les éditeurs scientifiques français ».

 Or, il ressort des derniers travaux qu’aucun plan d’accompagnement ne sera mis en œuvre, seules quelques mesures extrêmement floues étant confusément envisagées, sans concertation avec les parties intéressées, sans étude sérieuse sur l’économie de l’édition scientifique française et sur le passage au financement des revues en amont (sans même que ce financement soit chiffré ou garanti d’être assuré).

 En tout état de cause,les publications ont une certaine durée de vie commerciale, variant en fonction des disciplines et des revues. Ne pas tenir compte de cette durée risquerait de porter gravement atteinte au fonctionnement du marché de l’édition. A terme, une partie de l’édition scientifique et universitaire risquerait même d’être détruite, portant ainsi atteinte à la liberté d’expression des auteurs français qui auraient beaucoup moins de possibilités de publier, à la diffusion de l’information scientifique et de la culture et aux emplois dans ces secteurs éditoriaux.

 En particulier, des embargos de 6 mois en STM et de 12 mois en SHS seraient à l’évidence trop courts comme le démontrent plusieurs études :

 -                     L’étude accomplie par l’IDATE en 2015 pour le compte de Cairn au sujet des revues de sciences humaines et sociales (SHS) de langue française a conclu que l’imposition d’un embargo de 12 mois en SHS mènerait à l’arrêt vraisemblable du portail franco-belge de diffusion de revues et livres numériques francophones SHS, Cairn.info, et à la disparition probable d’un grand nombre des quelques 400 revues académiques francophones qu’il diffuse, et ce au détriment du rayonnement de la pensée française, soit un résultat inverse à celui recherché par les promoteurs de la mesure.

-                     En Sciences Technique et Médecine (STM), une étude britannique démontre que les bibliothèques résilieraient leurs abonnements aux revues payantes dans 35% des cas si les articles scientifiques étaient systématiquement déposés dans des archives ouvertes moins de 6 mois après leur publication dans des revues (Etude de l'ALPSP (Association of Learned, Professional and Society Publishers) et du syndicat des éditeurs britanniques (UK PA) intitulée “The potential effect of making journals free after a six month embargo” ; mai 2012). Un embargo de 6 mois mènerait donc également à la disparition des éditeurs scientifiques français de STM ; ainsi qu’à une présence affaiblie de la recherche française dans les revues diffusées par les grands portails STM anglophones.

 A ce jour, ni les pays membres de l’Union Européenne ayant légiféré sur ce point, ni a fortiori les Etats-Unis, ne se sont engagés dans la mise en place de délais aussi courts que ceux recommandés, à l’origine, par la Commission Européenne, et la pratique générale est celle d’un embargo minimum de 12 mois.

 Il serait dangereux pour la recherche française, dont l’impact dépend très largement de sa capacité à être présente dans des publications internationales de qualité, de la soumettre à une législation radicalement différente de ce qui est appliqué dans les principaux pays voisins ou concurrents.

 Une telle mesure créerait en outre des distorsions de concurrence entre les éditeurs privés et les éditeurs publics, subventionnés et pouvant donc se permettre la gratuité. A terme, elle profiterait principalement aux géants d’Internet qui pourront « aspirer » ces contenus et proposer leurs propres produits, sans avoir investi ni assuré la qualité des contenus d’origine.

 Il est donc impératif de revenir aux délais d’embargo initialement prévus de 12 mois en STM et de 24 mois en SHS.

 



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.